Cass. crim., 22 mars 2016, n° 15-83.207
COUR DE CASSATION
Arrêt
Cassation
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. Pers
Rapporteur :
Mme Caron
Avocat général :
M. Cordier
Avocat :
SCP Waquet, Farge et Hazan
Statuant sur le pourvoi formé par :
- M. Gilbert X...,
contre l'arrêt n° 5 de la chambre de l'instruction de la cour d'appel de PARIS, 2e section, en date du 7 mai 2015, qui, dans l'information suivie contre lui des chefs de recel de violation du secret professionnel et trafic d'influence, a prononcé sur sa demande d'annulation d'actes de la procédure ;
La COUR, statuant après débats en l'audience publique du 28 janvier 2016 où étaient présents : M. Pers, conseiller doyen faisant fonction de président en remplacement du président empêché, Mme Caron, conseiller rapporteur, M. Castel, Mme Dreifuss-Netter, MM. Fossier, Raybaud, Moreau, Mmes Drai, Schneider, Farrenq-Nési, MM. Bellenger, Stephan, conseillers de la chambre, Mme Harel-Dutirou, M. Laurent, Mme Carbonaro, M. Béghin, Mme Guého, conseillers référendaires ;
Avocat général : M. Cordier ;
Greffier de chambre : Mme Hervé ;
Sur le rapport de Mme le conseiller CARON, les observations de la société civile professionnelle WAQUET, FARGE et HAZAN, avocat en la Cour, et les conclusions de M. le premier avocat général CORDIER, les avocats des parties ayant eu la parole en dernier ;
Vu l'ordonnance du conseiller doyen de la chambre criminelle
faisant fonction de président, en date du 2 juin 2015, prescrivant l'examen immédiat du pourvoi ;
Vu le mémoire et les observations complémentaires produits ;
Attendu qu'il résulte de l'arrêt attaqué et des pièces de la procédure, que, dans une information ouverte à Paris, notamment des chefs de corruption, blanchiment, trafic d'influence, les juges d'instruction ont ordonné, à mesure qu'elles étaient identifiées, le placement sous surveillance des lignes téléphoniques utilisées par M. Nicolas Y..., successivement par commission rogatoire technique du 3 septembre 2013 pour une durée de quatre mois, cette mesure étant prolongée le 27 décembre suivant, puis, pour une deuxième ligne, par commission rogatoire du 19 septembre 2013, pour une durée également de quatre mois, cette mesure étant prolongée le 10 janvier 2014, le bâtonnier de l'ordre des avocats de Paris étant immédiatement avisé de chacune de ces décisions, en raison de la qualité d'avocat de M. Y... ; qu'à la suite de l'identification par les policiers d'une nouvelle ligne, ouverte au nom de M. Paul Z..., utilisée en réalité par M. Y... et paraissant destinée à ses échanges avec un interlocuteur unique, celle-ci a été également placée sous surveillance le 22 janvier 2014, le bâtonnier en étant à nouveau immédiatement avisé ; que, dans un rapport adressé le 7 février 2014 aux juges d'instruction mandants, l'officier de police judiciaire en charge de l'enquête sur commission rogatoire a résumé des propos échangés entre M. Y... et M. Thierry A..., avocat, entre le 28 janvier et le 5 février 2014, sur la ligne ouverte au nom de M. Paul Z..., laissant supposer que ceux-ci étaient au courant des écoutes téléphoniques ainsi que de perquisitions envisagées par les magistrats, et que M. A... recevait également des informations, dont certaines confidentielles, sur un pourvoi en cassation formé par le premier nommé dans une affaire distincte, en cours d'instruction devant la Cour de cassation ; que ces derniers renseignements pouvaient provenir d'un certain " Gilbert ", paraissant à l'officier de police judiciaire en mesure d'infléchir favorablement le sort dudit pourvoi par ses contacts à la Cour ; que M. A... proposait à M. Y..., en contrepartie des services rendus par " Gilbert ", de l'aider à obtenir le poste de conseiller d'Etat à Monaco, convoité par ce dernier ; que la facturation détaillée de la ligne téléphonique de M. A..., obtenue par réquisition adressée à l'opérateur Orange le 7 février 2014, a révélé divers échanges téléphoniques entre M. A... et M. Gilbert X..., premier avocat général à la Cour de cassation ; que, faisant suite à une ordonnance de soit-communiqué, en date du 17 février 2014, le procureur financier a ouvert le 26 février suivant une information distincte, confiée à deux autres juges d'instruction des chefs de trafic d'influence passif par une personne exerçant une fonction publique, trafic d'influence actif sur une personne chargée d'une mission de service public, complicité et recel de ces infractions, violation du secret de l'instruction et recel ; que les magistrats instructeurs ont ordonné le placement sous interception des lignes téléphoniques de M. A... et ont délivré plusieurs commissions rogatoires, notamment aux fins de transcription des écoutes opérées dans la procédure qui en a été à l'origine ; qu'ils ont procédé à diverses perquisitions, notamment à la Cour de cassation, et auditions, en particulier de magistrats de cette juridiction ; qu'après délivrance, le 1er juillet 2014, d'un réquisitoire supplétif portant sur des faits nouveaux survenus depuis l'ouverture de l'information, MM. Y..., A... et X... ont été mis en examen ;
En cet état :
Sur le premier moyen de cassation, pris de la violation des articles 6 de la Déclaration des droits de l'homme de 1789, L. 217-1 du code de l'organisation judiciaire, 80, 705 et suivants, et 593 du code de procédure pénale, défaut de motifs, manque de base légale ;
" en ce que l'arrêt attaqué, rejetant l'exception de nullité du réquisitoire introductif du 26 février 2014 et de l'ordonnance de soit-communiqué du 17 février 2014, a dit n'y avoir lieu à annulation d'une pièce de la procédure examinée ;
" aux motifs que la loi n° 2013-1117 du 6 décembre 2013 entrée en vigueur le 1er février 2014 a institué un procureur de la République financier, qui comme le juge d'instruction et le tribunal correctionnel, exerce une compétence concurrente à celle qui résulte de l'application des articles 43, 52, 704 et 706-42 pour la poursuite, l'instruction et le jugement d'une liste d'infractions précisément énumérées et que sont entre autres visés les délits de corruption, trafic d'influence commis par des personnes exerçant une fonction publique, dans les affaires qui apparaissent d'une grande complexité, en raison notamment du grand nombre d'auteurs, de complices ou de victimes ou du ressort géographique sur lequel elles s'étendent ; que l'emploi de l'adverbe « notamment » montre que la liste des critères de la complexité n'est ni exhaustive, ni limitative ; qu'en l'espèce, l'ex-qualité ou la qualité de deux des personnes mises en cause pouvait être prise en compte ; qu'il n'était point nécessaire que la loi du 6 décembre 2013 modifie, l'alinéa 3, de l'article 80 du code de procédure pénale qui règle de la procédure à suivre dans l'hypothèse de la découverte de faits nouveaux qui dans un premier temps vont s'inscrire et être régis, une fois dénoncés, par les articles 43, 52 ou 706-42 du code de procédure pénale, et dans un second temps par les articles 704 et suivants, ou 705 et suivants du code de procédure pénale ; que les dispositions des articles L. 217-1 et L. 217-4 du code de l'organisation judiciaire prévoyant l'adjonction d'un procureur national financier auprès du procureur de la République (L. 217-1) et le fait que les dispositions législatives de ce code faisant mention du procureur de la République ne sont applicables au premier que si elles le prévoient expressément (L. 217-4) sont inopérantes en l'espèce ; qu'en adressant leur ordonnance de soit communiqué du 17 février 2014 à au procureur de la République financier, et en évoquant des faits de corruption de la part d'un magistrat de la Cour de cassation, les juges d'instruction ne choisissaient pas le parquet compétent ; que la détermination de la compétence entre le procureur de la République de Paris et le procureur de la République financier appartient à ces deux magistrats, sous le contrôle du procureur général de la cour d'appel de Paris, les articles 705-2 et suivants réglant les conflits de compétence, étant souligné que l'article 705, alinéa 1, du code de procédure pénale met en exergue le principe d'une compétence concurrente, à celle résultant des textes définissant les règles de compétence territoriale du droit commun ; que, dès lors que le réquisitoire introductif du 26 février 2014 satisfait en la forme, aux conditions essentielles de son existence légale, soit un écrit, daté, signé par un magistrat compétent visant le cas échéant les pièces sur lesquelles sont fondées les poursuites, avec jonction desdites pièces, que ces conditions sont respectées et ne sont pas contestées en l'espèce, qu'il n'y a pas lieu de prononcer son annulation ;
" 1°) alors que l'initiative de la saisine du procureur national financier est réservée au ministère public ; que, dans le cadre d'une information ouverte sur réquisitoire du procureur de la République de Paris, les juges d'instruction ont adressé une ordonnance de soit communiqué du 17 février 2014 au procureur de la République financier aux fins de réquisitions ou avis sur des faits nouveaux non compris dans leur saisine initiale ; qu'un réquisitoire introductif a été pris par ce dernier sur la base de cette saisine ; qu'en validant la procédure nonobstant l'excès de pouvoir des juges d'instruction, au motif inopérant que le procureur de la République financier dispose d'une compétence concurrente à celle du procureur de Paris et que la détermination de la compétence entre ces deux procureurs leur appartient sous le contrôle du procureur général de la cour d'appel de Paris, la cour a méconnu la répartition des compétences entre le juge d'instruction et le ministère public ; que la cassation interviendra sans renvoi ;
" 2°) alors qu'en application de l'article 80, alinéa 3, du code de procédure pénale, « lorsque des faits, non visés au réquisitoire, sont portés à la connaissance du juge d'instruction, celui-ci doit immédiatement communiquer au procureur de la République les plaintes ou les procès-verbaux qui les constatent. Le procureur de la République peut alors soit requérir du juge d'instruction, par réquisitoire supplétif, qu'il informe sur ces nouveaux faits, soit requérir l'ouverture d'une information distincte, soit saisir la juridiction de jugement, soit ordonner une enquête, soit décider d'un classement sans suite ou de procéder à l'une des mesures prévues aux articles 41-1 à 41-3, soit transmettre les plaintes ou les procès-verbaux au procureur de la République territorialement compétent. Si le procureur de la République requiert l'ouverture d'une information distincte, celle-ci peut être confiée au même juge d'instruction, désigné dans les conditions prévues au premier alinéa de l'article 83 » ; qu'il résulte de ces dispositions que le juge d'instruction ne peut saisir d'autre procureur que celui dont il tient sa saisine ; qu'en l'espèce, les juges d'instruction ont, en violation de ces dispositions, directement adressé au procureur de la République financier, étranger à leur saisine, des procès-verbaux de l'information ouverte sur réquisitoire du procureur de la République de Paris, aux fins de réquisitions ou avis sur des faits nouveaux non compris dans leur saisine ; qu'en validant le réquisitoire introductif consécutivement pris par le procureur financier au prétexte qu'il dispose d'une compétence matérielle concurrente, laquelle ne pouvait couvrir l'irrégularité de sa saisine par les juges d'instruction, la chambre de l'instruction a violé l'article 80, alinéa 3, du code de procédure pénale par refus d'application ;
" 3°) alors qu'en cas de découverte de faits nouveaux, l'article 80, alinéa 3, du code de procédure pénale réserve au procureur de la République dont le juge d'instruction tient sa saisine, le soin de prendre un réquisitoire supplétif, d'ouvrir une nouvelle information ou de transmettre la procédure à tel autre procureur qu'il appartiendrait ; qu'en validant en l'espèce le réquisitoire introductif pris par le procureur financier au prétexte qu'il dispose d'une compétence matérielle concurrente, laquelle ne pouvait être mise en oeuvre que sur soit-transmis du procureur de la République de Paris, la chambre de l'instruction a encore violé l'article 80, alinéa 3, du code de procédure pénale par refus d'application ;
" 4°) alors que la compétence concurrente spéciale du procureur financier, au sens de la loi n° 2013-1117 du 6 décembre 2013 relative à la lutte contre la fraude fiscale et la grande délinquance économique et financière, limitée à certains délits limitativement énumérés et visant entre autres les délits de corruption ou trafic d'influence commis par des personnes exerçant une fonction publique, exige, de manière supplémentaire, que l'affaire soit ou apparaisse « d'une grande complexité en raison notamment du grand nombre d'auteurs, de complices ou de victimes ou du ressort géographique sur lequel elles s'étendent » ; que la qualité de personne exerçant une fonction publique, en tant qu'élément constitutif des délits de corruption ou trafic d'influence visés, est inopérante à remplir la condition additionnellement requise de « grande complexité » ; qu'en se fondant sur la qualité de magistrat à la Cour de cassation d'une des personnes mise en cause pour justifier la compétence concurrente spéciale du parquet financier, la cour a violé les dispositions de la loi n° 2013-1117 du 6 décembre 2013 relative à la lutte contre la fraude fiscale et la grande délinquance économique et financière ;
" 5°) alors que la compétence concurrente spéciale du procureur financier, issue de la loi n° 2013-1117 du 6 décembre 2013 relative à la lutte contre la fraude fiscale et la grande délinquance économique et financière, est limitée à certains délits limitativement énumérés et exige, de manière supplémentaire, que l'affaire soit ou apparaisse « d'une grande complexité » ; que sont ainsi visées des affaires de grande délinquance économique et financière, impliquant des investigations d'envergure ; qu'en l'absence d'élément d'extranéité ou transfrontalier, d'un grand nombre d'auteurs, de complices ou de victimes et d'investigations à réaliser particulièrement techniques ou spécialisées, les qualités d'ex-Président de la République et de magistrat de deux des personnes mises en cause ne pouvaient, sans rompre le principe d'égalité des citoyens, justifier à elles seules la mise en oeuvre de l'article 705 du code de procédure pénale ; que la cassation interviendra sans renvoi " ;
Attendu qu'en prononçant par les motifs reproduits au moyen pour écarter le grief de nullité du réquisitoire introductif, en raison de l'irrégularité alléguée de la saisine du procureur financier, la chambre de l'instruction a justifié sa décision ;
Que, d'une part, le procureur de la République financier tient de l'article 40 du code de procédure pénale le droit de requérir l'ouverture d'une information, au vu de tout renseignement dont il est destinataire, concernant des infractions entrant dans le champ de sa compétence matérielle, définie à l'article 705 du même code, serait-elle, comme en l'espèce, concurrente de celle du procureur de la République près le tribunal de grande instance de Paris, pour les affaires présentant une grande complexité, laquelle est laissée à l'appréciation des juges du fond ;
Que, d'autre part, un réquisitoire introductif ne pouvant être annulé que s'il ne satisfait pas en la forme aux conditions essentielles de son existence légale, les énonciations de l'arrêt attaqué ainsi que les pièces de la procédure établissent qu'il a été délivré par un magistrat compétent, au terme de l'analyse à laquelle il a procédé des pièces transmises par le juge d'instruction portant sur des faits dont celui-ci n'était pas saisi, la forme adoptée pour cette communication n'étant pas susceptible d'affecter la régularité dudit réquisitoire ;
D'où il suit que le moyen ne peut qu'être écarté ;
Sur le deuxième moyen de cassation, pris de la violation des articles 8 de la Convention européenne des droits de l'homme, 4 et 26 de la loi n° 78-17 modifiée du 6 janvier 1978 relative à l'informatique, aux fichiers et aux libertés, D. 98-7 III du code des postes et des communications électroniques, 100-3, 171 et 593 du code de procédure pénale, des droits de la défense, défaut de motifs, manque de base légale ;
" en ce que l'arrêt attaqué a dit n'y avoir lieu à annulation d'une pièce de la procédure examinée ;
" aux motifs que les juges d'instruction ont délivré le 26 février 2014, une commission rogatoire technique aux fins d'interception des conversations de la ligne n° 06... identifiée au nom de M. X... pour une durée de deux mois ; qu'en exécution de cette demande, l'officier de police judiciaire a adressé le 26 février 2014, au directeur général d'Orange une réquisition à ces fins (D1374), et le même jour une réquisition à la société Elektron (D1375) aux fins de mise en service d'un pack complet d'interception Centaure numérique comprenant la ligne de renvoi France Télécom, du 26 février au 26 avril 2014, que l'officier de police judiciaire a adressé le 24 avril 2014 deux réquisitions identiques (D1413-1414) ; que cette surveillance téléphonique a été prolongée par commission rogatoire du 23 juin 2014 ; que simultanément, les juges d'instruction par commission rogatoire du 26 février 2014 ont requis l'interception et la retranscription des conversations de la ligne 06... attribuée à M. A... pour deux mois (D 1520) ; qu'en exécution de cette demande, l'officier de police judiciaire a adressé le 26 février 2014, au directeur général d'Orange une réquisition à ces fins (D 1523-24) et le même jour une réquisition à la société Elektron aux fins de mise en service d'un pack complet d'interception ; que ces réquisitions ont cessé le 13 mars 2014 (D1531) ; que les réquisitions adressées aux fournisseurs de matériel tel que la société Elektron sont fondées sur l'article 100-3 du code de procédure pénale, que si certes un décret en Conseil d'Etat détermine les organismes publics ou personnes morales de droit privé susceptibles d'être requis, que ces dispositions sont codifiées aux articles R. 15-33-67 et suivants du code de procédure pénale, que si l'article R. 15-33-68 fixe la liste des opérateurs de communications électroniques, ce texte ne fait pas référence aux plate-forme d'interception, qu'il convient de constater que ces fournisseurs mettent à disposition des enquêteurs et magistrats du matériel permettant l'acheminement des données, dont ils ne sont pas à l'origine et qu'ils ne détiennent que provisoirement, de manière précaire, en fournissant des moyens techniques, qu'ils ne sont pas chargés de retranscrire les conversations auxquelles ils n'ont donc pas accès ; qu'en conséquence, il n'est pas nécessaire que le recours à ces fournisseurs soit agréé et réponde aux exigences de l'article 26 de la loi informatique et libertés du 6 janvier 1978 et de ses modifications, ou encore aux dispositions de l'article D98-7 du code des postes et télécom, qu'en ce sens la chambre criminelle de la Cour de cassation a, par sa décision n° 598 du 18 février 2015, considéré qu'aucune violation des dispositions légales ne saurait résulter de la simple fourniture aux policiers du matériel technique leur permettant d'y procéder (aux interceptions), qu'enfin ces surveillances téléphoniques prévues par la loi ayant été ordonnées par un juge d'instruction, et se déroulant sous son contrôle, ne sont pas contraires aux dispositions du § 2 de l'article 8 de la Convention européenne des droits de l'homme, puisqu'elles ont pour objectif la prévention des infractions pénales ; que ce moyen d'annulation sera, dès lors, rejeté ;
" 1°) alors que l'article 100-3 du code de procédure pénale exige que le juge d'instruction ou l'officier de police judiciaire commis par lui ne requiert, en vue de l'exécution de la décision d'interception téléphonique, qu'un « agent qualifié d'un service ou organisme placé sous l'autorité ou la tutelle du ministre chargé des télécommunications » ou un « agent qualifié d'un exploitant de réseau ou fournisseur de services de télécommunications autorisé » ; qu'il résulte des énonciations de l'arrêt et de la procédure que l'interception des communications téléphoniques prescrites sur la ligne de M. X... a été matériellement réalisée par un prestataire privé, qui n'était ni autorisé ni habilité au sens de l'article 100-3 du code de procédure pénale, les policiers s'étant bornés à effectuer la retranscription de données matériellement interceptées et acheminées vers eux par ledit prestataire ; que la chambre de l'instruction n'a pas tiré les conséquence légales de ses propres constatations ;
" 2°) alors que les traitements de données à caractère personnel mis en oeuvre pour le compte de l'Etat, qui ont pour objet la prévention, la recherche, la constatation ou la poursuite des infractions pénales, doivent être autorisés par arrêté pris après avis motivé et publié de la Commission nationale de l'informatique et des libertés ; que dans le cadre des réquisitions judiciaires aux fins d'interception, la société Elektron met en oeuvre, par le biais de ses plate-forme d'interception, pour le compte de l'Etat, un traitement de données à caractère personnel ; qu'en estimant, néanmoins, qu'il n'est pas nécessaire que le recours à ce fournisseur soit agréé et réponde aux exigences de l'article 26 de la loi informatique et libertés du 6 janvier 1978 au motif inopérant qu'il ne traite ou détient les données à caractère personnel que provisoirement et de manière précaire, la chambre de l'instruction a violé les articles 26 (par refus d'application) et 4 (par fausse application) de la loi n° 78-17 du 6 janvier 1978, ensemble l'article 8 de la Convention européenne des droits de l'homme " ;
Attendu que, pour écarter le moyen de nullité visant les interceptions téléphoniques, pris de la violation des articles 100-3 du code de procédure pénale, 4 et 26 de la loi du 6 janvier 1978, en raison de l'intervention de la société Elektron, non habilitée par l'autorité de tutelle, l'arrêt attaqué relève que celle-ci met à disposition des enquêteurs et magistrats du matériel permettant l'acheminement des données, dont elle n'est pas à l'origine et qu'elle ne détient que provisoirement, de manière précaire, en fournissant des moyens techniques ; que les juges ajoutent qu'elle n'est pas chargée de retranscrire les conversations auxquelles elle n'a d'ailleurs pas accès ;
Attendu qu'en statuant ainsi, dès lors qu'aucune violation des dispositions légales en matière d'interception de communications téléphoniques ne saurait résulter de la simple fourniture à un service de police du matériel technique lui permettant d'y procéder par un prestataire qui n'accomplit aucun acte de procédure, la chambre de l'instruction a justifié sa décision ;
D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;
Sur le troisième moyen de cassation, pris de la violation des articles 6 et 8 de la Convention européenne des droits de l'homme, 16 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen, 66-5 de la loi n° 71-1130 du 31 décembre 1971, préliminaire, 100, 100-5, 591 et 593 du code de procédure pénale, défaut de motifs, manque de base légale ;
" en ce que l'arrêt attaqué a rejeté la requête en nullité des écoutes téléphoniques pratiquées sur la ligne ouverte au nom de Paul Z..., destinée exclusivement aux communications entre une personne soupçonnée et son avocat et dit n'y avoir lieu à annulation d'une pièce de la procédure examinée ;
" aux motifs que les juges d'instruction du dossier originaire et les enquêteurs, agissant dans le souci de la manifestation de la vérité, se sont nécessairement interrogés quant au recours à l'utilisation d'une ligne prise sous le nom d'un tiers, le recours à un tel subterfuge autorisant à considérer que la ligne en question ne dépend pas du cabinet ou du domicile d'un avocat et ne devait pas, dès lors, être l'objet des protections ou garanties prévues par les articles 100-5 et 100-7 du code de procédure pénale ; que quant à la confidentialité des échanges entre avocats, qu'une distinction doit être faite entre le principe de confidentialité des échanges de toute nature de l'avocat, et le principe de garantie des droits de la défense en procédure pénale, existant entre une personne mise en examen et son avocat désigné, dans une procédure déterminée, principe protégé par l'article 100-5, alinéa 3, du code de procédure pénale ; que tel n'était pas le cas en l'espèce, la qualité d'avocat désigné ne se présumant pas, en procédure pénale, les dispositions des articles 63-3-1 et 116 du code de procédure pénale faisant dans chaque cas, et pour une procédure précisément déterminée, référence à un avocat choisi ou désigné, à défaut commis d'office par le bâtonnier, alors qu'en outre, au 22 janvier 2014, existait déjà une suspicion (utilisation d'une ligne téléphonique sous un nom d'emprunt), suspicion qui s'est étayée et transformée en présomptions de l'existence d'un délit en train de se commettre, dès le 28 janvier 2014, comme l'établit le contenu des conversations n° 15, 21, 24, 38, 39, 57 recueillies sur la ligne au nom de M. Paul Z... et comme l'a révélé d'autre part dès le 21 janvier 2014 (D3), la ligne 06... attribuée à Me A... mettant en exergue ses appels répétés vers la ligne 06... au nom de M. X..., rapidement identifié sous sa qualité de premier avocat général près la Cour de cassation ; que si les juges d'instruction ont cru devoir aviser le bâtonnier de ce placement sous surveillance de cette ligne utilisée par M. Y..., avocat, pour respecter, par précaution, les dispositions de l'article 100-7 du code de procédure pénale, il ne peut être déduit de ce seul avis, et contrairement à ce que soutient le requérant, que l'ensemble des échanges, entre M. Y... et Me A... identifié lui aussi comme avocat, soit couvert par le principe de la confidentialité entre avocats ou le secret professionnel ; qu'une distinction doit être faite entre le principe de confidentialité des échanges de toute nature de l'avocat, et le principe de garantie des droits de la défense, en procédure pénale, existant entre une personne mise en examen et son avocat désigné, dans une procédure déterminée, principe protégé par l'article 100-5, alinéa 3, du code de procédure pénale ; que tel n'était pas le cas de figure ; que les conversations 21, 24, 38, 39 sont venues conforter les toutes premières interrogations nées des échanges du 28 janvier, et renforcer l'implication éventuelle de M. X..., avocat général près la Cour de cassation, juridiction s'apprêtant à juger des pourvois de M. Y..., ou encore que ces mêmes conversations sont venues conforter l'existence « de fuites » traduisant une violation du secret de l'instruction quant à d'autres procédures pouvant impliquer M. Y... (conversations 38 et 39) ; que les conversations suivantes entre M. Y... et Me A... (n° 77, 86, 90, 91) sont dans le droit fil et étayent les précédentes, que l'ensemble s'étale sur une période de treize jours, période nécessaire pour caractériser les présomptions de la commission d'une ou plusieurs infractions en train de se commettre, sans qu'il puisse être argué que les juges d'instruction ont excédé leurs pouvoirs par des actes coercitifs excédant leur saisine, puisque simultanément ils recherchaient la manifestation de la vérité dans la procédure souche ; que contrairement à ce que soutient la défense, la poursuite des surveillances téléphoniques a eu lieu en exécution d'une des commissions rogatoires délivrées par M. Tournaire, la première quant à la ligne 06 81 86 83 09 utilisée par M. Y..., communication n° 3307 du 26 février 2014 à 11 heures 19 vers Me A... dans le cadre de manifestation de la vérité dans le dossier souche et de sa saisine, que c'est en exécution de la commission rogatoire de Mmes Simon et Thépaut que cette conversation a été retranscrite (D189-190), que les autres conversations n° 142 du 24 février (D133-134), n° 153 du 26 février (D140) et n° 146 du 25 février 2014 (D136) provenant de la ligne de Paul Z... ont été interceptées en exécution de la commission rogatoire de M. Tournaire susvisée dans le cadre de la manifestation de la vérité dans le dossier souche, et que c'est dans le cadre de la commission rogatoire de Mmes Simon et Thépaut du 26 février 2014 qu'elles ont été retranscrites pour être, comme les précédentes versées à la présente procédure (D 191- 191bis et D 133-140) ;
" 1°) alors que la confidentialité des échanges entre un accusé et son avocat figure parmi les exigences élémentaires du procès équitable dans une société démocratique, et doit être protégée de manière absolue en matière pénale dès l'instant où une personne est soupçonnée ; que ce principe de confidentialité, affirmé en droit français à l'article 66-5 de la loi du 31 décembre 1975 exclut donc que soit mise sur écoute une ligne téléphonique exclusivement dédiée aux échanges entre un avocat et son client, sauf le cas où des indices de la participation de l'avocat à une infraction existeraient antérieurement à la mise sur écoute ; qu'il est constaté par la chambre de l'instruction qu'avant même la mise sur écoute de la ligne Z..., la fadette avait permis de déduire que la ligne était exclusivement dédiée, sauf deux appels, à la communication avec une seule autre ligne ; que, dès la première conversation survenue après la mise sur écoute, les enquêteurs ont été en mesure d'identifier Me A..., avocat de M. Y..., comme étant l'utilisateur de cette ligne ; qu'il appartenait, dès lors, aux enquêteurs de cesser immédiatement les écoutes effectuées sur la ligne « Z... » ; qu'en se refusant à annuler les écoutes ainsi réalisées sur une ligne exclusivement dédiée aux échanges entre un avocat et son client, la chambre de l'instruction a méconnu le principe visé ci-dessus ;
" 2°) alors que la ligne téléphonique professionnelle d'un avocat ne peut faire l'objet d'écoute que si préalablement il existe des indices graves permettant de soupçonner qu'il a commis une infraction ; qu'il en va de même pour une ligne téléphonique exclusivement utilisée pour les conversations de l'avocat avec son client, que l'avocat soit l'émetteur ou le récepteur de cette ligne ; que la chambre de l'instruction ne relève nulle part ni à quelle date Me A..., interlocuteur unique de la ligne Z... a été identifié, ni quels soupçons dans le cadre de la procédure « souche » aurait existé contre lui, justifiant sa mise sous écoute ou la poursuite des écoutes de la ligne téléphonique après son identification ; que dès lors, l'arrêt attaqué qui a refusé d'annuler les écoutes de la ligne exclusivement dédiée aux conversations d'un avocat et de son client n'est pas légalement justifié ;
" 3°) alors que les appels de la ligne attribuée à Me A... en direction de M. X... ont été découverts le 7 février et non le 21 janvier 2014 ainsi que cela résulte de la pièce D10 et des propres constatations de l'arrêt ; qu'ainsi, pour affirmer que des soupçons existaient contre Me A... dès le 22 janvier, étayés le 28 janvier, la chambre de l'instruction s'est mise en contradiction avec les pièces du dossier et ses propres constatations en violation de l'article 593 du code de procédure pénale " ;
Sur le quatrième moyen de cassation, pris de la violation des articles 6 et 8 de la Convention européenne des droits de l'homme, 16 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen, 66-5 de la loi n° 71-1130 du 31 décembre 1971, préliminaire, 100, 100-5, 591 et 593 du code de procédure pénale, défaut de motifs, manque de base légale ;
" en ce que l'arrêt attaqué a rejeté la requête en nullité des écoutes téléphoniques pratiquées sur la ligne ouverte au nom de Paul Z..., destinée exclusivement aux communications entre une personne suspectée et son avocat ;
" aux motifs que quant à la confidentialité des échanges entre avocats, qu'une distinction doit être faite entre le principe de confidentialité des échanges de toute nature de l'avocat, et le principe de garanties des droits de la défense, en procédure pénale, existant entre une personne mise en examen et son avocat désigné, dans une procédure déterminée, principe protégé par l'article 100-5, alinéa 3, du code de procédure pénale ; que tel n'était pas le cas en l'espèce, la qualité d'avocat désigné ne se présumant pas, en procédure pénale, les dispositions des articles 63-3-1 et 116 du code de procédure pénale faisant dans chaque cas, et pour une procédure précisément déterminée, référence à un avocat choisi ou désigné, à défaut commis d'office par le bâtonnier (...) ; que si les juges d'instruction ont cru devoir aviser le bâtonnier de ce placement sous surveillance de cette ligne utilisée par M. Y..., avocat, pour respecter, par précaution, les dispositions de l'article 100-7 du code de procédure pénale, il ne peut être déduit de ce seul avis, et contrairement à ce que soutient le requérant, que l'ensemble des échanges, entre M. Y... et Me A... identifié lui aussi comme avocat, soit couvert par le principe de la confidentialité entre avocats ou le secret professionnel ; qu'une distinction doit être faite entre le principe de confidentialité des échanges de toute nature de l'avocat, et le principe de garantie des droits de la défense, en procédure pénale, existant entre une personne mise en examen et son avocat désigné, dans une procédure déterminée, principe protégé par l'article 100-5, alinéa 3, du code de procédure pénale ; que tel n'était pas le cas de figure ;
" 1°) alors que la confidentialité des échanges entre un accusé et son avocat figure parmi les exigences élémentaires du procès équitable dans une société démocratique, et doit être protégée de manière absolue en matière pénale dès l'instant où une personne est soupçonnée ; que les droits de la défense doivent en effet être garantis à tous les stades de la procédure, dès lors qu'une personne fait l'objet de suspicions en matière pénale ; que M. Y... a été mis sur écoute car il était soupçonné d'avoir participé aux faits objets de l'information dans la procédure souche, de sorte qu'il était impossible d'écouter ses conversations avec son avocat ; qu'en considérant que les communications téléphoniques entre Me A... et M. Y... n'étaient pas couvertes par la confidentialité de la relation avocat-client, faute de mise en examen de M. Y... et de désignation officielle de Me A..., la chambre de l'instruction a méconnu les principes susvisés ;
" 2°) alors que la chambre de l'instruction constate elle-même que Me A... est l'avocat de M. Y... ; qu'en considérant, néanmoins, que leurs conversations téléphoniques n'étaient pas couvertes par le secret de la relation avocat-client, la chambre de l'instruction a violé le principe de confidentialité et les droits de la défense ;
" 3°) alors que la confidentialité des conversations téléphoniques entre un avocat et son client s'impose, dès lors que celles-ci relèvent de l'exercice des droits de la défense, dans la procédure à l'occasion de laquelle les écoutes ont été ordonnées ou dans toute autre procédure dans laquelle le client serait également mis en cause ; qu'au moment où les écoutes ont été mises en oeuvre, Me A... était l'avocat désigné par M. Y... dans l'affaire C..., dans le cadre de laquelle il avait été mis en examen ; qu'en considérant, néanmoins, que leurs conversations téléphoniques n'étaient pas couvertes par le secret de la relation avocat-client, la chambre de l'instruction a encore méconnu les principes visés ci-dessus " ;
Les moyens étant réunis ;
Attendu que, pour rejeter les moyens de nullité, pris de l'irrégularité de l'interception des communications sur une ligne téléphonique utilisée par M. Y..., l'arrêt attaqué prononce par les motifs reproduits aux moyens ;
Attendu qu'en se déterminant ainsi, la chambre de l'instruction n'a méconnu aucune des dispositions légales ou conventionnelles dont la violation est alléguée ;
Que, d'une part, il résulte des pièces de la procédure qu'aucune ligne utilisée par M. A... n'a fait l'objet, dans l'information distincte d'origine, d'une décision du juge d'instruction de placement sous écoute, qui aurait imposé d'en aviser le bâtonnier, conformément aux prescriptions de l'article 100-7 du code de procédure pénale, que seule la ligne ouverte sous l'identité de Z... mais utilisée en réalité par M. Y..., pour les besoins de ses échanges avec un correspondant unique, a été placée sous interception par le juge d'instruction, le bâtonnier en étant immédiatement avisé en raison de la qualité d'avocat de l'intéressé, que M. A... a ensuite été identifié, non par l'examen de la facturation détaillée de la ligne dite " Z... ", mais lors d'une conversation échangée avec M. Y... sur la ligne ainsi surveillée ;
Que, d'autre part, aucune disposition légale ou conventionnelle ne fait obstacle à la captation, à l'enregistrement et à la transcription des propos d'un avocat intervenant sur la ligne téléphonique d'un tiers régulièrement placée sous écoute, dès lors que, comme en l'espèce, en premier lieu, cet avocat n'assure pas la défense de la personne placée sous surveillance, qui n'est ni mise en examen ou témoin assisté ni même n'a été placée en garde à vue dans la procédure en cause, et, en second lieu, ses propos, seraient-ils échangés avec un client habituel, dont le contenu est étranger à tout exercice des droits de la défense dans ladite procédure ou dans toute autre, révèlent des indices de sa participation à des faits susceptibles de qualification pénale, tels que les a analysés, en l'espèce, sans insuffisance ni contradiction, la chambre de l'instruction ;
D'où il suit que les moyens ne sauraient être accueillis ;
Sur le cinquième moyen de cassation, pris de la violation des articles 6, 8 et 13 de la Convention européenne des droits de l'homme, 16 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen, 66-5 de la loi du 31 décembre 1971, 170, 171 et 591 du code de procédure pénale ;
" en ce que l'arrêt attaqué a rejeté la requête en nullité des écoutes téléphoniques pratiquées sur la ligne ouverte au nom de M. Paul Z... dans le cadre de la procédure souche ;
" aux motifs qu'il n'appartient pas à la cour dans la présente procédure d'apprécier la pertinence des raisons qui ont conduit les juges d'instruction MM. Tournaire et Grouman à délivrer le 22 janvier 2014 une commission rogatoire technique pour placer sous surveillance une ligne nouvellement identifiée à l'usage exclusif de M. Y..., sauf à constater que ce placement se situait dans la continuation des autres placements sous surveillance des deux lignes utilisées par M. Y..., n°... et 06..., tels qu'ordonnées par commissions rogatoires des 2 septembre et 27 décembre 2013 pour la première ligne (D106-110) et les 19 septembre 2013 et 10 janvier 2014 pour la seconde ligne (D119-125) et sauf à souligner que les juges d'instruction du dossier originaire et les enquêteurs, agissant dans le souci de la manifestation de la vérité, se sont nécessairement interrogés quant au recours à l'utilisation d'une ligne prise sous le nom d'un tiers ;
" alors que la chambre de l'instruction est compétente pour apprécier la nécessité des écoutes téléphoniques ordonnées dans le cadre d'une procédure distincte mais dont les transcriptions sont versées à la procédure qui lui est déférée ; que M. A... est mis en examen dans la présente procédure sur le fondement d'écoutes réalisées dans une procédure distincte, dans laquelle il n'est pas mis en cause, en violation, notamment, du secret professionnel ; qu'en se refusant à contrôler la nécessité de l'ingérence que constitue la mise sur écoute de la ligne téléphonique utilisée par M. Y... sous le nom de M. Paul Z..., exclusivement destinée aux communications avec son avocat Me A..., la chambre de l'instruction a violé les articles 170 du code procédure pénale et les articles 6 et 8 de la Convention européenne des droits de l'homme, et a ainsi privé les requérants d'un recours effectif contre une mesure susceptible de constituer une ingérence dans le droit au respect de leur vie privée " ;
Attendu que, pour écarter le moyen d'annulation, pris de l'irrégularité de la décision d'interception, dans la procédure distincte, des communications sur la ligne téléphonique souscrite au nom de Z... et utilisée par M. Y..., l'arrêt attaqué, après avoir retenu qu'il n'appartient pas à la chambre de l'instruction de contrôler les raisons qui ont conduit les juges d'instruction à prendre cette mesure, énonce qu'elle s'est inscrite dans la continuité de leurs précédentes décisions ayant ordonné, dans le but de parvenir à la manifestation de la vérité dans l'information dont il étaient saisis, la mise sous surveillance des lignes utilisées par l'intéressé, à mesure qu'elles étaient identifiées ;
Attendu qu'en prononçant ainsi, la chambre de l'instruction a justifié sa décision, sans méconnaître les dispositions conventionnelles invoquées ; que, d'une part, les juges ont vérifié la régularité en la forme des commissions rogatoires techniques, lesquelles ne sont légalement soumises à aucune exigence de motivation spéciale, ainsi que celle des interceptions opérées pour leur exécution ;
Que, d'autre part, les pièces afférentes ont été versées dans l'information, dans laquelle a été mis en examen M. X... qui a été ainsi en mesure de les contrôler et de les contester ;
Qu'enfin, les dispositions conventionnelles visées au moyen n'ont pas été méconnues, dès lors que les interceptions de communications téléphoniques constituent une ingérence nécessaire, dans une société démocratique, pour lutter contre la délinquance, que ces mesures sont autorisées par un juge qui doit être informé de leur exécution et qu'elles répondent à des exigences précises, énoncées par les articles 100 à 100-7 du code de procédure pénale, dont la personne concernée peut faire sanctionner le défaut de respect par une requête en nullité ;
D'où il suit que le moyen ne peut qu'être écarté ;
Sur le sixième moyen de cassation, pris de la violation des articles 6 et 8 de la Convention européenne des droits de l'homme, 19, 40, 80, 81, 100, 151, 152 et 591 du code de procédure pénale, défaut de motifs, manque de base légale ;
" en ce que l'arrêt attaqué a rejeté la demande d'annulation des procès-verbaux et retranscriptions issus des écoutes réalisées entre le 7 février 2014 et le 25 février 2014, avant que les faits nouveaux ne fassent l'objet d'un réquisitoire introductif, et dit n'y avoir lieu à annulation d'une pièce de la procédure examinée ;
" aux motifs que les conversations suivantes entre M. Y... et Me A... (n° 77 86 90 91) sont dans le droit fil et étayent les précédentes, que l'ensemble s'étale sur une période de treize jours, période nécessaire pour caractériser les présomptions de la commission d'une ou plusieurs infractions en train de se commettre, sans qu'il puisse être argué que les juges d'instruction ont excédé leurs pouvoirs par des actes coercitifs excédant leur saisine, puisque simultanément ils recherchaient la manifestation de la vérité dans la procédure souche (...) ; qu'entre les 17 et 26 février 2014, les écoutes se sont poursuivies et qu'en particulier quatre écoutes des 24, 25 et du 26 février 2014 ont été retranscrites (D133 à 140 et D189 à 190) ; que contrairement à ce que soutient la défense, la poursuite des surveillances téléphoniques a eu lieu en exécution d'une des commissions rogatoires délivrées par M. Tournaire, la première quant à la ligne 06 81 86 83 09 utilisée par M. Y..., communication n° 3307 du 26 février 2014 à 11 heures 19 vers M. A... dans le cadre de manifestation de la vérité dans le dossier souche et de sa saisine, que c'est en exécution de la commission rogatoire de Mmes Simon et Thépaut que cette conversation a été retranscrite (DI 89-190), que les autres conversations n° 142 du 24 février (D133-134), n° 153 du 26 février (D140) et n° 146 du 25 février 2014 (D136) provenant de la ligne de M. Paul Z... ont été interceptées en exécution de la commission rogatoire de M. Tournaire susvisée dans le cadre de la manifestation de la vérité dans le dossier souche, et que c'est dans le cadre de la commission rogatoire de Mmes Simon et Thépaut du 26 février 2014 qu'elles ont été retranscrites pour être, comme les précédentes versées à la présente procédure (D 191- 191bis et D 133-140) ; que comme il a déjà été évoqué supra, il n'appartient pas à la chambre de l'instruction de se prononcer sur la pertinence de ces surveillances téléphoniques ni sur leur prolongation, intervenues, dans la procédure souche ;
" 1°) alors que lorsque le juge d'instruction acquiert la connaissance de faits nouveaux, il est tenu d'en informer immédiatement le procureur de la République ; qu'il lui est, néanmoins, permis, avant toute communication au procureur de la République, d'en consigner la substance dans un procès-verbal et d'effectuer d'urgence des vérifications sommaires afin d'en vérifier la vraisemblance, dès lors que celles-ci ne présentent pas un caractère coercitif ; que la mise sur écoute et l'enregistrement de conversations téléphoniques ayant un caractère coercitif, il ne peut y être procédé que dans les limites de la saisine du juge d'instruction ; qu'il appartient, dès lors, au juge d'instruction ayant pris connaissance de faits nouveaux d'en informer immédiatement le procureur de la République aux fins d'extension de sa saisine, ou d'ouverture d'une information distincte ou d'ouverture d'une enquête ; qu'à défaut, les enregistrements concernant les faits non compris dans la saisine du juge d'instruction, poursuivis après leur découverte, ne peuvent être régulièrement versés au dossier de la procédure ouverte ultérieurement les concernant ; qu'au cas présent, de nombreux enregistrements, réalisés après que le juge d'instruction a été informé de faits nouveaux le 7 février 2014 mais avant que le procureur de la République en soit lui-même informé et qu'il ouvre une information distincte le 26 février 2014, ont été versés au dossier puis transcrits dans le cadre de cette dernière ; qu'en se refusant à annuler les enregistrements et transcriptions des écoutes effectuées hors saisine, la chambre de l'instruction a méconnu les principes exposés ci-dessus ;
" 2°) alors que la chambre de l'instruction constate que dès le 7 février 2014, l'officier de police judiciaire commis dans la procédure souche fait état au juge mandant de présomptions de faits nouveaux de violation du secret professionnel et de corruption d'un magistrat à la Cour de cassation, dont l'identité est déterminée le jour même ; qu'en affirmant, néanmoins, qu'une période d'écoutes d'une durée de treize jours, à partir des premières interrogations nées des échanges du 28 janvier 2014, soit jusqu'au 10 février 2014 aurait été nécessaire aux enquêteurs pour caractériser des présomptions de la commission d'une ou plusieurs infractions en train de se commettre, la chambre de l'instruction s'est mise en contradiction avec les pièces du dossier et ses propres constatations et a violé les textes précités en excédant ses pouvoirs ;
" 3°) alors que les officiers de police judiciaire sont tenus d'informer sans délai le procureur de la République des infractions dont ils acquièrent la connaissance dans l'exercice de leurs fonctions ; que le juge d'instruction est de même tenu d'informer immédiatement le procureur de la République des faits nouveaux, le cas échéant après que des vérifications sommaires ont été effectuées ; qu'il résulte des constatations de la chambre de l'instruction que les enquêteurs ont eu connaissance de faits nouveaux dès le 28 janvier 2014 et que le juge d'instruction en a eu connaissance dès le 7 février 2014 ; que le procureur de la République n'a finalement été informé de ces faits distincts de ceux objets de la procédure souche que le 17 février 2014 ; qu'il a pris un réquisitoire introductif le 26 février suivant, sans qu'aucune vérification sommaire ne soit réalisée dans cet intervalle ; qu'en ne recherchant pas si l'information du procureur de la République puis l'ouverture d'une information judiciaire ne présentaient pas un caractère tardif, de nature à invalider l'ensemble des actes accomplis entre le 7 février et le 26 février 2014 par des acteurs de la procédure dépourvus de toute compétence, la chambre de l'instruction n'a pas donné de base légale à sa décision " ;
Sur le septième moyen de cassation, pris de la violation des articles 6 et 8 de la Convention européenne des droits de l'homme, 19, 40, 80, 81, 99-3, 100, 151, 152, 206, 802 et 591 du code de procédure pénale, défaut de motifs, manque de base légale ;
" en ce que l'arrêt attaqué a rejeté la demande d'annulation de la réquisition du 7 février 2014 (D8) et des actes subséquents, actes accomplis hors saisine, et dit n'y avoir lieu à annulation d'une pièce de la procédure examinée ;
" aux motifs qu'il ne peut être argué que les juges d'instruction ont excédé leurs pouvoirs par des actes coercitifs excédant leur saisine puisque simultanément, ils recherchaient la manifestation de la vérité dans la procédure souche ; (...) que la cour de céans, même au visa de l'article 206 du code de procédure pénale, n'est pas compétente pour apprécier la régularité (...) des actes d'exécutions des commissions rogatoires des 23 avril et 19 septembre 2013, à savoir les procès-verbaux dressés par les officiers de police judiciaire les 7, 10, 11 février 2014 (D4 à D18), ces actes ayant été accomplis dans une procédure étrangère au présent dossier et elle aussi couverte par le secret de l'instruction ;
" 1°) alors que la chambre de l'instruction est compétente pour apprécier la régularité d'une réquisition adressée, dans le cadre d'une procédure distincte, à un opérateur de téléphonie en vue d'obtenir la fadette d'une ligne téléphonique et l'identification de tous ses correspondants, dès lors que ces éléments sont versés dans la procédure soumise à son contrôle ; qu'en estimant le contraire, la chambre de l'instruction a violé le droit de M. X..., dont l'identification et le numéro de téléphone, ultérieurement placé sur écoutes, avaient ainsi été obtenus, à un contrôle efficace de cette ingérence dans le droit au respect de sa vie privée ;
" 2°) alors que les officiers de police judiciaire qui à l'occasion de l'exécution d'une commission rogatoire acquièrent la connaissance de faits nouveaux ne peuvent faire de vérifications sommaires les concernant qu'en vertu des pouvoirs propres qu'ils tiennent de la loi ; que, dès lors, à supposer même que la réquisition litigieuse ayant pour objectif d'identifier les numéros appelés et appelants de la ligne téléphonique d'un avocat n'ait pas un caractère coercitif et soit une simple vérification sommaire, elle ne pouvait être délivrée qu'en vertu des pouvoirs propres de l'officier de police judiciaire et non en exécution de la commission rogatoire du 23 avril 2013 délivrée dans la procédure souche puisque, comme l'admet l'arrêt attaqué, elle portait sur des faits nouveaux, distincts de ceux pour lesquels la commission rogatoire avait été délivrée ; qu'en décidant le contraire l'arrêt attaqué a violé les textes précités, spécialement les articles 151 et 152 du code de procédure pénale ;
" 3°) alors que les réquisitions prises au visa de l'article 99-3 du code de procédure pénale ne peuvent être utilisées que dans le cadre de la saisine du juge d'instruction et ne doivent porter atteinte ni aux dispositions conventionnelles relatives au respect de la vie privée et des droit de la défense, ni au secret professionnel ; qu'en l'espèce, la réquisition du 7 février 2014, délivrée sous couvert de la commission rogatoire du 23 avril 2013, tendait à la communication de documents strictement confidentiels, s'agissant de données relatives à la ligne téléphonique d'un avocat, pour vérifier des faits nouveaux, non compris dans la saisine des juges d'instruction mandant ; qu'en refusant, néanmoins, d'annuler ladite réquisition l'arrêt attaqué a violé les textes précités ;
" 4°) alors que les réquisitions visées à l'article 99-3 du code de procédure pénale ne peuvent être accomplies par un officier de police judiciaire sans l'autorisation ni l'information préalable d'un magistrat que lorsque cet officier agit dans le cadre d'une commission rogatoire et seulement pour se faire remettre des documents intéressant l'instruction ; que, dès lors, en l'espèce, l'officier de police judiciaire ne pouvait au seul visa de ce texte, sans information ni autorisation préalable d'un magistrat, se faire remettre la fadette de la ligne téléphonique de Me A... pour conforter des éléments qui n'intéressaient pas l'information en cours mais portaient sur des faits nouveaux ; que l'arrêt attaqué a ainsi violé l'article 99-3 du code de procédure pénale ;
" 5°) alors que, si l'officier de police judiciaire agissant sur commission rogatoire peut, lorsqu'il acquiert la connaissance de faits nouveaux, effectuer d'urgence des vérifications sommaires pour en apprécier la vraisemblance, c'est à la condition que ces actes ne présentent pas un caractère coercitif ; que présente nécessairement un caractère coercitif une mesure constituant une ingérence dans la vie privée, effectuée à l'insu des personnes visées, et que la loi soumet au contrôle d'un magistrat ; qu'en considérant que la réquisition tendant à l'obtention de la fadet de la ligne téléphonique de l'avocat de la personne suspectée était une mesure non coercitive qualifiable à ce titre de vérification sommaire, la chambre de l'instruction a violé l'article 80 du code de procédure pénale " ;
Les moyens étant réunis ;
Attendu qu'il résulte de l'arrêt attaqué et des pièces de la procédure que les juges d'instruction, saisis d'infractions susceptibles d'avoir été commises à l'occasion du financement d'une campagne présidentielle, ont ordonné, par une commission rogatoire du 23 avril 2013, diverses investigations et ont demandé, par commissions rogatoires techniques successives, l'interception des communications téléphoniques sur différentes lignes utilisées par M. Y... ; que le contenu de propos échangés, à partir du 28 janvier 2014, entre celui-ci et M. A..., a fait suspecter des faits susceptibles de qualification pénale, dont les juges d'instruction n'étaient pas saisis et que l'officier de police judiciaire délégué a portés à leur connaissance, notamment par un rapport écrit du 7 février suivant ; que le même jour, celui-ci a adressé, sur le fondement de la commission rogatoire du 23 avril 2013 précitée, une réquisition à un opérateur téléphonique aux fins d'obtenir la facturation détaillée d'une ligne attribuée à M. A... ; que le procureur financier a ouvert une information distincte par réquisitoire du 26 février 2014 sur ces faits nouveaux qui lui avaient été communiqués le 17 février par les juges d'instruction ;
Attendu que, pour écarter les moyens d'annulation pris de l " irrégularité, d'une part, d'actes qui auraient été irrégulièrement accomplis sur des faits dont les juges d'instruction n'étaient pas saisis, en particulier la poursuite des interceptions téléphoniques postérieurement à la découverte de faits nouveaux, d'autre part, de la réquisition adressée le 7 février 2014, l'arrêt relève que les interceptions de communications téléphoniques ayant été opérées en exécution de la commission rogatoire régulièrement délivrée dans la procédure d'origine, aux fins de rechercher la manifestation de la vérité relativement aux faits dont les juges d'instruction étaient saisis, leur poursuite, après l'apparition d'indices de commission de faits distincts, a permis d'en vérifier la substance et de s'assurer qu'ils étaient susceptibles d'une qualification pénale ; que les juges ajoutent qu'il n'a été procédé à aucune mesure coercitive, la réquisition précitée adressée par l'officier de police judiciaire à l'opérateur téléphonique n'entrant pas dans cette catégorie ;
Attendu qu'en prononçant ainsi, la chambre de l'instruction a justifié sa décision, sans méconnaître les dispositions légales et conventionnelles invoquées aux moyens, lesquels ne peuvent qu'être écartés ;
Sur le huitième moyen de cassation, pris de la violation des articles 6, § 1, de la Convention européenne des droits de l'homme, 16 de la Déclaration des droits de l'homme, 34 et 64 de la Constitution, 81, 56, 57 et 96 du code de procédure pénale et du principe du secret du délibéré ;
" en ce que l'arrêt attaqué a dit n'y avoir lieu à annulation d'une pièce de la procédure examinée ;
" aux motifs que M. X... estime que l'avis ou projet d'arrêt du conseiller rapporteur, M. Guérin, daté du 22 janvier 2014, intitulé B... c/ C..., ne pouvait juridiquement être l'objet d'une saisie de la part des juges d'instruction lorsqu'ils se sont transportés à la Cour de cassation, cet avis ou projet n'étant diffusé qu'aux membres magistrats du siège de la formation de jugement, et étant couvert par le secret absolu du délibéré de sorte que ladite saisie devra être annulée ; que le 2 juin 2014, s'étant transportés à la Cour de cassation, les magistrats instructeurs ont procédé, entre autres, à la saisie du projet d'arrêt daté du 22 janvier 2014 de M. Guérin, conseiller rapporteur dans ladite procédure B.../ C... ; que M. Guérin entendu par les magistrats le 28 mars 2014 (D318) s'est expliqué sur la distinction à faire entre le rapport du conseiller, qui demeure neutre et le projet d'arrêt ou avis du conseiller, qui doit demeurer secret (position partagé par M. D...) et partant s'est refusé à remettre cet avis aux juges d'instruction ; que le secret du délibéré auquel est astreint tout magistrat en application du serment qu'il a prêté a pour objectif de protéger son indépendance, de faire respecter son impartialité, en le mettant à l'abri de tout risque de pression, que le secret du délibéré est un principe général de droit public français (CE 17 nov. 1922) et qu'il est établi et reconnu depuis 1882, comme le dit la Cour de cassation dans l'arrêt du 18 août 1882, tel que produit et versé à la procédure ; que, dès lors, le magistrat comme toute autre personne tenue de par sa profession, médecin, expert-comptable, au secret n'est pas obligé, ni même et surtout obligé à déposer devant un juge d'instruction ; que, cependant, il y a lieu de distinguer la teneur du témoignage, des pièces qui sont le support de l'émission d'un avis ou projet ; que si la saisie et la révélation du contenu des documents couverts par le secret défense obéissent à un régime dérogatoire, prévu par l'article L. 2314-4 du code de la défense, régime qui, s'oppose à la saisie d'emblée par le juge d'instruction de telles pièces, en l'espèce, et en l'état, aucun texte ne prévoit un tel régime dérogatoire pour protéger les pièces utilisées par les magistrats de la chambre criminelle de la Cour de cassation pour parvenir à leurs décisions, et en particulier à celle du 11 mars 2014 ; que le juge d'instruction tire des articles 81 et 56, 57 et 96 du code de procédure pénale, le pouvoir de procéder à toutes investigations et à toutes saisies des pièces ou documents qui peuvent apparaître utiles à la manifestation de la vérité sans que puisse lui être opposé le secret professionnel, qu'en l'espèce la saisie de l'avis/ projet du conseiller rapporteur, peut, à charge ou à décharge, apporter des indices ou la preuve, ou écarter à contrario, toute violation du secret professionnel ou toute présomption de trafic d'influence, objets des présentes poursuites, eu égard à l'ensemble des déclarations recueillies par l'enquête, dont il convient de rappeler que l'une des personnes mises en cause est un avocat général près la Cour de cassation, et donc de savoir si ce magistrat a pu ou non avoir accès à cet avis ; qu'en conséquence, la saisie de l'avis du 22 janvier 2014, rédigé par M. Guérin n'est pas intervenue de manière irrégulière, en violation d'une disposition spécifique, et donc ne sera pas annulée ;
" 1°) alors que le secret du délibéré, qui participe au bon fonctionnement de la justice et à l'indépendance des magistrats, est général et absolu ; qu'il ne peut y être porté atteinte par un juge d'instruction dans le cadre des pouvoirs qu'il tient de l'article 81 du code de procédure pénale que, soit parce que le magistrat qui y est tenu est lui-même suspecté d'avoir commis une infraction dont les pièces soumises au secret seraient susceptibles de faire la preuve, soit parce que le juge d'instruction est saisi d'une violation du secret du délibéré ; que tel n'est pas le cas en l'espèce, l'infraction de trafic d'influence étant distincte d'une violation du secret du délibéré et le seul magistrat mis en cause, parquetier étranger à l'affaire B... c/ C... n'étant pas soumis à ce secret ; que, dès lors, les juges d'instruction ont saisi des pièces étrangères aux nécessités de l'instruction et excédé leurs pouvoirs ;
2°) alors que le secret du délibéré, qui participe au bon fonctionnement de la justice et à l'indépendance des magistrats, est général et absolu ; qu'il ne saurait y être porté atteinte que si les mesures envisagées sont strictement nécessaires et proportionnées au but légitime poursuivi ; qu'en se fondant sur l'éventualité que la saisie de la pièce litigieuse, couverte par le secret du délibéré, puisse « apporter des indices ou la preuve » d'une « violation du secret professionnel », cependant que le juge d'instruction n'était saisi d'aucun fait de violation du secret du délibéré considéré et que les faits de violation du secret professionnel objet des poursuites étaient étrangers à ce délibéré, l'arrêt attaqué n'a pas justifié de la légitimité du but poursuivi ;
" 3°) alors qu'en se fondant sur l'éventualité que la saisie de la pièce litigieuse, couverte par le secret du délibéré, puisse « à charge ou à décharge, apporter des indices ou la preuve, ou écarter à contrario, toute présomption de trafic d'influence », l'arrêt attaqué s'est dispensé de vérifier que l'atteinte au secret du délibéré avait été rendue impérative par l'existence, préalablement requise, d'indices suffisants d'un prétendu trafic d'influence et n'a pas justifié du caractère absolument indispensable d'une telle atteinte ;
" 4°) alors que les dispositions des articles 81 et 56, 57 et 96 du code de procédure pénale, en ce qu'elles autorisent la saisie au sein d'une juridiction, d'une pièce couverte par le secret du délibéré, sans assigner de limites à cette mesure ni l'assortir de garanties spéciales de procédure permettant le contrôle de l'opportunité de la saisie au regard du but poursuivi par le juge d'instruction, portent atteinte au principe d'indépendance des juges et au droit à un procès équitable garantis par les articles 64 de la Constitution et 16 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789 ; qu'en conséquence, la déclaration d'inconstitutionnalité des textes précités qui sera prononcée après renvoi de la question prioritaire de constitutionnalité posée par écrit distinct et motivé au Conseil constitutionnel, privera l'arrêt attaqué de tout fondement juridique ;
" 5°) alors que les dispositions des articles 81 et 56, 57 et 96 du code de procédure pénale, en ce qu'elles autorisent la saisie, au sein d'une juridiction, d'une pièce couverte par le secret du délibéré, sans assigner de limites à cette mesure ni l'assortir de garanties spéciales de procédure, portent atteinte au principe du secret du délibéré, au principe d'indépendance des juges et au droit à un procès équitable ; qu'en refusant de constater l'irrégularité de la saisie de l'avis du 22 janvier 2014 couvert par le secret du délibéré, la cour a méconnu le principe du secret du délibéré, ensemble l'article 6,1, de la Convention européenne des droits de l'homme " ;
Sur le moyen, pris en sa quatrième branche :
Attendu qu'à la suite de la transmission par la Cour de cassation d'une question prioritaire de constitutionnalité présentée par M. X... à l'occasion du présent pourvoi, le Conseil constitutionnel, par décision n° 2015-506 QPC du 4 décembre 2015, a déclaré contraires à la Constitution le troisième alinéa de l'article 56 du code de procédure pénale ainsi que les mots " Sous réserve de ce qui est dit à l'article 56 concernant le respect du secret professionnel et des droits de la défense ", figurant à l'article 57 du même code, mais a reporté leur abrogation au 1er octobre 2016, en ajoutant que les actes accomplis avant la publication de sa décision, en application de ces dispositions légales, ne pourraient être contestés sur le fondement de cette inconstitutionnalité ;
Qu'il en résulte que le moyen n'est pas fondé en sa quatrième branche ;
Mais sur le moyen, pris en ses autres branches :
Vu l'article 6,1, de la Convention européenne des droits de l'homme ;
Attendu que si aucune disposition légale ne protège spécifiquement le secret du délibéré, principe indissociable des fonctions juridictionnelles en tant que garantie de l'indépendance des juges et d'un procès équitable, il se déduit de la disposition conventionnelle susvisée et des principes généraux du droit que l'atteinte que constitue la saisie par un juge d'instruction, dans le cadre des pouvoirs qu'il tient de l'article 81 du code de procédure pénale, de documents couverts par ce secret, ne saurait être justifiée qu'à la condition qu'elle constitue une mesure nécessaire à l'établissement de la preuve d'une infraction pénale ;
Attendu qu'il résulte de l'arrêt attaqué et des pièces de la procédure que les juges d'instruction, en charge de l'information dans laquelle M. X... a été mis en examen, ont procédé à une perquisition à la Cour de cassation, au cours de laquelle ils ont saisi, auprès du service informatique de cette juridiction, des documents couverts par le secret du délibéré, en l'espèce, l'avis personnel du conseiller de la chambre criminelle ayant instruit un pourvoi formé par M. Y... dans une affaire distincte, ainsi que le projet d'arrêt qu'il avait préparé en vue de l'audience collégiale ; que cette perquisition et la saisie sont intervenues postérieurement au refus de communiquer lesdits documents opposé aux juges d'instruction par les magistrats de la formation de jugement, en conformité avec leur serment de garder le secret du délibéré, prêté en application de l'article 6 de l'ordonnance n° 58-1270 du 27 décembre 1958 ;
Attendu que, pour écarter le moyen d'annulation, pris de l'irrégularité de la saisie de l'avis du rapporteur et du projet d'arrêt précités, couverts par le secret du délibéré, l'arrêt retient qu'aucun texte ne prévoit une protection dérogatoire au droit commun de cette catégorie de documents et que le juge d'instruction tient de l'article 81 du code de procédure pénale le pouvoir de procéder à la saisie de toute pièce ou document pouvant apparaître utile à la manifestation de la vérité, sans que puisse lui être opposé le secret professionnel ;
Mais attendu qu'en refusant d'annuler la saisie de l'avis du rapporteur et du projet rédigé par lui, alors que cette appréhension n'était pas indispensable à la recherche de la preuve d'un trafic d'influence, dont seul était suspecté un magistrat étranger à la chambre criminelle, qu'il n'existait aucun indice de participation d'un membre de la formation de jugement ayant participé au délibéré à une quelconque infraction et qu'en conséquence, en procédant ainsi, les juges d'instruction avaient porté une atteinte non nécessaire au secret du délibéré, la chambre de l'instruction a méconnu le texte susvisé et le principe énoncé ci-dessus ;
D'où il suit que la cassation est encourue de ce seul chef ; que n'impliquant pas qu'il soit à nouveau statué sur le fond, elle aura lieu sans renvoi, ainsi que le permet l'article L 411-3 du code de l'organisation judiciaire ; que les annulations prononcées ci-dessous ont effet à l'égard de toutes les parties à la procédure, sans qu'il soit besoin de statuer sur la demande d'extension sollicitée ;
Par ces motifs :
CASSE et ANNULE l'arrêt susvisé de la chambre de l'instruction de la cour d'appel de Paris, en date du 7 mai 2015, en ses seules dispositions ayant refusé d'annuler la saisie et la mise sous scellés cotées D 1179 de l'avis du rapporteur sur un pourvoi et des projets d'arrêts ainsi intitulés :
- le document " cas ", audience du 11 février 2014, s'agissant du projet d'arrêt (Scellé " Cour de cassation " n° 1),
- le document " AAA " (arrêt arrêté à l'audience) ; audience du 11 février 2014 (Scellé " Cour de cassation " n° 2),
- le document " AAD " (arrêt d'audience définitif) ; (Scellé " Cour de cassation " n° 3),
- le document " NOT " (l'avis du rapporteur daté du 22 janvier) (Scellé " Cour de cassation " n° 4), toutes autres dispositions étant expressément maintenues ;
ORDONNE la cancellation, sur le procès-verbal coté D1178- D1179, après qu'il en aura été pris une copie certifiée conforme par le greffier pour être classée au greffe de la chambre de l'instruction, du passage commençant par : " Procédons à l'impression et à la saisie des documents suivants " et se terminant par : " que nous plaçons sous scellé n° 4 " ;
DIT que les scellés précités correspondants seront retirés des deux exemplaires du dossier d'information ;
DIT n'y avoir lieu à renvoi ;
ORDONNE l'impression du présent arrêt, sa transcription sur les registres du greffe de la chambre de l'instruction de la cour d'appel de Paris et sa mention en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement annulé.