CA Paris, Pôle 5 ch. 7, 21 avril 2022, n° 20/16953
PARIS
Arrêt
PARTIES
Demandeur :
Sony Interactive Entertainment France (SA), Sony Interactive Entertainment Europe Limited (Sté)
Défendeur :
Subsonic (SAS), Ministre chargé de l'Economie
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. Barbier
Conseillers :
Mme Maitrepierre, Mme Tréard
Avocats :
Me Boccon-Gibod, Me Philippe, Me Rigal-Alexandre, Me Mortemard de Boisse
Vu la décision de l'Autorité de la concurrence nº 20-S-01 du 23 octobre 2020 relative à des pratiques mises en œuvre dans le secteur des consoles statiques de jeux vidéo de huitième génération et des accessoires de contrôle compatibles avec la console PlayStation 4 ;
Vu la déclaration de recours et l'exposé des moyens, déposés au greffe les 26 novembre et 22 décembre 2020, par les sociétés Sony Interactive Entertainment Europe Limited et Sony Interactive Entertainment France ;
Vu la déclaration d'intervention volontaire et les observations au soutien de celle-ci, déposées au greffe les 21 janvier et 22 février 2021, par la société Subsonic ;
Vu les observations déposées au greffe le 8 juin 2021 par l'Autorité de la concurrence ;
Vu la lettre du ministre chargé de l'économie du 1er juin 2021, reçue au greffe par courriel le 8 juin 2021, indiquant ne pas faire usage de la faculté de présenter des observations ;
Vu le mémoire récapitulatif déposé au greffe le 13 septembre 2021 par la société Subsonic ;
Vu le mémoire en réplique déposé au greffe le 14 décembre 2021 par les sociétés Sony Interactive Entertainment Europe Limited et Sony Interactive Entertainment France ;
Vu l'avis du ministère public du 11 février 2022, communiqué le même jour aux parties et à l'Autorité de la concurrence ;
Après avoir entendu en audience publique du 11 février 2022, les conseils des sociétés Sony Interactive Entertainment Europe Limited et Sony Interactive Entertainment France et de la société Subsonic, les représentants de l'Autorité de la concurrence, puis le ministère public, les parties ayant été en mesure de répliquer.
FAITS ET PROCÉDURE
1. La société Subsonic (ci-après « Subsonic ») produit et commercialise des accessoires de consoles de jeux vidéo, notamment des manettes destinées aux consoles de jeux PlaySation 4 (ci-après « les consoles PS4 »). Ces consoles de jeux, dites de la huitième génération, ont été mises sur le marché en novembre 2013. Le groupe Sony fabrique et commercialise ces consoles de jeux, ainsi que les manettes compatibles avec celles-ci.
2. Par lettre du 20 octobre 2016, Subsonic a saisi l'Autorité de la concurrence (ci-après « l'Autorité ») de plusieurs pratiques qui auraient été mises en œuvre par le groupe Sony, concernant, notamment :
d'une part, la politique d'octroi de licences à des tiers leur permettant d'être assurés de la compatibilité des manettes qu'ils produisent et commercialisent avec les consoles de jeux PS4 ;
d'autre part, le déploiement de mesures techniques affectant la comptabilité des manettes avec les consoles de jeux PS4, lorsque les tiers qui produisent et commercialisent ces manettes ne bénéficient pas desdites licences (ce qui est le cas de Subsonic).
3. Le 17 octobre 2019, le rapporteur auprès de l'Autorité, en charge de l'instruction du dossier, a établi une note d'évaluation préliminaire. Cette note a été adressée à plusieurs sociétés du groupe Sony, à savoir :
— la société Sony Interactive Entertainment Europe Limited (ci-après « SIEE »), société de droit anglais chargée notamment de la gestion du programme des licences ;
— la société Sony Interactive Entertainment France (ci-après « SIEF »), chargée du marketing et de la vente des produits Sony relevant de « l'environnement PlayStation » ;
— les sociétés faîtières, Sony Interactive Entertainement Inc. et Sony Corporation.
4. Aux termes de cette note, il est indiqué :
tout d'abord, que les pratiques concernant la politique d'octroi des licences et le déploiement des mesures techniques suscitent des préoccupations de concurrence ;
ensuite, que « les sociétés en cause sont susceptibles d'avoir abusé de leur position dominante » dans la mesure où « ces pratiques sont susceptibles d'avoir freiné ou empêché, voire dissuadé, l'entrée et le développement de tiers sur le marché des manettes de jeux compatibles avec la console PS4, privant ainsi les consommateurs d'une offre diversifiée et potentiellement moins chère » ;
enfin, que les sociétés en cause disposent d'un délai d'un mois à compter de la réception de la présente note pour formaliser des propositions d'engagements de nature à mettre un terme à ces préoccupations de concurrence.
5. Le 18 novembre 2019, SIEE a transmis à l'Autorité une première proposition d'engagements. Conformément à l'article R. 464-2 du code de commerce, le 22 novembre 2019, cette proposition d'engagement a été communiquée à la société saisissante (Subsonic) et au commissaire du gouvernement et a fait l'objet d'une publication sur le site de l'Autorité, comprenant un résumé de l'affaire et de ladite proposition, afin de permettre aux tiers intéressés de présenter leurs observations (test de marché).
6. Afin de répondre aux observations formulées à ce titre, SIEE a transmis à l'Autorité, le 23 juin 2020, une deuxième proposition d'engagement.
7. L'examen de l'affaire par l'Autorité a donné lieu à deux suspensions de séance, en juillet 2020, pour permettre au groupe Sony de modifier ses propositions d'engagements, ce qu'il a fait, une troisième puis une quatrième proposition d'engagements ayant été transmises par SIEE à l'Autorité le 30 juillet et ensuite le 7 septembre 2020.
8. Estimant que cette ultime proposition d'engagement ne pouvait être acceptée, faute de répondre de manière pertinente aux préoccupations de concurrence identifiées par le rapporteur dans sa note d'évaluation préliminaire, l'Autorité a décidé de renvoyer le dossier à l'instruction. Il s'agit de la décision nº 20-S-01 du 23 octobre 2020 relative à des pratiques mises en œuvre dans le secteur des consoles statiques de jeux vidéo de huitième génération et des accessoires de contrôle compatibles avec la console PlayStation.
9. SIEE et SIEF ont formé un recours contre cette décision (ci-après « la décision attaquée »).
10. Aux termes de leur exposé des moyens et de leurs dernières écritures, elles demandent à la Cour : d'annuler la décision attaquée ;
En conséquence,
à titre principal, de renvoyer le dossier devant l'Autorité dans l'état où il se trouvait avant la décision attaquée ;
à titre subsidiaire, de juger que les derniers engagements proposés répondent de façon satisfaisante à l'évaluation préliminaire, de les accepter et les rendre obligatoires à compter de l'arrêt à intervenir.
En tout état de cause,
de condamner l'Autorité à leur verser la somme globale de 10 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;
de condamner l'Autorité aux entiers dépens.
11. Subsonic est intervenue volontairement à l'instance. Aux termes de ses écritures, elle demande à la Cour :
à titre principal, de déclarer le recours irrecevable ;
à titre subsidiaire, de rejeter la demande d'annulation de la décision attaquée ;
à titre infiniment subsidiaire, de rejeter la demande en réformation de cette décision ;
en tout état de cause, de condamner solidairement SIEE et SIEF à lui verser la somme de 10 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile et à payer les entiers dépens.
12. L'Autorité invite la Cour :
à titre principal, à déclarer le recours irrecevable ;
à titre subsidiaire, à rejeter la demande d'annulation ;
à titre très subsidiaire, à rejeter la demande d'évocation de l'affaire ;
à titre infiniment subsidiaire, à écarter les engagements proposés et à renvoyer le dossier aux services de l'instruction.
13. Le ministère public invite la Cour à déclarer le recours irrecevable.
MOTIVATION
I. SUR LA RECEVABILITÉ DU RECOURS
14. Au soutien de la recevabilité de leur recours, qui est contestée, SIEE et SIEF prétendent, en premier lieu, que, sous couvert d'une simple décision de renvoi à l'instruction, la décision attaquée constitue, en réalité, une décision au fond, en ce qu'elle tranche la question de savoir si les derniers engagements proposés sont de nature à mettre un terme aux préoccupations de concurrence identifiées dans l'évaluation préliminaire. Elles en déduisent que la décision attaquée est susceptible de recours, en vertu de l'article L. 464-8 du code de commerce, ce texte renvoyant à l'ensemble des décisions prises sur le fondement de l'article L. 464-2 du même code, sans faire de distinction entre les décisions d'acceptation et de refus des engagements proposés, s'agissant de décisions « miroir », de sorte qu'il n'y pas lieu de distinguer là où la loi ne distingue pas. À cet égard, elles font valoir que si le plaignant et même un simple tiers intéressé sont recevables à former un recours contre une décision d'acceptation d'engagements proposés, au motif que ces derniers ne satisfont pas aux préoccupations de concurrence ou méconnaissent le principe de proportionnalité, l'entreprise qui soumet des propositions d'engagements doit pouvoir, symétriquement, en vertu du principe d'égalité des armes, contester la décision rejetant ses propositions en soutenant que celles-ci répondent de manière satisfaisante aux préoccupations de concurrence.
15. Les requérantes estiment, en second lieu, que la décision attaquée leur fait également grief à d'autres titres, notamment, en ce qu'elle les prive de la chance de pouvoir conclure favorablement la procédure d'engagements en mettant un terme final à cette affaire sans la moindre qualification d'infraction ni la moindre sanction, d'autant qu'en l'espèce, selon elles, le collège, contrairement au principe de séparation entre les fonctions d'instruction et de jugement, a donné mandat à l'instruction d'agir par voie d'injonction ou de sanction. Elles allèguent en outre un préjudice d'image, le renvoi à l'instruction étant perçu par le marché comme si Sony avait enfreint le droit de la concurrence et le communiqué de presse faisant état de cette décision publié par l'Autorité trois jours après l'adoption de celle-ci constituant un acte de « name and shame ».
16. Au soutien de l'irrecevabilité du recours, Subsonic soutient que la décision attaquée ne relève pas de la liste des décisions de l'Autorité, limitativement énumérées à l'article L. 464-8 du code de commerce, qui sont susceptibles de recours. Elle rappelle qu'une décision de renvoi à l'instruction, sur le fondement de l'article R. 463-7 du même code, n'est pas susceptible de recours, ce que prévoit expressément le texte susvisé, puisqu'il s'agit d'une simple mesure d'ordre interne, qui ne tranche définitivement aucun point. Elle considère que la décision attaquée ne procède d'aucun détournement de la procédure prévue audit article R. 463-7, au cas où l'instruction d'une affaire est estimée incomplète, dès lors qu'en tout état de cause, en l'espèce, le renvoi de l'affaire à l'instruction était fondé sur le communiqué de procédure de l'Autorité, aux termes duquel l'instruction reprend son cours lorsque les engagements ne peuvent être acceptés, étant précisé qu'au stade de l'évaluation préliminaire, l'instruction ne peut être qu'allégée. Elle fait valoir que seules les décisions d'acceptation des propositions d'engagements sont susceptibles de recours, en ce qu'elles mettent fin à l'instance, contrairement aux décisions de refus desdites propositions, lesquelles, si elles mettent un terme à la procédure d'engagements, ne dessaisissent pas pour autant l'Autorité, l'instruction étant nécessairement reprise, de sorte que ces décisions ne peuvent faire l'objet d'un recours indépendant de la décision au fond. Subsonic en déduit que la décision attaquée ne fait pas grief, ne constituant pas un pré-jugement de l'affaire au fond, mais se bornant à déterminer si les engagements proposés par Sony étaient susceptibles de répondre aux préoccupations de concurrence identifiées dans l'évaluation préliminaire. À cet égard, elle rappelle que l'Autorité n'est pas tenue d'accepter des propositions d'engagements et qu'en l'espèce Sony a été invitée à plusieurs reprises à améliorer ses propositions d'engagement.
17. L'Autorité précise que la décision attaquée n'a pas été prise sur le fondement de l'article R. 430-7 du code de commerce, prévoyant le renvoi à l'instruction en cas d'instruction incomplète, mais en vertu des pouvoirs qui lui sont conférés par l'article L. 464-2, I, du même code, pour accepter ou refuser les engagements proposés par les entreprises. Elle explique que le Collège, lorsqu'il décide de ne pas accepter les engagements proposés, renvoie nécessairement le dossier aux services d'instruction, conformément au point 40 du communiqué de procédure, afin que ces services procèdent à un examen au fond des comportements faisant l'objet de la saisine, la procédure à ce stade n'ayant donnant lieu qu'à une évaluation préliminaire desdits comportements afin d'identifier des préoccupations de concurrence. Elle indique qu'à l'issue de cet examen au fond, l'instruction peut aboutir soit à la formulation d'un acte d'accusation (notification des griefs), soit à une proposition de non-lieu. Elle considère que les requérantes ne sont donc pas fondées à soutenir que l'Autorité a entaché sa décision d'un détournement de la procédure prévue à l'article R. 430-7 du code de commerce, destiné à les priver d'un prétendu droit de recours.
18. En outre, l'Autorité estime que la décision attaquée ne fait pas grief en elle-même et, à ce titre, n'est donc pas susceptible de recours. Elle explique que les décisions de refus des engagements proposés constituent de simples mesures d'ordre interne, qui ne mettent pas fin à la procédure, ne dessaisissent pas l'Autorité et ne préjugent pas de l'issue de la procédure quant au fond (sanction ou non-lieu), de sorte qu'elles ne font pas grief. Elle précise que si la décision attaquée procède à une analyse des engagements proposés, pour s'assurer que ces derniers permettent de lever les préoccupations de concurrence identifiées par les services d'instruction, cette analyse n'est pas comparable à celle d'une décision au fond, portant sur la matérialité et la qualification des pratiques. Dans le même sens, elle observe que les décisions de refus des engagements proposés ne sont pas visées par l'article L. 464-8 du code de commerce, contrairement à ce qui est le cas des décisions d'acceptation de ceux-ci, par renvoi de ce texte à l'article L. 464-2 du même code. À cet égard, elle fait valoir que l'absence d'ouverture d'un recours immédiat contre une décision de rejet des engagements proposés ne prive pas les entreprises concernées de leur droit à une protection juridictionnelle effective dès lors que celles-ci disposent d'un droit de recours contre la décision au fond.
19. Au surplus, l'Autorité estime que Sony a amplement eu l'occasion d'offrir des engagements qui auraient pu répondre de façon suffisante aux préoccupations de concurrence exprimées dans l'évaluation préliminaire puisqu'elle a été invitée à le faire à de multiples reprises, tant par les services de l'instruction que par le collège. Elle en déduit que Sony a sciemment pris le risque de voir ses propositions d'engagements rejetées, de sorte qu'elle ne peut prétendre que la décision attaquée lui fait grief en ce qu'elle met fin à la procédure d'engagements sans aboutir à leur acceptation. L'Autorité estime que Sony ne peut davantage soutenir que la décision attaquée lui fait grief en ce qu'elle renvoie le dossier à l'instruction en vue, prétend-elle, de l'ouverture d'une procédure de sanction, cette orientation du dossier ne dépendant pas du collège, mais uniquement des services d'instruction, seuls à même de décider, après un examen approfondi des pratiques en cause, s'il y a lieu de notifier des griefs. Elle précise que le communiqué de presse, publié quelques jours après l'adoption de la décision attaquée, qui explique le sens de celle-ci, n'avait ni pour objet, ni pour effet de stigmatiser les requérantes, mais uniquement à informer le public, et plus particulièrement les entreprises ayant participé au test de marché sur les engagements proposés — qui avait lui-même été rendu public — des suites données à la procédure.
20. Le ministère public développe une analyse comparable.
Sur ce, la Cour,
21. L'article L. 464-8 du code de commerce, dans sa rédaction en vigueur du 22 novembre 2012 au 5 décembre 2020, dispose, en son premier alinéa :
« Les décisions de l'Autorité de la concurrence mentionnées aux articles L. 462-8, L. 464-2, L. 464-3, L. 464-5, L. 464-6, L. 464-6-1 et L. 752-27 sont notifiées aux parties en cause et au ministre chargé de l'économie, qui peuvent, dans le délai d'un mois, introduire un recours en annulation ou en réformation devant la cour d'appel de Paris ».
22. L'article L. 464-2 du même code, auquel ce texte renvoie, précise, sous I, alinéa premier, dans sa rédaction en vigueur du 11 mars 2017 au 5 décembre 2020 :
« L'Autorité de la concurrence peut ordonner aux intéressés de mettre fin aux pratiques anticoncurrentielles dans un délai déterminé ou imposer des conditions particulières. Elle peut aussi accepter des engagements proposés par les entreprises ou organismes et de nature à mettre un terme à ses préoccupations de concurrence susceptibles de constituer des pratiques prohibées visées aux articles L. 420-1 à L. 420-2-2 et L. 420-5 ou contraires aux mesures prises en application de l'article L. 410-3 » (souligné par la Cour).
23. Il résulte clairement du libellé du premier de ces textes que le recours en annulation ou en réformation des décisions de l'Autorité de la concurrence n'est ouvert qu'à l'encontre des décisions qui y sont limitativement énumérées. Il résulte tout aussi clairement du libellé du second de ces textes, auquel le premier renvoie, que seules les décisions d'acceptation des engagements proposés par les entreprises sont visées comme étant susceptibles de recours, à l'exclusion de celles portant refus desdits engagements.
24. Comme l'indique le paragraphe 47 du communiqué de procédure de l'Autorité du 2 mars 2009 relatif aux engagements en matière de concurrence, les décisions d'acceptation peuvent faire l'objet d'un recours par la partie saisissante ou le ministre chargé de l'économie. En effet, lorsque l'Autorité estime que les engagements proposés par les entreprises répondent aux préoccupations de concurrence qu'elle avait identifiées dans son évaluation préliminaire, elle les accepte et les rend obligatoires, ce qui met fin à la procédure, ainsi que le précise le paragraphe 41 du communiqué précité.
25. Tel n'est pas le cas en revanche des décisions de refus des engagements proposés : loin de constituer des décisions au fond, elles ne mettent pas fin à la procédure mais impliquent, au contraire, une reprise du cours de l'instruction, comme l'indique le paragraphe 40 dudit communiqué. Il en va ainsi de la décision attaquée, cette dernière renvoyant le dossier à l'instruction au motif que les engagements proposés ne peuvent être acceptés faute de répondre aux préoccupations de concurrence identifiées par les services d'instruction.
26. Par ailleurs, comme l'a rappelé la Cour de cassation (Com., 2 septembre 2020, pourvois 18-18.501 et autres), si l'article L. 464-2, I du code de commerce permet à l'Autorité d'accepter les engagements proposés par les entreprises qui sont de nature à mettre un terme à ses préoccupations de concurrence, celles-ci ne disposent pas d'un droit aux engagements, l'Autorité jouissant d'un pouvoir discrétionnaire en la matière, et le collège n'est pas tenu de formaliser sa décision de refus des engagements proposés ni, a fortiori , de la motiver. Ainsi, cette décision de refus ne saurait être soumise à la même procédure qu'une décision acceptant et rendant obligatoires lesdits engagements.
27. C'est donc en vain que SIEE et SIEF prétendent que la décision en cause devrait, en vertu du principe d'égalité des armes, pouvoir faire l'objet d'un recours immédiat, au même titre qu'une décision d'acceptation des engagements.
28. C'est également en vain qu'elles allèguent une perte de chance de pouvoir conclure favorablement la procédure d'engagements, ainsi qu'un préjudice d'image, ces circonstances n'étant nullement de nature à ouvrir droit à un recours immédiat contre une décision de rejet des engagements proposés.
29. En outre, comme l'a relevé à juste titre l'Autorité dans ses observations, l'absence d'ouverture d'un recours immédiat contre une décision de rejet des engagements proposés ne prive pas les entreprises concernées de leur droit à une protection juridictionnelle effective dès lors que celles-ci disposent d'un droit de recours contre la décision au fond.
30. Dès lors, le recours formé par SIEE et SIEF doit être déclaré irrecevable.
II. SUR L'ARTICLE 700 DU CODE DE PROCÉDURE CIVILE ET SUR LES DÉPENS
31. Les demandeurs étant irrecevables en leur recours, ils ne peuvent prétendre à l'allocation d'une indemnité au titre de leurs frais irrépétibles.
32. Ils verseront à ce titre à Subsonic une somme de 3 500 euros et supporteront les entiers dépens de l'instance.
PAR CES MOTIFS
DÉCLARE irrecevable le recours formé par les sociétés Sony Interactive Entertainment Europe Limited et Sony Interactive Entertainment France, par déclaration au greffe du 26 novembre 2020, contre la décision de l'Autorité de la concurrence nº 20-S-01 du 23 octobre 2020 relative à des pratiques mises en œuvre dans le secteur des consoles statiques de jeux vidéo de huitième génération et des accessoires de contrôle compatibles avec la console PlayStation 4 ;
REJETTE la demande des sociétés Sony Interactive Entertainment Europe Limited et Sony Interactive Entertainment France au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;
Les CONDAMNE solidairement à payer à ce titre à la société Subsonic la somme de 3 500 euros, ainsi qu'aux entiers dépens.