Cass. crim., 15 décembre 2021, n° 21-81.922
COUR DE CASSATION
Arrêt
Cassation
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. Soulard
Rapporteur :
Mme Fouquet
Avocat général :
M. Salomon
Avocat :
SCP Lyon-Caen et Thiriez
Faits et procédure
1. Il résulte de l'arrêt attaqué et des pièces de procédure ce qui suit.
2. M. [K] a été poursuivi devant le tribunal correctionnel notamment pour abus de confiance.
3. Il lui est reproché, en sa qualité de gérant de fait de la société [3], d'avoir encaissé des acomptes pour la réalisation de travaux de construction n'ayant pas été effectués ou l'ayant été très partiellement.
4. Il lui est par ailleurs reproché d'avoir détourné des véhicules automobiles loués à la société [2] par l'intermédiaire des sociétés [3] et [1], construction dont il était également le gérant de fait.
5. Par jugement du 24 septembre 2019, M. [K] a été déclaré coupable des faits poursuivis.
6. Il a interjeté appel de la décision.
Examen des moyens
Sur le troisième moyen
7. Il n'est pas de nature à permettre l'admission du pourvoi au sens de l'article 567-1-1 du code de procédure pénale.
Mais sur le premier moyen
Enoncé du moyen
8. Le moyen critique l'arrêt attaqué en ce qu'il condamné M. [K] pour abus de confiance alors « que l'abus de confiance ne peut porter que sur des fonds, valeurs ou biens remis à titre précaire ; qu'en estimant que le prévenu avait détourné les acomptes versés par les clients des sociétés dont il était le gérant de fait, en ne les affectant pas aux travaux pour lesquels ils avaient contracté, la cour d'appel a violé l'article 314-1 du code pénal. »
Réponse de la Cour
Vu l'article 314-1 du code pénal :
9. Selon ce texte, l'abus de confiance ne peut porter que sur des fonds, valeurs ou biens remis à titre précaire.
10. Pour déclarer le prévenu coupable d'abus de confiance au préjudice des clients de la société [3], l'arrêt retient que M. [K] recevait les chèques d'acomptes des clients de cette société, mais que la moitié des chantiers de construction de piscines n'a jamais commencé, quand les autres chantiers n'ont jamais été terminés.
11. Les juges ajoutent que, devant le juge d'instruction, le prévenu a indiqué que les acomptes reçus « comblaient le découvert » de l'entreprise et qu'il a sciemment perçu ces fonds alors que « les comptes étaient déjà dans le rouge », en sachant que les chantiers ne seraient pas réalisés.
12. En se déterminant ainsi, par des motifs faisant apparaître que les fonds, remis en vertu de contrats de marchés de travaux, l'ont été en pleine propriété, peu important la connaissance par le prévenu, dès la remise des fonds, de son impossibilité d'exécuter les contrats, la cour d'appel, qui n'a pas recherché si les faits poursuivis pouvaient recevoir une autre qualification, a méconnu le texte susvisé.
13. La cassation est par conséquent encourue.
Et sur le deuxième moyen
Enoncé du moyen
14. Il est reproché à l'arrêt attaqué d'avoir condamné M. [K] pour abus de confiance et l'a déclaré responsable du préjudice causé à la société [2], alors :
« 1°) que l'insuffisance et la contradiction de motifs équivalent au défaut de motifs ; que l'abus de confiance résulte du détournement de la chose d'autrui ; que pour retenir le détournement de six véhicules loués au préjudice de la société [2], la cour d'appel a relevé que M. [K] avait loué six véhicules au nom des sociétés [3] et [1] dont il était le gérant de fait, et que leur non-restitution lui est imputable ; que dès lors qu'elle ne constatait pas que la société [2] avait exigé la restitution desdits véhicules, le tribunal ayant en outre relevé que le véhicule utilitaire avait été loué pour quatre ans, la cour d'appel qui n'a pas caractérisé l'appropriation desdits véhicules a privé sa décision de base légale au regard des articles 314-1 du code pénal et 593 du code de procédure pénale ;
2°) qu'en n'expliquant pas en quoi le prévenu était tenu de restituer des véhicules qu'il ne détenait pas et en quoi il pouvait être considéré comme se les étant appropriés, quand elle constatait qu'ils étaient, au moins pour certains, en possession des gérantes des sociétés qui les avaient loués, celles-ci étant dès lors seules tenues par l'obligation de restitution et faute de constater qu'il savait que ces véhicules devaient être restitués et qu'ils ne l'avaient pas été, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles 314-1 du code pénal et 593 du code de procédure pénale. »
Réponse de la Cour
Vu l'article 314-1 du code pénal :
15. Il résulte de ce texte que le retard dans la restitution de la chose louée n'implique pas nécessairement le détournement des objets, élément essentiel du délit d'abus de confiance.
16. Pour déclarer le prévenu coupable d'abus de confiance au préjudice de la société [2], l'arrêt retient que M. [K] a reconnu avoir loué six véhicules automobiles à cette société entre 2009 et 2014 pour le compte des sociétés [1] et [3], et que ces véhicules ont été découverts par les enquêteurs en possession des compagnes du prévenu, de sa mère et de lui-même.
17. Les juges précisent que, quel que soit le nom du locataire porté sur les contrats de location, il ressort des éléments du dossier que la société [2] n'a été au contact que de M. [K] et que l'utilisation des véhicules comme leur non restitution à cette société sont imputables à ce dernier dans le cadre de ses activités de gérant de fait des sociétés preneuses.
18. En se déterminant ainsi, sans constater le détournement des véhicules, qui ne peut se déduire du seul défaut de restitution, ni relever des faits qui impliqueraient nécessairement ce détournement, la cour d'appel a méconnu le texte susvisé.
19. La cassation est par conséquent de nouveau encourue.
PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu d'examiner le quatrième moyen de cassation proposé, la Cour :
CASSE et ANNULE l'arrêt susvisé de la cour d'appel de Pau, en date du 25 février 2021, mais en ses seules dispositions ayant déclaré M. [K] coupable d'abus de confiance et relatives aux peines et aux intérêts civils concernant la déclaration de culpabilité du chef d'abus de confiance, toutes autres dispositions étant expressément maintenues ;
Et pour qu'il soit à nouveau statué, conformément à la loi, dans les limites de la cassation ainsi prononcée ;
RENVOIE la cause et les parties devant la cour d'appel de Toulouse, à ce désignée par délibération spéciale prise en chambre du conseil ;
ORDONNE l'impression du présent arrêt, sa transcription sur les registres du greffe de la cour d'appel de Pau, et sa mention en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement annulé.