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Décisions

Cass. 3e civ., 3 novembre 2021, n° 20-20.219

COUR DE CASSATION

Arrêt

Rejet

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Teiller

Rapporteur :

Mme Aldigé

Avocats :

SCP Bernard Hémery, Carole Thomas-Raquin, Martin Le Guerer, SCP L. Poulet-Odent

Paris, du 8 juill. 2020

8 juillet 2020

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Paris, 8 juillet 2020), la société Lustral Car, titulaire d'un bail commercial portant sur des locaux appartenant à la société Carrefour Property France (la société Carrefour), en a sollicité le renouvellement.

2. Un arrêt du 17 février 2016 a jugé que la société Carrefour, qui avait délivré un congé avec refus de renouvellement, ne justifiait pas d'un motif grave et légitime pour refuser le paiement d'une indemnité d'éviction.

3. Le 21 avril 2016, la société Carrefour a assigné la société Lustral Car en déchéance de son droit à indemnité d'éviction. Reconventionnellement, la société Lustral Car a sollicité le paiement d'une indemnité d'éviction et M. [E], son gérant, a demandé le paiement d'une certaine somme en réparation d'un préjudice moral.

Examen du moyen

Enoncé du moyen

4.La société Lustral Car et M. [E] font grief à l'arrêt de déclarer irrecevable, comme prescrite, leur demande en paiement d'une indemnité d'éviction, alors :

« 1°) que le délai de la prescription biennale de la demande tendant au paiement d'une indemnité d'éviction ne peut commencer à courir avant le jour où est définitivement consacré, dans son principe, le droit du locataire au bénéfice de cette indemnité ; que, pour dire irrecevable comme prescrite la demande de la société Lustral Car tendant au paiement d'une indemnité d'éviction, la cour d'appel qui a jugé que l'arrêt de la cour d'appel de Paris du 17 février 2016 ayant dit que le refus de renouvellement du bail opposé le 10 juillet 2010 avait mis fin à celui-ci mais que la société Carrefour property France ne justifiait pas d'un motif grave et légitime de refuser le paiement d'une indemnité d'éviction à sa locataire, n'avait pu faire naître un nouveau délai de prescription de la demande d'indemnité d'éviction, a violé les articles L. 145-10 et L. 145-60 du code de commerce ;

2°) l'action en validation du refus de renouvellement du bail commercial sans indemnité d'éviction pour motif grave et légitime tendant notamment à voir dire et juger la société preneuse privée du droit à percevoir une indemnité d'éviction, interrompt le délai de la prescription biennale de l'action tendant au paiement de l'indemnité d'éviction jusqu'à l'extinction de l'instance ; que la cour d'appel a constaté que le refus de renouvellement du bail sans indemnité d'éviction délivré par la société Carrefour property France le 1er juillet 2010 avait fait l'objet d'une instance en validation dudit refus à l'initiative de la bailleresse, introduite par assignation du 11 mars 2011, tendant à voir juger la société Lustral Car privée du droit à percevoir une indemnité d'éviction, instance dans le cadre de laquelle la société Lustral Car avait contesté ce refus de renouvellement sans indemnité d'éviction et sollicité une expertise judiciaire aux fins de fixation de l'indemnité d'éviction par des conclusions du 7 novembre 2012 et que cette instance s'était achevée par un arrêt de la cour d'appel de Paris du 17 février 2016 ; qu'en jugeant cependant irrecevable comme prescrite la demande de la société Lustral Car tendant à voir fixer l'indemnité d'éviction, formée le 7 novembre 2012, la cour d'appel a violé les articles L. 145-10 et L. 145-60 du code de commerce, et les articles 2241 et 2242 du code civil. »

Réponse de la Cour

5. La cour d'appel a retenu, à bon droit, qu'en application de l'article L. 145-10 du code de commerce, le point de départ du délai de la prescription biennale de l'action en paiement de l'indemnité d'éviction de la société Lustral Car était la date de la signification par la société de son refus de renouvellement sans offre de paiement d'une indemnité d'éviction, soit le 1er juillet 2010.

6. Ayant constaté que la société Lustral Car n'avait conclu au rejet des prétentions du bailleur tendant à voir valider le refus de renouvellement et n'avait formulé une demande d'expertise en évaluation de l'indemnité d'éviction que le 7 novembre 2012, elle en a exactement déduit que la prescription biennale était acquise et que l'arrêt du 17 février 2016 n'avait pu avoir pour effet de faire naître au profit du preneur un nouveau délai de prescription de la demande de paiement de l'indemnité d'éviction.

7. Le moyen n'est donc pas fondé.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

REJETTE le pourvoi.