Cass. com., 2 mars 2022, n° 20-22.143
COUR DE CASSATION
Arrêt
Rejet
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. Rémery
Rapporteur :
M. Riffaud
Avocats :
SCP Bauer-Violas, Feschotte-Desbois et Sebagh, SCP Waquet, Farge et Hazan
Faits et procédure
1. Selon l'arrêt attaqué (Rennes, 22 septembre 2020), le 9 mars 2012, la société Caisse de crédit mutuel de Dinan (la banque) a consenti à M. [V], agissant en qualité de fondateur de la société Motreff Ingenierie, alors en formation et devenue la société ES.IC, un prêt en garantie duquel M. [V] et Mme [D], son épouse, se sont rendus cautions solidaires.
2. La société ES.IC a été mise en liquidation judiciaire le 13 septembre 2016, M. [K], ensuite remplacé par la société [J] [K], étant désigné en qualité de liquidateur.
3. La date de cessation des paiements ayant été fixée au 31 décembre 2015, le liquidateur a assigné la banque, qui avait bénéficié d'un remboursement anticipé du prêt au moyen de trois chèques débités les 18 juillet, 29 août et 7 septembre 2016 sur le compte de la société ES.IC, en restitution des fonds reçus en période suspecte.
Examen du moyen
Enoncé du moyen
4. Le liquidateur fait grief à l'arrêt de rejeter ses demandes de restitution des fonds reçus par la banque en période suspecte et de dommages-intérêts pour la résistance abusive qui lui est imputable, alors :
« 1°) qu'est nul de droit, lorsqu'il est intervenu depuis la date de cessation des paiements, tout paiement émanant du débiteur, quel qu'en ait été le mode, pour dettes non échues au jour du paiement ; que selon les propres constatations de l'arrêt attaqué, la société ES.IC, dont la date de cessation des paiements a été fixée au 31 décembre 2015, a procédé au remboursement anticipé du crédit consenti par la Caisse de crédit mutuel de Dinan par trois chèques successifs des 18 juillet 2016, 29 août 2016 et 7 septembre 2016 pour un montant total de 80 045,74 euros débités sur son compte, ce dont il résultait que les paiements en cause au titre de dettes non échues postérieurement à la date de cessation des paiements étaient nuls de plein droit pour avoir été effectués par le débiteur durant la période suspecte ; que, pour rejeter néanmoins la demande de la société [J] [K], ès qualités, tendant à obtenir le remboursement des sommes perçues par le Crédit mutuel de Dinan au titre de paiements nuls, la cour d'appel a relevé que M. et Mme [V] n'ont versé sur le compte de la société ES.IC que les sommes nécessaires au remboursement du prêt pour lequel ils s'étaient portés cautions et que ce versement de leur part n'était intervenu qu'à cette fin, de sorte que les véritables auteurs du remboursement anticipé du compte litigieux et des sommes y afférentes sont M. et Mme [V] et non la société ES.IC ; qu'en statuant ainsi, la cour d'appel a violé l'article L. 632-1 du code de commerce par refus d'application ;
2°) que le défaut de réponse à conclusions équivaut à un défaut de motif ; qu'en rejetant la demande de la société [J] [K] ès qualités tendant à obtenir le remboursement des sommes perçues par le Crédit mutuel de Dinan au titre de paiements nuls pour avoir été effectués par le débiteur en liquidation judiciaire pendant la période suspecte, au motif que ces fonds auraient été versés préalablement sur le compte de la société par les époux [V] qui s'étaient portés cautions du remboursement du prêt litigieux, sans répondre aux conclusions opérantes de la société [J] [K], ès qualités, faisant valoir qu'une telle manoeuvre tendait à contourner les règles d'ordre public entourant la procédure collective en rompant l'égalité entre les créanciers, c'est-à-dire à réaliser une fraude à la loi, la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile.
Réponse de la Cour
5. Après avoir relevé que le remboursement anticipé du prêt a été effectué par des chèques débités du compte de la société ES.IC les 18 juillet, 29 août et 7 septembre 2016, qu'il est justifié que le 15 juillet de la même année M. et Mme [V] avaient déposé sur le compte de la société ES.IC un chèque d'un montant de 85 552,35 euros provenant de la vente d'un immeuble qu'ils possédaient, dont le montant a été porté au crédit du compte de la société ES.IC le 18 juillet 2016 tandis que le prêt que celle-ci avait contracté a, comme il en avait été convenu par un échange de courriers électroniques entre M. et Mme [V] et la banque, fait l'objet d'un remboursement anticipé le même jour, l'arrêt retient qu'il est établi que M. et Mme [V] n'ont versé sur le compte de la société ES.IC que les sommes nécessaires au remboursement du prêt dont ils s'étaient rendus cautions et que ce versement n'est intervenu qu'à cette seule fin.
6. De ces constatations et appréciations, la cour d'appel, qui n'était pas tenue de répondre à des allégations de fraude ainsi rendues inopérantes, a pu déduire que M. et Mme [V], et non la société ES.IC, étaient les véritables auteurs du remboursement litigieux.
7. Le moyen n'est donc pas fondé.
PAR CES MOTIFS, la Cour :
REJETTE le pourvoi.