Cass. com., 12 février 2008, n° 05-15.124
COUR DE CASSATION
Arrêt
Rejet
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
Mme Favre
Avocats :
Me Bertrand, SCP Thomas-Raquin et Bénabent
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Rennes, 30 novembre 2004), que la société Evac, titulaire d'un brevet européen portant sur un système d'évacuation des eaux usées, a assigné la société Jets Vacuum en contrefaçon de la revendication 1 de son brevet ; que cette société a demandé reconventionnellement l'annulation de cette revendication ;
Sur le premier moyen :
Attendu que la société Jets Vacuum fait grief à l'arrêt d'avoir retenu la validité de la revendication 1 et dit qu'elle avait commis des actes de contrefaçon, alors, selon le moyen :
1°) qu'encourt la nullité le brevet européen qui n'expose pas l'invention de façon suffisamment claire et complète pour qu'un homme du métier puisse l'exécuter ; que tel est le cas du brevet dont la revendication principale est en contradiction avec la description, ce qui entache d'ambiguïté ses modalités d'exécution ; qu'en retenant en l'espèce que l'invention du brevet européen Evac est suffisamment décrite dès lors qu'il est clairement expliqué dans la description les modifications qui doivent être apportées à une pompe à anneau liquide traditionnelle pour que celle-ci puisse être utilisée selon l'usage auquel le brevet la destine, pour aspirer et refouler une masse à base d'eau, sans rechercher, comme elle y était invitée, si le fait que la revendication principale ne fasse pas état de ces nécessaires modifications et vise l'utilisation d'une pompe à anneau liquide traditionnelle ne crée pas une contradiction flagrante entre la description et cette revendication quant aux modalités de réalisation de l'invention qui ne se trouvent pas ainsi clairement exposées, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles 138 § 1-b) de la Convention de Munich et L. 614-12 du code de la propriété ;
2°) que l'objet de l'invention et les limites de la protection conférée par un brevet sont fixés par les caractéristiques techniques définies dans la partie caractérisante de la revendication en combinaison avec l'objet décrit dans le préambule ; qu'en l'espèce, la revendication 1 principale du brevet européen Evac couvre "un procédé d'évacuation d'eaux usées par aspiration à l'aide d'une pompe … caractérisé par le fait que ladite pompe mise en oeuvre est une pompe à anneau liquide qui est en outre munie d'un passage d'alimentation en eau pour recevoir un débit minoritaire d'une eau d'alimentation propre à former et/ou entretenir un anneau liquide dans cette pompe" ; qu'en retenant, pour apprécier la nouveauté et l'activité inventive de cette revendication, que celle-ci couvre un procédé mettant en oeuvre un dispositif d'évacuation des eaux usées ayant pour caractéristique le fait que "les eaux-vannes (sont) aspirées directement à la sortie des toilettes, sans passer par un bac de stockage et de macération", la cour d'appel, qui a ajouté à la revendication une caractéristique qu'elle ne vise pas, a dénaturé le brevet, en violation des articles 69 et 84 de la Convention de Munich ;
Mais attendu, d'abord, que la cour d'appel, qui a constaté, par motifs propres et adoptés, que le brevet faisait référence dans la description à la pompe à anneau liquide traditionnelle, pour l'utilisation spécifique sollicitée, et que l'homme du métier savait comment réaliser une telle pompe, a légalement justifié sa décision ;
Et attendu, ensuite, que la cour d'appel, se référant à la partie caractérisante de la revendication en liaison avec son préambule, a constaté qu'il n'existait pas dans le procédé revendiqué de réservoir intermédiaire entre le collecteur tubulaire et la pompe ; que c'est dès lors, sans dénaturer la revendication, dont elle a apprécié la portée au regard de la description et des dessins, qu'elle a retenu qu'elle couvrait un procédé d'évacuation par aspiration par une pompe à anneau liquide des eaux vannes, sans passage par un réservoir intermédiaire, et que l'invention était nouvelle et témoignait d'une activité inventive, dès lors, d'une part, que les antériorités opposées comportaient toutes un ou plusieurs réservoirs, d'autre part, qu'à la date du dépôt du brevet, le recours à une telle pompe était déconseillé pour ce type de fluide non homogène et contenant des masses plus ou moins solides ;
D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;
Et sur le second moyen :
Attendu qu'il est fait grief à l'arrêt d'avoir dit qu'en livrant en France des systèmes d'évacuation sous vide d'eaux usées, la société Jets Vacuum a commis des actes de contrefaçon de la revendication 1 du brevet, alors, selon le moyen, que sont interdits, à défaut de consentement du propriétaire du brevet, la livraison ou l'offre de livraison, sur le territoire français, des moyens de mise en oeuvre sur ce territoire de l'invention brevetée ; que l'emploi à bord de navires étrangers de moyens faisant l'objet d'un brevet bénéficie d'une fiction d'extra-territorialité lorsqu'ils traversent temporairement les eaux d'un pays signataire de la convention d'union de Paris ; qu'en retenant en l'espèce qu'en fournissant les plans et la notice d'une installation d'aspiration des eaux vannes permettant la mise en oeuvre du procédé breveté, la société Jets Vacuum se serait rendue coupable de contrefaçon dès lors que le système a été installé en France sur des bateaux en construction aux chantiers de l'Atlantique et est susceptible d'être utilisé en France tant que les navires seront dans les eaux territoriales, sans tenir compte du fait, invoqué par la société Jets Vacuum que, s'agissant de bateaux étrangers, ils bénéficient d'une fiction d'extra-territorialité édictée par l'article 5 ter 1° de la convention d'union de Paris, la cour d‘appel a violé ledit texte, ensemble l'article L. 613-4 du code de la propriété intellectuelle ;
Mais attendu que la cour d'appel, qui a constaté que la société Jets Vacuum avait fourni les plans et la notice ayant permis d'installer, sur un navire en construction en France, sur les chantiers de l'Atlantique, une installation d'aspiration des eaux vannes mettant en oeuvre le procédé couvert par le brevet, a décidé à bon droit que les conditions d'application de l'article 5 ter 1° de la convention d'union de Paris n'étaient pas réunies ; que le moyen n'est pas fondé ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi.