Livv
Décisions

Cass. 3e civ., 15 décembre 2021, n° 21-11.634

COUR DE CASSATION

Arrêt

Cassation

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Teiller

Rapporteur :

M. David

Avocat général :

Mme Guilguet-Pauthe

Avocats :

SCP Bauer-Violas, Feschotte-Desbois et Sebagh, SCP Gadiou et Chevallier

Montpellier, du 15 déc. 2020

15 décembre 2020

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Montpellier, 15 décembre 2020), la société Centrakor stores, titulaire d'un bail commercial portant sur des locaux appartenant à la société civile immobilière GMBT (la SCI), en a sollicité le renouvellement.

2. Le 30 avril 2009, la SCI a notifié un refus de renouvellement du bail avec offre de paiement d'une indemnité d'éviction.

3. La société Centrakor stores a assigné la SCI en paiement de cette indemnité.

4. Le 21 août 2013, la SCI a signifié son repentir.

5. Les clefs ont été restituées le 30 août 2013 après établissement d'un état des lieux contradictoire.

Sur le moyen du pourvoi principal, pris en ses première à troisième branches et cinquième à sixième branches, ci-après annexé

6. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ces griefs qui ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation.

Mais sur le moyen du pourvoi principal, pris en sa quatrième branche,
Enoncé du moyen

7. La société Centrakor Stores fait grief à l'arrêt de déclarer valable l'exercice du droit de repentir du refus de renouvellement du bail par la SCI, alors « que lorsqu'à la date de la notification du droit de repentir, le preneur a déjà
engagé un processus irréversible de départ des lieux, rendant impossible la continuation de l'exploitation du fonds dans les lieux, ce droit de repentir ne peut plus être exercé par le bailleur, peu important que celui-ci ait été informé de ce processus ; qu'en l'espèce en refusant de retenir l'existence d'un processus irréversible de départ des lieux - au demeurant dûment attesté par un constat d'huissier – par la seule raison qu'il n'était pas établi que le bailleur en aurait été informé préalablement à l'exercice de son droit de repentir, la cour d'appel a ajouté une condition à la loi et a ainsi violé l'article L. 145-58 du code de commerce. »

Réponse de la Cour

Vu l'article L. 145-58 du code de commerce :

8. Selon ce texte, le propriétaire peut, jusqu'à l'expiration d'un délai de quinze jours à compter de la date à laquelle la décision est passée en force de chose jugée, se soustraire au paiement de l'indemnité, à charge pour lui de supporter les frais de l'instance et de consentir au renouvellement du bail dont les conditions, en cas de désaccord, sont fixées conformément aux dispositions réglementaires prises à cet effet. Ce droit ne peut être exercé qu'autant que le locataire est encore dans les lieux et n'a pas déjà loué ou acheté un autre immeuble destiné à sa réinstallation.

9. Pour déclarer valable l'exercice du droit de repentir, l'arrêt retient qu'il n'est pas établi que, au jour de la signification de celui-ci, la SCI avait connaissance d'un processus irréversible de départ des lieux loués.

10. En statuant ainsi, alors que l'engagement d'un tel processus par le preneur suffit à faire obstacle à l'exercice du droit de repentir par le bailleur, la cour d'appel, qui a ajouté une condition à la loi, a violé le texte susvisé.

Sur le moyen du pourvoi incident

Enoncé du moyen

11. La SCI fait grief à l'arrêt de rejeter ses demandes tendant à voir prononcer la rupture du rapport locatif du seul chef de la société Centrakor stores et en condamnation de cette dernière au paiement d'une indemnité de 340 000 euros pour compenser la perte de loyer du 1er septembre 2013 au 31 juillet 2015, prochaine échéance triennale après la libération des lieux, outre la taxe foncière à la charge du preneur, et de limiter, en conséquence, la condamnation de la société Centrakor stores à lui payer la somme de 35 000 euros pour la remise en état de l'escalator, alors « que l'objet du litige est déterminé par les prétentions respectives des parties ; qu'en l'espèce, dans ses conclusions d'appel, la SCI GMBT demandait à la cour d'appel de juger régulier l'exercice de son droit de repentir, de « constater le refus réitéré [de la société Centrakor stores] de bénéficier de la poursuite du rapport locatif pourtant impératif », et de « relever en conséquence la rupture du rapport locatif du seul chef du preneur et le condamner au paiement d'une indemnité de 340 000 euros pour compenser la perte de loyer du 1er septembre 2013 au 31 juillet 2015, prochaine échéance triennale après la libération des lieux, somme à laquelle doit être ajoutée la taxe foncière de près de 50 000 euros par an (?) » ; qu'en retenant que dès lors que « le procès-verbal de constat d'huissier contradictoire du 30 août 2013 mentionnait la libération effective des lieux et la remise des clefs au bailleur », la SCI GMBT n'était pas fondée « dans sa prétention au paiement d'une indemnité d'occupation de 120 000 euros par an augmentée de la taxe foncière à compter du 1er septembre 2013 », quand cette société sollicitait une indemnisation au titre de la perte des loyers causée par le départ des lieux de la société Centrakor stores en dépit de l'exercice valable de son droit de repentir, et non le paiement d'une indemnité d'occupation, la cour d'appel a modifié les termes du litige dont elle était saisie, en violation de l'article 4 du code de procédure civile. »

Réponse de la Cour

12. La cassation du chef de dispositif critiqué par le moyen du pourvoi principal rend sans objet le pourvoi incident.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 15 décembre 2020, entre les parties, par la cour d'appel de Montpellier ;

Remet l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Toulouse ;

Condamne la société civile immobilière GMBT aux dépens.