Cass. com., 21 avril 2022, n° 20-10.809
COUR DE CASSATION
Arrêt
Rejet
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
Mme Mouillard
Rapporteur :
M. Mollard
Avocat général :
M. Lecaroz
Avocats :
SCP Bénabent, SCP Thouvenin, Coudray et Grévy
Faits et procédure
1. Selon l'arrêt attaqué (Toulouse,17 janvier 2018), M. [V] a, par un acte du 3 janvier 2013, cédé l'intégralité des parts composant le capital de la SARL Entreprise [V] à la société 2E, devenue la société 2EI, moyennant un prix déterminé au vu d'un bilan arrêté au 30 septembre 2012.
2. La société Entreprise [V] a été mise en redressement puis liquidation judiciaires, respectivement les 21 janvier et 18 février 2014.
3. Soutenant que la situation présentée par M. [V] ne correspondait pas à la réalité, la société 2EI l'a assigné en exécution de la garantie d'actif et de passif prévue par l'acte de cession et en paiement de dommages-intérêts puis a demandé principalement l'annulation de la cession et la remise des parties dans la situation où elles se trouvaient antérieurement ainsi que la condamnation de M. [V] à lui payer des dommages-intérêts.
4. Une procédure de liquidation judiciaire a été ouverte à l'égard de M. [V], la société [R] et associés étant désignée liquidateur.
Examen du moyen
Sur le moyen, pris en sa première branche
Enoncé du moyen
5. M. [V] et la société [R] et associés, ès qualités, font grief à l'arrêt d'annuler la convention de cession de parts du 3 janvier 2013, d'ordonner, en conséquence, la restitution des parts à M. [V] et de rejeter la demande de paiement de prix de ce dernier, alors « que la cour ne statue que sur les prétentions énoncées au dispositif ; qu'en ordonnant en conséquence de la nullité de la cession des parts sociales de la SARL Entreprise [V], la restitution desdites parts à M. [V], alors que dans leurs dernières conclusions ni la société 2EI, ni M. [V] n'avait formulé une telle demande, la cour d'appel a jugé au-delà des prétentions des parties et violé les articles 4 et 954 du code de procédure civile. »
Réponse de la Cour
6. La société 2EI ayant, dans le dispositif de ses conclusions, demandé à la cour d'appel de confirmer le jugement entrepris, notamment, en ce qu'il avait dit et jugé que les parties étaient remises dans leurs situations antérieures à la signature de l'acte de cession des parts du 3 janvier 2013, le grief manque en fait.
7. Le moyen n'est donc pas fondé.
Sur le moyen, pris en sa deuxième branche
Enoncé du moyen
8. M. [V] et la société [R] et associés, ès qualités, font le même grief à l'arrêt, alors « que tout jugement doit être motivé à peine de nullité, le défaut de réponse à conclusions constituant un défaut de motif ; que dans ses conclusions, M. [V] faisait valoir "l'impossibilité de replacer les parties dans leur état initial d'avant la cession du fait de la liquidation de la société Entreprise [V] à l'initiative de la demanderesse", et demandait par conséquent à la cour de condamner la SAS 2EI non pas à lui restituer lesdites parts, mais à lui payer la somme de 150 000 euros ; qu'en omettant de répondre à ce moyen, pertinent en ce qu'il aurait permis à M. [V] d'obtenir la restitution en valeur des parts sociales qui n'existaient plus, et en ordonnant la restitution des parts sociales de la SARL Entreprise [V] à M. [V], la cour d'appel a entaché sa décision de défaut de réponse à conclusions et violé l'article 455 du code de procédure civile. »
Réponse de la Cour
9. M. [V] ayant demandé, non la restitution en valeur des parts sociales de la société Entreprise [V], mais des dommages-intérêts aux motifs qu'il avait été privé du prix de cession de ces parts, qu'il avait été évincé de son poste de gérant de la société Entreprise [V] et privé de son poste de responsable régional, contractuellement dû pendant une certaine durée, et que la société Entreprise [V] avait été pillée de ses actifs au profit de la société 2EI sans bourse délier, la cour d'appel, qui a retenu que la privation du prix de cession des parts n'était que la conséquence de l'annulation de la cession du fait des dissimulations auxquelles M. [V] s'était livré et ne pouvait donner lieu à indemnisation, que M. [V] ne démontrait pas que la société 2EI avait pillé la société Entreprise [V] de ses actifs ou avait tiré un quelconque bénéfice durant la période séparant la cession des parts de son annulation, et qu'il ne pouvait se prévaloir d'un engagement pris dans le cadre d'une convention annulée en raison de sa déloyauté, a répondu, en les écartant, aux conclusions prétendument délaissées.
10. Le moyen n'est donc pas fondé.
Et sur le moyen, pris en sa troisième branche
Enoncé du moyen
11. M. [V] et la société [R] et associés, ès qualités, font le même grief à l'arrêt, alors « qu'en cas d'annulation d'une cession de parts sociales, si la restitution desdites parts consécutive à cette nullité est impossible, le cédant est en droit d'obtenir la restitution de la valeur qu'elles avaient au jour de la cession litigieuse ; qu'en ordonnant la restitution de parts sociales de l'entreprise [V] à M. [V], alors que la société avait fait l'objet d'une liquidation judiciaire de sorte que les parts sociales n'existaient plus, la cour d'appel a violé les articles 1844-8 du code civil, L. 237-2 du code de commerce et 1234 du code civil dans sa rédaction applicable à la cause. »
Réponse de la Cour
12. Il résulte de l'article 1844-7, 7°, du code civil, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance n° 2014-326 du 12 mars 2014, ainsi que des articles 1844-8, alinéa 3, du même code et L. 237-2, alinéa 2, du code de commerce, que le jugement de liquidation judiciaire d'une société, s'il entraîne sa dissolution de plein droit, est sans effet sur sa personnalité morale, qui subsiste pour les besoins de la liquidation jusqu'à la publication de la clôture de la procédure, de sorte que, tant que cette publication n'est pas intervenue, les parts sociales composant son capital ont toujours une existence juridique et peuvent faire l'objet d'une restitution en nature.
13. Le moyen, qui soutient que la restitution en nature n'est plus possible en raison de la seule liquidation judiciaire de la société Entreprise [V], sans prétendre que la procédure avait été clôturée par un jugement publié, n'est pas fondé.
PAR CES MOTIFS, la Cour :
REJETTE le pourvoi.