CJUE, 4e ch., 28 avril 2022, n° C-666/19 P
COUR DE JUSTICE DE L’UNION EUROPEENNE
Arrêt
PARTIES
Demandeur :
Changmao Biochemical Engineering Co. Ltd
Défendeur :
Commission européenne, Hyet Sweet SAS
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président de chambre :
Mme Jürimäe (rapporteure)
Juges :
M. Rodin , M. Piçarra
Avocat général :
M. Tanchev
Avocats :
Me Adamantopoulos, Me Billiet
LA COUR (quatrième chambre),
1 Par son pourvoi, Changmao Biochemical Engineering Co. Ltd (ci-après « Changmao ») demande l’annulation de l’arrêt du Tribunal de l’Union européenne du 28 juin 2019, Changmao Biochemical Engineering/Commission (T 741/16, non publié, ci-après l’« arrêt attaqué », EU:T:2019:454), par lequel ce dernier a rejeté son recours en annulation du règlement d’exécution (UE) 2016/1247 de la Commission, du 28 juillet 2016, instituant un droit antidumping définitif et portant perception définitive du droit provisoire institué sur les importations d’aspartame originaire de la République populaire de Chine (JO 2016, L 204, p. 92, ci-après le « règlement litigieux »).
I. Le cadre juridique
A. Le droit international
2 Par la décision 94/800/CE, du 22 décembre 1994, relative à la conclusion au nom de la Communauté européenne, pour ce qui concerne les matières relevant de ses compétences, des accords des négociations multilatérales du cycle de l’Uruguay (1986-1994) (JO 1994, L 336, p. 1), le Conseil de l’Union européenne a approuvé l’accord instituant l’Organisation mondiale du commerce (OMC), signé à Marrakech le 15 avril 1994, ainsi que les accords figurant aux annexes 1 à 3 de cet accord, au nombre desquels figure l’accord sur la mise en œuvre de l’article VI de l’accord général sur les tarifs douaniers et le commerce de 1994 (ci-après l’« accord antidumping »).
3 L’article 2 de l’accord antidumping énonce les règles régissant la « [d]étermination de l’existence d’un dumping ».
4 L’article 6 de cet accord est intitulé « Éléments de preuve ».
5 L’article 12 dudit accord porte l’intitulé « Avis au public et explication des déterminations ».
B. Le droit de l’Union
1. Le règlement de base et le règlement (UE) 2016/1036
6 À l’époque des faits à l’origine du litige, les dispositions régissant l’adoption de mesures antidumping par l’Union européenne figuraient dans le règlement (CE) n° 1225/2009 du Conseil, du 30 novembre 2009, relatif à la défense contre les importations qui font l’objet d’un dumping de la part de pays non membres de la Communauté européenne (JO 2009, L 343, p. 51, et rectificatif JO 2010, L 7, p. 22), tel que modifié par le règlement (UE) n° 37/2014 du Parlement européen et du Conseil, du 15 janvier 2014 (JO 2014, L 18, p. 1) (ci-après le « règlement de base »).
7 En revanche, à la date d’adoption du règlement litigieux, les dispositions régissant l’adoption de mesures antidumping par l’Union figuraient dans le règlement (UE) 2016/1036 du Parlement européen et du Conseil, du 8 juin 2016, relatif à la défense contre les importations qui font l’objet d’un dumping de la part de pays non membres de l’Union européenne (JO 2016, L 176, p. 21). Ce règlement est entré en vigueur, en vertu de son article 25, le 20 juillet 2016. Aux termes de l’article 24, premier alinéa, dudit règlement, « [l]e règlement [de base] est abrogé ».
8 L’article 2 du règlement de base et celui du règlement 2016/1036 portent sur la « [d]étermination de l’existence d’un dumping ». Le point A de ces articles, intitulé « Valeur normale », comprend les paragraphes 1 à 7 de ceux-ci. Le point C desdits articles comprend quant à lui leur paragraphe 10 et est intitulé « Comparaison ».
9 Aux termes de l’article 2, paragraphe 7, sous a) à c), du règlement de base, correspondant, en substance, à l’article 2, paragraphe 7, sous a) à c), du règlement 2016/1036 :
« a) Dans le cas d’importations en provenance de pays n’ayant pas une économie de marché [...], la valeur normale est déterminée sur la base du prix ou de la valeur construite, dans un pays tiers à économie de marché, du prix pratiqué à partir d’un tel pays tiers à destination d’autres pays, y compris la Communauté, ou, lorsque cela n’est pas possible, sur toute autre base raisonnable, y compris le prix effectivement payé ou à payer dans la Communauté pour le produit similaire, dûment ajusté, si nécessaire, afin d’y inclure une marge bénéficiaire raisonnable.
Un pays tiers à économie de marché approprié est choisi d’une manière non déraisonnable, compte tenu de toutes les informations fiables disponibles au moment du choix. Il est également tenu compte des délais et, le cas échéant, un pays tiers à économie de marché faisant l’objet de la même enquête est retenu.
[...]
b) Dans le cas d’enquêtes antidumping concernant les importations en provenance de la République populaire de Chine, du Viêt Nam et du Kazakhstan et de tout pays dépourvu d’une économie de marché qui est membre de l’OMC à la date d’ouverture de l’enquête, la valeur normale est déterminée conformément aux paragraphes 1 à 6, s’il est établi, sur la base de requêtes dûment documentées présentées par un ou plusieurs producteurs faisant l’objet de l’enquête et conformément aux critères et aux procédures énoncés au point c), que les conditions d’une économie de marché prévalent pour ce ou ces producteurs, en ce qui concerne la fabrication et la vente du produit similaire concerné. Si tel n’est pas le cas, les règles du point a) s’appliquent.
c) La requête présentée au titre du point b) doit [...] contenir des preuves suffisantes de ce que le producteur opère dans les conditions d’une économie de marché, à savoir si :
[...]
– les entreprises utilisent un seul jeu de documents comptables de base, qui font l’objet d’un audit indépendant conforme aux normes internationales et qui sont utilisés à toutes fins,
– les coûts de production et la situation financière des entreprises ne font l’objet d’aucune distorsion importante, induite par l’ancien système d’économie planifiée, notamment en relation avec l’amortissement des actifs, d’autres annulations comptables, le troc ou les paiements sous forme de compensation de dettes,
[...] »
10 L’article 2, paragraphe 10, du règlement de base et l’article 2, paragraphe 10, du règlement 2016/1036 disposent :
« Il est procédé à une comparaison équitable entre le prix à l’exportation et la valeur normale. Cette comparaison est faite, au même stade commercial, pour des ventes effectuées à des dates aussi proches que possible et en tenant dûment compte d’autres différences qui affectent la comparabilité des prix. Dans les cas où la valeur normale et le prix à l’exportation établis ne peuvent être ainsi comparés, il sera tenu compte dans chaque cas, sous forme d’ajustements, des différences constatées dans les facteurs dont il est revendiqué et démontré qu’ils affectent les prix et, partant, leur comparabilité. On évitera de répéter les ajustements, en particulier lorsqu’il s’agit de différences relatives aux rabais, aux remises, aux quantités ou aux stades de commercialisation. Lorsque les conditions spécifiées sont réunies, les facteurs au titre desquels des ajustements peuvent être opérés sont les suivants [...] »
11 L’article 3 du règlement de base et celui du règlement 2016/1036 sont intitulés « Détermination de l’existence d’un préjudice ».
12 Aux termes de l’article 3, paragraphes 2 et 3, du règlement de base, correspondant, en substance, à l’article 3, paragraphes 2 et 3, du règlement 2016/1036 :
« 2. La détermination de l’existence d’un préjudice se fonde sur des éléments de preuve positifs et comporte un examen objectif :
a) du volume des importations faisant l’objet d’un dumping et de l’effet de ces importations sur les prix des produits similaires sur le marché de la Communauté ; et
b) de l’incidence de ces importations sur l’industrie communautaire.
3. En ce qui concerne le volume des importations faisant l’objet d’un dumping, on examinera s’il y a eu augmentation notable des importations faisant l’objet d’un dumping, soit en quantités absolues, soit par rapport à la production ou à la consommation dans la Communauté. En ce qui concerne l’effet des importations faisant l’objet d’un dumping sur les prix, on examinera s’il y a eu, pour les importations faisant l’objet d’un dumping, sous-cotation notable du prix par rapport au prix d’un produit similaire de l’industrie communautaire ou si ces importations ont, d’une autre manière, pour effet de déprimer sensiblement les prix ou d’empêcher dans une mesure notable des hausses de prix qui, sans cela, se seraient produites. Un seul ou plusieurs de ces facteurs ne constituent pas nécessairement une base de jugement déterminante. »
13 L’article 6 du règlement de base et celui du règlement 2016/1036 portent l’intitulé « Enquête » et disposent, à leur paragraphe 8 :
« Sauf dans les circonstances prévues à l’article 18, l’exactitude des renseignements fournis par des parties intéressées et sur lesquels les conclusions sont fondées doit être vérifiée dans la mesure du possible. »
14 L’article 9 du règlement de base et celui du règlement 2016/1036 sont intitulés « Clôture de la procédure sans institution de mesures ; imposition de droits définitifs ».
15 Aux termes de l’article 9, paragraphe 4, dernière phrase, du règlement de base et de l’article 9, paragraphe 4, second alinéa, du règlement 2016/1036 :
« Le montant du droit antidumping n’excède pas la marge de dumping établie et devrait être inférieur à cette marge, si ce droit moindre suffit à éliminer le préjudice causé à l’industrie de l’Union. »
16 L’article 18 du règlement de base et celui du règlement 2016/1036 concernent le « [d]éfaut de coopération ».
17 L’article 20 du règlement de base et celui du règlement 2016/1036 portent sur l’« [i]nformation des parties ».
2. Le règlement (CE) n° 1126/2008
18 L’annexe du règlement (CE) n° 1126/2008 de la Commission, du 3 novembre 2008, portant adoption de certaines normes comptables internationales conformément au règlement (CE) n° 1606/2002 du Parlement européen et du Conseil (JO 2008, L 320, p. 1), tel que modifié par le règlement (UE) n° 1255/2012 de la Commission, du 11 décembre 2012 (JO 2012, L 360, p. 78), comporte une énumération des International Accounting Standards (normes comptables internationales, ci-après les « normes IAS »).
19 Parmi ces normes figure la norme IAS 36, intitulée « Dépréciation des actifs ». Cette norme prescrit les procédures qu’une entité applique pour s’assurer que ses actifs sont comptabilisés pour une valeur qui n’excède pas leur valeur recouvrable.
II. Les antécédents du litige
20 Les antécédents du litige sont exposés aux points 1 à 10 de l’arrêt attaqué. Pour les besoins du présent pourvoi, il convient d’en retenir ce qui suit.
21 À la suite d’une plainte déposée par Ajinomoto Sweeteners Europe SAS, devenue Hyet Sweet SAS, producteur d’aspartame dans l’Union, la Commission européenne a, le 30 mai 2015, ouvert une enquête antidumping concernant les importations d’aspartame originaire de Chine dans l’Union sur le fondement du règlement de base.
22 L’enquête relative au dumping et au préjudice a porté sur la période comprise entre le 1er avril 2014 et le 31 mars 2015 (ci-après la « période d’enquête »). L’examen des tendances aux fins de l’évaluation du préjudice a porté sur la période allant du mois de janvier 2011 à la fin de la période d’enquête.
23 Le 25 février 2016, la Commission a adopté le règlement d’exécution (UE) 2016/262, instituant un droit antidumping provisoire sur les importations d’aspartame originaire de la République populaire de Chine (JO 2016, L 50, p. 4, ci-après le « règlement provisoire »).
24 Le produit concerné correspondait à la fois à l’aspartame [ester N-méthylique de N-L-α-aspartyl-L-phénylalanine, ester N-méthylique de l’acide 3-amino-N-(α-carbométhoxy-éthoxyphényl) succinamique] portant la référence CAS 22839-47-0, originaire de Chine relevant actuellement du code NC ex 2924 29 98 (ci-après l’« aspartame ») et à l’aspartame contenu dans des préparations ou des mélanges comprenant également d’autres édulcorants ou de l’eau.
25 Le 1er avril 2016, Changmao a présenté à la Commission des observations écrites concernant les conclusions provisoires de l’enquête.
26 Le 12 mai 2016, Changmao a été entendue par la Commission et par le conseiller-auditeur aux fins de présenter ses observations.
27 Le 2 juin 2016, la Commission a communiqué à Changmao les conclusions définitives de l’enquête.
28 Le 13 juin 2016, Changmao a présenté à la Commission des observations écrites concernant les conclusions définitives de l’enquête.
29 Le 5 juillet 2016, Changmao a été entendue par la Commission et par le conseiller-auditeur aux fins de présenter ses observations.
30 Le 28 juillet 2016, la Commission a adopté le règlement litigieux.
III. La procédure devant le Tribunal et l’arrêt attaqué
31 Par requête déposée au greffe du Tribunal le 21 octobre 2016, Changmao a introduit un recours tendant à l’annulation du règlement litigieux.
32 Par ordonnances du président de la deuxième chambre du Tribunal du 21 mars 2017, Changmao Biochemical Engineering/Commission (T 741/16, non publiée), et du 27 septembre 2017, Changmao Biochemical Engineering/Commission (T 741/16, non publiée, EU:T:2017:700), Hyet Sweet a été admise à intervenir au soutien des conclusions de la Commission et il a été partiellement fait droit à la demande de traitement confidentiel présentée par Changmao à son égard.
33 À l’appui de son recours, Changmao a invoqué cinq moyens. Le premier moyen, tiré de la violation de l’article 2, paragraphe 7, sous b) et c), du règlement 2016/1036 ainsi que des principes de protection de la confiance légitime et de bonne administration, concernait l’appréciation, par la Commission, des conditions d’octroi du statut d’entreprise opérant dans le cadre d’une économie de marché (ci-après le « SEM »). Le deuxième moyen, tiré de la violation de l’article 2, paragraphe 7, sous a), de ce règlement, concernait la détermination de la valeur normale. Le troisième moyen, tiré de la violation de l’article 2, paragraphe 10, de l’article 3, paragraphe 2, sous a), et paragraphe 3, ainsi que de l’article 9, paragraphe 4, dudit règlement et du principe de bonne administration, portait sur les ajustements aux fins de la détermination des marges de dumping et de préjudice. Le quatrième moyen était tiré de la violation de l’article 3, paragraphes 2 et 6, du même règlement et, à titre subsidiaire, de l’article 6, paragraphe 7, de celui-ci. Enfin, le cinquième moyen était pris de la violation de l’article 2, paragraphe 7, sous a), et de l’article 3, paragraphes 2, 3 et 5, du règlement 2016/1036.
34 Par l’arrêt attaqué, le Tribunal a rejeté chacun de ces moyens et, partant, le recours dans son intégralité.
IV. La procédure devant la Cour et les conclusions des parties
35 Par son pourvoi, Changmao demande à la Cour :
– d’annuler l’arrêt attaqué et,
– à titre principal, d’accueillir le recours en première instance, d’annuler le règlement litigieux, dans la mesure où il la concerne, ainsi que de condamner la Commission et Hyet Sweet aux dépens exposés aux fins des procédures de première instance et de pourvoi, ou
– à titre subsidiaire, de renvoyer l’affaire devant le Tribunal afin qu’il statue sur la deuxième partie du premier moyen du recours en annulation ou, à titre encore plus subsidiaire, de renvoyer l’affaire devant le Tribunal afin qu’il statue sur tout autre moyen soulevé par elle à l’appui de son recours si l’état de la procédure le justifie, et de réserver les dépens.
36 La Commission demande à la Cour :
– de rejeter le pourvoi et
– de condamner Changmao aux dépens.
37 Hyet Sweet, à l’égard de laquelle le traitement confidentiel de certains éléments du dossier a été décidé par ordonnances du président de la Cour du 22 octobre 2019, Changmao Biochemical Engineering/Commission (C 666/19 P, non publiée, EU:C:2019:1097), et du 17 mars 2020, Changmao Biochemical Engineering/Commission (C 666/19 P, non publiée, EU:C:2020:213), n’a pas déposé de mémoire dans le cadre du présent pourvoi.
38 Conformément à l’article 61, paragraphe 1, de son règlement de procédure, la Cour a invité les parties à répondre par écrit à une question portant sur le champ d’application ratione temporis des dispositions, respectivement, du règlement de base et du règlement 2016/1036 pour les besoins du présent pourvoi. Les parties ont déféré à cette demande dans le délai imparti.
V. Sur la demande de réouverture de la procédure orale
39 À la suite du prononcé des conclusions de M. l’avocat général, Changmao a, par acte déposé au greffe de la Cour le 20 octobre 2021, demandé, en substance, que soit ordonnée la réouverture de la phase orale de la procédure.
40 À l’appui de cette demande, Changmao fait valoir que, aux points 146 et 150 de ses conclusions, M. l’avocat général considère qu’elle n’a pas apporté la preuve de la nécessité des ajustements qu’elle a demandés aux fins de la comparaison équitable de la valeur normale et du prix à l’exportation, tout en reconnaissant qu’elle a bien énuméré les éléments de preuve aux fins de ces ajustements. Changmao estime que cette question revêt une importance fondamentale pour l’appréciation de son troisième moyen de pourvoi et souhaite pouvoir l’aborder plus en détail à l’occasion d’une audience de plaidoiries.
41 Il convient de rappeler que le statut de la Cour de justice de l’Union européenne et le règlement de procédure de la Cour ne prévoient pas la possibilité, pour les parties, de présenter des observations en réponse aux conclusions présentées par l’avocat général (arrêts du 9 juillet 2015, InnoLux/Commission, C 231/14 P, EU:C:2015:451, point 26 et jurisprudence citée, ainsi que du 10 septembre 2015, Bricmate, C 569/13, EU:C:2015:572, point 39).
42 En vertu de l’article 252, second alinéa, TFUE, l’avocat général a pour rôle de présenter publiquement, en toute impartialité et en toute indépendance, des conclusions motivées sur les affaires qui, conformément au statut de la Cour de justice de l’Union européenne, requièrent son intervention. La Cour n’est liée ni par les conclusions de l’avocat général ni par la motivation au terme de laquelle il parvient à celles-ci (arrêts du 9 juillet 2015, InnoLux/Commission, C 231/14 P, EU:C:2015:451, point 27 et jurisprudence citée, ainsi que du 10 septembre 2015, Bricmate, C 569/13, EU:C:2015:572, point 40).
43 Par conséquent, le désaccord d’une partie avec les conclusions de l’avocat général, quelles que soient les questions qu’il examine dans celles-ci, ne peut constituer en soi un motif justifiant la réouverture de la procédure orale (arrêt du 9 juillet 2015, InnoLux/Commission, C 231/14 P, EU:C:2015:451, point 28 et jurisprudence citée).
44 Cela étant, la Cour peut, à tout moment, l’avocat général entendu, ordonner la réouverture de la phase orale de la procédure, conformément à l’article 83 de son règlement de procédure, notamment si elle considère qu’elle est insuffisamment éclairée ou encore lorsque l’affaire doit être tranchée sur la base d’un argument qui n’a pas été débattu entre les parties ou les intéressés visés à l’article 23 du statut de la Cour de justice de l’Union européenne (arrêts du 9 juillet 2015, InnoLux/Commission, C 231/14 P, EU:C:2015:451, point 29 et jurisprudence citée, ainsi que du 10 septembre 2015, Bricmate, C 569/13, EU:C:2015:572, point 41).
45 Tel n’est pas le cas en l’espèce. En effet, les parties ont pu débattre de manière contradictoire de l’ensemble des moyens de pourvoi soulevés par Changmao à l’occasion de deux échanges de mémoires écrits. En particulier, Changmao a pu utilement faire valoir ses arguments, notamment, sur l’appréciation, par le Tribunal, du rejet, par la Commission, des demandes d’ajustements aux fins de la comparaison équitable de la valeur normale et du prix à l’exportation.
46 Ainsi, la Cour considère, M. l’avocat général entendu, qu’elle dispose de tous les éléments nécessaires pour statuer et que ces éléments ont fait l’objet des débats menés devant elle.
47 Eu égard aux considérations qui précèdent, il n’y a pas lieu d’ordonner la réouverture de la phase orale de la procédure.
VI. Sur le pourvoi
A. Observations liminaires
48 Selon la jurisprudence de la Cour, si la base juridique d’un acte et les règles de procédure applicables doivent être en vigueur à la date d’adoption de cet acte, le respect des principes gouvernant l’application de la loi dans le temps ainsi que les exigences relatives aux principes de sécurité juridique et de protection de la confiance légitime imposent l’application des règles matérielles en vigueur à la date des faits en cause quand bien même ces règles ne sont plus en vigueur à la date de l’adoption de l’acte en cause par l’institution de l’Union (voir, en ce sens, arrêts du 14 juin 2016, Commission/McBride e.a., C 361/14 P, EU:C:2016:434, point 40 ainsi que jurisprudence citée, et du 15 mars 2018, Deichmann, C 256/16, EU:C:2018:187, point 76).
49 C’est à la lumière de cette jurisprudence qu’il convient de déterminer le champ d’application ratione temporis, respectivement, du règlement de base et du règlement 2016/1036 pour les besoins du présent pourvoi.
50 Conformément aux articles 24 et 25 du règlement 2016/1036, celui-ci a abrogé le règlement de base et est entré en vigueur le 20 juillet 2016.
51 En l’espèce, le règlement litigieux a été adopté le 28 juillet 2016, soit quelques jours après l’entrée en vigueur du règlement 2016/1036. Toutefois, il convient de noter que la période d’enquête allait du 1er avril 2014 au 31 mars 2015. À l’époque des faits sur lesquels a porté l’enquête antidumping, au terme de laquelle le règlement litigieux a été adopté, le règlement de base était donc encore applicable.
52 Il s’ensuit que, si le règlement litigieux devait être adopté sur la base du règlement 2016/1036 et conformément aux règles de procédure définies par ce règlement, il est, en revanche, soumis aux règles de droit matériel définies par le règlement de base.
53 Partant, afin d’éviter que la Cour ne fonde sa décision sur des considérations juridiques erronées au regard du champ d’application ratione temporis de ces règlements (voir, par analogie, ordonnance du 27 septembre 2004, UER/M6 e.a., C 470/02 P, non publiée, EU:C:2004:565, point 69, ainsi que arrêt du 21 septembre 2010, Suède e.a./API et Commission, C 514/07 P, C 528/07 P et C 532/07 P, EU:C:2010:541, point 65), et dès lors que, comme M. l’avocat général l’a souligné au point 21 de ses conclusions, les règles de droit matériel pertinentes pour les besoins du présent pourvoi sont substantiellement identiques dans le règlement de base et le règlement 2016/1036, il convient de considérer que les références faites à ce dernier règlement dans le cadre du présent pourvoi doivent s’entendre comme étant faites aux dispositions correspondantes du règlement de base.
B. Sur le fond
1. Sur le premier moyen
a) Argumentation des parties
54 Par son premier moyen, dirigé contre les points 54, 64 à 67, 69, 70, 78 à 80, 87, 97 et 98 de l’arrêt attaqué, Changmao reproche au Tribunal d’avoir dénaturé des faits et d’avoir commis des erreurs de droit dans l’application de l’article 2, paragraphe 7, sous c), du règlement de base.
55 En premier lieu, Changmao allègue qu’elle satisfait au deuxième critère d’octroi du SEM, énoncé à l’article 2, paragraphe 7, sous c), deuxième tiret, du règlement de base (ci-après le « deuxième critère d’octroi du SEM »), dès lors qu’elle utilise, à toutes fins, un seul jeu de documents comptables de base préparé selon les Hong Kong Financial Reporting Standards (normes d’information financière de Hong Kong, ci-après les « HKFRS »), qui sont équivalentes aux International Financial Reporting Standards (normes internationales d’information financière). La société Price Waterhouse Cooper (ci-après « PWC »), chargée de la vérification de ses comptes, l’aurait confirmé sans réserve.
56 Or, le règlement provisoire ferait état, à ses considérants 26 et 36, de « lacunes » quant au respect du deuxième critère d’octroi du SEM tout en reconnaissant, à son considérant 28, que les comptes de Changmao ont été préparés conformément aux HKFRS. Il serait seulement constaté, au considérant 20 du règlement litigieux, que Changmao n’a produit aucun élément de preuve ou argument nouveau au sujet de ce critère, ce qui serait d’ailleurs erroné au vu des documents produits par elle après les conclusions provisoires.
57 Ainsi, les règlements provisoire et litigieux ne contiendraient aucune constatation spécifique d’un manque de fiabilité ou d’exactitude des comptes de Changmao ni d’ailleurs d’erreurs matérielles au regard des normes IAS. Au contraire, la Commission aurait reconnu, à l’occasion de l’audition devant le conseiller-auditeur du 6 janvier 2016, que, dans une lettre du 22 décembre 2015, PWC avait émis une opinion sans réserve sur la sincérité et la fiabilité de ces comptes.
58 Le Tribunal aurait donc dénaturé les faits en jugeant, aux points 69 et 87 de l’arrêt attaqué, que la Commission avait conclu à bon droit que les manquements relevés par les auditeurs ne permettaient pas de s’assurer de la sincérité de la comptabilité de Changmao. Il ne pouvait donc rejeter le grief de cette dernière au point 70 de cet arrêt.
59 De plus, aux points 60 à 68 dudit arrêt, le Tribunal aurait méconnu les observations détaillées, résultant d’un audit effectué par PWC, sur les pratiques comptables de Changmao relatives à la dépréciation des actifs corporels et incorporels. Ces pratiques seraient conformes aux exigences de la norme IAS 36.
60 D’une part, Changmao allègue que le sécheur hybride conique ne génère pas à lui seul des entrées de trésorerie, de telle sorte qu’elle pouvait établir sa valeur recouvrable par référence à l’unité de production dont il fait partie. Eu égard aux paragraphes 22, 66 et 67 de la norme IAS 36, il ne serait pas nécessaire d’enregistrer sa valeur recouvrable de manière séparée, contrairement à ce que le Tribunal aurait jugé au point 66 de l’arrêt attaqué. Les appréciations figurant aux points 64 et 65 de cet arrêt seraient également erronées, ainsi que cela ressortirait des éléments de preuve supplémentaires que Changmao aurait fournis à la Commission lors de l’audition du mois de janvier 2016.
61 D’autre part, Changmao fait observer qu’elle apprécie continuellement la valeur recouvrable du brevet relatif à la technologie de production d’acide fumarique et d’acide DL malique (ci-après le « brevet ») et révise cette valeur lorsque les conditions du paragraphe 10 de la norme IAS 36 sont réunies, ce qui ressortirait des documents produits devant la Commission. Le Tribunal aurait ainsi dénaturé les faits au point 67 de l’arrêt attaqué.
62 En deuxième lieu, Changmao fait valoir que le Tribunal a dénaturé les faits au point 54 de l’arrêt attaqué. En effet, au point 7 de sa requête en première instance, elle aurait seulement soutenu que la Commission ne pouvait pas arguer de simples « fautes » pour refuser le SEM alors que l’audit effectué au regard des normes IAS constatait sans équivoque l’exactitude et la fiabilité des comptes.
63 En troisième lieu, Changmao soutient que le Tribunal a omis de tenir compte du fait que tous les actifs soumis à vérification avaient été acquis par elle avant l’année 2003 et que la Commission avait déjà obtenu et vérifié des informations détaillées sur ces actifs à l’occasion d’enquêtes antidumping antérieures dans lesquelles Changmao s’était vu reconnaître le SEM. Contrairement à ce que le Tribunal aurait jugé aux points 78 à 80 de l’arrêt attaqué, il n’aurait donc pas été impossible pour la Commission de vérifier les informations obtenues sur ces actifs le dernier jour de la visite de vérification.
64 Pour l’ensemble de ces raisons, Changmao considère que le Tribunal ne pouvait, au point 93 de l’arrêt attaqué, écarter la première branche de son premier moyen d’annulation.
65 Par voie de conséquence, le rejet, aux points 97 et 98 de cet arrêt, de la seconde branche de ce moyen, laquelle portait, pour sa part, sur le troisième critère d’octroi du SEM, énoncé à l’article 2, paragraphe 7, sous c), troisième tiret, du règlement de base, serait donc également entaché d’illégalité et le Tribunal aurait commis une erreur de droit en refusant d’examiner cette dernière branche.
66 La Commission estime que le premier moyen doit être écarté comme étant, pour partie, inopérant et, en toute hypothèse, non fondé dans son intégralité.
b) Appréciation de la Cour
67 Par son premier moyen, Changmao conteste, en substance, les appréciations du Tribunal relatives au rejet, par la Commission, de sa demande de SEM en vertu de l’article 2, paragraphe 7, sous b) et c), du règlement de base.
68 À cet égard, il convient de rappeler, à titre liminaire, que, selon l’article 2, paragraphe 7, sous a), du règlement de base, dans le cas d’importations en provenance de pays n’ayant pas une économie de marché, par dérogation aux règles établies aux paragraphes 1 à 6 de cet article, la valeur normale est, en principe, déterminée sur la base du prix ou de la valeur construite dans un pays tiers à économie de marché [arrêts du 2 février 2012, Brosmann Footwear (HK) e.a./Conseil, C 249/10 P, EU:C:2012:53, point 30, ainsi que du 2 décembre 2021, Commission et GMB Glasmanufaktur Brandenburg/Xinyi PV Products (Anhui) Holdings, C 884/19 P et C 888/19 P, EU:C:2021:973, point 56].
69 Toutefois, en vertu de l’article 2, paragraphe 7, sous b), du règlement de base, dans le cas d’enquêtes antidumping concernant les importations en provenance notamment de Chine, la valeur normale est déterminée conformément à l’article 2, paragraphes 1 à 6, de ce règlement s’il est établi, sur la base de requêtes dûment documentées présentées par un ou plusieurs producteurs faisant l’objet de l’enquête et conformément aux critères et aux procédures énoncés à l’article 2, paragraphe 7, sous c), dudit règlement, que les conditions d’une économie de marché prévalent pour ce ou ces producteurs en ce qui concerne la fabrication et la vente du produit similaire concerné [voir, en ce sens, arrêts du 2 février 2012, Brosmann Footwear (HK) e.a./Conseil, C 249/10 P, EU:C:2012:53, point 31, ainsi que du 2 décembre 2021, Commission et GMB Glasmanufaktur Brandenburg/Xinyi PV Products (Anhui) Holdings, C 884/19 P et C 888/19 P, EU:C:2021:973, point 57].
70 À cet égard, la charge de la preuve incombe au producteur qui souhaite bénéficier du SEM en vertu de l’article 2, paragraphe 7, sous b), du règlement de base. À cet effet, l’article 2, paragraphe 7, sous c), premier alinéa, de ce règlement prévoit que la requête présentée par un tel producteur doit contenir les preuves suffisantes, telles que spécifiées à cette dernière disposition, de ce qu’il opère dans les conditions d’une économie de marché [voir, en ce sens, arrêts du 2 février 2012, Brosmann Footwear (HK) e.a./Conseil, C 249/10 P, EU:C:2012:53, point 32, ainsi que du 2 décembre 2021, Commission et GMB Glasmanufaktur Brandenburg/Xinyi PV Products (Anhui) Holdings, C 884/19 P et C 888/19 P, EU:C:2021:973, point 59].
71 Parmi ces critères figure, à l’article 2, paragraphe 7, sous c), deuxième tiret, du règlement de base, le deuxième critère d’octroi du SEM qui est en cause dans le cadre du présent moyen. Ce critère requiert que le producteur concerné utilise un seul jeu de documents comptables de base, qui font l’objet d’un audit indépendant conforme aux normes internationales et qui sont utilisés à toutes fins.
72 En premier lieu, Changmao allègue, en substance, qu’elle remplit ledit critère, dès lors que ses comptes sont conformes aux HKFRS et qu’elle applique correctement la norme IAS 36. En décidant le contraire, le Tribunal aurait méconnu l’article 2, paragraphe 7, sous c), du règlement de base et dénaturé les faits.
73 À cet égard, il convient, toutefois, premièrement, de rappeler que, selon une jurisprudence constante de la Cour, il résulte de l’article 256 TFUE et de l’article 58, premier alinéa, du statut de la Cour de justice de l’Union européenne que le Tribunal est seul compétent, d’une part, pour constater les faits, sauf dans le cas où l’inexactitude matérielle de ses constatations résulterait des pièces du dossier qui lui ont été soumises, et, d’autre part, pour apprécier ces faits. Lorsque le Tribunal a constaté ou apprécié les faits, la Cour est compétente pour exercer, en vertu de l’article 256 TFUE, un contrôle sur la qualification juridique de ces faits et les conséquences de droit qui en ont été tirées par le Tribunal. La Cour n’est donc pas compétente pour constater les faits ni, en principe, pour examiner les preuves que le Tribunal a retenues à l’appui de ces faits. Cette appréciation ne constitue dès lors pas, sous réserve du cas de la dénaturation de ces éléments, une question de droit soumise, comme telle, au contrôle de la Cour [voir, en ce sens, arrêts du 10 juillet 2008, Bertelsmann et Sony Corporation of America/Impala, C 413/06 P, EU:C:2008:392, point 29, ainsi que du 14 décembre 2017, EBMA/Giant (China), C 61/16 P, EU:C:2017:968, point 33].
74 Lorsqu’il allègue une telle dénaturation par le Tribunal, un requérant doit, en application de l’article 256 TFUE, de l’article 58, premier alinéa, du statut de la Cour de justice de l’Union européenne et de l’article 168, paragraphe 1, sous d), du règlement de procédure de la Cour, indiquer de façon précise les éléments qui auraient été dénaturés par le Tribunal et démontrer les erreurs d’analyse qui, dans son appréciation, auraient conduit celui-ci à cette dénaturation. Par ailleurs, il est de jurisprudence constante de la Cour qu’une dénaturation doit apparaître de façon manifeste des pièces du dossier, sans qu’il soit nécessaire de procéder à une nouvelle appréciation des faits et des preuves (voir, en ce sens, arrêts du 3 septembre 2009, Moser Baer India/Conseil, C 535/06 P, EU:C:2009:498, point 33, et du 29 avril 2021, Fortischem/Commission, C 890/19 P, non publié, EU:C:2021:345, point 70).
75 En l’espèce, il convient de constater que l’argumentation développée par Changmao, visée au point 72 du présent arrêt, ne consiste à remettre en cause ni l’interprétation que le Tribunal a effectuée aux points 51 à 53 de l’arrêt attaqué, de l’article 2, paragraphe 7, sous c), deuxième tiret, du règlement de base ni celle figurant aux points 59 à 63 de cet arrêt de la norme IAS 36.
76 Cette argumentation porte en réalité sur la conformité de ses documents comptables et sur le respect de la norme IAS 36 et vise, ainsi, essentiellement à contester l’appréciation, par le Tribunal, de la régularité de ces documents et de cette comptabilisation. Cette appréciation est de nature factuelle et ne saurait, partant, être remise en cause au stade du pourvoi, sauf dans l’hypothèse d’une dénaturation. Or, si Changmao a évoqué une dénaturation des faits par le Tribunal, elle ne précise ni les faits que le Tribunal aurait dénaturés ni de quelle manière il les aurait dénaturés.
77 Partant, ladite argumentation est irrecevable.
78 Deuxièmement, pour autant que, par l’argumentation exposée au point 56 du présent arrêt, Changmao entende reprocher au Tribunal de ne pas avoir constaté que la Commission avait commis une erreur en fondant ses conclusions relatives au deuxième critère d’octroi du SEM sur de simples « lacunes » non étayées, il convient de rappeler que, dans le cadre d’un pourvoi, la compétence de la Cour est, en principe, limitée à l’appréciation de la solution légale qui a été donnée aux moyens débattus devant les juges du fond (arrêt du 9 novembre 2017, SolarWorld/Conseil, C 204/16 P, EU:C:2017:838, point 62 et jurisprudence citée).
79 Changmao n’ayant pas soulevé de tel argument devant le Tribunal, celui-ci est donc irrecevable.
80 En tout état de cause, cet argument est non fondé. En effet, il ressort sans équivoque des pièces du dossier dont dispose la Cour que le deuxième critère d’octroi du SEM a fait l’objet de discussions approfondies entre la Commission et Changmao au cours de la procédure ayant conduit à l’adoption du règlement litigieux et que, dans ce contexte, la Commission a clairement identifié les raisons pour lesquelles elle a considéré que Changmao ne remplissait pas ledit critère.
81 En deuxième lieu, s’agissant de l’allégation d’une dénaturation des faits entachant le point 54 de l’arrêt attaqué, il y a lieu de relever que, à ce point, le Tribunal a observé que Changmao semblait soutenir que d’éventuelles « erreurs comptables » ne constitueraient pas un obstacle à la reconnaissance du SEM. Certes, le Tribunal a ainsi employé une terminologie différente de celle figurant au point 7 de la requête en première instance, dans le cadre duquel Changmao faisait valoir que, à supposer même que des « fautes comptables » aient été commises, la Commission avait commis un détournement de pouvoir en ce qu’elle avait conclu que de simples erreurs comptables pouvaient servir de base à un refus du SEM. Toutefois, il convient d’observer que le Tribunal a bien saisi la substance de cette argumentation et l’a examinée au fond. La variation terminologique ne permet donc pas de constater qu’il a dénaturé les arguments avancés par Changmao.
82 En troisième lieu, s’agissant des arguments dirigés contre les points 78 à 80 de l’arrêt attaqué, il convient de relever que ces points s’inscrivent dans l’examen, par le Tribunal, de la conclusion de la Commission selon laquelle Changmao avait omis de produire certains documents en temps utile pour leur analyse lors de la visite de vérification dans ses locaux. Or, au point 79 de l’arrêt attaqué, le Tribunal a constaté que le rejet du SEM par la Commission n’avait pas été fondé sur le fait que Changmao avait fourni de manière tardive certains documents.
83 Changmao n’ayant pas spécifiquement contesté cette constatation du Tribunal, ses arguments pris de ce que, grâce à des enquêtes antérieures, la Commission aurait été en mesure de procéder aux vérifications nécessaires doivent, partant, être écartés comme étant inopérants.
84 Par ailleurs, à supposer que, par ces arguments, Changmao entende alléguer que le Tribunal a erronément jugé, au point 87 de l’arrêt attaqué, que cette partie ne pouvait invoquer des décisions antérieures de la Commission pour mettre en cause les constats opérés dans le règlement litigieux, lesdits arguments sont non fondés. En effet, selon une jurisprudence constante de la Cour, dans le domaine de la politique commerciale commune, et tout particulièrement en matière de mesures de défense commerciale, la Commission dispose d’un large pouvoir d’appréciation en raison de la complexité des situations économiques et politiques qu’elle doit examiner [voir, en ce sens, arrêt du 2 décembre 2021, Commission et GMB Glasmanufaktur Brandenburg/Xinyi PV Products (Anhui) Holdings, C 884/19 P et C 888/19 P, EU:C:2021:973, point 117 et jurisprudence citée]. Or, les opérateurs économiques ne sauraient placer leur confiance légitime dans le maintien d’une situation existante qui peut être modifiée par des décisions prises par une institution de l’Union dans le cadre de son pouvoir d’appréciation (voir, par analogie, arrêts du 7 mai 1991, Nakajima/Conseil, C 69/89, EU:C:1991:186, points 113 et 120, ainsi que du 10 mars 1992, Canon/Conseil, C 171/87, EU:C:1992:106, point 41).
85 En dernier lieu, s’agissant des arguments dirigés contre les points 97 et 98 de l’arrêt attaqué, il convient de relever que, à ces points, le Tribunal a écarté comme étant inopérante la seconde branche du premier moyen de Changmao à l’appui de son recours en première instance par laquelle Changmao mettait en cause les conclusions de la Commission au sujet du troisième critère d’octroi du SEM, énoncé à l’article 2, paragraphe 7, sous c), troisième tiret, du règlement de base. En effet, le Tribunal a rappelé, au point 96 de cet arrêt, qui n’est pas contesté par Changmao dans le cadre du présent pourvoi, que les conditions d’octroi du SEM énoncées à l’article 2, paragraphe 7, sous c), du règlement de base ont un caractère cumulatif. C’est dans cette mesure que, après avoir relevé, au point 97 dudit arrêt, que Changmao n’était pas parvenue à démontrer que la Commission avait commis une erreur en considérant que le deuxième critère d’octroi du SEM n’était pas rempli, le Tribunal, au point 98 du même arrêt, a décidé qu’il y avait lieu de rejeter comme inopérante cette seconde branche.
86 Changmao n’ayant pas davantage établi, devant la Cour, que la décision du Tribunal de rejeter son argumentation relative à la violation, par la Commission, des dispositions relatives au deuxième critère d’octroi du SEM était entachée d’une erreur de droit, ses arguments tendant à contester les points 97 et 98 de l’arrêt attaqué ne peuvent qu’être écartés comme étant non fondés.
87 Par conséquent, le premier moyen doit être écarté comme étant, en partie, irrecevable et, en partie, non fondé.
2. Sur le deuxième moyen
a) Argumentation des parties
88 Par son deuxième moyen, Changmao reproche au Tribunal d’avoir commis, aux points 113, 115 à 118, 125, 126 et 128 à 130 de l’arrêt attaqué, des erreurs de droit et une dénaturation des faits en ce qu’il a jugé que la Commission n’avait ni violé l’article 2, paragraphe 7, sous a), du règlement de base, l’article 6, paragraphe 8, du règlement 2016/1036 et l’article 9, paragraphe 4, du règlement de base ni manqué à son devoir de diligence et au principe de bonne administration en omettant de demander au producteur du pays analogue la liste détaillée de ses transactions à l’exportation.
89 En premier lieu, Changmao fait valoir que le Tribunal a méconnu l’article 2, paragraphe 7, sous a), du règlement de base. Selon cette disposition, pour déterminer la valeur normale, la Commission devrait prendre en considération les ventes du producteur du pays analogue sur le marché intérieur ou, en cas d’impossibilité, les ventes à l’exportation de ce producteur. Ce ne serait qu’en tout dernier ressort qu’elle pourrait utiliser des prix effectivement payés ou à payer dans l’Union.
90 En l’espèce, la Commission aurait estimé qu’elle ne pouvait se fier ni aux ventes intérieures ni aux ventes à l’exportation du producteur japonais, en tant que producteur du pays analogue, et aurait, de ce fait, déterminé la valeur normale sur la base des ventes du producteur de l’Union, qui est une filiale à 100 % de ce producteur japonais. La Commission aurait demandé audit producteur des listes détaillées des ventes, transaction par transaction, pour les seules ventes intérieures. Alors qu’elle aurait considéré que ces listes n’étaient pas fiables, elle se serait contentée d’un résumé des résultats financiers des exportations de ce producteur, fourni dans le tableau n° 15 de la réponse de ce dernier au questionnaire antidumping. Ce tableau serait insuffisamment détaillé. Contrairement à ce que le Tribunal aurait relevé au point 113 de l’arrêt attaqué, il ne permettrait pas de constater que « toutes » les ventes à l’exportation étaient nettement déficitaires, mais seulement que, « considérées globalement », elles étaient déficitaires. Ce point 113 serait donc entaché d’une dénaturation des faits.
91 Selon Changmao, en l’absence d’une liste des ventes à l’exportation, transaction par transaction, il ne saurait être exclu que certaines transactions à l’exportation du producteur japonais vers des pays tiers ou vers l’Union étaient suffisamment fiables pour servir de base à la détermination de la valeur normale. La Commission aurait donc dû lui demander une telle liste.
92 Changmao en déduit que, contrairement à ce que le Tribunal a jugé aux points 115, 116, 128 et 129 de l’arrêt attaqué, la Commission a violé l’article 2, paragraphe 7, sous a), du règlement de base et qu’elle a agi sans la diligence requise ainsi qu’en méconnaissance du principe de bonne administration.
93 En deuxième lieu, se référant au point 125 de l’arrêt attaqué, Changmao soutient que le Tribunal a commis une erreur de droit en décidant que la Commission n’avait pas manqué à ses obligations découlant de l’article 6, paragraphe 8, du règlement 2016/1036.
94 En troisième lieu, Changmao allègue que, en l’absence des erreurs commises par la Commission, sa marge de dumping aurait selon toute vraisemblance été moins élevée et, potentiellement, inférieure à la marge de préjudice. À cet égard, le Tribunal aurait commis une erreur de droit en jugeant, aux points 117 et 118 de l’arrêt attaqué, qu’elle aurait dû apporter les éléments de preuve établissant que la marge de dumping aurait été inférieure à la marge de préjudice. Cette approche reposerait sur une lecture erronée de l’article 2, paragraphe 7, sous a), du règlement de base et irait à l’encontre de la jurisprudence de la Cour imposant à la Commission d’examiner d’office toutes les informations disponibles.
95 La Commission rétorque que le deuxième moyen est inopérant et doit, en tout état de cause, être écarté comme étant, en partie, irrecevable, en partie, inopérant et, en partie, non fondé.
b) Appréciation de la Cour
96 En premier lieu, Changmao allègue que, aux points 115, 116, 128 et 129 de l’arrêt attaqué, le Tribunal a méconnu l’article 2, paragraphe 7, sous a), du règlement de base et a erronément jugé que la Commission avait agi avec la diligence requise ainsi que dans le respect du principe de bonne administration.
97 L’article 2, paragraphe 7, sous a), du règlement de base expose la méthode applicable, par dérogation aux règles établies aux paragraphes 1 à 6 du même article, aux fins de la détermination de la valeur normale dans le cas d’importations en provenance de pays n’ayant pas une économie de marché.
98 Eu égard au libellé et à l’économie de cette disposition, la méthode principale de détermination de la valeur normale dans le cas d’importations en provenance de pays n’ayant pas d’économie de marché est la méthode du pays analogue, à savoir celle « du prix ou de la valeur construite, dans un pays tiers à économie de marché », ou « du prix pratiqué à partir d’un tel pays tiers à destination d’autres pays, y compris [l’Union] ». À défaut, « lorsque cela n’est pas possible », une méthode subsidiaire est définie, selon laquelle la valeur normale est déterminée « sur toute autre base raisonnable, y compris le prix effectivement payé ou à payer dans [l’Union] pour le produit similaire, dûment ajusté, si nécessaire, afin d’y inclure une marge bénéficiaire raisonnable ». Il s’ensuit que le pouvoir d’appréciation dont dispose la Commission dans le choix d’un pays analogue ne l’autorise pas à écarter l’exigence de choisir un pays tiers à économie de marché dans un cas où cela est possible (voir, en ce sens, arrêt du 22 mars 2012, GLS, C 338/10, EU:C:2012:158, points 24 et 26).
99 En vertu de l’article 2, paragraphe 7, sous a), deuxième alinéa, du règlement de base, un pays tiers à économie de marché approprié est choisi d’une manière non déraisonnable, compte tenu de toutes les informations fiables disponibles au moment du choix. En effet, il incombe à la Commission, en tenant compte des alternatives qui se présentent, d’essayer de trouver un pays tiers où le prix d’un produit similaire est formé dans des circonstances aussi comparables que possible à celles du pays d’exportation, pourvu qu’il s’agisse d’un pays à économie de marché (voir, en ce sens, arrêt du 22 mars 2012, GLS, C 338/10, EU:C:2012:158, point 21).
100 Dans le cadre du contrôle juridictionnel de l’exercice du pouvoir d’appréciation dont la Commission jouit s’agissant du choix du pays analogue, il convient, en particulier, de vérifier si cette institution n’a pas omis de prendre en considération des éléments essentiels en vue d’établir le caractère adéquat du pays choisi et si les éléments du dossier ont été examinés avec toute la diligence requise pour qu’il puisse être considéré que la valeur normale a été déterminée d’une manière appropriée et non déraisonnable (arrêts du 22 octobre 1991, Nölle, C 16/90, EU:C:1991:402, points 12 et 13, ainsi que du 22 mars 2012, GLS, C 338/10, EU:C:2012:158, point 22).
101 En l’espèce, aux points 112 à 114 de l’arrêt attaqué, le Tribunal a souligné qu’il ressortait tant du règlement litigieux que des explications fournies par la Commission que, premièrement, les données communiquées par le producteur japonais n’étaient pas fiables en tant que, notamment, ses marges bénéficiaires variaient considérablement et de manière injustifiée selon le type et l’importance de l’acheteur, deuxièmement, alors que toutes les ventes intérieures de ce producteur étaient rentables, toutes les ventes à l’exportation étaient nettement déficitaires et, troisièmement, les parties intéressées, dont Changmao, s’étaient inquiétées, à la suite des conclusions provisoires, du fait que le Japon avait été choisi comme pays analogue.
102 C’est au regard de ces circonstances, dont les première et troisième ne sont pas contestées par Changmao, que le Tribunal a considéré, aux points 115 et 116 de l’arrêt attaqué, que la Commission n’avait pas violé l’article 2, paragraphe 7, sous a), du règlement de base en recourant aux données de l’industrie de l’Union aux fins de la détermination de la valeur normale du produit concerné, dans la mesure où les informations disponibles au moment du choix n’étaient pas fiables et risquaient d’aboutir à un choix de pays analogue inapproprié et déraisonnable.
103 Dans ce même contexte, aux points 128 et 129 de l’arrêt attaqué, le Tribunal a jugé qu’il ne saurait être reproché à la Commission d’avoir manqué de diligence. Le Tribunal est parvenu à cette conclusion au vu d’un ensemble d’éléments factuels exposés aux points 120 à 124 et 127 de cet arrêt, qui ne sont pas contestés par Changmao. Ces éléments tiennent au nombre limité de pays producteurs d’aspartame, au déroulement de l’enquête de la Commission et aux observations que celle-ci a pu obtenir.
104 Ce faisant, le Tribunal n’a commis aucune erreur de droit.
105 Certes, comme l’allègue Changmao, ce n’est qu’en cas d’impossibilité de recourir à la méthode du pays analogue que la Commission peut déterminer la valeur normale sur toute autre base raisonnable en vertu de l’article 2, paragraphe 7, sous a), du règlement de base, dont la portée a été rappelée au point 98 du présent arrêt.
106 Toutefois, contrairement à ce que Changmao fait valoir, il n’en découle pas pour autant que la Commission était, dans les circonstances de la présente affaire, tenue de solliciter des informations détaillées sur les transactions à l’exportation du producteur japonais.
107 En effet, dans ces circonstances et au vu du manque de fiabilité des informations détaillées fournies par ce producteur au sujet de ses ventes à l’importation ainsi que des informations plus sommaires fournies au sujet de ses ventes à l’exportation, il n’était ni inapproprié ni déraisonnable pour la Commission de déterminer la valeur normale sur toute autre base raisonnable, conformément à l’article 2, paragraphe 7, sous a), du règlement de base et à la jurisprudence de la Cour citée aux points 99 et 100 du présent arrêt. La Commission pouvait procéder ainsi sans demander au préalable des informations plus détaillées au sujet de ces ventes à l’exportation.
108 Partant, c’est sans commettre d’erreur de droit que le Tribunal a jugé, en substance, aux points 115 et 116 de l’arrêt attaqué, que la Commission n’avait pas violé l’article 2, paragraphe 7, sous a), du règlement de base en recourant aux données de l’industrie de l’Union aux fins de la détermination de la valeur normale du produit concerné, même sans avoir demandé au préalable des informations détaillées sur les ventes à l’exportation du producteur japonais.
109 La circonstance que, au point 113 de l’arrêt attaqué, le Tribunal ait, de manière générale, constaté que, selon les explications de la Commission, il ressortait du tableau produit par le producteur japonais que « toutes les ventes à l’exportation [de ce producteur] étaient nettement déficitaires », alors que, comme l’expose à juste titre Changmao, selon ces explications, ces ventes « considérées globalement » étaient déficitaires, n’est pas, à elle seule, de nature à infirmer la conclusion tirée au point précédent. En effet, cette imprécision du point 113 de cet arrêt n’enlève rien à la considération selon laquelle les données produites par le producteur japonais n’étaient, globalement, pas fiables. Or, c’est au vu de cette considération que, dans les circonstances relevées par le Tribunal, la Commission pouvait procéder à une détermination de la valeur normale sur la base des données de l’Union.
110 En deuxième lieu, outre le fait que, au point 125 de l’arrêt attaqué, le Tribunal ne s’est nullement prononcé sur l’article 6, paragraphe 8, du règlement 2016/1036, c’est pour la première fois au stade du pourvoi que Changmao allègue une violation de cette disposition. Conformément à la jurisprudence citée au point 78 du présent arrêt, cette allégation est donc irrecevable.
111 En troisième lieu, il convient de constater que les points 117 et 118 de l’arrêt attaqué exposent un motif surabondant au soutien du rejet, par le Tribunal, du deuxième moyen du recours en première instance. En effet, d’une part, ce motif est introduit par la locution « en outre ». D’autre part, par ledit motif, le Tribunal a écarté, en substance, comme inopérant l’argument de Changmao selon lequel la Commission aurait dû privilégier l’utilisation des prix à l’exportation du producteur du pays analogue, celui-ci ayant déjà été écarté comme non fondé au point 116 de l’arrêt attaqué.
112 Il s’ensuit que les arguments de Changmao dirigés contre les points 117 et 118 de l’arrêt attaqué sont inopérants.
113 Au regard de ce qui précède, il convient d’écarter le deuxième moyen comme étant, en partie, irrecevable, en partie, non fondé et, en partie, inopérant.
3. Sur le troisième moyen
a) Argumentation des parties
114 Par son troisième moyen, Changmao critique les points 141 à 144, 152, 153 et 155 à 162 de l’arrêt attaqué. À ces points, le Tribunal aurait erronément jugé que, en rejetant les demandes d’ajustements que Changmao avait présentées aux fins du calcul de la marge de dumping, la Commission n’avait violé ni l’article 2, paragraphe 10, et l’article 9, paragraphe 4, du règlement de base ni l’article 2.4 de l’accord antidumping. Ce moyen est divisé en trois branches.
1) Sur la première branche
115 Par la première branche de son troisième moyen, Changmao allègue que le Tribunal a « dénatur[é] des faits en ce qui concerne le concept de preuve ».
116 Changmao soutient qu’elle a, au cours de la procédure d’enquête, demandé à la Commission de procéder à des ajustements des prix au titre de l’article 2, paragraphe 10, sous a), b), e) à h) et k), du règlement de base, dès lors que la comparabilité des prix de l’Union utilisés pour déterminer la valeur normale et du prix à l’exportation était affectée par des différences concernant le processus de production de l’aspartame, les exigences réglementaires, les services après-vente, le coût de l’énergie, le coût du travail, l’accès aux matières premières, les redevances de brevet et de savoir-faire, les coûts d’emballage ainsi que le fret maritime, l’assurance, la manutention, les frais bancaires et les coûts du crédit.
117 La Commission aurait rejeté tous les ajustements demandés, qui auraient conduit à une hausse des prix à l’exportation ou à une baisse de la valeur normale, au motif que Changmao n’avait pas démontré « que les acheteurs paient systématiquement des prix différents sur le marché intérieur à cause de la divergence de ces facteurs ». En revanche, elle aurait procédé à des ajustements ayant conduit, au détriment de Changmao, à une baisse des prix à l’exportation et à une hausse de la valeur normale sans exiger une telle preuve, opérant ainsi une différenciation arbitraire.
118 Or, contrairement à ce que le Tribunal aurait jugé aux points 141 à 144 de l’arrêt attaqué en dénaturant les faits, Changmao estime qu’elle a bien apporté des éléments de preuve à l’appui des ajustements demandés. En effet, elle aurait identifié et invoqué tous les facteurs affectant la comparabilité des prix et démontré que chacun de ces facteurs avait une incidence sur les prix.
119 Les preuves fournies par Changmao coïncideraient par ailleurs avec les constatations faites par la Commission au considérant 80 du règlement provisoire et au considérant 76 du règlement litigieux, selon lesquelles, pendant la période d’enquête, la moyenne pondérée des prix de l’industrie de l’Union par type d’aspartame était de 21,1 % plus élevée que les prix des types de produits comparables importés.
120 En outre, Changmao n’aurait pas pu fournir les éléments de preuve qui auraient été nécessaires eu égard à l’approche retenue par le Tribunal, dans la mesure où il se serait agi de documents confidentiels auxquels elle n’aurait pas eu accès. En revanche, la Commission aurait pu accéder à ces éléments.
121 La Commission estime que ces arguments, relatifs pour l’essentiel à la procédure administrative, ne sont pas pertinents au stade du pourvoi. Selon elle, le troisième moyen, en sa première branche, est, en partie, irrecevable et, en partie, non fondé.
2) Sur la deuxième branche
122 La deuxième branche du troisième moyen de Changmao comporte deux griefs, pris respectivement de deux erreurs de droit que le Tribunal aurait commises.
123 Par le premier grief, elle reproche au Tribunal d’avoir retenu, aux points 151 et 153 de l’arrêt attaqué, une interprétation erronée de l’article 2, paragraphe 10, du règlement de base en méconnaissant le fait que, selon l’organe de règlement des différends de l’OMC, l’exportateur ne bénéficiant pas du SEM doit prouver de façon aussi constructive que possible les faits rendant nécessaire un ajustement, tandis que la Commission doit apprécier et accorder les ajustements demandés au moyen de sources de données de marché non faussées.
124 En l’espèce, Changmao n’aurait pas appuyé sa demande d’ajustements sur ses propres coûts de production en Chine, contrairement à ce que le Tribunal aurait relevé au point 151 de l’arrêt attaqué en associant, à tort, les éléments de preuve présentés par elle, selon lesquels les différences de coûts affectaient la comparabilité des prix, avec le fait que les coûts étaient faussés en Chine. La Commission aurait dû chercher à obtenir de la part du producteur de l’Union les données nécessaires pour opérer les ajustements demandés et évaluer les différences des coûts, dans l’Union, des matières premières, des processus de production, liés au respect de la réglementation, du fret et de l’assurance ainsi que des droits d’importation, des redevances de brevet et de l’emballage.
125 À cet égard, Changmao est d’avis que les circonstances de la présente affaire diffèrent substantiellement de celles de l’affaire ayant conduit à l’arrêt du 29 juillet 2019, Shanxi Taigang Stainless Steel/Commission (C 436/18 P, EU:C:2019:643).
126 Prenant appui sur l’article 2.4 de l’accord antidumping, Changmao ajoute que la valeur normale et le prix à l’exportation doivent toujours faire l’objet d’une comparaison équitable, y compris lorsque la valeur normale est déterminée sur la base d’un pays tiers disposant d’une économie de marché et que l’exportateur concerné s’est vu refuser le SEM. Exiger d’un exportateur tel que Changmao d’établir que les acheteurs paient systématiquement des prix différents sur le marché intérieur à cause des différences alléguées des coûts de production empêcherait tout ajustement à ce titre. Cette approche erronée de la Commission et du Tribunal serait contraire au droit de l’OMC, à la jurisprudence des juridictions de l’Union ainsi qu’à la pratique des institutions de l’Union.
127 Par le second grief, Changmao allègue que le Tribunal a jugé à tort que l’article 2, paragraphe 10, du règlement de base subordonne les ajustements à la condition que les acheteurs paient systématiquement des prix différents sur le marché intérieur à cause de la divergence des facteurs concernés. Une telle condition ne serait posée que de manière spécifique à l’article 2, paragraphe 10, sous k), de ce règlement, mais non de manière générale à l’article 2, paragraphe 10, sous a) à j), dudit règlement. Cette condition ne serait pas requise par l’article 2.4 de l’accord antidumping, aux termes duquel la charge de la preuve imposée aux parties intéressées ne doit pas être déraisonnable. Or, ladite condition imposerait une charge de preuve déraisonnable aux exportateurs ne provenant pas d’une économie de marché, faute pour ceux-ci de disposer des données du producteur du pays analogue utilisées aux fins de la détermination de la valeur normale.
128 Dans son mémoire en réplique, Changmao précise qu’elle s’est bien prévalue du droit de l’OMC devant le Tribunal, ainsi qu’il ressort des points 31 et 33 et des notes en bas de page nos 24 à 26 du mémoire en réplique déposé en première instance.
129 La Commission conclut au rejet de l’ensemble de ces arguments. Le premier grief, visant à contester les points 151 à 153 de l’arrêt attaqué au regard du droit de l’OMC serait irrecevable et, en tout état de cause, non fondé. Le second grief serait non fondé.
3) Sur la troisième branche
130 Par la troisième branche de son troisième moyen, Changmao critique, en premier lieu, les points 155 à 160 de l’arrêt attaqué. Les considérations du Tribunal figurant à ces points seraient entachées d’erreurs de procédure et de violations de ses droits de la défense ainsi que des devoirs de bonne administration et de diligence de la Commission. Dans ce contexte, le Tribunal aurait également violé l’article 20, paragraphes 2 et 4, du règlement 2016/1036 ainsi que les articles 6.2, 6.4, 12.2.1 et 12.2.2 de l’accord antidumping.
131 Selon Changmao, au vu de ces dispositions, le point 155 de l’arrêt attaqué est entaché d’une erreur, dès lors que la Commission ne lui a pas indiqué le motif justifiant le rejet des éléments de preuve concernant les différences des caractéristiques physiques des produits du producteur de l’Union dues aux différences des exigences réglementaires. De surcroît, en méconnaissance de l’article 6.4 de l’accord antidumping, la Commission lui aurait laissé un délai de seulement dix jours pour présenter ses observations sur le changement du choix du producteur analogue, lequel serait intervenu à un stade tardif de la procédure. Le producteur de l’Union aurait fourni des informations insuffisantes.
132 En second lieu, Changmao critique le point 207 de l’arrêt attaqué, par lequel le Tribunal aurait erronément refusé d’adopter les mesures d’organisation de la procédure ou d’instruction qu’elle avait sollicitées en lien avec son moyen portant sur les ajustements et qui étaient nécessaires à sa protection juridictionnelle effective.
133 Enfin, se référant à l’article 9, paragraphe 4, second alinéa, du règlement de base, Changmao souligne que les ajustements sollicités auraient permis de ramener sa marge de dumping à des niveaux inférieurs à la marge de préjudice.
134 La Commission conclut au rejet de cette troisième branche comme étant, en partie, irrecevable et, en partie, non fondée.
b) Appréciation de la Cour
135 S’agissant du troisième moyen, qui est tiré d’une dénaturation des faits et d’erreurs de droit et de procédure, il convient d’examiner, d’abord, la première branche et le second grief de la deuxième branche, ensuite, la troisième branche et, enfin, le premier grief de la deuxième branche.
1) Sur la première branche et le second grief de la deuxième branche
136 Par cette branche et ce grief, Changmao reproche, en substance, au Tribunal d’avoir dénaturé des faits et commis des erreurs de droit dans l’examen, aux points 141 à 144 de l’arrêt attaqué, de ses arguments visant à contester le rejet, par la Commission, des ajustements qu’elle avait demandés au titre de l’article 2, paragraphe 10, du règlement de base.
137 À cet égard, il convient de rappeler que cette disposition prévoit que, dans un cas où la valeur normale et le prix à l’exportation ne peuvent faire l’objet d’une comparaison équitable, il sera tenu compte, sous forme d’ajustement, des différences constatées dans les facteurs dont il est revendiqué et démontré qu’ils affectent les prix et, partant, leur comparabilité.
138 Selon la jurisprudence de la Cour, il ressort tant de la lettre que de l’économie de l’article 2, paragraphe 10, du règlement de base qu’un ajustement du prix à l’exportation ou de la valeur normale peut être opéré uniquement pour tenir compte de différences concernant des facteurs qui affectent les deux prix et qui affectent donc leur comparabilité, afin d’assurer que la comparaison soit opérée au même stade commercial (voir, en ce sens, arrêts du 16 février 2012, Conseil et Commission/Interpipe Niko Tube et Interpipe NTRP, C 191/09 P et C 200/09 P, EU:C:2012:78, point 53, ainsi que du 4 mai 2017, RFA International/Commission, C 239/15 P, non publié, EU:C:2017:337, point 42).
139 Il ressort également de la jurisprudence de la Cour que, si une partie demande, au titre de l’article 2, paragraphe 10, du règlement de base, des ajustements destinés à rendre comparables la valeur normale et le prix à l’exportation en vue de la détermination de la marge de dumping, cette partie doit apporter la preuve que sa demande est justifiée. Ainsi, la charge de prouver que les ajustements spécifiques énumérés à l’article 2, paragraphe 10, sous a) à k), du règlement de base doivent être opérés incombe à ceux qui souhaitent s’en prévaloir, quels qu’ils soient (voir, en ce sens, arrêt du 16 février 2012, Conseil et Commission/Interpipe Niko Tube et Interpipe NTRP, C 191/09 P et C 200/09 P, EU:C:2012:78, points 58 et 60). Il s’ensuit qu’il incombe à la partie qui souhaite se prévaloir d’un tel ajustement de démontrer que le facteur au titre duquel cet ajustement est demandé est de nature à affecter les prix et, partant, leur comparabilité.
140 En l’espèce, aux points 139 et 141 à 143 de l’arrêt attaqué, le Tribunal a, en substance, jugé qu’il appartenait à Changmao de prouver que sa demande d’ajustements au titre de l’article 2, paragraphe 10, du règlement de base était justifiée et que les différences de coûts alléguées par elle se traduisaient en différences de prix, tout en relevant que cette partie ne contestait pas la constatation, au considérant 49 du règlement litigieux, selon laquelle elle n’avait produit aucun élément de preuve au soutien de sa demande d’ajustements. Par conséquent, le Tribunal a, au point 144 de cet arrêt, jugé que Changmao ne saurait reprocher à la Commission d’avoir violé l’article 2, paragraphe 10, du règlement de base en refusant d’opérer les ajustements demandés aux fins de la détermination de la marge de dumping.
141 Ces appréciations ne sont entachées d’aucune erreur de droit.
142 Premièrement, contrairement aux allégations de Changmao, c’est à bon droit que, conformément tant à la lettre et à l’économie de l’article 2, paragraphe 10, du règlement de base qu’à la jurisprudence de la Cour rappelée aux points 138 et 139 du présent arrêt, le Tribunal a jugé qu’il appartenait à Changmao d’établir, à l’appui de sa demande d’ajustements, que les différences de coûts alléguées étaient de nature à affecter les prix et, partant, leur comparabilité.
143 Deuxièmement, d’une part, dans la mesure où, par ses arguments résumés aux points 116 et 117 du présent arrêt, Changmao paraît alléguer que, contrairement à ce qu’a jugé le Tribunal, elle avait bien apporté la preuve de ce que ses demandes d’ajustements au titre de l’article 2, paragraphe 10, du règlement de base étaient justifiées, son argumentation revient, en réalité, à demander à la Cour de procéder à une nouvelle appréciation des faits et des éléments de preuve. En l’absence de toute démonstration, et même d’allégation, d’une dénaturation de ces faits et de ces éléments de preuve, cette argumentation est donc irrecevable, conformément à la jurisprudence constante de la Cour rappelée au point 73 du présent arrêt.
144 D’autre part, dans la mesure où Changmao paraît alléguer que le Tribunal a méconnu la notion même de « preuve », son argumentation procède d’une confusion entre, d’une part, une allégation ou une affirmation des circonstances factuelles, appuyées de simples supputations, et, d’autre part, la preuve de la matérialité de ces circonstances. Or, outre le fait que, devant la Cour, Changmao se contente de formuler de simples allégations sans étayer celles-ci par des éléments de preuve qui permettraient de vérifier et d’établir la réalité des différences de coûts alléguées ainsi que leur impact sur la comparabilité des prix, au sens de l’article 2, paragraphe 10, du règlement de base, cette partie n’identifie aucun élément de preuve dont le Tribunal aurait omis de tenir compte ou qu’il aurait dénaturé.
145 Troisièmement, c’est à tort que Changmao cherche à justifier ses demandes d’ajustements par le considérant 76 du règlement litigieux, aux termes duquel la Commission a constaté que la moyenne pondérée des prix de l’industrie de l’Union par type d’aspartame était 21,1 % plus élevée que les prix des types de produits comparables importés. En effet, cette différence de prix reflète la marge de sous-cotation et s’inscrit dans la détermination de l’existence d’un préjudice important subi par l’industrie de l’Union. En revanche, ainsi que l’a relevé M. l’avocat général au point 151 de ces conclusions, ce considérant ne laisse nullement entendre que cette marge de sous-cotation aurait été causée par des différences des coûts de production.
146 Au vu de ce qui précède, il convient d’écarter la première branche ainsi que le second grief de la deuxième branche du troisième moyen comme étant, en partie, irrecevables et, en partie, non fondés.
2) Sur la troisième branche
147 Par la troisième branche de son troisième moyen, Changmao critique les points 155 à 160 et 207 de l’arrêt attaqué, au motif que, en écartant ses arguments pris d’une charge de la preuve déraisonnable, le Tribunal a méconnu ses droits de la défense, ainsi que les devoirs de bonne administration et de diligence de la Commission, de même que les articles 6.2, 6.4, 12.2.1 et 12.2.2 de l’accord antidumping ainsi que l’article 20, paragraphes 2 et 4, du règlement 2016/1036.
148 D’emblée, il convient de constater que c’est au stade du pourvoi que Changmao invoque pour la première fois une violation des articles 6.2, 6.4, 12.2.1 et 12.2.2 de l’accord antidumping ainsi que de l’article 20, paragraphes 2 et 4, du règlement 2016/1036. Il s’ensuit que, comme l’a relevé M. l’avocat général aux points 124 et 125 de ses conclusions, conformément à la jurisprudence rappelée au point 78 du présent arrêt, la troisième branche est irrecevable en tant qu’elle est tirée d’une prétendue violation de ces dispositions.
149 Quant au fond, en premier lieu, Changmao allègue, en substance, que, aux points 155 à 160 de l’arrêt attaqué, le Tribunal lui a imposé une charge de la preuve déraisonnable, méconnaissant ainsi les droits de la défense de Changmao, le devoir de diligence incombant à la Commission et le principe de bonne administration.
150 À ces points, le Tribunal a considéré que, eu égard aux données communiquées par la Commission au cours de l’enquête et à la charge de la preuve incombant à Changmao dans le cadre de ses demandes d’ajustements, cette dernière ne saurait reprocher à la Commission de lui avoir imposé une charge de la preuve déraisonnable.
151 Or, d’une part, contrairement à ce que semble alléguer Changmao, la seule circonstance que, dans la présente affaire, la valeur normale ait été établie, conformément à l’article 2, paragraphe 7, sous a), du règlement de base, sur la base du prix effectivement payé ou à payer dans l’Union n’est pas de nature à imposer un assouplissement de la règle de répartition de la charge de la preuve, telle qu’elle découle de l’article 2, paragraphe 10, de ce règlement et de la jurisprudence rappelée aux points 138 et 139 du présent arrêt. En effet, ainsi que l’a souligné M. l’avocat général au point 140 de ses conclusions, cette règle, selon laquelle il revient à la partie qui demande un ajustement au titre d’un des facteurs visés à l’article 2, paragraphe 10, du règlement de base de démontrer que ce facteur est de nature à affecter les prix et, partant, leur comparabilité, s’impose indépendamment de la méthode sur le fondement de laquelle la valeur normale a été déterminée.
152 D’autre part, Changmao allègue que, lorsque la valeur normale est déterminée sur la base du prix payé ou à payer dans l’Union, un producteur-exportateur du pays visé par l’enquête est empêché d’exercer pleinement ses droits de la défense dès lors qu’il n’a pas accès aux données de l’industrie de l’Union, ce qui aurait été son cas dans la présente affaire. Or, il ressort expressément des constatations effectuées par le Tribunal aux points 155 et 156 de l’arrêt attaqué qu’il ressortait du règlement litigieux que la Commission avait communiqué aux producteurs-exportateurs chinois des données relatives au producteur de l’Union et que Changmao avait pu commenter ces données. Sur la base de ces constatations, qui, en tant que telles, ne sont pas remises en cause par Changmao dans le cadre du présent pourvoi, le Tribunal a pu déduire, sans commettre d’erreur de droit, au point 159 de l’arrêt attaqué, que celle-ci ne saurait utilement reprocher à la Commission de ne pas avoir agi conformément au principe de bonne administration et d’avoir violé ses droits de la défense en lui imposant une charge de la preuve déraisonnable.
153 Partant, il convient de rejeter comme non fondés les arguments avancés par Changmao à l’appui de la troisième branche de son troisième moyen tirés de ce que les points 155 à 160 de l’arrêt attaqué seraient entachés d’erreurs relatives aux droits de la défense, au devoir de diligence incombant à la Commission et au principe de bonne administration.
154 En second lieu, Changmao critique le point 207 de l’arrêt attaqué en tant que, par celui-ci, le Tribunal aurait erronément refusé de prendre les mesures d’organisation de la procédure ou d’instruction qu’elle avait sollicitées.
155 À ce point de l’arrêt attaqué, le Tribunal a rejeté le recours formé par Changmao en première instance « sans qu’il soit besoin de faire droit aux demandes de mesures d’organisation de la procédure et d’instruction présentées par [Changmao] ».
156 Or, il y a lieu de rappeler que, selon une jurisprudence bien établie de la Cour, le Tribunal est seul juge de la nécessité éventuelle de compléter les éléments d’information dont il dispose sur les affaires dont il est saisi (arrêts du 10 juillet 2001, Ismeri Europa/Cour des comptes, C 315/99 P, EU:C:2001:391, point 19, et du 22 octobre 2020, Silver Plastics et Johannes Reifenhäuser/Commission, C 702/19 P, EU:C:2020:857, point 28).
157 Partant, Changmao ne saurait utilement contester, au stade du présent pourvoi, la décision du Tribunal de ne pas avoir pris les mesures d’organisation de la procédure et d’instruction dont elle a suggéré l’adoption dans ses écritures devant ce dernier.
158 Il s’ensuit que la troisième branche du troisième moyen doit être écartée comme étant, en partie, irrecevable et, en partie, non fondée.
3) Sur le premier grief de la deuxième branche
159 Par ce grief, Changmao reproche au Tribunal d’avoir commis une erreur de droit aux points 151 à 153 de l’arrêt attaqué.
160 À ces points, le Tribunal a précisé que, « [e]n toute hypothèse », Changmao ne bénéficiant pas du SEM, les données la concernant ne pouvaient être prises en compte au titre d’ajustements au sens de l’article 2, paragraphe 10, du règlement de base, lequel ne saurait être utilisé dans l’objectif de priver d’effet l’article 2, paragraphe 7, sous a), de ce règlement.
161 Il découle des termes « en toute hypothèse » que les considérations figurant à ces points de l’arrêt attaqué constituent un motif surabondant.
162 Or, il ressort de l’analyse des première et troisième branches ainsi que du second grief de la deuxième branche du présent moyen que Changmao n’est pas parvenue à démontrer que le motif principal, figurant notamment aux points 141 et 144 de l’arrêt attaqué, lus en combinaison avec les points 155 à 160 de celui-ci, est entaché d’une erreur de droit.
163 Il s’ensuit que, comme l’a relevé M. l’avocat général aux points 186 et 187 de ses conclusions, le présent grief doit être écarté comme étant inopérant, sans qu’il soit besoin de statuer sur sa recevabilité.
164 Au regard de l’ensemble des considérations qui précèdent, le troisième moyen doit être écarté dans son intégralité.
4. Sur le quatrième moyen
a) Argumentation des parties
165 Par son quatrième moyen, Changmao reproche au Tribunal d’avoir commis des erreurs de droit et une dénaturation des faits en ce qu’il a jugé, aux points 148 et 150 de l’arrêt attaqué, que la Commission n’était pas tenue de procéder aux ajustements prévus à l’article 2, paragraphe 10, du règlement de base aux fins de la détermination du préjudice et qu’il a, par ce motif, écarté ses arguments pris d’une violation de l’article 3, paragraphes 2 et 3, et de l’article 9, paragraphe 4, de ce règlement, du principe de bonne administration et du devoir de diligence.
166 Changmao déduit de la jurisprudence du Tribunal que la détermination de l’existence d’un préjudice subi par l’industrie de l’Union, au titre de l’article 3, paragraphe 2, dudit règlement, requiert une comparaison équitable entre le prix à l’exportation et le prix qu’a obtenu ou qu’aurait dû obtenir l’industrie de l’Union lors des ventes effectuées sur le territoire de l’Union. Aux fins d’une comparaison équitable, les prix devraient être comparés au même stade commercial incluant l’ensemble des coûts afférents aux stades commerciaux dont il y a lieu de tenir compte.
167 Au titre de ces ajustements, il conviendrait de prendre en considération les différences de coûts entre l’industrie de l’Union et les exportateurs découlant des services après-vente fournis uniquement par la première, des emballages, des redevances de brevets ou de savoir-faire. La Commission aurait pour pratique d’accorder de tels ajustements en réduisant les prix et coûts de vente de l’industrie de l’Union dans la mesure nécessaire.
168 Lesdits ajustements pourraient, dès lors, être accordés au titre de l’article 2, paragraphe 10, sous f) et h), du règlement de base tout autant qu’au titre de l’article 3, paragraphe 2, de ce règlement.
169 Le Tribunal aurait donc commis une erreur de droit en validant, aux points 148 et 150 de l’arrêt attaqué, le refus de la Commission d’opérer les ajustements que Changmao aurait ainsi demandés, preuves à l’appui, aux fins de la détermination de l’existence d’un préjudice. Ce serait également de manière erronée qu’il aurait jugé que la Commission n’avait pas violé le principe de bonne administration et avait agi avec la diligence requise. Selon Changmao, si les ajustements sollicités avaient été effectués, la Commission n’aurait pas pu constater l’existence d’un préjudice ou, du moins, aurait conclu à une marge de préjudice moins élevée. Partant, le Tribunal aurait également commis une erreur de droit en jugeant que l’approche de la Commission ne violait pas l’article 9, paragraphe 4, du règlement de base.
170 La Commission conclut au rejet de l’ensemble de ces arguments comme étant, selon le cas, irrecevables ou inopérants et, en tout état de cause, non fondés.
b) Appréciation de la Cour
171 Par son quatrième moyen, Changmao reproche au Tribunal d’avoir commis des erreurs de droit aux points 148 et 150 de l’arrêt attaqué.
172 À ces points, le Tribunal a jugé que l’article 3, paragraphes 2 et 3, ainsi que l’article 9, paragraphe 4, du règlement de base n’exigeaient pas que la Commission procède, aux fins de la détermination de l’existence d’un préjudice, aux ajustements prévus à l’article 2, paragraphe 10, de ce règlement, de sorte que Changmao ne saurait reprocher à la Commission d’avoir méconnu cette dernière disposition en refusant d’opérer les ajustements demandés aux fins de la détermination de l’existence d’un préjudice.
173 Changmao soutient, en substance, que la détermination de l’existence d’un préjudice conformément à l’article 3, paragraphe 2, du règlement de base implique que soient effectués des ajustements analogues à ceux prévus à l’article 2, paragraphe 10, de ce règlement lorsqu’ils sont nécessaires pour effectuer une comparaison équitable, c’est-à-dire une comparaison effectuée au même stade commercial, entre le prix à l’exportation et le prix qu’a obtenu ou qu’aurait dû obtenir l’industrie de l’Union.
174 Toutefois, à supposer même que, comme l’allègue Changmao, l’article 3, paragraphe 2, du règlement de base implique, en dépit de son libellé, l’obligation pour la Commission de procéder, lors de la détermination de l’existence d’un préjudice, à de tels ajustements, il conviendrait alors de considérer, à l’instar de M. l’avocat général au point 206 de ses conclusions et par analogie avec la jurisprudence rappelée au point 139 du présent arrêt, qu’il reviendrait à la partie qui se prévaut d’un ajustement de rapporter la preuve de sa justification.
175 D’une part, il est constant que Changmao sollicite, pour l’essentiel, les mêmes ajustements aux fins tant de la détermination de l’existence du dumping que de celle du préjudice. Ces ajustements ont d’ailleurs été abordés dans un seul moyen devant le Tribunal. Or, ainsi qu’il ressort des points 140 et 142 à 146 du présent arrêt, le Tribunal a jugé, dans le cadre de son pouvoir d’appréciation souverain des faits et sans commettre d’erreur de droit, que Changmao n’avait pas rapporté la preuve que ces ajustements étaient nécessaires.
176 D’autre part, la Commission a écarté les demandes d’ajustements aux fins de la détermination de l’existence d’un préjudice au motif, exposé au considérant 70 du règlement litigieux, que l’enquête « a révélé qu’il n’existe aucune différence qualitative ou autre entre le produit concerné et le produit similaire qui transparaîtrait systématiquement dans les prix ». Ainsi que l’a relevé M. l’avocat général au point 207 de ses conclusions, le Tribunal a, en substance, validé ce motif. Or, Changmao ne critique ce point que dans le cadre du troisième grief du troisième moyen de pourvoi, lequel a été écarté au point 164 du présent arrêt.
177 Dans ces conditions, il y a lieu d’écarter le quatrième moyen comme étant inopérant, sans qu’il soit besoin de déterminer si, lors de la détermination de l’existence d’un préjudice en application de l’article 3, paragraphe 2, du règlement de base, la Commission peut, voire doit, procéder à des ajustements aux fins d’assurer une comparaison des prix au même stade commercial.
5. Sur le cinquième moyen
a) Argumentation des parties
178 Par son cinquième moyen, Changmao allègue que les points 187, 189 à 191, 194, 200, 201 et 203 à 206 de l’arrêt attaqué sont entachés d’erreurs de droit et d’une dénaturation des faits.
179 Ce moyen est fondé sur la prémisse que le producteur de l’Union et ses fournisseurs de matières premières, à savoir le producteur japonais et des fournisseurs dans l’Union, qui sont des filiales à 100 % de ce dernier, appartenaient à une seule entité économique et sociale. Changmao en déduit que les prix payés par le producteur de l’Union pour l’achat des matières premières étaient des prix pratiqués entre des parties liées et qu’ils pesaient sur les coûts de production de ce producteur ainsi que sur ses prix de vente.
180 Or, il découlerait de l’article 2, paragraphe 7, sous a), et de l’article 3 du règlement de base que, aux fins de la détermination de l’existence d’un dumping et d’un préjudice, la Commission serait tenue de s’assurer, en s’appuyant sur des preuves, que les prix utilisés sont fiables et non faussés. L’article 6, paragraphe 8, du règlement 2016/1036 exigerait qu’elle utilise les données des parties coopérantes dans la mesure du possible. Il appartiendrait néanmoins aux fournisseurs de présenter des éléments de preuve établissant que les prix de leurs matières premières vendues aux parties liées dans l’Union sont les prix du marché.
181 Contrairement à l’approche retenue par le Tribunal aux points 187, 200, 201 et 203 à 206 de l’arrêt attaqué, la pratique usuelle de la Commission impliquerait de demander aux parties intéressées qui coopèrent, telles que l’industrie de l’Union, de remettre des questionnaires pour leurs fournisseurs liés à l’extérieur et à l’intérieur de l’Union. Changmao aurait contesté le prix des matières premières retenu par la Commission.
182 Le Tribunal aurait également commis une erreur au point 191 de l’arrêt attaqué, auquel il aurait considéré que la Commission s’était conformée au principe de bonne administration et s’était appuyée sur des éléments de preuve pour constater que les prix de matière première pratiqués par les fournisseurs à l’égard du producteur lié dans l’Union obéissaient aux conditions de marché. Selon Changmao, la Commission n’aurait pas vérifié l’exactitude et la fiabilité des informations qu’elle a tirées, à cet égard, d’un rapport général élaboré par une société chinoise sur les prix des matières premières en Chine, afin de s’assurer qu’elles constituaient des éléments de preuve positifs et objectifs. Or, ces éléments ne suffiraient pas pour s’assurer que les prix pratiqués par ces fournisseurs étaient effectivement des prix du marché. La Commission aurait pu demander au producteur de l’Union de remplir un questionnaire détaillé sur ces prix et vérifier les réponses.
183 Ce devoir de vérification existerait indépendamment des éléments de preuve ou des demandes des parties intéressées. Le point 206 de l’arrêt attaqué serait donc erroné.
184 Changmao ajoute que l’arrêt du 23 septembre 2015, Hüpeden/Conseil et Commission (T 206/14, non publié, EU:T:2015:672), mentionné aux points 187 et 203 de l’arrêt attaqué, n’est pas pertinent car l’affaire ayant donné lieu à celui-ci ne portait pas sur l’exercice, par la Commission, de son pouvoir d’appréciation quant à l’existence d’un dumping et d’un préjudice à la lumière du principe de bonne administration et du devoir de diligence.
185 La Commission rétorque que le présent moyen est irrecevable et, en tout état de cause, non fondé.
b) Appréciation de la Cour
186 Aux termes de l’article 169, paragraphe 2, du règlement de procédure de la Cour, les moyens et les arguments de droit invoqués identifient avec précision les points de motifs de la décision du Tribunal qui sont contestés. Ainsi, selon une jurisprudence constante, un pourvoi doit indiquer de façon précise les éléments critiqués de l’arrêt dont l’annulation est demandée ainsi que les arguments juridiques qui soutiennent de manière spécifique cette demande, sous peine d’irrecevabilité du pourvoi ou du moyen concerné (arrêt du 20 septembre 2018, Agria Polska e.a./Commission, C 373/17 P, EU:C:2018:756, point 33 ainsi que jurisprudence citée).
187 Ne répond notamment pas à ces exigences et doit être déclaré irrecevable un moyen dont l’argumentation n’est pas suffisamment claire et précise pour permettre à la Cour d’exercer son contrôle de la légalité, notamment parce que les éléments essentiels sur lesquels le moyen s’appuie ne ressortent pas de façon suffisamment cohérente et compréhensible du texte de ce pourvoi, qui est formulé de manière obscure et ambiguë à cet égard (arrêt du 10 juillet 2014, Telefónica et Telefónica de España/Commission, C 295/12 P, EU:C:2014:2062, point 30 et jurisprudence citée, ainsi que ordonnance du 29 juin 2016, Médiateur/Staelen, C 337/15 P, non publiée, EU:C:2016:670, point 22).
188 Or, si Changmao identifie avec précision les points de l’arrêt attaqué qu’elle entend critiquer par son cinquième moyen, elle reste en défaut d’exposer de manière précise et spécifique les erreurs de droit que le Tribunal aurait prétendument commises.
189 De surcroît, il n’apparaît pas que, par les arguments avancés dans le cadre du présent moyen, Changmao conteste la motivation de l’arrêt attaqué. Au contraire, ces arguments paraissent, pour l’essentiel, tendre à critiquer la conduite de la Commission dans la procédure ayant conduit à l’adoption du règlement litigieux.
190 Il s’ensuit que le cinquième moyen est irrecevable.
191 Aucun des moyens soulevés par Changmao à l’appui de son pourvoi n’étant susceptible de prospérer, il y a lieu de rejeter celui-ci dans son intégralité.
Sur les dépens
192 Aux termes de l’article 138, paragraphe 1, du règlement de procédure de la Cour, applicable à la procédure de pourvoi en vertu de l’article 184, paragraphe 1, de celui-ci, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens.
193 La Commission ayant conclu à la condamnation de Changmao aux dépens et cette dernière ayant succombé en ses conclusions, il y a lieu de condamner Changmao à supporter, outre ses propres dépens, ceux exposés par la Commission.
Par ces motifs, la Cour (quatrième chambre) déclare et arrête :
1) Le pourvoi est rejeté.
2) Changmao Biochemical Engineering Co. Ltd est condamnée à supporter, outre ses propres dépens, ceux exposés par la Commission européenne.