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Décisions

CA Paris, Pôle 5 ch. 4, 20 avril 2022, n° 20/05230

PARIS

Infirmation partielle

PARTIES

Demandeur :

Fedex Express FR (Sasu)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Dallery

Conseillers :

Mme Depelley, Mme Lignières

Avocats :

Me Dauchel, Me Perrachon, Me Leboucq Bernard

T. com. Lyon, du 20 févr. 2020, n° 2019J…

20 février 2020

Vu le jugement assorti de l'exécution provisoire rendu le 20 février 2020 par le tribunal de commerce de Lyon qui a :

- constaté un déséquilibre dans les relations entre la Société des transports [Z] et la société TNT express national, aux droits de laquelle vient la société Fedex express Fr,

- condamné la société Fedex express Fr, venant aux droits de la société TNT express national, à payer à la Société des transports [Z] la somme de 58 856 €, à titre de dommages-intérêts, pour le préjudice moral par elle subit,

- débouté la Société des transports [Z] de toutes ses autres demandes,

- débouté M. [R] [B] de toutes ses demandes,

- rejeté les demandes faites par la société Fedex express Fr, venant aux droits de la société TNT express national,

- condamné la société Fedex express Fr, venant aux droits de la société TNT express national, aux dépens et à payer la somme de 5 000 € à la Société des transports [Z] au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

Vu l'appel relevé le 13 mars 2020 par la société Fedex express Fr, enrôlé sous le numéro RG 20/05230 ;

Vu l'appel relevé le 30 mars 2020 par la Société des transports [Z] et par M. [R] [B], enrôlé sous le numéro RG 20/05817 ;

Vu l'ordonnance du 22 septembre 2020 qui a joint les deux procédures et dit qu'elles se poursuivraient sous le numéro RG 20/05230 ;

Vu l'ordonnance du 19 janvier 2021 par laquelle le magistrat de la mise en état a ordonné à la société Fedex express Fr de communiquer une copie des feuilles de tournées en livraison et ramasse de la Société des transports [Z] des années 2015 à mars 2017 dans un délai de 45 jours et rejeté toute autre demande ;

Vu les dernières conclusions notifiées le 6 décembre 2021 par la Société des transports [Z] et par M. [R] [B] qui demandent à la cour, au visa de l'article

L 442-6-1 2° du code de commerce applicable selon la législation en vigueur au moment des faits et de l'article 1240 du code civil, de :

1) se déclarer compétente pour connaître de la présente procédure d'appel,

2) confirmer le jugement en ce qu'il a constaté un déséquilibre commercial entre la société TNT express national et la société Transports [Z],

3) l'infirmer pour le surplus et, en conséquence :

- s'agissant de la société Transports [Z], condamner la société FedEx express Fr, venant aux droits de la société TNT express national, à payer à celle-ci :

* la somme de 96 015 € en réparation du préjudice économique qui résulte de ce déséquilibre significatif, avec intérêts de retard au taux légal à compter de la mise en demeure du 3 novembre 2016,

* la somme de 195 275,05 € en réparation du préjudice de l'engagement de volume, avec intérêts de retard au taux légal à compter de la mise en demeure du 3 novembre 2016,

* la somme de 20 000 € au titre de la perte de chance d'obtenir une indemnisation plus favorable, avec intérêts de retard au taux légal à compter de la mise en demeure du 3 novembre 2016,

* la somme de 150 000 € en réparation du préjudice moral qui résulte de ce déséquilibre significatif, avec intérêts de retard au taux légal à compter de la mise en demeure du 3 novembre 2016,

- s'agissant de M. [B], condamner la société FedEx express Fr à payer à celui-ci :

* la somme de 80 000 € sur le fondement de l'article 1240 du code civil en réparation du préjudice moral qui résulte du comportement fautif de la société TNT, avec intérêts de retard au taux légal à compter de la mise en demeure du 3 novembre 2016,

* la somme de 59 527 € sur le fondement de l'article 1240 du code civil en réparation du préjudice matériel qui résulte du comportement fautif dès la société TNT, avec intérêts de retard au taux légal à compter de la mise en demeure du 3 novembre 2016,

4) en tout état de cause :

- débouter la société FedEx express Fr, venant aux droits de la société TNT express national, de l'ensemble de ses demandes,

- ordonner la publication de l'arrêt à intervenir,

- condamner la société FedEx express Fr aux dépens et à payer la somme de 10 000 € à la société Transports [Z] sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile au titre de la procédure d'appel ;

Vu les dernières conclusions notifiées le 29 décembre 2021 par la société FedEx express Fr qui demande à la cour :

1) sur les demandes de la société [Z], de :

- réformer le jugement en ce qu'il a constaté un déséquilibre significatif dans les relations entre la Société des transports [Z] et la société TNT express national, aux droits de laquelle vient la société FedEx express Fr,

- réformer le jugement en ce qu'il a condamné la société FedEx express Fr à payer à la Société des transports [Z] la somme de 59 856 €, à titre de dommages-intérêts, pour le préjudice moral qu'elle aurait subi et la somme de 5 000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- débouter la Société des transports [Z] de l'ensemble de ses demandes en ce qu'elles sont irrecevables et en tout état de cause mal fondées,

2) sur les demandes de M. [B], de confirmer le jugement en ce qu'il a débouté celui-ci de l'ensemble de ses demandes,

3) sur l'article 700 du code de procédure civile et les dépens :

- condamner in solidum la Société des transports [Z] et M. [B] à lui payer la somme de 12 000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamner les mêmes aux dépens de première instance et d'appel.

SUR CE, LA COUR

A partir de 1988, la Société des transports [Z], ci-après société [Z], exerçant une activité de transporteur routier, a entretenu des relations commerciales avec la société TNT express national, transporteur routier de marchandises et commissionnaire de transport ayant un établissement secondaire à Marignane.

Par lettre du 6 janvier 2005, la société TNT express national a confirmé à M. [B], devenu gérant de la société [Z] la poursuite des relations commerciales avec cette dernière.

Le 1er décembre 2015, les parties ont signé un contrat de sous-traitance de transport routier de marchandises, à durée indéterminée, précisant que suite à un appel d'offres concernant des prestations à accomplir sur le secteur Marseille 12éme et 13èm, la société [Z] avait été retenue comme sous-traitante ; il y était stipulé que l'une ou l'autre des parties pourrait résilier le contrat par lettre recommandée avec accusé de réception moyennant un préavis de 3 mois si la durée de la relation était d'un an et plus.

Par lettre recommandée du 23 décembre 2015 avec accusé de réception, la société TNT express national a notifié à la société [Z] la fin de leurs relations commerciales au 29 mars 2016, l'informant qu'un appel d'offres serait lancé prochainement concernant la nouvelle organisation des secteurs de distribution et de collecte ; la fin des relations a été reportée à plusieurs reprises pour être fixée au 31 août 2016 ; en parallèle, la tournée de nuit 612, non comprise dans le contrat du 1er décembre 2015, a fait l'objet de préavis repoussés au 30 avril 2016 puis au 8 janvier 2017.

Suite à l'appel d'offres lancé le 1er juillet 2016 par la société TNT express national, portant sur le secteur géographique de Marseille 12ème et 13ème arrondissement, la société [Z] lui a transmis un premier devis le 9 juillet 2016 mentionnant un tarif de 310,21 € ; le 18 juillet 2016, elle lui a envoyé un second devis mentionnant un tarif de 271,62 €. La société TNT express national a accepté ce dernier devis par courriel du 29 juillet 2016 ; les relations entre les parties se sont alors poursuivies.

Mais par lettre de son conseil du 3 novembre 2016, la société [Z] a reproché à la société TNT express national de la maintenir dans un état de dépendance économique et juridique ; elle l'a mise en demeure de lui faire connaître la date définitive de cessation de leurs relations et de l'indemniser des préjudices subis du fait des abus commis ; elle n'a cependant pas mentionné les montants réclamés.

Dans sa réponse du 15 novembre 2016, la société TNT express national a contesté tous les griefs qui lui étaient imputés et a rappelé que les relations s'étaient poursuivies en appliquant la nouvelle tarification convenue à compter du 1er septembre 2016.

Par lettre recommandée du 23 février 2017 avec accusé de réception, la société TNT express national a reproché à la société [Z] des défaillances dans l'exécution de ses prestations, notamment le fait qu'elle ne prenait pas en charge la totalité des colis sur le secteur concerné, et l'a mise en demeure de respecter ses obligations.

Dans un procès-verbal établi le 1er mars 2017 par huissier de justice à sa demande, M. [B] a déclaré protester contre les mises en demeure et menaces formulées à son encontre, fait valoir qu'il ne pouvait travailler gratuitement et demandé un entretien afin de trouver une solution amiable ; il a joint divers documents dont un avis de son expert-comptable indiquant que les tournées 263 et 265 étaient déficitaires et préconisant d'y mettre un terme.

Une réunion s'est tenue entre les parties et leurs avocats le 14 mars 2017.

Les 15,16 et 17 mars 2017, la société TNT express national a fait constater par huissier de justice que son site de Marignane était bloqué par des salariés de la société [Z] se déclarant en grève, que M. [B] était sur les lieux et que l'entrée et la sortie de véhicules étaient empêchées ; par lettre recommandée du 15 mars 2017, invoquant ce blocage, la société TNT national express a informé la société [Z] qu'elle mettait fin à leurs relations.

M. [B] a répondu le 22 mars 2017 que cette dénonciation était faite au mépris des engagements pris lors de la réunion du 14 mars 2017 qui prévoyaient que les relations se poursuivraient pour les tournées 261, 262, 264 et 270, que les tournées déficitaires 263 et 265 seraient arrêtées et que la société TNT express national communiquerait les feuilles de route de ses chauffeurs afin de vérifier la facturation pratiquée qui était à ce jour contestée ; il a déclaré ne pas avoir mené personnellement l'action de blocage du centre Marignane.

Le même jour 22 mars 2017, la société TNT express national a fait assigner M. [B] et six salariés de la société [Z] devant le juge des référés du tribunal d'Aix en Provence qui, par ordonnance du 24 mars suivant, a ordonné la cessation de toute forme d'entrave au libre accès du site de Marignane et, à défaut d'exécution volontaire, ordonné l'expulsion des salariés et de M. [B].

La société TNT express national a ensuite confié les tournées à d'autres sous-traitants.

La société TNT express national a fait l'objet d'une fusion absorption, à effet au 1er septembre 2018, par la société TNT express France qui a changé de dénomination pour devenir FedEx express Fr ;

Les 5 et 12 novembre 2018, la société [Z] et M. [B] ont fait assigner la société FedEx express Fr, ci-après société FedEx, devant le tribunal de commerce de Lyon pour voir juger que celle-ci avait imposé un déséquilibre significatif à la société [Z] et obtenir réparation de leurs préjudices.

Le tribunal, par le jugement déféré, a constaté l'existence d'un déséquilibre dans les relations entre les deux sociétés, a condamné la société FedEx à payer la somme de 59.856 € à la société [Z] pour préjudice moral, a rejeté le surplus de ses demandes et a débouté M. [B] de toutes ses demandes.

1) Sur les demandes de la société [Z] :

La société [Z] fonde ses demandes sur l'article L 442-6-1 2° du code de commerce, dans sa rédaction applicable en la cause, qui dispose :

I - Engage la responsabilité de son auteur et l'oblige à réparer le préjudice causé par le fait, pour tout producteur, commerçant, industriel ou personne immatriculée au répertoire des métiers :

2° de soumettre ou tenter de soumettre un partenaire commercial à des obligations créant un déséquilibre significatif dans les droits et obligations des parties.

Elle fait valoir que les conditions d'application de ce texte sont réunies, à savoir : l'existence d'un partenariat commercial, la soumission ou la tentative de soumission et le déséquilibre significatif.

a) S'agissant du partenariat commercial, elle souligne que les relations commerciales ont débuté le 12 décembre 1988 comme attesté par M. [Z], ancien gérant de la société [Z].

b) S'agissant de la soumission ou tentative de soumission :

- La société [Z] expose d'abord qu'elle se trouvait en situation de dépendance économique comme ayant réalisé en moyenne plus de 95 % de son chiffre d'affaires avec la société FedEx (anciennement TNT) au cours des exercices 2011 à 2017 et ne pouvant diversifier ses débouchés pour deux motifs : ses conducteurs obligés de porter la tenue aux couleurs de TNT ne pouvant de facto travailler pour d'autres clients et son gérant devant être présent sur le site chaque jour pour remplacer un chauffeur absent et éviter les pénalités ;

Se référant aux attestations rédigées par d'autres sous-traitants : M. [T], ancien gérant de la société HC [T], et M. [G], gérant de la société Avantime Dem, elle soutient que les sous-traitants devaient mettre en oeuvre des moyens, parfois illégaux, pour s'adapter aux prix demandés et fixés par TNT ; elle précise que 7 sociétés sous-traitantes ont dû déposer le bilan à la suite des conditions tarifaires totalement désavantageuses et non viables pour des PME, ainsi que l'atteste M. [L] qui était responsable de camionnage au sein de TNT.

Reprenant les déclarations de Messieurs [P], [N] et [H], elle prétend que TNT imposait à ses propres chauffeurs une relation de subordination, puisqu'ils devaient répondre exclusivement à ses directives pour l'organisation des tournées, la charge de travail, les temps de travail et l'amplitude horaire, la gestion des feuilles de route.

Elle ajoute que TNT, en reportant systématiquement la date de cessation de leurs relations, a accru sa situation de dépendance économique, l'empêchant d'anticiper la reconversion de ses activités.

- La société [Z] invoque en deuxième lieu l'absence de libre négociation, le contrat proposé étant un contrat type et les prix étant imposés par TNT.

c) Pour caractériser le déséquilibre significatif, la société [Z] invoque successivement :

- sous la rubrique prix :

* l'absence de négociation du prix et le fait que TNT lui indiquait le montant à facturer mensuellement sans justifier des prestations prises en compte, ni des pénalités déduites d'office qui n'étaient pas prévues contractuellement et qui étaient parfois supérieures au montant des prestations ;

* un prix de prestation inférieur aux charges, notamment un travail à perte sur les tournées 263 et 265 ;

- sous la rubrique tenue aux couleurs de TNT :

* l'article 11-2 du contrat qui impose le port de cette tenue, sans contrepartie financière, étant contraire au dispositif légal (décret n° 2003-1295 du 26 décembre 2003 qui a approuvé le contrat type applicable aux transports publics routiers de marchandises exécutés par des sous-traitants),

- sous la rubrique absence d'engagement de volume :

* le fait que, en violation du décret du 26 décembre 2003, aucun engagement de volume n’été pris par TNT après résiliation du contrat en décembre 2015, ce qui a causé un préjudice distinct et spécifique à la société [Z],

- sous la rubrique inexécutions contractuelles :

* le non-paiement des forfaits de mise à quai,

* le non-respect des tarifs contractuels sur la période du 1er octobre 2015 au 31 novembre 2015,

* le non-paiement de la tournée 013 au tarif convenu par le contrat de 2009 à 2013.

Au titre de l'indemnisation de ses préjudices, la société [Z] demande la condamnation de la société FedEx à lui payer les sommes suivantes :

a) la somme de 96 015 € pour préjudice économique, calculée par son expert-comptable à partir des documents communiqués à la suite de l'ordonnance de mise en état du 19 janvier 2021 et détaillée comme suit :

- 36 237 € au titre du forfait journalier ou mise à quai,

- 29 067,50 € au titre des points de livraison non comptabilisés,

- 693,80 € au titre des tarifs contractuels pour la période du 1er octobre 2015 au 31 novembre 2015,

- 6 205 € au titre des tarifs contractuels pour la période du 1er janvier 2009 au 30 janvier 2013 pour la tournée 013,

- 23 811,77 € au titre des heures supplémentaires exigées par TNT et non payées durant la période du 1er janvier 2015 au 15 mars 2017,

b) la somme de 192 275,05 € pour non-respect de l'engagement de volume en 2017,

c) la somme de 20 000 € pour perte de chance de chiffrer les préjudices subis pour les forfaits de mise à quai et des points de livraison pour les tournées 106, 466, 248 et 249 ainsi que pour la facturation indice carburant de l'ensemble des tournées,

d) la somme de 150 000 € en réparation du préjudice moral résultant du déséquilibre significatif.

La société FedEx conclut au rejet de toutes les prétentions de la société [Z] ; elle conteste les griefs retenus par le tribunal ainsi que tous les griefs invoqués par la société [Z], notamment l'état de dépendance et l'absence de négociation ; elle soutient qu'ils ne sont pas fondés et de toute façon non constitutifs d'un déséquilibre significatif au sens de l'article L 442-6-1 2° du code de commerce.

Sur les préjudices invoqués, la société FedEx oppose :

- la prescription annale de l'article L 133-6 du code de commerce des demandes au titre du préjudice économique, outre leur mal fondé,

- l'irrecevabilité comme nouvelle en cause d'appel de la demande au titre de l'engagement de volume, outre son mal fondé,

- l'irrecevabilité comme nouvelle en cause d'appel de la demande au titre de la perte de chance, outre son mal fondé,

- l'absence de tout préjudice moral.

Il convient de constater que l'existence d'un partenariat commercial de longue durée entre les parties n'est aucunement contestée.

L'application de l'article L 442-6-1 2° du code de commerce suppose la réunion de deux éléments : la soumission ou la tentative de soumission et l'existence d'obligations créant un déséquilibre significatif dans les droits et obligations des parties.

Il incombe à la société [Z] de rapporter d'abord la preuve d'une soumission ou d'une tentative de soumission, condition préalable à l'analyse du déséquilibre significatif dans les droits et obligations des parties.

- Sur l'état de dépendance économique allégué, même si la société [Z] avait réalisé en moyenne 95 % de son chiffre d'affaires avec TNT entre 2011et 2016, c'est en raison de son propre choix et non d'une clause contractuelle ou d'une exigence de son donneur d'ordre ; le fait que ses salariés doivent porter la tenue TNT au cours de leurs prestations ou encore que son gérant soit présent sur le site pour remplacer un chauffeur défaillant n'étaient pas de nature à priver la société [Z] de la possibilité de rechercher d'autres donneurs d'ordre.

C’est en vain que la société [Z], reprenant un argument retenu par le tribunal, souligne que ses chauffeurs répondaient exclusivement aux directives de TNT pour l'organisation des tournées, la charge de travail, les temps de travail et amplitude horaire, la gestion des feuilles de route, y ajoutant que les sous-traitants devaient mettre en oeuvre des moyens parfois illégaux pour s'adapter aux prix fixés par le donneur d'ordre ; en effet, les salariés de la société [Z] travaillaient sous sa responsabilité et il n'est pas démontré que TNT, qui devait leur remettre les colis, indiquer les lieux de livraison et veiller à leur acheminement dans les délais, se soit immiscé dans sa gestion en imposant des charges et une organisation de travail indues.

Si TNT a repoussé à plusieurs reprises la date du préavis donné pour la cessation des relations commerciales, il n'a pu en résulter un accroissement de dépendance, alors que cet allongement des délais devait permettre à la société [Z] de rechercher d'autres donneurs d'ordre.

La différence de taille et de puissance entre TNT et la société [Z] ainsi que le fait que le contrat signé le 1er décembre 2015 mentionne qu'il est établi en conformité avec le contrat type applicable aux transports publics routiers de marchandises exécutés par les sous-traitants, approuvé par le décret n° 2003-1995 du 26 décembre 2003, ne suffisent pas non plus à caractériser un état de dépendance économique, ni une soumission ou tentative de soumission.

- Sur l'absence de libre négociation alléguée, la société [Z] invoque à nouveau l'existence du contrat type et le fait que TNT fixait unilatéralement le prix des prestations ; elle en veut pour preuve :

* que suite à une réunion du 18 juillet 2016, elle a émis une nouvelle proposition en diminution de 12 % par rapport à sa proposition précédente,

* que la tarification appliquée par TNT à compter de septembre 2016 ne correspond pas au devis du 18 juillet 2016 pourtant accepté,

* que déjà, par courriel du 30 juillet 2013, TNT lui avait indiqué le prix qu'elle devait mentionner dans sa réponse à appel d'offres.

Il apparaît que par courriel du 30 juillet 2013 TNT a effectivement demandé à la société [Z] de bien vouloir lui transmettre une réponse à l'appel d'offres pour le forfait journalier de distribution pour la tournée Premium L 212 à 129 € ; mais aucun élément n'est versé aux débats sur les circonstances ayant précédé cette demande ni sur la suite qui y a été donnée.

Le contrat signé le 1er décembre 2015 stipule qu'il remplace et annule le contrat signé le 1er juillet 2013, lequel précisait que TNT avait procédé à une recherche par appel d'offres du 15 mai 2013 afin d'accomplir des prestations de transport et/ou interventions sur le secteur géographique de Marseille 12ème et 13ème, que la société [Z] avait répondu à cet appel d'offres et avait été retenue comme sous-traitante.

Ce contrat du 1er décembre 2015 précise aussi que la société [Z] a été retenue comme sous-traitante suite à un appel d'offres.

Suite à l'appel d'offres du 1er juillet 2016, la société [Z] a répondu le 9 juillet 2016 en transmettant à TNT un devis mentionnant un prix de 310,21 € ; TNT lui a proposé une rencontre le 18 juillet suivant pour en étudier les éventualités ; le 18 juillet 2016, la société [Z] lui a envoyé un second devis mentionnant un tarif de 271,62 € en indiquant dans son courriel : Suite à notre entretien de ce jour, voici le devis correspondant à nos accords pour les prestations à compter du 1er septembre.

La société [Z] ne justifie pas que la tarification appliquée par TNT ne correspondrait pas au devis du 18 juillet 2016.

Il ressort de ces éléments que TNT procédait par appels d'offres, ce qui permettait à la société [Z] comme à d'autres candidats sous-traitants, de proposer des prix et de les discuter avec TNT, gardant la possibilité de ne pas contracter si elle estimait que les prix n'étaient pas suffisamment rémunérateurs.

En conséquence, la société [Z] qui ne démontre pas la preuve d'une soumission ou d'une tentative de soumission par le fait de TNT sera déboutée de toutes ses demandes.

La décision sera informée de ce chef.

2) Sur les demandes de M. [B] :

M. [B], gérant de la société [Z], soutient que le comportement fautif de TNT lui a causé un préjudice matériel et un préjudice moral dont il est fondé à obtenir réparation par application de l'article 1240 du code civil.

Aucune faute n'étant retenue à l'encontre de TNT, toutes ses demandes doivent être rejetées.

Le jugement sera confirmé.

3) Sur les dépens et l'application de l'article 700 du code civil :

La société [Z] et M. [B] qui succombent en leurs prétentions doivent supporter in solidum les dépens de première instance et d'appel.

Vu les dispositions de l'article 700 du code de procédure civile, il y a lieu de rejeter leurs demandes de ce chef et d'allouer la somme de 5 000 € à la société FedEx.

Le jugement sera infirmé.

PAR CES MOTIFS

CONSTATE que la compétence de la cour n'est pas contestée,

CONFIRME le jugement en ce qu'il a débouté M. [R] [B] de toutes ses demandes,

INFIRME le jugement pour le surplus et statuant à nouveau :

DÉBOUTE la SOCIETE DES TRANSPORTS [Z] de toutes ses demandes,

CONDAMNE in solidum la SOCIETE DES TRANSPORTS [Z] et M. [R] [B] à payer la somme de 5 000 € à la société FEDEX EXPRESS FR venant aux droits de la société TNT EXPRESS NATIONAL par application de l'article 700 du code de procédure civile,

CONDAMNE in solidum la SOCIETE DES TRANSPORTS [Z] et M. [R] [B] aux dépens de première instance et d'appel.