Cass. com., 11 mars 2008, n° 06-15.594
COUR DE CASSATION
Arrêt
Cassation
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
Mme Favre
Rapporteur :
M. Sémériva
Avocat général :
M. Bonnet
Avocats :
Me Carbonnier, Me Odent, SCP Gatineau, SCP Piwnica et Molinié, SCP Thomas-Raquin et Bénabent
Attendu, selon l'arrêt attaqué, qu'ayant constaté l'édition de disques et de cassettes contenant des oeuvres musicales, présentés au public sous une jaquette revêtue d'un motif proche de celui enregistré au titre de marques figuratives dont elle est titulaire afin de désigner des produits de maroquinerie, la société Louis Vuitton Malletier a poursuivi les intervenants à cette opération, pour atteinte à ces marques de renommée ;
Sur le moyen unique, pris en sa première branche :
Vu l'article L. 713-5 du code de la propriété intellectuelle ;
Attendu que pour rejeter la demande de la société Louis Vuitton Malletier, l'arrêt retient que le signe litigieux conduit le public à faire un lien, même s'il ne confond pas les signes, avec la marque de renommée, mais que le préjudice doit s'apprécier, non seulement en fonction d'une atteinte portée à la marque de renommée en la banalisant, car en ce cas toute représentation d'un signe pouvant renvoyer à la marque serait préjudiciable, mais par une recherche réelle du préjudice, qu'il ne suffit pas d'affirmer que, du seul fait de cet usage, cette société aurait subi un préjudice lié à la banalisation de sa marque, et qu'il n'est pas établi que la société Louis Vuitton Malletier a subi un préjudice du fait de l'usage du signe litigieux ;
Attendu qu'en statuant ainsi, alors qu'il résultait de ses constatations que l'usage du signe portait en l'espèce atteinte au caractère distinctif de ces marques de renommée, en les banalisant, ce qui constituait précisément le préjudice dont elle a écarté l'existence, la cour d'appel a violé le texte susvisé ;
Sur la recevabilité du moyen, pris en sa troisième branche, qui est contestée en défense :
Attendu qu'il est prétendu que la société Louis Vuitton Malletier n'avait pas invité la cour d'appel à rechercher s'il existait un juste motif d'usage du signe incriminé ;
Mais attendu que cette société ayant soutenu dans ses conclusions d'appel que "les défenderesses ont entendu bénéficier abusivement de la renommée des marques" et qu'elles ont entendu se placer dans son sillage, l'existence d'une exploitation injustifiée de la marque, exclusive de tout juste motif, était dans le débat ;
Et sur ce moyen :
Vu l'article L. 713-5 du code de la propriété intellectuelle ;
Attendu que, pour rejeter la demande, l'arrêt retient encore que les parties défenderesses font exactement valoir que l'usage du signe est effectué à titre de décor, qu'il s'agit en effet d'agrémenter la jaquette sous laquelle sont distribués les enregistrements, que, toutefois, cette circonstance n'est pas, en l'espèce, suffisante pour exclure l'application de l'article L. 713-5 du code de la propriété intellectuelle, dès lors que le public ne perçoit pas le signe exclusivement comme un décor, de sorte que le lien avec la marque de renommée subsiste, mais qu'il n'est pas établi que le décor figurant sur la jaquette des disques et des cassettes constituerait une exploitation injustifiée, le public se déterminant principalement dans son choix sur le contenu du produit et non pas sur la jaquette ;
Attendu qu'en se déterminant ainsi, alors que l'usage d'un signe imitant une marque de renommée dans le but, notamment, d'identifier des produits ou services auprès du public concerné, peut constituer une exploitation injustifiée tirant indûment profit du caractère distinctif ou de la renommée de cette marque, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision ;
PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur la deuxième branche du moyen :
CASSE ET ANNULE, sauf en ce qu'il a statué sur l'action en déchéance partielle de la marque n° 1 269 733 et en ce qu'il a rejeté l'action en contrefaçon, l'arrêt rendu le 24 mars 2006, entre les parties, par la cour d'appel de Paris ; remet, en conséquence, sur ces points, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Paris, autrement composée.