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Décisions

Cass. crim., 22 mars 2016, n° 15-83.205

COUR DE CASSATION

Arrêt

Cassation

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Pers

Rapporteur :

Mme Caron

Avocat général :

M. Cordier

Avocats :

SCP Piwnica et Molinié, SCP Waquet, Farge et Hazan

Paris, ch. indus, du 7 mai 2015

7 mai 2015

Statuant sur le pourvoi formé par :

- M. Thierry X...,

contre l'arrêt n° 3 de la chambre de l'instruction de la cour d'appel de PARIS, 2e section, en date du 7 mai 2015, qui, dans l'information suivie contre lui des chefs de recel de violation du secret professionnel, recel de violation du secret de l'instruction et trafic d'influence, a prononcé sur sa demande d'annulation d'actes de la procédure ;

La COUR, statuant après débats en l'audience publique du 28 janvier 2016 où étaient présents : M. Pers, conseiller doyen faisant fonction de président en remplacement du président empêché, Mme Caron, conseiller rapporteur, M. Castel, Mme Dreifuss-Netter, MM. Fossier, Raybaud, Moreau, Mmes Drai, Schneider, Farrenq-Nési, MM. Bellenger, Stephan, conseillers de la chambre, Mme Harel-Dutirou, M. Laurent, Mme Carbonaro, M. Béghin, Mme Guého, conseillers référendaires ;

Avocat général : M. Cordier ;

Greffier de chambre : Mme Hervé ;

Sur le rapport de Mme le conseiller CARON, les observations de la société civile professionnelle WAQUET, FARGE et HAZAN, de la société civile professionnelle PIWNICA et MOLINIÉ, avocats en la Cour, et les conclusions de M. le premier avocat général CORDIER, les avocats des parties ayant eu la parole en dernier ;

Vu l'ordonnance du conseiller doyen de la chambre criminelle faisant fonction de président, en date du 2 juin 2015, prescrivant l'examen immédiat du pourvoi ;

Vu le mémoire et les observations complémentaires produits ;

Attendu qu'il résulte de l'arrêt attaqué et des pièces de la procédure, que, dans une information ouverte à Paris, notamment des chefs de corruption, blanchiment, trafic d'influence, les juges d'instruction ont ordonné, au fur et à mesure de leur identification, le placement sous surveillance des lignes téléphoniques utilisées par M. Nicolas Y..., successivement par commission rogatoire technique du 3 septembre 2013 pour une durée de quatre mois, cette mesure étant prolongée le 27 décembre suivant, puis, pour une deuxième ligne, par commission rogatoire du 19 septembre 2013, pour une durée également de quatre mois, cette mesure étant prolongée le 10 janvier 2014, le bâtonnier de l'ordre des avocats de Paris étant immédiatement avisé de chacune de ces décisions, en raison de la qualité d'avocat de M. Y... ; qu'à la suite de l'identification par les policiers d'une nouvelle ligne, souscrite au nom de M. Paul Z..., utilisée en réalité par M. Y... et paraissant destinée à ses échanges avec un interlocuteur unique, celle-ci a été également placée sous surveillance le 22 janvier 2014, le bâtonnier en étant à nouveau immédiatement avisé ; que, dans un rapport adressé le 7 février 2014 aux juges d'instruction mandants, l'officier de police judiciaire en charge de l'enquête sur commission rogatoire a résumé des propos échangés entre M. Y... et M. Thierry X..., avocat, entre le 28 janvier et le 5 février 2014 sur la ligne ouverte au nom de Z..., laissant supposer que ceux-ci étaient au courant des écoutes téléphoniques ainsi que de perquisitions envisagées par les magistrats, et que M. X... recevait également des informations, dont certaines confidentielles, sur un pourvoi en cassation formé par le premier nommé dans une affaire distincte, en cours d'instruction devant la Cour de cassation ; que ces derniers renseignements pouvaient provenir d'un certain " Gilbert ", paraissant à l'officier de police judiciaire en mesure d'infléchir favorablement le sort dudit pourvoi par ses contacts à la Cour ; que M. X... proposait à M. Y..., en contrepartie des services rendus par " Gilbert ", de l'aider à obtenir le poste de conseiller d'Etat à Monaco, convoité par ce dernier ; que la facturation détaillée de la ligne téléphonique de M. X..., obtenue par réquisition adressée à l'opérateur Orange, le 7 février 2014, a révélé divers échanges téléphoniques entre M. X... et M. Gilbert A..., premier avocat général à la Cour de cassation ; que, faisant suite à une ordonnance de soit-communiqué, en date du 17 février 2014, le procureur financier a ouvert le 26 février suivant une information distincte, confiée à deux autres juges d'instruction, des chefs de trafic d'influence passif par une personne exerçant une fonction publique, trafic d'influence actif sur une personne chargée d'une mission de service public, complicité et recel de ces infractions, violation du secret de l'instruction et recel ; que les magistrats instructeurs ont ordonné le placement sous interception des lignes téléphoniques de M. X... et ont délivré plusieurs commissions rogatoires, notamment aux fins de transcription des écoutes opérées dans la procédure qui en a été à l'origine ; qu'ils ont procédé à diverses perquisitions, notamment à la Cour de cassation, et auditions, en particulier de magistrats de cette juridiction ; qu'après délivrance, le 1er juillet 2014, d'un réquisitoire supplétif portant sur des faits nouveaux survenus depuis l'ouverture de l'information, MM. Y..., X... et A... ont été mis en examen ;

En cet état :

Sur le premier moyen de cassation, pris de la violation des articles 6 et 8 de la Convention européenne des droits de l'homme, 16 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen, 66-5 de la loi n° 71-1130 du 31 décembre 1971, préliminaire, 100, 100-5, 100-7, 170, 591 et 593 du code de procédure pénale, défaut de motifs, manque de base légale ;

" en ce que l'arrêt attaqué a rejeté la requête en nullité des écoutes téléphoniques pratiquées sur la ligne ouverte au nom de M. Paul Z..., destinée exclusivement aux communications entre une personne soupçonnée et son avocat ;

" aux motifs que si la confidentialité des échanges entre l'avocat et son client est garantie par l'article 66-5 de la loi du 31 décembre 1971, il s'agit d'une obligation déontologique, que, de même, si l'article 40 de la loi pénitentiaire du 23 novembre 2009 et la jurisprudence de la Cour de cassation (cass. crim. 15 janvier 1997 n° 96-83. 753) protègent ce secret professionnel, celui-ci s'efface quand il y a lieu d'établir l'existence d'une présomption d'infraction de la part de l'avocat (cass. crim. 8 janvier 2006 n° 05-86. 447 et 1er octobre 2003 n° 03-82. 909), comme le concède la défense elle-même ; que les conversations 21, 24 sont venues conforter les toutes premières interrogations nées des échanges du 28 janvier, et étayer l'idée de l'implication éventuelle tant de M. Gilbert A..., avocat général près la Cour de cassation, que de M. X... dans un éventuel trafic d'influence, car s'il relevait de ses fonctions d'avocat pour M. X... d'informer son client que la veille il avait reçu le mémoire du rapporteur à la Cour de cassation, juridiction s'apprêtant à juger des pourvois de M. Nicolas Y..., ce même jour, dans la même conversation, a été évoquée l'existence de « notre ami » et en filigrane son avis, et que les conversations suivantes sont venues renforcer l'existence « de fuites » traduisant une violation du secret de l'instruction quant à d'autres procédures pouvant impliquer M. Y... (conversations 38 et 39) ; que, dès lors, le principe de confidentialité des échanges entre l'avocat et son client est inopérant et s'efface au profit des règles de procédure pénale et des règles jurisprudentielles définies par la chambre criminelle de la Cour de cassation dès qu'apparaissent des indices de la participation d'un avocat à une activité délictueuse ; que les conversations suivantes entre M. Y... et M. X... (n° 77, 86, 90, 91) sont dans le droit fil et étayent les précédentes, que l'ensemble s'étale sur une période de treize jours, période nécessaire pour caractériser les présomptions de la commission d'une ou plusieurs infractions en train de se commettre, sans qu'il puisse être argué que les juges d'instruction ont excédé leurs pouvoirs par des actes coercitifs excédant leur saisine puisque simultanément ils recherchaient la manifestation de la vérité dans la procédure souche ; qu'en outre, au 22 janvier 2014 existait déjà une suspicion de la commission d'une infraction et entre autres, avec la complicité de M. X..., se révélant intermédiaire et relais entre les deux sujets actif et passif de faits qui pourront être ultérieurement qualifiés de trafic d'influence et de recel de violation du secret professionnel, suspicions qui se sont étayées dès le 28 janvier 2014, comme l'établit le contenu des conversations n° 15, 21, 24, 28, 39, 57 recueillies sur la ligne au nom de M. Paul Z... et comme l'a révélé, d'autre part, dès le 21 janvier 2014 la ligne 06... attribuée à M. X... mettant en exergue ses appels répétés vers la ligne 06... au nom de M. A... rapidement identifié sous sa qualité de premier avocat général près la Cour de cassation ;

" 1°) alors que la confidentialité des échanges entre une personne faisant l'objet d'investigations et son avocat figure parmi les exigences élémentaires du procès équitable dans une société démocratique, et doit être protégée de manière absolue en matière pénale dès l'instant où une personne est soupçonnée ; que ce principe de confidentialité, affirmé en droit français à l'article 66-5 de la loi du 31 décembre 1971, et celui de respect des droits de la défense, excluent donc que soit mise sur écoute une ligne téléphonique exclusivement dédiée aux échanges entre un avocat et son client, sauf le cas où des indices de la participation de l'avocat à une infraction existeraient antérieurement à la mise sur écoute ; qu'il est constaté par la chambre de l'instruction qu'avant même la mise sur écoute de la ligne « Z... », la fadette avait permis de déduire que la ligne était exclusivement dédiée, sauf deux appels, à la communication avec une seule autre ligne ; que, dès la première conversation survenue après la mise sur écoute, les enquêteurs ont été en mesure d'identifier M. X..., avocat du président, M. Nicolas Y..., comme étant l'utilisateur de cette ligne ; qu'il appartenait, dès lors, aux enquêteurs de cesser immédiatement les écoutes effectuées sur la ligne « Z... » ; qu'en se refusant à annuler les écoutes ainsi réalisées sur une ligne exclusivement dédiée aux échanges entre un avocat et son client, la chambre de l'instruction a méconnu le principe visé ci-dessus ;

" 2°) alors que la ligne téléphonique professionnelle d'un avocat ne peut faire l'objet d'écoute que si préalablement il existe des indices graves permettant de soupçonner qu'il a commis une infraction ; qu'il en va de même pour une ligne téléphonique exclusivement utilisée pour les conversations de l'avocat avec son client, que l'avocat soit l'émetteur ou le récepteur de cette ligne ; que la chambre de l'instruction ne relève nulle part ni à quelle date M. X..., interlocuteur unique de la ligne « Z... » a été identifié, ni quels soupçons dans le cadre de la procédure « souche » auraient existé contre lui, justifiant sa mise sous écoute ou la poursuite des écoutes de la ligne téléphonique après son identification ; que, dès lors, l'arrêt attaqué qui a refusé d'annuler les écoutes de la ligne exclusivement dédiée aux conversations d'un avocat et de son client n'est pas légalement justifié ;

" 3°) alors que les appels de la ligne attribuée à M. X... en direction de M. A... ont été découverts le 7 février et non le 21 janvier 2014 ainsi que cela résulte de la pièce D10 et des propres constatations de l'arrêt ; qu'ainsi, pour affirmer que des soupçons existaient contre M. X... dès le 22 janvier, étayés le 28 janvier, la chambre de l'instruction s'est mise en contradiction avec les pièces de dossier et ses propres constatations en violation de l'article 593 du code de procédure pénale ;

" 4°) alors que l'article 100-7 du code de procédure pénale prévoit, à peine de nullité, qu'« aucune interception ne peut avoir lieu sur une ligne dépendant du cabinet d'un avocat ou de son domicile sans que le bâtonnier en soit informé par le juge d'instruction » ; qu'à l'appui de sa requête en annulation des écoutes réalisées sur la ligne « Z... », M. X... a, notamment, fait état de ce que la mise sur écoute de la ligne ouverte au nom de M. Paul Z... avait entraîné, de facto, la mise sur écoute de sa propre ligne, exclusivement dédiée aux communications avec son client, sans que son bâtonnier n'en soit informé ; qu'en ne répondant pas à ce moyen et en n'annulant pas les écoutes pour défaut d'information du bâtonnier, la chambre de l'instruction a violé l'article 100-7 du code de procédure pénale " ;

Sur le deuxième moyen de cassation, pris de la violation des articles 6 et 8 de la Convention européenne des droits de l'homme, 16 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen, 66-5 de la loi n° 71-1130 du 31 décembre 1971, préliminaire, 100, 100-5, 591 et 593 du code de procédure pénale, défaut de motifs, manque de base légale ;

" en ce que l'arrêt attaqué a rejeté la requête en nullité des écoutes téléphoniques pratiquées sur la ligne ouverte au nom de M. Paul Z..., destinée exclusivement aux communications entre une personne suspectée et son avocat ;

" aux motifs que si les juges d'instruction ont cru devoir aviser le bâtonnier du placement sous surveillance de cette ligne utilisée par M. Y..., avocat, pour respecter, par précaution, les dispositions de l'article 100-7 du code de procédure pénale, il ne peut être déduit de ce seul avis, et contrairement à ce que soutient le requérant, que l'ensemble des échanges, entre M. Y... et M. X... identifié lui aussi comme avocat, était couvert par le principe de la confidentialité entre avocats ou le secret professionnel ; qu'une distinction doit être faite entre le principe de confidentialité des échanges de toute nature de l'avocat, et le principe de garanties des droits de la défense, existant entre une personne mise en examen et son avocat désigné, dans une procédure déterminée, principe protégé par l'article 100-5, alinéa 3, du code de procédure pénale ; que tel n'était pas le cas en l'espèce, la qualité d'avocat désigné ne se présumant pas, quand bien même fut-elle de notoriété publique, les dispositions des articles 63-3-1 et 116 du code de procédure pénale faisant référence à un avocat choisi ou désigné, à défaut commis d'office par le bâtonnier, dans chaque procédure distincte ; que, par ailleurs, il ne peut être soutenu que les dispositions de l'article 8 de la Convention européenne des droits de l'homme aient été violées, article qui certes en son paragraphe 1 consacre le principe du respect de la vie privée, mais qui dans son paragraphe 2 prévoit l'ingérence de l'autorité publique, qui pour autant qu'elle est prévue par la loi, constitue une mesure nécessaire à la prévention des infractions pénales ;

" 1°) alors que la confidentialité des échanges entre une personne faisant l'objet d'investigation et son avocat figure parmi les exigences élémentaires du procès équitable dans une société démocratique, et doit être protégée de manière absolue en matière pénale dès l'instant où une personne est soupçonnée ; que les droits de la défense doivent en effet être garantis à tous les stades de la procédure, dès lors qu'une personne fait l'objet de suspicions en matière pénale ; que le président, M. Nicolas Y... a été mis sur écoute car il était soupçonné d'avoir pu participer aux faits objets de l'information dans la procédure souche, de sorte qu'il était impossible d'écouter ses conversations avec son avocat ; qu'en considérant que les communications téléphoniques entre M. X... et le président, M. Nicolas Y... n'étaient pas couvertes par la confidentialité de la relation avocat-client, faute de mise en examen du président, M. Nicolas Y... et de désignation officielle de M. X..., la chambre de l'instruction a méconnu les principes susvisés ;

" 2°) alors que la chambre de l'instruction constate elle-même que M. X... est l'avocat du président, M. Nicolas Y... ; qu'en considérant, néanmoins, que leurs conversations téléphoniques n'étaient pas couvertes par le secret de la relation avocat-client, la chambre de l'instruction a violé le principe de confidentialité et les droits de la défense ;

" 3°) alors que la confidentialité des conversations téléphoniques entre un avocat et son client s'impose, dès lors que celles-ci relèvent de l'exercice des droits de la défense, dans la procédure à l'occasion de laquelle les écoutes ont été ordonnées ou dans toute autre procédure dans laquelle le client serait également mis en cause ; qu'au moment où les écoutes ont été mises en oeuvre, M. X... était l'avocat désigné par le président, M. Nicolas Y... dans l'affaire B..., dans le cadre de laquelle il avait été mis en examen ; qu'en considérant, néanmoins, que leurs conversations téléphoniques n'étaient pas couvertes par le secret de la relation avocat-client, la chambre de l'instruction a encore méconnu les principes visés ci-dessus " ;

Les moyens étant réunis ;

Attendu que, pour rejeter les moyens de nullité, pris de l'irrégularité de l'interception des communications sur une ligne téléphonique utilisée par M. Y..., l'arrêt attaqué prononce par les motifs reproduits aux moyens ;

Attendu qu'en se déterminant ainsi, la chambre de l'instruction n'a méconnu aucune des dispositions légales ou conventionnelles dont la violation est alléguée ;

Que, d'une part, il résulte des pièces de la procédure qu'aucune ligne utilisée par M. X... n'a fait l'objet, dans l'information distincte d'origine, d'une décision du juge d'instruction de placement sous écoute, qui aurait imposé d'en aviser le bâtonnier, conformément aux prescriptions de l'article 100-7 du code de procédure pénale, que seule la ligne ouverte sous l'identité de Z... mais utilisée en réalité par M. Y..., pour les besoins de ses échanges avec un correspondant unique, a été placée sous interception par le magistrat, le bâtonnier en étant immédiatement avisé en raison de la qualité d'avocat de l'intéressé, que M. X... a ensuite été identifié, non par l'examen de la facturation détaillée de la ligne dite " Z... ", mais lors d'une conversation échangée avec M. Y... sur la ligne ainsi surveillée ;

Que, d'autre part, aucune disposition légale ou conventionnelle ne fait obstacle à la captation, à l'enregistrement et à la transcription des propos d'un avocat intervenant sur la ligne téléphonique d'un tiers régulièrement placée sous écoute, dès lors que, comme en l'espèce, en premier lieu, cet avocat n'assure pas la défense de la personne placée sous surveillance, qui n'est ni mise en examen ou témoin assisté ni même n'a été placée en garde à vue dans la procédure en cause, et, en second lieu, ses propos, seraient-ils échangés avec un client habituel, dont le contenu est étranger à tout exercice des droits de la défense dans ladite procédure ou dans toute autre, révèlent des indices de sa participation à des faits susceptibles de qualification pénale, tels que les a analysés, en l'espèce, sans insuffisance ni contradiction, la chambre de l'instruction ;

D'où il suit que les moyens ne sauraient être accueillis ;

Sur le troisième moyen de cassation, pris de la violation des articles 6, 8 et 13 de la Convention européenne des droits de l'homme, 16 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen, 66-5 de la loi du 31 décembre 1971, 170, 171 et 591 du code de procédure pénale ;

" en ce que l'arrêt attaqué a rejeté la requête en nullité des écoutes téléphoniques pratiquées sur la ligne ouverte au nom de M. Paul Z... dans le cadre de la procédure souche ;

" aux motifs qu'il n'appartient pas à la cour dans la présente procédure d'apprécier la pertinence des raisons qui ont conduit les juges d'instruction MM. Tournaire et Grouman à délivrer le 22 janvier 2014 une commission rogatoire technique pour placer sous surveillance une ligne nouvellement identifiée à l'usage exclusif de M. Y..., sauf à constater que ce placement se situait dans la continuation des autres placements sous surveillance des deux lignes utilisées par M. Y..., n° 06 81 86 83 69 et 06 08 94 23 75, tels qu'ordonnées par commissions rogatoires des 2 septembre et 27 décembre 2013 pour la première ligne (D106-110) et les 19 septembre 2013 et 10 janvier 2014 pour la seconde ligne (D119-125) et sauf à souligner que les juges d'instruction du dossier originaire et les enquêteurs, agissant dans le souci de la manifestation de la vérité, se sont nécessairement interrogés quant au recours à l'utilisation d'une ligne prise sous le nom d'un tiers ;

" alors que la chambre de l'instruction est compétente pour apprécier la nécessité des écoutes téléphoniques ordonnées dans le cadre d'une procédure distincte mais dont les transcriptions sont versées à la procédure qui lui est déférée ; que M. X... est mis en examen dans la présente procédure sur le fondement d'écoutes réalisées dans une procédure distincte, dans laquelle il n'est pas mis en cause, en violation de son secret professionnel et de son droit au respect de la vie privée ; qu'en se refusant à contrôler la nécessité de l'ingérence que constitue la mise sur écoute de la ligne téléphonique utilisée par le président, M. Nicolas Y... sous le nom de M. Paul Z..., exclusivement destinée aux communications avec son avocat M. X..., la chambre de l'instruction a violé les articles 170 du code procédure pénale et les articles 6 et 8 de la Convention européenne des droits de l'homme, et a ainsi privé les requérants d'un recours effectif contre une mesure susceptible de constituer une ingérence dans le droit au respect de leur vie privée " ;

Attendu que, pour écarter le moyen d'annulation, pris de l'irrégularité de la décision d'interception, dans la procédure distincte, des communications sur la ligne téléphonique souscrite au nom de M. Z... et utilisée par M. Y..., l'arrêt attaqué, après avoir retenu qu'il n'appartient pas à la chambre de l'instruction de contrôler les raisons qui ont conduit les juges d'instruction à prendre cette mesure, énonce qu'elle s'est inscrite dans la continuité de leurs précédentes décisions ayant ordonné, dans le but de parvenir à la manifestation de la vérité dans l'information dont ils étaient saisis, la mise sous surveillance des lignes utilisées par l'intéressé, à mesure qu'elles étaient identifiées ;

Attendu qu'en prononçant ainsi, la chambre de l'instruction a justifié sa décision, sans méconnaître les dispositions conventionnelles invoquées ;

Que, d'une part, les juges ont vérifié la régularité en la forme des commissions rogatoires techniques, lesquelles ne sont légalement soumises à aucune exigence de motivation spéciale, ainsi que celle des interceptions opérées pour leur exécution ;

Que, d'autre part, les pièces afférentes ont été versées dans l'information, dans laquelle a été mis en examen M. X... qui a été ainsi en mesure de les contrôler et de les contester ;

Qu'enfin, les dispositions conventionnelles visées au moyen n'ont pas été méconnues, dès lors que les interceptions de communications téléphoniques constituent une ingérence nécessaire, dans une société démocratique, pour lutter contre la délinquance, que ces mesures sont autorisées par un juge qui doit être informé de leur exécution et qu'elles répondent à des exigences précises, énoncées par les articles 100 à 100-7 du code de procédure pénale, dont la personne concernée peut faire sanctionner le défaut de respect par une requête en nullité ;

D'où il suit que le moyen ne peut qu'être écarté ;

Sur le quatrième moyen de cassation, pris de la violation des articles 6 et 8 de la Convention européenne des droits de l'homme, 19, 40, 80, 81, 100, 591 et 593 du code de procédure pénale, défaut de motifs, manque de base légale ;

" en ce que l'arrêt attaqué a rejeté la demande d'annulation des procès-verbaux et retranscriptions issus des écoutes réalisées entre le 7 février 2014 et le 26 février 2014, avant que les faits nouveaux ne fassent l'objet d'un réquisitoire introductif ;

" aux motifs qu'il résulte de l'analyse des conversations visées et plus particulièrement les conversations n° 21, 24, 38, 39, 57 (D5- D7) et les conversations suivantes n° 77, 88, 90 et 91 (D15- D18), recueillies dans le cadre de la procédure originaire, que c'est à l'issue de ces écoutes et de leur retranscription, que les enquêteurs puis les magistrats ont vu se dessiner de manière caractérisée les contours de faits nouveaux distincts susceptibles de recevoir de nouvelles qualifications pénales, que peu importait que les enquêteurs aient jugé utile de qualifier ces faits, ces éléments n'étant qu'indicatifs, sinon superflus et sans conséquence juridique ; (...) que le requérant reproche qu'entre les 17 et 26 février 2014, les écoutes se sont poursuivies et qu'en particulier quatre écoutes des 24, 25 et du 26 février 2014 ont été retranscrites (D133 à D140 et D189 à D190) dans la présente procédure ; que, contrairement à ce que soutient la défense, la poursuite des surveillances téléphoniques a eu lieu en exécution d'une des commissions rogatoires délivrées par M. Tournaire, la première quant à la ligne 06 81 86 83 09 utilisée par M. Y..., communication n° 3307 du 26 février 2014 à 11 heures 19 vers M. X... dans le cadre de la recherche de la manifestation de la vérité dans le dossier souche et de sa saisine, que c'est en exécution de la commission rogatoire de Mmes Simon et Thépaut que cette conversation a été retranscrite (D189-190), que les autres conversations n° 142 du 24 février (D133-134), n° 153 du 26 février (D140) et n° 146 du 25 février 2014 (D136) provenant de la ligne de M. Paul Z... ont été interceptées en exécution de la commission rogatoire de M. Tournaire susvisée, toujours dans le cadre de la manifestation de la vérité dans le dossier souche, et que c'est dans le cadre de la commission rogatoire de Mmes Simon et Thépaut du 26 février 2014 qu'elles ont été retranscrites pour être, comme les précédentes versées à la présente procédure (D191-191 bis et D133-140) parce qu'elles venaient conforter les présomptions des faits antérieurement révélés ; que comme il a déjà été évoqué supra, il n'appartient pas à la chambre de l'instruction de se prononcer sur la pertinence de ces surveillances téléphoniques ni sur leur prolongation, intervenues dans la procédure souche ; que ces retranscriptions effectuées ont été versées à la présente procédure (D133 à 140, D189/ 190) parce qu'elles étayaient la supposition d'une intervention ou de l'absence de toute intervention de M. Y... auprès des autorités monégasques en faveur de M. A..., et ce à la demande de M. X..., suspecté ici encore de participer à la commission d'une infraction pénale (trafic d'influence, ou complicité) que ces conversations étant intervenues le 26 février 2014, il est régulier que leur retranscription ait été versée à la présente procédure, comme faisant partie des faits nouveaux dénoncés et objets du réquisitoire introductif du 26 février 2014, sans qu'il y ait lieu de s'interroger sur le caractère disproportionné ou non du temps de ces écoutes, comme sur leur caractère coercitif ;

" 1°) alors que lorsque le juge d'instruction acquiert la connaissance de faits nouveaux, si l'article 80 du code de procédure pénale ne lui interdit pas, avant toute communication au procureur de la République, d'en consigner la substance dans un procès-verbal et, le cas échéant, d'effectuer d'urgence des vérifications sommaires pour en apprécier la vraisemblance, il ne peut, sans excéder ses pouvoirs, procéder à des actes qui présentent un caractère coercitif ; que présente un caractère coercitif toute mesure constitutive d'une ingérence dans la vie privée d'une personne, réalisée à l'insu de cette dernière ; que la mise sur écoute et l'enregistrement de conversations téléphoniques sont des mesures coercitives, le juge d'instruction ne pouvant, dès lors, y procéder à titre de vérification sommaire ; qu'il appartient, dès lors, au juge d'instruction ayant pris connaissance de faits nouveaux, susceptibles de faire l'objet de conversations enregistrées dans le cadre de sa saisine initiale, d'en informer immédiatement le procureur de la République aux fins d'extension de sa saisine, ou d'ouverture d'une information distincte ou d'ouverture d'une enquête ; qu'à défaut, les enregistrements concernant les faits non compris dans la saisine du juge d'instruction, poursuivis après leur découverte, ne peuvent être régulièrement versés au dossier de la procédure ouverte ultérieurement les concernant ; qu'au cas présent, de nombreux enregistrements, réalisés après que le juge d'instruction a été informé de faits nouveaux le 7 février 2014 mais avant que le procureur de la République n'en soit lui-même informé puis qu'il ouvre une information distincte le 26 février 2014, ont été versés au dossier puis transcrits dans le cadre de cette dernière ; qu'en se refusant à annuler les enregistrements et transcriptions des écoutes effectuées hors saisine, la chambre de l'instruction a méconnu les principes exposés ci-dessus ;

" 2°) alors que la chambre de l'instruction constate que dès le 7 février 2014, l'officier de police judiciaire commis dans la procédure souche fait état au juge mandant de présomptions de faits nouveaux de violation du secret professionnel et de corruption d'un magistrat à la Cour de cassation, dont l'identité est déterminée le jour même ; qu'en affirmant, néanmoins, que ce serait à l'issue des écoutes des 10 et 11 février 2014 que les enquêteurs puis les magistrats auraient vu se dessiner les faits nouveaux, la chambre de l'instruction s'est mise en contradiction avec les pièces du dossier et ses propres constatations ;

" 3°) alors que les officiers de police judiciaire sont tenus d'informer sans délai le procureur de la République des infractions dont ils acquièrent la connaissance dans l'exercice de leurs fonctions ; que le juge d'instruction est de même tenu d'informer immédiatement le procureur de la République des faits nouveaux, le cas échéant après que des vérifications sommaires ont été effectuées ; qu'il résulte des constatations de la chambre de l'instruction que les enquêteurs ont eu connaissance de faits nouveaux dès le 28 janvier 2014 et que le juge d'instruction en a eu connaissance dès le 7 février 2014 ; que le procureur de la République n'a finalement été informé de ces faits distincts de ceux objets de la procédure souche que le 17 février 2014, et a pris un réquisitoire introductif le 26 février suivant ; qu'en ne recherchant pas si l'information du procureur de la République puis l'ouverture d'une information judiciaire ne présentaient pas un caractère tardif, de nature à invalider l'ensemble des actes accomplis entre le 7 février et le 26 février 2014, qui font grief à M. X..., la chambre de l'instruction n'a pas donné de base légale à sa décision " ;

Sur le cinquième moyen de cassation, pris de la violation des articles 6 et 8 de la Convention européenne des droits de l'homme, 19, 40, 80, 81, 99-3, 100, 151, 152 et 591 du code de procédure pénale ;

" en ce que l'arrêt attaqué a rejeté la demande d'annulation de la réquisition du 7 février 2014 et de la réponse qui y a été apportée, actes accomplis en dehors de la saisine du juge d'instruction ;

" aux motifs que la réquisition ayant pour objectif d'identifier les numéros de téléphone appelés et appelants, les jours et heures de ces appels, n'est pas considérée par la jurisprudence de la chambre criminelle, ni par la doctrine, comme un acte intrusif ou coercitif, et dès lors que M. X... pouvait être suspecté de participation à la commission d'une ou plusieurs infractions, il était possible pour les juges d'instruction, dans le cadre de vérifications sommaires préalables, de faire recueillir de tels renseignements, pour conforter les premiers éléments des conversations recueillies entre le 28 janvier et le 5 février 2014, investigations qui conduiront à l'identification de M. A... (réquisitions à Orange le 7 février 2014 adressée en exécution de la commission rogatoire du 23 avril 2013 délivrée par MM. Tournaire et Grouman) ;

" 1°) alors que les officiers de police judiciaire qui à l'occasion de l'exécution d'une commission rogatoire acquièrent la connaissance de faits nouveaux ne peuvent faire de vérifications sommaires les concernant qu'en vertu des pouvoirs propres qu'ils tiennent de la loi ; que, dès lors, à supposer même que la réquisition litigieuse ayant pour objectif d'identifier les numéros appelés et appelants de la ligne téléphonique d'un avocat n'ait pas un caractère coercitif et soit une simple vérification sommaire, elle ne pouvait être délivrée qu'en vertu des pouvoirs propres de l'officier de police judiciaire et non en exécution de la commission rogatoire du 23 avril 2013 délivrée dans la procédure souche puisque, comme l'admet l'arrêt attaqué, elle portait sur des faits nouveaux, distincts de ceux pour lesquels la commission rogatoire avait été délivrée ; qu'en décidant le contraire l'arrêt attaqué a violé les textes visés au moyen, spécialement les articles 151 et 152 du code de procédure pénale ;

" 2°) alors que les réquisitions prises au visa de l'article 99-3 du code de procédure pénale ne peuvent être utilisées que dans le cadre de la saisine du juge d'instruction et ne doivent porter atteinte ni aux dispositions conventionnelles relatives au respect de la vie privée et des droit de la défense, ni au secret professionnel ; qu'en l'espèce, la réquisition du 7 février 2014, délivrée sous couvert de la commission rogatoire du 23 avril 2013, tendait à la communication de documents strictement confidentiels, s'agissant de données relatives à la ligne téléphonique d'un avocat, pour vérifier des faits nouveaux, non compris dans la saisine des juges d'instruction mandant ; qu'en refusant, néanmoins, d'annuler ladite réquisition l'arrêt attaqué a violé les textes visés au moyen ;

3°) alors que les réquisitions visées à l'article 99-3 du code de procédure pénale ne peuvent être accomplies par un officier de police judiciaire sans l'autorisation ni l'information préalable d'un magistrat que lorsque cet officier agit dans le cadre d'une commission rogatoire et seulement pour se faire remettre des documents intéressant l'instruction ; que, dès lors, en l'espèce, l'officier de police judiciaire ne pouvait au seul visa de ce texte, sans information ni autorisation préalable d'un magistrat, se faire remettre la fadette de la ligne téléphonique de M. X... pour conforter des éléments qui n'intéressaient pas l'information en cours mais portaient sur des faits nouveaux ; que l'arrêt attaqué a ainsi violé l'article 99-3 du code de procédure pénale ;

" 4°) alors que si l'officier de police judiciaire agissant sur commission rogatoire peut, lorsqu'il acquiert la connaissance de faits nouveaux, effectuer d'urgence des vérifications sommaires pour en apprécier la vraisemblance, c'est à la condition que ces actes ne présentent pas un caractère coercitif ; que présente un caractère coercitif toute mesure constitutive d'une ingérence dans la vie privée d'une personne, réalisée à l'insu de cette dernière ; qu'au surplus, tout acte dont la réalisation est encadrée par le code de procédure pénale et soumise au contrôle d'un magistrat apparaît nécessairement coercitif ; qu'en considérant que la réquisition tendant à l'obtention de la fadette de la ligne téléphonique d'un avocat était une mesure non coercitive qualifiable à ce titre de vérification sommaire, la chambre de l'instruction a violé l'article 80 du code de procédure pénale " ;

Les moyens étant réunis ;

Attendu qu'il résulte de l'arrêt attaqué et des pièces de la procédure que les juges d'instruction, saisis d'infractions susceptibles d'avoir été commises à l'occasion du financement d'une campagne présidentielle, ont ordonné, par une commission rogatoire du 23 avril 2013, diverses investigations et ont demandé, par commissions rogatoires techniques successives, l'interception des communications téléphoniques sur différentes lignes utilisées par M. Y... ; que le contenu de propos échangés, à partir du 28 janvier 2014, entre celui-ci et M. X..., a fait suspecter des faits susceptibles de qualification pénale, dont les juges d'instruction n'étaient pas saisis et que l'officier de police judiciaire délégué a portés à leur connaissance, notamment, par un rapport écrit du 7 février suivant ; que le même jour, celui-ci a adressé, sur le fondement de la commission rogatoire du 23 avril 2013 précitée, une réquisition à un opérateur téléphonique aux fins d'obtenir la facturation détaillée d'une ligne attribuée à M. X... ; que le procureur financier a ouvert une information distincte par réquisitoire du 26 février 2014 sur ces faits nouveaux qui lui avaient été communiqués le 17 février par les juges d'instruction ;

Attendu que, pour écarter les moyens d'annulation pris de l'irrégularité, d'une part, d'actes qui auraient été irrégulièrement accomplis sur des faits dont les juges d'instruction n'étaient pas saisis, en particulier la poursuite des interceptions téléphoniques postérieurement à la découverte de faits nouveaux, d'autre part, de la réquisition adressée le 7 février 2014, l'arrêt relève que les interceptions de communications téléphoniques ayant été opérées en exécution de la commission rogatoire régulièrement délivrée dans la procédure d'origine, aux fins de rechercher la manifestation de la vérité relativement aux faits dont les juges d'instruction étaient saisis, leur poursuite, après l'apparition d'indices de commission de faits distincts, a permis d'en vérifier la substance et de s'assurer qu'ils étaient susceptibles d'une qualification pénale ; que les juges ajoutent qu'il n'a été procédé à aucune mesure coercitive, la réquisition précitée adressée par l'officier de police judiciaire à l'opérateur téléphonique n'entrant pas dans cette catégorie ;

Attendu qu'en prononçant ainsi, la chambre de l'instruction a justifié sa décision, sans méconnaître les dispositions légales et conventionnelles invoquées aux moyens, lesquels ne peuvent qu'être écartés ;

Sur le sixième moyen de cassation, pris de la violation des articles L. 217-1 du code de l'organisation judiciaire, 80, 705 et suivants et 593 du code de procédure pénale, défaut de motifs, manque de base légale ;

" en ce que l'arrêt attaqué, rejetant les exceptions de nullité de l'ordonnance de soit-communiqué du 17 février 2014 et du réquisitoire introductif du 26 février 2014, a dit n'y avoir lieu à annulation d'une pièce de la procédure examinée ;

" aux motifs que la loi n° 2013-1117 du 6 décembre 2013 entrée en vigueur le 1er février 2014 a institué un procureur de la République financier, qui comme le juge d'instruction et le tribunal correctionnel, exercent une compétence concurrente à celle qui résulte de l'application des articles 43, 52, 704 et 706-42 pour la poursuite, l'instruction et le jugement d'une liste d'infractions précisément énumérées, et que sont entre autres visés les délits de corruption, trafic d'influence commis par des personnes exerçant une fonction publique, dans les affaires qui apparaissent d'une grande complexité, en raison notamment du grand nombre d'auteurs, de complices ou de victimes ou du ressort géographique sur lequel elles s'étendent ; que l'emploi de l'adverbe " notamment " montre que la liste des critères de la complexité n'est ni exhaustive, ni limitative ; qu'en l'espèce l'ex-qualité ou la qualité de deux des personnes mises en cause pouvait être prise en compte ; qu'il n'était point nécessaire que la loi du 6 décembre 2013 modifie, l'alinéa 3, de l'article 80 du code de procédure pénale qui règle de la procédure à suivre dans l'hypothèse de la découverte de faits nouveaux qui, dans un premier temps, vont s'inscrire et être régis, une fois dénoncés, par les articles 43, 52 ou 706-42 du code de procédure pénale, et dans un second temps, par les articles 704 et suivants, ou 705 et suivants du code de procédure pénale ; qu'en adressant leur ordonnance de soit communiqué du 17 février 2014 au procureur de la République financier, et en évoquant des faits de corruption de la part d'un magistrat de la Cour de cassation, les juges d'instruction ne choisissaient pas le parquet compétent ; que la détermination de la compétence entre le procureur de la République de Paris et le procureur national financier appartient à ces deux magistrats, sous le contrôle du procureur général de la cour d'appel de Paris, les articles 705-2 et suivants réglant les conflits de compétence, étant souligné que l'article 705, alinéa 1, du code de procédure pénale met en exergue le principe d'une compétence concurrente, à celle résultant des textes définissant les règles de compétence territoriale du droit commun ; que, dès lors que le réquisitoire introductif du 26 février 2014, satisfait en la forme, aux conditions essentielles de son existence légale, soit un écrit, daté, signé par un magistrat compétent visant le cas échéant les pièces sur lesquelles sont fondées les poursuites, avec jonction desdites pièces, que ces conditions sont respectées et ne sont pas contestées en l'espèce, il n'y a pas lieu de prononcer son annulation ;

" 1°) alors que l'initiative de la saisine du procureur national financier est réservée au ministère public ; que, dans le cadre d'une information ouverte sur réquisitoire du procureur de la République de Paris, les juges d'instruction saisis ont adressé une ordonnance de soit communiqué du 17 février 2014 au procureur de la République financier aux fins de réquisitions ou avis sur des faits nouveaux non compris dans leur saisine initiale ; qu'un réquisitoire introductif a été pris par ce dernier sur la base de cette saisine ; qu'en validant la procédure nonobstant l'excès de pouvoir des juges d'instruction, au motif inopérant que le procureur de la national financier dispose d'une compétence concurrente à celle du procureur de Paris et que la détermination de la compétence entre ces deux procureurs leur appartient sous le contrôle du procureur général de la cour d'appel de Paris, la cour a méconnu la répartition des compétences entre le juge d'instruction et le ministère public ;

" 2°) alors que l'article L. 217-1 du code l'organisation judiciaire modifié par la loi n° 2013-1117 du 6 décembre 2013 dispose que les attributions du procureur de la République financier sont fixées par le code de procédure pénale ; que seuls les articles 43, 52, 704 et 709-42 de ce code de procédure pénale ont été modifiés par la loi susvisée du 6 décembre 2013 ; que le 3ème alinéa de l'article 80 du même code qui n'a pas été modifié par le texte instituant, aux côtés du procureur de la République de Paris, le procureur de la République financier dispose : " lorsque des faits, non visés au réquisitoire, sont portés à la connaissance du juge d'instruction, celui-ci doit immédiatement communiquer au procureur de la République les plaintes ou les procès-verbaux qui les constatent. Le procureur de la République peut alors soit requérir du juge d'instruction, par réquisitoire supplétif, qu'il informe sur ces nouveaux faits, soit requérir l'ouverture d'une information distincte, soit saisir la juridiction de jugement, soit ordonner une enquête, soit décider d'un classement sans suite ou de procéder à l'une des mesures prévues aux articles 41-1 à 41-3, soit transmettre les plaintes ou les procès-verbaux au procureur de la République territorialement compétent. Si le procureur de la République requiert l'ouverture d'une information distincte, celle-ci peut être confiée au même juge d'instruction, désigné dans les conditions prévues au premier alinéa de l'article 83 " ; qu'il résulte de ces dispositions que le juge d'instruction ne peut saisir d'autre procureur que celui dont il tient sa saisine ; qu'en l'espèce, les juges d'instruction ont, en violation de ces dispositions, directement adressé au procureur de la République financier, étranger à leur saisine, des procès-verbaux de l'information ouverte sur réquisitoire du procureur de la République de Paris, aux fins de réquisitions ou avis sur des faits nouveaux non compris dans leur saisine ; qu'en validant le réquisitoire introductif consécutivement pris par le procureur financier au prétexte qu'il dispose d'une compétence matérielle concurrente, laquelle ne pouvait couvrir l'irrégularité de sa saisine par les juges d'instruction, la chambre de l'instruction a violé l'article 80, alinéa 3, du code de procédure pénale par refus d'application ;

" 3°) alors qu'en cas de découverte de faits nouveaux, l'article 80, alinéa 3, du code de procédure pénale réserve au procureur de la République dont le juge d'instruction tient sa saisine, le soin de prendre un réquisitoire supplétif, d'ouvrir une nouvelle information ou de transmettre la procédure à tel autre procureur qu'il appartiendrait ; qu'en validant en l'espèce, le réquisitoire introductif pris par le procureur financier au prétexte qu'il dispose d'une compétence matérielle concurrente, laquelle ne pouvait être mise en oeuvre que sur soit-transmis du procureur de la République de Paris, la chambre de l'instruction a encore violé l'article 80, alinéa 3, du code de procédure pénale par refus d'application " ;

Attendu qu'en prononçant par les motifs reproduits au moyen pour écarter le grief de nullité du réquisitoire introductif en raison de l'irrégularité alléguée de la saisine du procureur financier, la chambre de l'instruction a justifié sa décision ;

Que, d'une part, le procureur de la République financier tient de l'article 40 du code de procédure pénale le droit de requérir l'ouverture d'une information, au vu de tout renseignement dont il est destinataire, concernant des infractions entrant dans le champ de sa compétence matérielle, définie à l'article 705 du même code, serait-elle, comme en l'espèce, concurrente de celle du procureur de la République près le tribunal de grande instance de Paris ;

Que, d'autre part, un réquisitoire introductif ne pouvant être annulé que s'il ne satisfait pas en la forme aux conditions essentielles de son existence légale, les énonciations de l'arrêt attaqué ainsi que les pièces de la procédure établissent qu'il a été délivré par un magistrat compétent, au terme de l'analyse à laquelle il a procédé des pièces transmises par les juges d'instruction portant sur des faits dont ceux-ci n'étaient pas saisis, la forme adoptée pour cette communication n'étant pas susceptible d'affecter la régularité dudit réquisitoire ;

D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;

Mais sur le septième moyen de cassation, pris de la violation des articles 6 et 8 de la Convention européenne des droits de l'homme, 66-5 de la loi n° 71-1130 du 31 décembre 1971, 100-5 et 591 du code de procédure pénale ;

" en ce que l'arrêt attaqué a rejeté la requête en annulation de la retranscription d'une communication téléphonique entre M. X... et son bâtonnier ;

" aux motifs que la surveillance de cette ligne 06... attribuée à M. X..., décidée par commission rogatoire technique du 26 février 2014, de Mmes Simon et Thepaut, a fait l'objet d'un avis au bâtonnier, comme il a été plus haut exposé ; que M. X... était ou pouvait être à cette date suspecté de participation à une ou plusieurs infractions ; que donc les dispositions de l'article 100-7 du code de procédure pénale ont été respectées, que les juges d'instruction étaient habilités à retranscrire ou faire retranscrire les conversations intervenues sur cette ligne et utiles à la manifestation de la vérité pour caractériser l'infraction ; que les termes de cette conversation, tels que retranscrits (D1535) sont, sans ambiguïté, utiles à la manifestation de la vérité puisqu'il est notamment dit :
«- Thierry X... : Et je vais demander toutes les communications récentes sur l'histoire du document avant ma venue à Monaco. A partir du 22 février. Qui vont démontrer que quand ils viennent chez moi, ils cherchaient un document. Ils cherchaient pas du tout de savoir si J'allais bouger pour Gilbert.
- P. O. B... : Evidemment. Evidemment. Evidemment.
- Thierry X... : Et tu sais, on se connaît. Tu peux penser ce que tu veux de moi, mais enfin, tu penses quand même pas que je vais m'amuser à magouiller pour avoir un poste pour Gilbert ? ? ? J'ai demandé ça à Y... parce que Gilbert c'est un brave type, euh voilà. Je lui ai dit puisque t'es à Monaco, regardes. Il nous a rendu des services. Et quels services il nous rendait ? Parce qu'il nous renseignait sur les magouilles euh de la Cour de cass, mais ça, je vais le dire comme ça évidemment. Je vais pas parler de ça. Et à Bordeaux, vu qu'il est bordelais, ils veulent le faire tomber. Et monsieur Gentil, madame euh monsieur Daieff, monsieur Tournaire signent l'appel des 81 » ; qu'il ne peut donc être valablement soutenu que le principe de la confidentialité des correspondances entre avocats s'opposait à cette retranscription, étant rappelé que les garanties légales, posées par les articles 100-5 et 100-7 du code de procédure pénale reconnues quant à l'interception, l'enregistrement et la retranscription des correspondances émises par la voie des télécommunications d'une ligne dépendant du cabinet ou du domicile d'un avocat, trouvent leurs limites, s'il existe contre l'avocat des indices de participation à une infraction, que cette conversation ne relevait pas de l'exercice des droits de la défense entre un avocat et son client mis en examen, qu'enfin seuls ont été retranscrits les propos utiles à la manifestation de la vérité et à la caractérisation des faits punissables ;

" 1°) alors que l'article 100-5 du code de procédure pénale s'oppose à ce que soient transcrites les correspondances avec un avocat relevant de l'exercice des droits de la défense ; que la conversation tenue entre un avocat, mis en cause dans une procédure pénale, et son bâtonnier à propos de cette mise en cause, relève de l'exercice des droits de la défense et ne peut à ce titre faire l'objet d'une transcription ; qu'il ne peut être passé outre cette prohibition que dans le cas où la conversation révélerait la participation du bâtonnier lui-même à une infraction ; qu'en l'absence du moindre indices de la participation du bâtonnier à une infraction, la chambre de l'instruction en refusant d'annuler la retranscription de cette conversation a violé les droit de la défense de l'avocat mis en cause ;

" 2°) alors que la conversation entre le bâtonnier et un avocat de son barreau, mis en cause à l'occasion de son activité professionnelle, est couverte par le secret professionnel défini à l'article 66-5 de la loi du 31 décembre 1971 et relève du libre exercice de la profession d'avocat ; qu'en se refusant à annuler la transcription de cette conversation, au cours de laquelle ont été évoqués tant des éléments relatifs à l'avocat mis en cause qu'à son client, la chambre de l'instruction a violé le secret professionnel et les droits de la défense " ;

Vu les articles 6 de la Convention européenne des droits de l'homme et préliminaire du code de procédure pénale ;

Attendu qu'il se déduit de ces textes que, même si elle est surprise à l'occasion d'une mesure d'instruction régulière, la conversation téléphonique dans laquelle un avocat placé sous écoute réfère de sa mise en cause dans une procédure pénale à son bâtonnier ne peut être transcrite et versée au dossier de la procédure, à moins qu'elle ne révèle un indice de participation personnelle de ce dernier à une infraction pénale ;

Attendu que, dans l'information soumise à la chambre de l'instruction, les juges d'instruction ont ordonné, par commission rogatoire du 26 février 2014, le placement sous interception d'une ligne téléphonique attribuée à M. X..., avocat ; que des propos échangés avec le bâtonnier de l'ordre des avocats de Paris ont été interceptés le 12 mars 2014, postérieurement à la perquisition de son cabinet, puis ont été transcrits le 19 mai suivant ;

Attendu que, pour écarter le moyen d'annulation, pris de la violation du principe de la confidentialité des conversations entre un avocat et son bâtonnier ainsi que des droits de la défense, l'arrêt énonce que " cette conversation ne relevait pas de l'exercice des droits de la défense et que seuls ont été retranscrits les propos utiles à la manifestation de la vérité et à la caractérisation des infractions punissables " ;

Mais attendu qu'en prononçant ainsi, alors que ne pouvait être transcrite la conversation téléphonique entre un avocat, placé sous interception, et son bâtonnier, qui ne révélait aucun indice de participation personnelle de ce dernier à la commission d'une infraction pénale, la chambre de l'instruction a méconnu le sens et la portée des textes susvisés et du principe ci-dessus énoncé ;

D'où il suit que la cassation est encourue de ce seul chef ; que n'impliquant pas qu'il soit à nouveau statué sur le fond, elle aura lieu sans renvoi, ainsi que le permet l'article L. 411-3 du code de l'organisation judiciaire ; que les annulations prononcées ci-dessous ont effet à l'égard de toutes les parties à la procédure, sans qu'il soit besoin de statuer sur la demande d'extension sollicitée ;

Par ces motifs :

CASSE et ANNULE l'arrêt susvisé de la chambre de l'instruction de la cour d'appel de Paris, en date du 7 mai 2015, en ses seules dispositions ayant refusé d'annuler la transcription de la conversation téléphonique échangée le 12 mars 2014 entre M. X... et M. B..., toutes autres dispositions étant expressément maintenues ;

ANNULE le procès-verbal n° 14-00061-8 coté D 1164- D1165- D 1535- D1536 ;

ORDONNE le retrait de la pièce annulée des deux exemplaires du dossier et son classement au greffe de la chambre de l'instruction ;

ORDONNE la cancellation, après qu'il en aura été pris une copie certifiée conforme par le greffier pour être classée au greffe de la chambre de l'instruction.