Livv
Décisions

Cass. soc., 5 janvier 2022, n° 19-24.813

COUR DE CASSATION

Arrêt

Cassation

PARTIES

Défendeur :

MJ Alpes (Selarl)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Mariette

Rapporteur :

Mme Prache

Avocat :

SCP Fabiani, Luc-Thaler et Pinatel

Lyon, du 26 sept. 2019

26 septembre 2019

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Lyon, 26 septembre 2019) et les productions, M. [D], engagé par la société Sas Rémy Barrère Gears le 16 février 1976 en qualité d'aide ajusteur, exerçait en dernier lieu la fonction de tourneur. Victime d'un accident du travail le 20 mai 2015, il a été placé en arrêt de travail jusqu'à l'issue de la relation de travail.

2. Le 4 novembre 2015, la société Rémy Barrère Gears a fait l'objet d'une liquidation judiciaire consécutivement à la résolution du plan de redressement dont elle faisait l'objet, avec maintien de l'activité jusqu'au 3 février 2016. La société AJ Partenaires, prise en la personne de M. [C], a été désignée en qualité d'administrateur judiciaire de cette société et la société MJ Lex, prise en la personne de M. [R], en qualité de liquidateur judiciaire.

3. Par jugement du 13 janvier 2016 le tribunal de commerce a arrêté le plan de cession de la société Rémy Barrère Gears, prévoyant la reprise de seize postes et la suppression de onze autres postes dont les deux postes de tourneur, au profit de la société Compagnie financière de la Poncetière, laquelle s'est substituée à cet effet la société Rémy Barrère Gears Nouvelle, devenue la société CMW.

4. Licencié le 11 février 2016 par l'administrateur judiciaire pour motif économique à raison de la suppression de son poste, le salarié, invoquant la nullité de son licenciement et subsidiairement son absence de cause réelle et sérieuse, a saisi la juridiction prud'homale.

Examen des moyens

Sur le premier moyen, pris en sa première branche

Enoncé du moyen

5. Le salarié fait grief à l'arrêt de le débouter de ses demandes de nullité du licenciement et de dommages-intérêts subséquentes, alors « qu'au cours des périodes de suspension du contrat de travail pour accident du travail, l'employeur ne peut rompre ce dernier que s'il justifie soit d'une faute grave de l'intéressé, soit de son impossibilité de maintenir ce contrat pour un motif étranger à l'accident à peine de nullité du licenciement ; que ni l'existence d'une cause économique de licenciement, ni l'application de l'ordre des licenciements ne suffisent à caractériser l'impossibilité de maintenir le contrat pour un motif non lié à l'accident ; qu'en constatant que la société Rémy Barrère Gears dont les actifs ont été cédés sur décision du tribunal de commerce avec reprise de certains contrats de travail n'incluant pas celui de M. [D], suivant l'offre faite par la société Compagnie financière de la Poncetière, justifie de l'impossibilité de maintenir ce contrat pour un motif étranger à la maladie, la cour a violé les articles L. 1226-9 et L. 1226-13 du code du travail. »

Réponse de la Cour

Vu les articles L. 1226-9 et L. 1226-13 du code du travail :

6. Selon le premier de ces textes, pendant la période de suspension du contrat de travail consécutive à un accident du travail ou une maladie professionnelle, l'employeur ne peut rompre ce contrat que s'il justifie d'une faute grave de l'intéressé ou d'une impossibilité de maintenir ce contrat pour un motif étranger à l'accident ou à la maladie.

7. Pour débouter le salarié de ses demandes de nullité du licenciement et de dommages-intérêts subséquentes, l'arrêt retient qu'il n'invoque et ne justifie d'aucune fraude dans l'obtention de l'autorisation de le licencier délivrée par le tribunal de commerce par jugement du 13 janvier 2016. Il ajoute que si l'article L. 1226-9 du code du travail prévoit qu'au cours des périodes de suspension du contrat de travail, l'employeur ne peut rompre ce dernier que s'il justifie soit d'une faute grave de l'intéressé, soit de son impossibilité de maintenir ce contrat pour un motif étranger à l'accident ou à la maladie, force est de constater que la société Rémy Barrère Gears dont les actifs ont été cédés sur décision du tribunal de commerce avec reprise de certains contrats de travail n'incluant pas celui du salarié, suivant l'offre faite par la société Compagnie financière de la Poncetière, justifie de l'impossibilité de maintenir ce contrat pour un motif étranger à la maladie.

8. En statuant ainsi, par des motifs impropres à caractériser l'impossibilité de maintenir le contrat de travail du salarié pour un motif étranger à l'accident du travail, la cour d'appel a violé les textes susvisés.

Portée et conséquences de la cassation

9. En application de l'article 624 du code de procédure civile, la cassation prononcée sur le premier moyen entraîne, par voie de conséquence, la cassation du chef de dispositif visé par le second moyen et ceux laissant à chaque partie la charge de ses frais irrépétibles et condamnant M. [D] aux dépens de première instance et d'appel, qui s'y rattachent par un lien de dépendance nécessaire.

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs du pourvoi, la Cour :

CASSE ET ANNULE, sauf en ce qu'il annule le jugement en ce qu'il a condamné solidairement la société Sas Rémy Barrère Gears Nouvelle au paiement de sommes dues à M. [D], l'arrêt rendu le 26 septembre 2019, entre les parties, par la cour d'appel de Lyon ;

Remet, sauf sur ce point, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Grenoble ;

Condamne la société MJ Alpes, en sa qualité de mandataire ad hoc de la société Sas Rémy Barrère Gears, aux dépens.