CJUE, 6e ch., 21 décembre 2021, n° C-243/20
COUR DE JUSTICE DE L’UNION EUROPEENNE
Arrêt
PARTIES
Défendeur :
Trapeza Peiraios
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président de chambre :
L. Bay Larsen
Juges :
N. Jääskinen, M. Safjan
Avocat général :
J. Kokott
1 La demande de décision préjudicielle porte sur l’interprétation de l’article 1er, paragraphe 2, de l’article 3, paragraphe 1, de l’article 4, paragraphe 1, et de l’article 8 de la directive 93/13/CEE du Conseil, du 5 avril 1993, concernant les clauses abusives dans les contrats conclus avec les consommateurs (JO 1993, L 95, p. 29).
2 Cette demande a été présentée dans le cadre d’un litige opposant DP et SG à Trapeza Peiraios AE au sujet du caractère prétendument abusif de clauses figurant dans des avenants à un contrat de prêt libellé en euros, par lesquels le franc suisse a été substitué à l’euro.
Le cadre juridique
Le droit de l’Union
3 Les douzième et treizième considérants de la directive 93/13 sont libellés comme suit :
« considérant, toutefois, qu’en l’état actuel des législations nationales, seule une harmonisation partielle est envisageable ; que, notamment, seules les clauses contractuelles n’ayant pas fait l’objet d’une négociation individuelle font l’objet de la présente directive ; qu’il importe de laisser la possibilité aux États membres, dans le respect du traité, d’assurer un niveau de protection plus élevé au consommateur au moyen de dispositions nationales plus strictes que celles de la présente directive ;
considérant que les dispositions législatives ou réglementaires des États membres qui fixent, directement ou indirectement, les clauses de contrats avec les consommateurs sont censées ne pas contenir de clauses abusives ; que, par conséquent, il ne s’avère pas nécessaire de soumettre aux dispositions de la présente directive les clauses qui reflètent des dispositions législatives ou réglementaires impératives ainsi que des principes ou des dispositions de conventions internationales dont les États membres ou la Communauté sont parti[e]s ; que, à cet égard, l’expression “dispositions législatives ou réglementaires impératives” figurant à l’article 1er paragraphe 2 couvre également les règles qui, selon la loi, s’appliquent entre les parties contractantes lorsqu’aucun autre arrangement n’a été convenu ».
4 L’article 1er, paragraphe 2, de cette directive prévoit :
« Les clauses contractuelles qui reflètent des dispositions législatives ou réglementaires impératives ainsi que des dispositions ou principes des conventions internationales, dont les États membres ou la Communauté sont parti[e]s, notamment dans le domaine des transports, ne sont pas soumises aux dispositions de la présente directive. »
5 La version en langue grecque de l’article 1er, paragraphe 2, de ladite directive comporte un second alinéa, qui est libellé comme suit :
« L’expression “dispositions législatives ou réglementaires impératives” figurant à l’article 1er paragraphe 2 couvre également les règles qui, selon la loi, s’appliquent entre les parties contractantes lorsqu’aucun autre arrangement n’a été convenu. »
6 L’article 3, paragraphe 1, de la directive 93/13 dispose :
« Une clause d’un contrat n’ayant pas fait l’objet d’une négociation individuelle est considérée comme abusive lorsque, en dépit de l’exigence de bonne foi, elle crée au détriment du consommateur un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties découlant du contrat. »
7 L’article 4 de cette directive énonce :
« 1. Sans préjudice de l’article 7, le caractère abusif d’une clause contractuelle est apprécié en tenant compte de la nature des biens ou services qui font l’objet du contrat et en se référant, au moment de la conclusion du contrat, à toutes les circonstances qui entourent sa conclusion, de même qu’à toutes les autres clauses du contrat, ou d’un autre contrat dont il dépend.
2. L’appréciation du caractère abusif des clauses ne porte ni sur la définition de l’objet principal du contrat ni sur l’adéquation entre le prix et la rémunération, d’une part, et les services ou les biens à fournir en contrepartie, d’autre part, pour autant que ces clauses soient rédigées de façon claire et compréhensible. »
8 Aux termes de l’article 8 de ladite directive :
« Les États membres peuvent adopter ou maintenir, dans le domaine régi par la présente directive, des dispositions plus strictes, compatibles avec le traité, pour assurer un niveau de protection plus élevé au consommateur. »
Le droit grec
9 L’article 291 de l’Astikos Kodikas (code civil) prévoit :
« S’agissant d’une dette pécuniaire libellée en devise étrangère et qui doit être acquittée en Grèce, le débiteur a, sauf convention contraire, le droit de payer en monnaie nationale au cours de change de la devise étrangère qui est en vigueur au lieu et à la date du paiement. »
10 L’article 2, paragraphe 6, de la loi 2251/1994, du 16 novembre 1994, relative à la protection des consommateurs (FΕΚ Α’ 191), qui a transposé la directive 93/13 en droit grec, dispose, dans sa version applicable au litige au principal (ci‑après la « loi 2251/1994 ») :
« Les conditions générales contractuelles qui ont pour effet de perturber significativement l’équilibre des droits et des obligations des parties contractantes au détriment du consommateur sont prohibées et nulles. Le caractère abusif d’une condition générale incorporée à un contrat est apprécié en tenant compte de la nature des biens ou services qui font l’objet du contrat, de la finalité du contrat, de l’ensemble des circonstances spécifiques entourant sa conclusion, ainsi que de toutes les autres clauses du contrat, ou d’un autre contrat dont il dépend. »
Le litige au principal et les questions préjudicielles
11 Les requérants au principal sont deux consommateurs résidant en Grèce où ils perçoivent des revenus en euros. Le 3 septembre 2004, ils ont conclu avec Trapeza Peiraios, une banque établie dans cet État membre, un contrat de prêt immobilier d’une durée de 30 ans. Ce contrat de prêt était libellé en euros et soumis à un taux variable défini par rapport au taux Euribor à 360 jours.
12 Les 26 mars 2007 et 25 juin 2007, les parties ont signé deux avenants, afin de convertir en francs suisses ce contrat de prêt initialement libellé en euros. Ces avenants stipulent, d’une part, que le remboursement du solde restant dû sera effectué en francs suisses et, d’autre part, que les intérêts seront calculés selon un taux fixe durant les trois premières années, puis selon un taux variable sur la base du taux LIBOR en franc suisse à 360 jours.
13 Il ressort du dossier dont dispose la Cour que, selon la clause 4.5 de ce dernier avenant, « [l]e remboursement du prêt par le débiteur se fera soit dans la même devise, soit dans l’équivalent en euros du montant en francs suisses, cet équivalent étant calculé au jour du paiement de la mensualité sur la base du cours de la devise concernée tel qu’il ressort du marché interbancaire des changes. Ce cours sera supérieur au cours effectif auquel la Banque vend le franc suisse et qui figure au Bulletin quotidien des cours de change de la Banque ».
14 Aux termes de la clause 8.1, paragraphe 3, figurant dans ledit avenant, « en cas de résiliation du contrat de prêt, en plus des conséquences prévues par ailleurs dans la présente, la Banque se réserve le droit (sans y être obligée) de convertir la totalité du solde restant dû en euros, au cours effectif auquel la Banque vend le franc suisse et qui figure au Bulletin quotidien des cours de change de la Banque au jour de la conversion, et d’assortir le solde restant dû d’intérêts de retard composés du taux de base de la Banque en vigueur pour les prêts immobiliers, de la marge et du prélèvement au titre de la loi 128/75 et majorés de 2,5 points de pourcentage. Si un taux d’intérêt supérieur est en vigueur, c’est lui qui s’appliquera ».
15 Le 17 septembre 2018, les requérants au principal ont assigné Trapeza Peiraios devant la juridiction de renvoi, le Polymeles Protodikeio Athinon(tribunal de grande instance d’Athènes, Grèce), principalement afin d’obtenir, d’une part, l’annulation desdits avenants et, d’autre part, le rétablissement de la situation antérieure à ceux-ci. Au soutien de leurs demandes, ils font valoir, notamment, que la clause 4.5 et la clause 8.1, paragraphe 3, susmentionnées (ci-après les « clauses litigieuses ») sont abusives et donc nulles en vertu de l’article 2 de la loi 2251/1994. Selon eux, la banque les aurait incités à modifier le contrat de prêt, sans les informer du risque de change encouru, et cela alors même qu’ils ne disposaient pas des connaissances nécessaires pour percevoir ce risque.
16 La juridiction de renvoi relève que les clauses litigieuses reprennent, en substance, le contenu de l’article 291 du code civil, lequel permet à l’emprunteur, sauf convention contraire, de s’acquitter, en Grèce, de sa dette libellée en devise étrangère soit dans cette devise, soit dans la monnaie nationale au cours de change de ladite devise qui est en vigueur au lieu et à la date du paiement.
17 Partant, cette juridiction se demande si elle peut contrôler le caractère abusif des clauses litigieuses, alors que l’article 1er, paragraphe 2, de la directive 93/13 exclut du champ d’application de celle‑ci les « clauses contractuelles qui reflètent des dispositions législatives ou réglementaires impératives ».
18 En outre, la juridiction de renvoi souligne que l’article 1er, paragraphe 2, de la directive 93/13, dans sa version en langue grecque, soustrait au contrôle du caractère abusif les clauses contractuelles reflétant des dispositions législatives ou réglementaires supplétives et n’a pas été reproduit explicitement dans la loi 2251/1994 assurant la transposition de la directive 93/13 en droit grec.
19 À cet égard, la juridiction de renvoi indique qu’il existe des divergences dans la jurisprudence grecque s’agissant du point de savoir si, en l’absence de toute disposition de droit interne intégrant expressément l’exclusion qui figure à l’article 1er, paragraphe 2, de la directive 93/13, la législation nationale peut néanmoins être interprétée comme transposant celle-ci, de sorte qu’il serait impossible de contrôler le caractère abusif d’une clause contractuelle qui se limite à reproduire une disposition législative de nature supplétive telle que l’article 291 du code civil.
20 Ainsi, il ressort de la décision de renvoi que, dans son arrêt no 4/2019, la formation plénière de l’Areios Pagos (Cour de cassation, Grèce) a jugé que, bien que non transposée dans le droit grec par une disposition spécifique et expresse, l’exclusion prévue à l’article 1er, paragraphe 2, de la directive 93/13 est néanmoins inhérente à l’article 2, paragraphe 6, de la loi 2251/1994, en vertu d’une interprétation conforme au droit de l’Union et à l’objectif de cette directive. Aux termes de cet arrêt, « lorsque la clause litigieuse reflète une disposition, impérative ou supplétive, du droit national, il est par définition inconcevable que l’équilibre entre les parties contractantes s’en retrouve perturbé ou que la clause soit abusive. Dès lors, une telle clause échappe d’emblée au champ d’application de la loi 2251/1994 ». Ledit arrêt précise que tel est le cas d’une clause d’un contrat de prêt immobilier qui reflète la teneur de l’article 291 du code civil.
21 La décision de renvoi mentionne que cette interprétation n’a cependant pas été unanimement acceptée. Selon l’opinion minoritaire exprimée au sein de l’Areios Pagos (Cour de cassation), il ne saurait être considéré que l’exclusion prévue à l’article 1er, paragraphe 2, de la directive 93/13 est contenue dans l’article 2, paragraphe 6, de la loi 2251/1994, étant donné que les dérogations au contrôle du caractère abusif d’une clause doivent faire l’objet d’une interprétation stricte. Ladite opinion minoritaire s’appuie sur le fait que cette directive, comme l’indiquent son douzième considérant et son article 8, ne réalise qu’une harmonisation partielle et minimale, en laissant aux États membres la possibilité d’offrir un niveau de protection plus élevé aux consommateurs. Ce serait à cette fin que le législateur grec aurait délibérément écarté, lors de la transposition de ladite directive, l’exclusion prévue à son article 1er, paragraphe 2. Une interprétation différente de l’article 2, paragraphe 6, de la loi 2251/1994 irait à l’encontre du souhait du législateur grec d’accorder une protection accrue aux consommateurs et constituerait une interprétation contra legem inacceptable.
22 La juridiction de renvoi précise que ses propres membres se rallient majoritairement à cette dernière opinion et estiment que les juridictions grecques peuvent contrôler le caractère abusif des clauses visées à l’article 1er, paragraphe 2, de la directive 93/13, dès lors que législateur grec a omis d’incorporer dans le droit interne la dérogation qui est énoncée à cette disposition.
23 Dans ces conditions, le Polymeles Protodikeio Athinon(tribunal de grande instance d’Athènes) a décidé de surseoir à statuer et de poser à la Cour les questions préjudicielles suivantes :
« 1) L’article 8 de la directive 93/13 – lequel donne aux États membres la faculté d’adopter des dispositions plus strictes pour assurer un niveau de protection plus élevé du consommateur – autorise-t-il un État membre à ne pas transposer dans son droit national l’article 1er, paragraphe 2, de la directive 93/13 et à permettre que des clauses qui reflètent des dispositions législatives ou réglementaires impératives ou supplétives soient également soumises au contrôle du juge ?
2) Est-il possible de considérer que, bien que l’article 1er, paragraphe 2, premier et second alinéas, de la directive 93/13 n’ait pas été explicitement transposé dans le droit grec, il y a été indirectement incorporé en vertu de la teneur de l’article 3, paragraphe 1, et de l’article 4, paragraphe 1, de cette directive, telle que cette teneur a été transposée dans l’article [2], paragraphe [6], de la loi 225[1]/1994 ?
3) La notion de clause abusive et son champ d’application, tels que définis par les dispositions de l’article 3, paragraphe 1, et de l’article 4, paragraphe 1, de la directive 93/13, englobent-ils la dérogation figurant à l’article 1er, paragraphe 2, premier et second alinéas, de la directive 93/13 ?
4) Le contrôle du caractère abusif des conditions générales contractuelles, au sens des dispositions de la directive 93/13, s’applique-t-il à une clause figurant dans un contrat de crédit conclu entre un consommateur et un établissement de crédit, laquelle reproduit le libellé d’une disposition de droit supplétif de l’État membre, lorsque ladite clause n’a pas fait l’objet d’une négociation distincte ? »
Sur les questions préjudicielles
Sur la recevabilité de la demande de décision préjudicielle
24 Trapeza Peiraios soutient que plusieurs motifs d’irrecevabilité entachent tant l’ensemble de la demande de décision préjudicielle que chacune des questions posées. En substance, elle fait valoir que, premièrement, cette demande n’a aucun rapport avec l’objet du litige au principal et invite la Cour à formuler une opinion consultative. Deuxièmement, l’Areios Pagos (Cour de cassation) aurait déjà mis fin au débat jurisprudentiel interne qui est mentionné dans ladite demande et la Cour ne serait pas compétente pour se prononcer sur l’interprétation de dispositions de droit national qui seules auraient été invoquées par les requérants au principal. Troisièmement, certaines des questions soumises par la juridiction de renvoi seraient imprécises, voire incompréhensibles.
25 À cet égard, il convient de rappeler que, selon une jurisprudence constante de la Cour, il appartient au seul juge national qui est saisi du litige et qui doit assumer la responsabilité de la décision juridictionnelle à intervenir d’apprécier, au regard des particularités de l’affaire, tant la nécessité d’une décision préjudicielle pour être en mesure de rendre son jugement que la pertinence des questions qu’il pose à la Cour, lesquelles bénéficient d’une présomption de pertinence. Partant, dès lors que la question posée porte sur l’interprétation ou la validité d’une règle du droit de l’Union, la Cour est, en principe, tenue de statuer, sauf s’il apparaît de manière manifeste que l’interprétation sollicitée n’a aucun rapport avec la réalité ou l’objet du litige au principal, si le problème est de nature hypothétique ou encore si la Cour ne dispose pas des éléments de fait et de droit nécessaires pour répondre de façon utile à ladite question (arrêt du 2 septembre 2021, OTP Jelzálogbank e.a., C‑932/19, EU:C:2021:673, point 26 ainsi que jurisprudence citée).
26 Il est également constant que, dans le cadre de la procédure visée à l’article 267 TFUE, fondée sur une nette séparation des fonctions entre les juridictions nationales et la Cour, le juge national est seul compétent pour interpréter et appliquer des dispositions de droit national, tandis que la Cour est uniquement habilitée à se prononcer sur l’interprétation ou la validité d’un texte de l’Union, à partir des faits qui lui sont indiqués par la juridiction nationale [voir, en ce sens, arrêts du 29 avril 2021, Bank BPH, C‑19/20, EU:C:2021:341, point 37 et jurisprudence citée, ainsi que du 10 juin 2021, Ultimo Portfolio Investment (Luxembourg), C‑303/20, EU:C:2021:479, point 25 et jurisprudence citée].
27 En l’occurrence, la juridiction de renvoi s’interroge sur le sens et la portée de plusieurs dispositions du droit de l’Union afin de déterminer si elle peut procéder au contrôle du caractère abusif des clauses litigieuses en application de la directive 93/13. En effet, elle demande à la Cour d’interpréter l’article 1er, paragraphe 2, l’article 3, paragraphe 1, l’article 4, paragraphe 1, et l’article 8 de cette directive, tout en précisant que la loi 2251/1994, dont les requérants au principal se prévalent plus spécialement, vise à transposer ladite directive dans l’ordre juridique grec. De surcroît, ladite juridiction a exposé, avec suffisamment de clarté et de précision, les circonstances de fait à l’origine du litige au principal ainsi que le cadre juridique dans lequel celui-ci s’inscrit, éléments dont il ressort que les questions posées ne sont ni dénuées de rapport avec l’objet de ce litige, ni de nature hypothétique.
28 Il s’ensuit que la demande de décision préjudicielle est recevable.
Sur le fond
Sur la quatrième question préjudicielle
29 Par sa quatrième question, qu’il convient d’examiner en premier lieu, la juridiction de renvoi demande, en substance, si l’article 1er, paragraphe 2, de la directive 93/13 doit être interprété en ce sens qu’il exclut du champ d’application de cette directive une clause insérée dans un contrat conclu entre un professionnel et un consommateur qui reflète une disposition législative ou réglementaire de nature supplétive, c’est‑à‑dire s’appliquant par défaut en l’absence d’un arrangement différent entre les parties, même si ladite clause n’a pas fait l’objet d’une négociation individuelle.
30 À ce propos, il y a lieu de rappeler que l’article 1er, paragraphe 2, de la directive 93/13 exclut du champ d’application de celle-ci les clauses contractuelles reflétant des « dispositions législatives ou réglementaires impératives », expression qui, à la lumière du treizième considérant de cette directive, englobe à la fois les dispositions de droit national qui s’appliquent entre les parties contractantes indépendamment de leur choix et celles qui sont de nature supplétive, c’est‑à‑dire qui s’appliquent par défaut, en l’absence d’un arrangement différent entre les parties (arrêt du 2 septembre 2021, OTP Jelzálogbank e.a., C‑932/19, EU:C:2021:673, point 28 ainsi que jurisprudence citée).
31 Il importe de souligner, à cet égard, que la version en langue grecque de la directive 93/13 est la seule dans laquelle l’article 1er, paragraphe 2, de celle-ci contient un second alinéa dont le libellé correspond à celui du treizième considérant, in fine, de cette directive, aux termes duquel l’expression « dispositions législatives ou réglementaires impératives » figurant dans cette disposition « couvre également les règles qui, selon la loi, s’appliquent entre les parties contractantes lorsqu’aucun autre arrangement n’a été convenu ».
32 Toutefois, selon une jurisprudence constante de la Cour, la formulation utilisée dans l’une des versions linguistiques d’une disposition du droit de l’Union ne saurait servir de base unique à l’interprétation de cette disposition ou se voir attribuer un caractère prioritaire par rapport aux autres versions linguistiques. Les dispositions du droit de l’Union doivent en effet être interprétées et appliquées de manière uniforme, à la lumière des versions établies dans toutes les langues de l’Union. En cas de disparité entre les diverses versions linguistiques d’un texte du droit de l’Union, la disposition en cause doit être interprétée en fonction de l’économie générale et de la finalité de la réglementation dont elle constitue un élément (arrêt du 9 juillet 2020, Banca Transilvania, C‑81/19, EU:C:2020:532, point 33 et jurisprudence citée).
33 S’agissant de l’économie générale de la directive 93/13, la Cour a jugé que l’article 1er, paragraphe 2, de cette directive doit être interprété en ce sens qu’une clause contractuelle qui n’a pas fait l’objet d’une négociation individuelle, mais qui reflète une règle qui, selon la loi nationale, s’applique entre les parties contractantes lorsqu’aucun autre arrangement n’a été convenu à cet égard, ne relève pas du champ d’application de cette directive (arrêt du 9 juillet 2020, Banca Transilvania, C‑81/19, EU:C:2020:532, point 37).
34 À cet égard, la Cour a précisé que le fait qu’une clause contractuelle reflétant l’une des dispositions visées à l’article 1er, paragraphe 2, de la directive 93/13 n’a pas fait l’objet d’une négociation individuelle n’a pas d’incidence sur son exclusion du champ d’application de cette directive. En effet, conformément à l’article 3, paragraphe 1, de la directive 93/13, l’absence de négociation individuelle est une condition relative à l’ouverture du contrôle du caractère abusif d’une clause qui ne saurait intervenir lorsque la clause contractuelle ne relève pas de son champ d’application (arrêt du 9 juillet 2020, Banca Transilvania, C‑81/19, EU:C:2020:532, point 36).
35 S’agissant de la finalité de la directive 93/13, la Cour a itérativement jugé que l’exclusion de l’application du régime de cette directive qui découle de son article 1er, paragraphe 2, est justifiée par le fait qu’il est, en principe, légitime de présumer que le législateur national a établi un équilibre entre l’ensemble des droits et des obligations des parties à certains contrats, équilibre que le législateur de l’Union a explicitement entendu préserver (arrêt du 10 juin 2021, Prima banka Slovensko, C‑192/20, EU:C:2021:480, point 32 et jurisprudence citée). En outre, la Cour a précisé que la circonstance selon laquelle un tel équilibre a été établi constitue non pas une condition pour l’application de l’exclusion visée audit article 1er, paragraphe 2, mais la justification de cette exclusion (voir, en ce sens, arrêt du 9 juillet 2020, Banca Transilvania, C‑81/19, EU:C:2020:532, point 27, ainsi que ordonnance du 14 octobre 2021, NSV et NM, C‑87/21, non publiée, EU:C:2021:860, point 31).
36 Il résulte des considérations figurant aux points 33 à 35 que les juridictions nationales ne sauraient contrôler, au regard de la directive 93/13, le caractère abusif d’une clause figurant dans un contrat conclu entre un professionnel et un consommateur, quand bien même celle-ci n’a pas fait l’objet d’une négociation individuelle, lorsque cette clause reflète une disposition législative ou réglementaire qui est « impérative », au sens de l’article 1er, paragraphe 2, de ladite directive, cette notion incluant non seulement une disposition qui s’applique entre les parties contractantes indépendamment de leur choix, mais également une disposition de nature supplétive, c’est-à-dire qui s’applique par défaut, en l’absence d’un arrangement différent entre les parties, conformément à la jurisprudence citée au point 30 du présent arrêt.
37 Il appartient aux juges nationaux saisis de vérifier si la clause concernée relève de l’article 1er, paragraphe 2, de la directive 93/13 à l’aune des critères ayant été définis par la Cour, c’est-à-dire en prenant en considération la nature, l’économie générale et les stipulations des contrats de prêt concernés ainsi que le contexte juridique et factuel dans lequel ces derniers s’inscrivent, tout en tenant compte du fait que, eu égard à l’objectif de protection des consommateurs visé par cette directive, l’exception instituée à l’article 1er, paragraphe 2, de celle-ci est d’interprétation stricte (voir, en ce sens, arrêt du 20 septembre 2017, Andriciuc e.a., C‑186/16, EU:C:2017:703, points 30 et 31).
38 En l’occurrence, la juridiction de renvoi estime que les clauses litigieuses, qui apparaissent ne pas avoir été négociées entre les parties au contrat de prêt concerné, reproduisent le contenu de l’article 291 du code civil, qu’elle qualifie de disposition législative de nature supplétive.
39 Cependant, il y a lieu de rappeler qu’il incombe à cette juridiction d’examiner, en appliquant les critères indiqués au point 37 du présent arrêt, si l’intégralité des clauses contestées devant elle reflètent véritablement des dispositions du droit national qui sont impératives, au sens de l’article 1er, paragraphe 2, de la directive 93/13, sachant que celles desdites clauses qui ne relèvent pas de cette qualification ne sauraient être exclues du champ d’application de ladite directive à ce titre. Le fait que certaines clauses reflétant de telles dispositions législatives échappent au champ d’application de la directive 93/13 n’implique pas que la validité d’autres clauses, figurant dans le même contrat et n’étant pas visées par des dispositions législatives, ne pourrait pas être appréciée par le juge national au regard de cette directive (arrêt du 20 septembre 2018, OTP Bank et OTP Faktoring, C‑51/17, EU:C:2018:750, point 66).
40 Eu égard à ce qui précède, il convient de répondre à la quatrième question que l’article 1er, paragraphe 2, de la directive 93/13 doit être interprété en ce sens qu’il exclut du champ d’application de cette directive une clause insérée dans un contrat conclu entre un professionnel et un consommateur qui reflète une disposition législative ou réglementaire nationale de nature supplétive, c’est-à-dire s’appliquant par défaut en l’absence d’un arrangement différent entre les parties, même si ladite clause n’a pas fait l’objet d’une négociation individuelle.
Sur les deuxième et troisième questions préjudicielles
41 Par ses deuxième et troisième questions, qu’il convient d’examiner conjointement, la juridiction de renvoi demande, en substance, si l’article 1er, paragraphe 2, de la directive 93/13 doit être interprété en ce sens que les juridictions d’un État membre sont tenues d’exclure du champ d’application de celle-ci les clauses qui sont visées à cet article 1er, paragraphe 2, quand bien même ladite disposition n’aurait pas été transposée de manière formelle dans l’ordre juridique de cet État, et, dans un tel cas de figure, si ces juridictions peuvent considérer que ledit article 1er, paragraphe 2, a été incorporé de manière indirecte dans le droit national au moyen de la transposition de l’article 3, paragraphe 1, et de l’article 4, paragraphe 1, de cette directive.
42 Cette interrogation repose sur la prémisse selon laquelle l’article 1er, paragraphe 2, de la directive 93/13 n’ayant pas été repris expressément dans la législation grecque qui en assure la transposition, l’Areios Pagos (Cour de cassation) a jugé, au titre d’une interprétation du droit national estimée conforme à cette directive, que l’exclusion du champ d’application de celle-ci énoncée à son article 1er, paragraphe 2, figure implicitement dans ladite législation, car cette exclusion est inhérente à l’article 2, paragraphe 6, de la loi 2251/1994, lequel a transposé l’article 3, paragraphe 1, et l’article 4, paragraphe 1, de ladite directive.
43 Tout d’abord, s’agissant des conséquences de l’absence d’une transposition de l’article 1er, paragraphe 2, la directive 93/13 dans le droit interne, il convient de souligner que les dispositions de cette directive ont vocation à s’appliquer uniquement à des cas de figure qui ne sont pas écartés de son champ d’application, notamment au titre de l’exclusion que ledit article 1er, paragraphe 2, institue, dans les conditions qu’il définit (voir, en ce sens, arrêts du 26 mars 2020, Mikrokasa et Revenue Niestandaryzowany Sekurytyzacyjny Fundusz Inwestycyjny Zamknięty, C‑779/18, EU:C:2020:236, point 50, ainsi que du 9 juillet 2020, Banca Transilvania, C‑81/19, EU:C:2020:532, point 23 et jurisprudence citée).
44 Ensuite, il y a lieu de constater que l’article 1er, paragraphe 2, de la directive 93/13 exclut du champ d’application de celle-ci les clauses qu’il vise, en particulier les clauses reflétant des dispositions législatives ou réglementaires impératives. Par conséquent, nonobstant une éventuelle absence de transposition de cet article 1er, paragraphe 2, dans l’ordre juridique d’un État membre, il n’en demeure pas moins que le contrôle, à l’aune des exigences de cette directive, de la conformité de telles clauses contractuelles, et indirectement des dispositions nationales impératives que celles‑ci reflètent, n’est pas prévu par le droit de l’Union.
45 En effet, une telle absence de transposition ne saurait modifier le champ d’application de la directive 93/13, lequel doit, en principe, être le même dans tous les États membres, sous réserve des aménagements qui sont autorisés par le droit de l’Union. À ce dernier égard, il importe de rappeler que les États membres conservent, en particulier, la possibilité d’appliquer les dispositions de ladite directive, en tant que règles de droit national, à des situations ne relevant pas du champ d’application de cette dernière, pour autant que cela soit compatible avec les objectifs poursuivis par celle-ci et avec les traités (voir, en ce sens, arrêt du 2 avril 2020, Condominio di Milano, via Meda, C‑329/19, EU:C:2020:263, points 32 à 38).
46 Enfin, eu égard au contexte dans lequel s’inscrit la procédure au principal, tel qu’exposé aux points 18 à 22 et 42 du présent arrêt, il y a lieu d’examiner si, lorsque l’article 1er, paragraphe 2, de la directive 93/13 n’a pas été transposé de façon explicite dans l’ordre juridique d’un État membre par l’adoption d’une disposition légale expresse et spécifique en ce sens, les juridictions de cet État peuvent, voire doivent, considérer que ladite disposition a été transposée d’une façon implicite par l’adoption des dispositions nationales ayant transposé l’article 3, paragraphe 1, et l’article 4, paragraphe 1, de cette directive.
47 À ce sujet, il convient de souligner que l’article 1er, paragraphe 2, de la directive 93/13 limite le champ d’application du système de protection contre les clauses abusives ayant été instauré par cette directive, tandis que les articles 3 et 4 de celle-ci portent respectivement sur la notion de clauses abusives et sur la portée de l’appréciation du caractère abusif de telles clauses, dans le cadre de ladite directive.
48 Par ailleurs, ainsi que la Cour l’a déjà jugé, tout instrument du droit de l’Union n’est applicable à une situation donnée que dans la mesure où celle‑ci relève du champ d’application de cet instrument (ordonnances du 14 avril 2021, Credit Europe Ipotecar IFN et Credit Europe Bank, C‑364/19, EU:C:2021:306, point 32 et jurisprudence citée, ainsi que du 14 octobre 2021, NSV et NM, C‑87/21, non publiée, EU:C:2021:860, point 37). En outre, il ressort clairement de la structure même de la directive 93/13 que l’appréciation éventuelle du caractère abusif d’une clause au regard des dispositions de celle‑ci, et notamment de ses articles 3 et 4, exige de déterminer, au préalable, si la clause concernée relève du champ d’application de cette directive, en particulier au regard de l’exclusion qui est énoncée à l’article 1er, paragraphe 2, de ladite directive (voir, en ce sens, arrêt du 10 juin 2021, BNP Paribas Personal Finance, C‑609/19, EU:C:2021:469, points 23 et 26, ainsi que ordonnances du 14 avril 2021, Credit Europe Ipotecar IFN et Credit Europe Bank, C‑364/19, EU:C:2021:306, point 33, et du 14 octobre 2021, NSV et NM, C‑87/21, non publiée, EU:C:2021:860, point 38).
49 Partant, lorsque l’article 1er, paragraphe 2, de la directive 93/13, lequel a pour objet de définir le champ d’application de celle-ci, n’a pas été transposé formellement, au moyen d’une disposition légale expresse et spécifique, dans l’ordre juridique d’un État membre, les juridictions de celui-ci ne sauraient considérer que cette disposition y a été indirectement incorporée par le truchement de la transposition de l’article 3, paragraphe 1, et de l’article 4, paragraphe 1, de cette directive, lesquels n’ont pas le même objet.
50 Au vu des considérations qui précèdent, il y a lieu de répondre aux deuxième et troisième questions que l’article 1er, paragraphe 2, de la directive 93/13 doit être interprété en ce sens que les clauses qui sont visées à cet article 1er, paragraphe 2, sont exclues du champ d’application de cette directive, quand bien même ladite disposition n’aurait pas été transposée de manière formelle dans l’ordre juridique d’un État membre, et, dans un tel cas de figure, les juridictions de cet État membre ne sauraient considérer que ledit article 1er, paragraphe 2, a été incorporé de manière indirecte dans le droit national au moyen de la transposition de l’article 3, paragraphe 1, et de l’article 4, paragraphe 1, de cette directive.
Sur la première question préjudicielle
51 Par sa première question, la juridiction de renvoi demande, en substance, si l’article 8 de la directive 93/13 doit être interprété en ce sens qu’il ne s’oppose pas à l’adoption ou au maintien de dispositions de droit interne ayant pour effet d’appliquer le système de protection des consommateurs prévu par cette directive à des clauses qui sont visées à l’article 1er, paragraphe 2, de celle-ci.
52 À titre liminaire, il doit être constaté que la juridiction de renvoi et les requérants au principal semblent s’accorder pour considérer que l’absence de transposition dans le droit grec, par la loi 2251/1994, de l’exclusion prévue à l’article 1er, paragraphe 2, de la directive 93/13 poursuit implicitement, sur le fondement de l’article 8 de celle-ci, l’objectif d’accroître le niveau de protection des consommateurs par rapport à celui qui est garanti par cette directive. Toutefois, dans leurs observations écrites, Trapeza Peiraios et le gouvernement hellénique réfutent que le législateur national ait eu une telle intention.
53 À cet égard, il convient de souligner que, conformément à une jurisprudence constante, il incombe à la Cour de prendre en compte, dans le cadre de la répartition des compétences entre cette dernière et les juridictions nationales, le contexte factuel et réglementaire dans lequel s’insèrent les questions préjudicielles, tel que défini par la décision de renvoi, de sorte que l’examen d’un renvoi préjudiciel ne saurait être effectué au regard de l’interprétation du droit national invoquée par le gouvernement d’un État membre ou par une partie au litige au principal [voir, en ce sens, arrêt du 15 avril 2021, État belge (Éléments postérieurs à la décision de transfert), C‑194/19, EU:C:2021:270, point 26 et jurisprudence citée].
54 Cela étant précisé, il y a lieu de rappeler que, selon le douzième considérant de la directive 93/13, celle-ci ne procède qu’à une harmonisation partielle et minimale des législations nationales relatives aux clauses abusives, en laissant la possibilité aux États membres, dans le respect du traité FUE, d’assurer un niveau de protection plus élevé au consommateur au moyen de dispositions nationales plus strictes que celles de cette directive. En outre, en vertu de l’article 8 de ladite directive, les États membres peuvent adopter ou maintenir, dans le domaine qu’elle régit, des dispositions plus strictes, compatibles avec ce traité, pour assurer un niveau de protection plus élevé au consommateur (voir, en ce sens, arrêts du 2 avril 2020, Condominio di Milano, via Meda, C‑329/19, EU:C:2020:263, point 33, et du 3 septembre 2020, Profi Credit Polska, C‑84/19, C‑222/19 et C‑252/19, EU:C:2020:631, point 84).
55 Il ressort du libellé de l’article 8 de la directive 93/13 que la faculté dont les États membres disposent en vertu de cette disposition, afin d’accroître le niveau de protection des consommateurs, est applicable « dans le domaine régi par [cette] directive », lequel couvre les clauses susceptibles d’être abusives qui figurent dans les contrats conclus entre un professionnel et un consommateur.
56 Quant à l’article 1er, paragraphe 2, de la directive 93/13, lu à la lumière du treizième considérant de celle-ci, il exclut du champ d’application de cette directive certaines clauses de contrats conclus avec les consommateurs, notamment celles qui reflètent des dispositions législatives ou réglementaires impératives.
57 L’article 1er, paragraphe 2, de la directive 93/13 ne porte pas atteinte à la faculté pour les États membres, qui est énoncée au douzième considérant et à l’article 8 de cette directive, d’assurer un niveau de protection plus élevé au consommateur au moyen de dispositions nationales plus strictes que celles de ladite directive, dans le respect du traité FUE.
58 En outre, dans l’arrêt du 3 juin 2010, Caja de Ahorros y Monte de Piedad de Madrid (C‑484/08, EU:C:2010:309, points 30 à 35, 40 et 43), portant sur l’articulation entre la faculté qui est ouverte à l’article 8 et l’exception au mécanisme de contrôle de fond des clauses abusives qui est établie à l’article 4, paragraphe 2, de la directive 93/13, la Cour, après avoir constaté que les clauses visées à cet article 4, paragraphe 2, relèvent du domaine régi par la directive 93/13 et que, partant, l’article 8 de celle‑ci s’applique également audit article 4, paragraphe 2, a jugé que ces deux dispositions ne s’opposaient pas à une réglementation nationale permettant un contrôle juridictionnel du caractère abusif de telles clauses qui assure au consommateur un niveau de protection plus élevé que celui établi par cette directive.
59 Ultérieurement, la Cour a rappelé que les clauses visées à l’article 4, paragraphe 2, de la directive 93/13 ne font pas l’objet d’une appréciation de leur éventuel caractère abusif, mais relèvent bien du domaine régi par celle‑ci au sens de son article 8 (voir, en ce sens, arrêt du 30 avril 2014, Kásler et Káslerné Rábai, C‑26/13, EU:C:2014:282, point 41), et qu’une disposition de droit national qui confère une portée plus stricte à l’exception établie par ledit article 4, paragraphe 2, participe de l’objectif de protection des consommateurs poursuivi par cette directive (arrêt du 3 septembre 2020, Profi Credit Polska, C‑84/19, C‑222/19 et C‑252/19, EU:C:2020:631, point 85).
60 Toutefois, il existe une différence entre l’article 1er, paragraphe 2, de la directive 93/13, lequel exclut du champ d’application matériel de celle‑ci une première catégorie de clauses contractuelles, et l’article 4, paragraphe 2, de cette directive, lequel ne fixe pas ce champ d’application, mais exclut de l’appréciation du caractère abusif une seconde catégorie de clauses contractuelles qui, quant à elles, relèvent du champ d’application de celle-ci (voir, en ce sens, arrêt du 3 juin 2010, Caja de Ahorros y Monte de Piedad de Madrid, C‑484/08, EU:C:2010:309, point 32).
61 Partant, force est de constater que les clauses visées à cet article 1er, paragraphe 2, de la directive 93/13 ne relèvent pas du domaine régi par cette directive et que, par conséquent, l’article 8 de celle-ci ne s’applique pas audit article 1er, paragraphe 2.
62 Cela étant établi, il importe néanmoins de relever, ainsi qu’il a été rappelé au point 45 du présent arrêt, que les États membres peuvent appliquer des dispositions de cette directive à des situations qui n’entrent pas dans le champ d’application de cette dernière, pour autant que cela soit compatible avec les objectifs poursuivis par celle-ci et avec les traités (voir, en ce sens, arrêt du 2 avril 2020, Condominio di Milano, via Meda, C‑329/19, EU:C:2020:263, point 37).
63 En conséquence, il convient de répondre à la première question que l’article 8 de la directive 93/13 doit être interprété en ce sens qu’il ne s’oppose pas à l’adoption ou au maintien de dispositions de droit interne ayant pour effet d’appliquer le système de protection des consommateurs prévu par cette directive à des clauses qui sont visées à l’article 1er, paragraphe 2, de celle-ci.
Sur les dépens
64 La procédure revêtant, à l’égard des parties au principal, le caractère d’un incident soulevé devant la juridiction de renvoi, il appartient à celle-ci de statuer sur les dépens. Les frais exposés pour soumettre des observations à la Cour, autres que ceux desdites parties, ne peuvent faire l’objet d’un remboursement.
Par ces motifs, la Cour (sixième chambre) dit pour droit :
1) L’article 1er, paragraphe 2, de la directive 93/13/CEE du Conseil, du 5 avril 1993, concernant les clauses abusives dans les contrats conclus avec les consommateurs, doit être interprété en ce sens qu’il exclut du champ d’application de cette directive une clause insérée dans un contrat conclu entre un professionnel et un consommateur qui reflète une disposition législative ou réglementaire nationale de nature supplétive, c’est-à-dire s’appliquant par défaut en l’absence d’un arrangement différent entre les parties, même si ladite clause n’a pas fait l’objet d’une négociation individuelle.
2) L’article 1er, paragraphe 2, de la directive 93/13 doit être interprété en ce sens que les clauses qui sont visées à cet article 1er, paragraphe 2, sont exclues du champ d’application de cette directive, quand bien même ladite disposition n’aurait pas été transposée de manière formelle dans l’ordre juridique d’un État membre, et, dans un tel cas de figure, les juridictions de cet État membre ne sauraient considérer que ledit article 1er, paragraphe 2, a été incorporé de manière indirecte dans le droit national au moyen de la transposition de l’article 3, paragraphe 1, et de l’article 4, paragraphe 1, de cette directive.
3) L’article 8 de la directive 93/13 doit être interprété en ce sens qu’il ne s’oppose pas à l’adoption ou au maintien de dispositions de droit interne ayant pour effet d’appliquer le système de protection des consommateurs prévu par cette directive à des clauses qui sont visées à l’article 1er, paragraphe 2, de celle-ci.