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Décisions

Cass. crim., 28 mars 1996, n° 95-82.752

COUR DE CASSATION

Arrêt

Rejet

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Culié

Rapporteur :

M. Martin

Avocat général :

M. Dintilhac

Avocats :

SCP Peignot et Garreau, Me Copper-Royer

Pau, ch. corr., du 4 avr. 1995

4 avril 1995

Vu les mémoires produits en demande et en défense ;

Sur le moyen unique de cassation, pris de la violation de l'article 405 de l'ancien Code pénal et des articles 485, 512, 591 et 593 du Code de procédure pénale, défaut de motifs et manque de base légale;

" en ce que l'arrêt attaqué, confirmatif du jugement entrepris, a déclaré Simone X..., veuve Y..., coupable d'escroquerie ;

" aux motifs que, durant l'instruction, Simone Y... sans raison justifiée, a donné de ses rencontres avec Marcel Z... des versions contradictoires; que, confrontée à des éléments concrets établissant son mensonge, elle a dû admettre qu'elle avait répondu à une annonce parue dans la rubrique " rencontre " et dépourvue d'ambiguïté quant aux intentions de son auteur : vivre avec une femme pour rompre la solitude de son veuvage; qu'informée de ces intentions, elle a accepté, pendant plusieurs semaines, de le voir, de le revoir, d'aller avec lui en promenade au restaurant, et de recevoir des " cadeaux ", depuis une gourmette en or gravée de leurs deux prénoms et de leurs initiales jusqu'à diverses sommes d'argent; qu'en fait, il ressort des documents figurant dans la procédure que, dès le premier contact, Simone Y... répond à Marcel Z... :

" je suis seule comme vous, à bientôt j'espère, Simone "; qu'elle communique dès le premier contact téléphonique des renseignements très personnels ;

qu'il résulte des doubles des nombreuses lettres que lui a adressées Marcel Z... qu'il existait un engagement précis de sa part de vivre avec Marcel Z... et de l'accueillir chez elle; qu'en outre, les sommes qu'il lui a remises, et qu'elle a bien vite acceptées, étaient bien destinées à la rendre seule propriétaire de sa maison; qu'ainsi, les déclarations de la partie civile sur les motifs de ses avances sont corroborées par ces éléments tandis que les soi-disant protestations et refus de la prévenue ne sont étayés par aucun élément probant ;

qu'il résulte des débats et des éléments que, pour donner force et crédit à sa promesse fallacieuse de vie commune, Simone Y... a fait usage de procédés combinés (inventant ses besoins financiers, l'empêchant de rencontrer ses pensionnaires ou sa famille, échafaudant le scénario du fils qui divorce et de la maison dont elle doit d'urgence racheter sa part pour éviter la vente et sa mise à la rue, promesse d'accueil de Marcel Z... qui incite celui-ci à vendre sa propre maison, rencontres " amicales " savamment dosées pour entretenir l'espoir, choix commun du mobilier qu'il doit garder, la chambre à coucher, réception des biens mobilier du futur compagnon, ...) qui ont eu pour effet de faire naître chez la victime l'espérance d'un événement chimérique, car elle n'a jamais eu l'intention de refaire sa vie avec lui, et qui ont déterminé Marcel Z... à lui remettre des fonds et valeurs, et se dépouiller totalement pour elle ;

" alors, d'une part, qu'une promesse fallacieuse de vie commune n'est en soi qu'un mensonge et qu'il ne suffit pas, pour qu'elle entre dans le champs d'application du droit pénal, que l'auteur de cette promesse se soit fait remettre par sa victime une part de sa fortune; qu'en statuant comme elle l'a fait, sans constater l'existence de manoeuvres frauduleuses caractérisées, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision ;

" et alors, d'autre part, que, pour que soit caractérisé le délit d'escroquerie, les manoeuvres tendant à se faire remettre ou délivrer des fonds doivent être frauduleuses et déterminantes; qu'en ne recherchant pas comme elle y était invitée si Marcel Z... n'avait pas remis les fonds à la prévenue de son propre chef, pour inciter celle-ci à l'héberger, de sorte qu'en aucun cas les agissements de celle-ci ne sauraient être considérés comme déterminants de la remise des fonds, la Cour n'a pas donné de base légale à sa décision " ;

Attendu que, pour déclarer Simone Y... coupable d'escroquerie, l'arrêt attaqué, après avoir relevé que l'intéressée avait fait croire à Marcel Z..., qui avait passé une annonce pour trouver une compagne et vivre chez elle, qu'elle accepterait de l'accueillir sous son toit et avait reçu de lui des cadeaux et des sommes d'argent, d'un montant de 180 000 francs, destinées à la rendre unique propriétaire de sa maison, énonce que, pour donner force et crédit à sa promesse fallacieuse de vie commune, Simone Y... avait usé de procédés combinés, consistant notamment dans des sorties et promenades savamment dosées, dans la réception du mobilier de son futur compagnon et dans l'empêchement de rencontrer ses proches, ayant déterminé la remise des fonds et valeurs ;

Attendu qu'en l'état de ces constatations et énonciations, qui caractérisent les manoeuvres frauduleuses constitutives de l'escroquerie par l'emploi d'une machination destinée à donner crédit à une série de mensonges, la cour d'appel a, sans insuffisance, justifié sa décision ;

D'où il suit que le moyen ne peut être accueilli ;

Et attendu que l'arrêt est régulier en la forme ;

REJETTE le pourvoi.