Cass. crim., 12 avril 2022, n° 21-83.280
COUR DE CASSATION
Arrêt
Rejet
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. Soulard
Rapporteur :
M. Joly
Avocat général :
M. Quintard
Avocats :
SARL Le Prado-Gilbert, SCP Ohl et Vexliard
Faits et procédure
1. Il résulte de l'arrêt attaqué et des pièces de procédure ce qui suit.
2. Le 3 avril 2015, M. [E] [V], employé de la société [2] (la société), a été victime d'un accident du travail, le timon d'un compresseur l'ayant heurté à la tête et ayant occasionné une incapacité totale de travail de plus de trois cent dix jours.
3. La société [4], qui était chargée du transport du compresseur sur le chantier où s'est déroulé l'accident, M. [J] [B], son salarié, et la société, chargée du chantier, ont été poursuivis devant le tribunal correctionnel pour avoir occasionné à M. [V] des blessures involontaires ayant entraîné une incapacité supérieure à trois mois.
4. Les juges du premier degré ont condamné la société à une peine de 75 000 euros d'amende.
5. La société a relevé appel de cette décision.
Examen des moyens
Sur le premier moyen, pris en ses première, troisième et quatrième branches, et sur les deuxième et troisième moyens
6. Ils ne sont pas de nature à permettre l'admission du pourvoi au sens de l'article 567-1-1 du code de procédure pénale.
Sur le premier moyen, pris en sa deuxième branche
Enoncé du moyen
7. Le moyen critique l'arrêt attaqué en ce qu'il a déclaré la société coupable de blessures involontaires par personne morale avec incapacité supérieure à trois mois, l'a condamnée au paiement d'une amende de 75 000 euros et a statué sur les intérêts civils, alors :
2°) qu'une personne morale ne peut être déclarée coupable de blessures involontaires par maladresse, imprudence, inattention, négligence ou manquement à une obligation de prudence ou de sécurité imposée par la loi ou le règlement que s'il peut lui être reproché un manquement ; que les parties à un contrat prévoyant le déchargement d'une machine nécessitant une opération de levage, peuvent décider que la sécurité et notamment que l'obligation d'assurer la présence d'un chef de manoeuvre pour diriger le grutier lorsqu'il ne peut suivre de ses yeux le trajet entier de la charge incombera à la société chargée du déchargement ; qu'en énonçant, pour considérer que M. [I] avait commis une imprudence en ne prévoyant pas et n'organisant pas l'intervention d'un chef de manoeuvre ou de toute personne d'une compétence équivalente pour diriger M. [B] lors du déchargement du compresseur, que le contrat de transport conclu entre la société [2] et la société [3] prévoyant qu'il incombait au transporteur de charger et de décharger le matériel demandé et de solliciter de l'aide du personnel pour guider le grutier lors du déchargement du compresseur en l'absence de visibilité, ne pouvait pas prévaloir sur les dispositions de l'article R. 4323-41 du code du travail, la cour d'appel a méconnu les articles 1134 du code civil, devenu 1103 du même code, R. 4323-41 du code du travail, 121-2, 121-3 et 222-19 du code pénal.
Réponse de la Cour
8. Pour déclarer la société coupable de blessures involontaires, l'arrêt attaqué énonce qu'il résulte des dépositions et des constatations matérielles des enquêteurs que le chef de chantier de la société était pourvu de la compétence, de l'autorité et des moyens nécessaires et disposait ainsi d'une délégation de pouvoir de fait en matière de sécurité.
9. Les juges ajoutent que le moyen tiré du contrat entre la société donneur d'ordre et le transporteur, qui stipule que le transporteur est responsable du déchargement, est inopérant en ce que l'organisation tant des circonstances de prise en charge du compresseur que celles de son déchargement ont été assumées et organisées par la société.
10. Ils en déduisent que les stipulations contractuelles issues du droit du transport ne peuvent prévaloir au cas d'espèce sur les dispositions de l'article R. 4323-41 du code du travail qui édictent les obligations légalement imposées à un employeur en cas de manoeuvre d'un appareil de levage.
11. En l'état de ces énonciations et dès lors qu'en organisant les conditions de chargement et de déchargement, la société a engagé sa responsabilité vis-à-vis de son salarié malgré ces stipulations contractuelles, la cour d'appel n'a méconnu aucun des textes visés au moyen.
12. Ainsi, le moyen doit être écarté.
13. Par ailleurs l'arrêt est régulier en la forme.
PAR CES MOTIFS, la Cour :
REJETTE le pourvoi.