Cass. crim., 14 janvier 2015, n° 13-85.868
COUR DE CASSATION
Arrêt
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. Guérin
Rapporteur :
M. Germain
Avocats :
Me Le Prado, SCP Gatineau et Fattaccini, SCP Waquet, Farge et Hazan
Vu les mémoires produits, en demande et en défense
Sur le premier moyen de cassation, pris de la violation des articles 6 de la Convention européenne des droits de l'homme, 313-1 du code pénal, 388, 591 et 593 du code de procédure pénale, ensemble violation des droits de la défense, défaut de motifs et manque de base légale ;
en ce que l'arrêt attaqué a déclaré M. H coupable d'escroquerie par usage de la fausse qualité d'avocat au préjudice de Mme I, l'a condamné à une peine de six mois d'emprisonnement et a prononcé sur les intérêts civils ;
aux motifs que nonobstant les dénégations du prévenu, il ressort à suffisance des déclarations circonstanciées de la partie civile, de M. X, de M. J (commissaire priseur), de M. Y(avocat), de M. Z(avoué), de M. A(mandataire judiciaire), de Mme K (avocate), de M. B(huissier de justice), de M. Cet de Mme D, que M. H, postérieurement à sa radiation de l'Ordre des avocats du barreau de Paris et sans avoir obtenu son inscription à un quelconque barreau italien, a continué à faire régulièrement usage de la fausse qualité d'avocat inscrit au barreau d'Aoste pour déterminer Mme Ià placer en lui sa confiance et à lui remettre des fonds dans le but de l'assister à des opérations de redressement judiciaire de sa société et entreprendre des démarches totalement illusoires pour mettre en place une structure destinée à assurer la reprise de ses sociétés françaises, structure qui n'a pas vu le jour, qui est demeuré à l'état d'ébauche et dont les frais engagés prétendument pour sa constitution n'ont pas jamais été justifiés ;
1°) alors que, s'il appartient au juge pénal de restituer aux faits dont il est saisi leur exacte qualification, c'est à la condition de n'y rien ajouter, sauf acceptation formelle du prévenu d'être jugé sur des faits non compris dans la poursuite ; qu'en l'espèce, saisie de la prévention d'abus de confiance résultant du fait pour M. H d'avoir détourné des sommes qui lui auraient été remises et qu'il aurait acceptées à charge de les rendre, de les représenter ou d'en faire un usage déterminé, la cour d'appel a déclaré le prévenu coupable d'escroquerie par usage de la fausse qualité d'avocat ; qu'en statuant de la sorte, sans constater que M. H avait formellement accepté d'être jugé sur ces faits entièrement distincts de ceux de la prévention, la cour d'appel a excédé les limites de sa saisine ;
2°) alors que, s'il appartient aux juridictions correctionnelles de modifier la qualification des faits et de substituer une qualification nouvelle à celle qui leur était déférée, c'est à la condition que le prévenu a été mis en mesure de s'expliquer sur la nouvelle qualification des faits retenue contre lui ; qu'en l'espèce, en requalifiant les faits de la prévention d'abus de confiance en escroquerie par usage de la fausse qualité d'avocat sans inviter M. H à se défendre sur cette nouvelle qualification, la cour d'appel a méconnu les droits de la défense ;
3°) alors que, l'escroquerie est le fait, soit par l'usage d'un faux nom ou d'une fausse qualité, soit par l'abus d'une qualité vraie, soit par l'emploi de manoeuvres frauduleuses, de tromper une personne physique ou morale et de la déterminer ainsi, à son préjudice ou au préjudice d'un tiers, à remettre des fonds, des valeurs ou un bien quelconque, à fournir un service ou à consentir un acte opérant obligation ou décharge ; qu'en l'espèce, en déclarant M. H coupable d'escroquerie à l'égard de Mme I, sans constater qu'il l'avait personnellement et effectivement trompée par l'usage d'une fausse qualité d'avocat, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des textes visés au moyen ;
Sur le deuxième moyen de cassation, pris de la violation des articles des articles 6 de la Convention européenne des droits de l'homme, 313-1 du code pénal, 388, 591 et 593 du code de procédure pénale, ensemble violation des droits de la défense, défaut de motifs et manque de base légale ;
en ce que l'arrêt attaqué a déclaré M. H coupable d'escroquerie par usage de la fausse qualité d'avocat au préjudice de Mme E et de M. Fet, en répression, l'a condamné à une peine de six mois d'emprisonnement ;
aux motifs que nonobstant ses dénégations, il ressort encore à suffisance des déclarations circonstanciées des victimes et de Me K que M. H, qui n'a jamais justifié avoir acquitté une quelconque TVA ni rétrocédé quelque montant que ce soit à cet auxiliaire de justice, s'est fait remettre par Mme Epour le compte de son fils M. F, la somme de 918, 28 euro en faisant croire à ses victimes que sa qualité d'avocat au barreau d'Aoste pouvait lui permettre d'intervenir utilement dans le cadre des poursuites pénales engagées contre ce dernier alors que la réalité d'une telle intervention n'est pas démontrée, sa défense ayant été assurée par Me K seule, laquelle a été entièrement rémunérée par son client ;
alors que s'il appartient au juge pénal de modifier la qualification des faits et de substituer une qualification nouvelle à celle qui lui était déférée, c'est à la condition que le prévenu a été mis en mesure de faire valoir ses observations sur la nouvelle qualification retenue à son encontre ; qu'en l'espèce, en requalifiant les faits de la prévention d'escroquerie par abus d'une qualité vraie en escroquerie par usage de la fausse qualité d'avocat sans donner la parole à M. H sur cette nouvelle qualification, la cour d'appel a méconnu les droits de la défense ;
Les moyens étant réunis ;
Attendu, d'une part, que le demandeur ne saurait faire grief à l'arrêt d'avoir requalifié en escroqueries par usage de la fausse qualité d'avocat les faits d'abus de confiance et d'escroquerie par abus de la qualité vraie d'avocat objet des poursuites, dès lors qu ¿ il a été mis en mesure de se défendre sur ces requalifications, requises à l'audience par le ministère public ;
Attendu, d'autre part, que la Cour de cassation est en mesure de s'assurer que la cour d'appel a, sans insuffisance ni contradiction, caractérisé en tous leurs éléments, tant matériel qu'intentionnel, les délits d'escroqueries dont elle a déclaré le prévenu coupable ;
D'où il suit que les moyens, qui reviennent à remettre en question l'appréciation souveraine par les juges du fond, des faits et circonstances de la cause, ainsi que des éléments de preuve contradictoirement débattus, ne sauraient être admis ;
Sur le troisième moyen de cassation, pris de la violation des articles 4 et 72 de la loi n° 71-1130 du 31 décembre 1971, 591 et 593 du code de procédure pénale, ensemble défaut de motifs et manque de base légale ;
en ce que l'arrêt attaqué a jugé M. H coupable d'exercice illégal de la profession d'avocat et l'a condamné à une peine de six mois d'emprisonnement ;
aux motifs qu'au vu du jugement rendu le 18 avril 2007 par le Conseil de Prud'hommes de Vesoul et de la convocation à l'audience de la chambre sociale de la cour d'appel de Besançon établie le 29 mai 2008 desquels il ressort sans ambiguïté que, dans le cadre du litige qui l'opposait à un de ses salariés M. G, l'EURL AP Pneus était représentée par sa gérante Mme I assistée du Studio Légale Murino en la personne de Maître H, avocat , il convient d'infirmer le jugement entrepris et de déclarer le prévenu coupable d'avoir entre le 21 février 2007 (date de l'audience de jugement) et le 29 mai 2008, à Vesoul, sans être régulièrement inscrit au barreau, assisté des parties, postulé ou plaidé devant le Conseil de Prud'hommes de Vesoul ;
1°) alors que le délit d'exercice illégal de la profession d'avocat suppose qu'une personne, qui n'est pas régulièrement inscrite au barreau, exerce habituellement une activité réservée au ministère des avocats ; qu'en déclarant M. H coupable de cette infraction pour avoir assisté une fois Mme I lors d'un conflit qui l'opposait à un de ses salariés, la cour d'appel n'a pas légalement justifié sa décision ;
2°) alors que nul ne peut être puni d'une peine qui n'est pas prévue par la loi ; qu'en vertu de l'article 72 de la loi du 31 décembre 1971, le délit d'exercice illégal de la profession d'avocat est puni d'une amende de 4 500 euros, la peine d'emprisonnement n'étant encourue qu'en cas de récidive ; qu'en l'espèce, la cassation à intervenir sur les premier et deuxième moyens en ce qu'ils critiquent les chefs du dispositif de l'arrêt attaqué qui ont jugé M. H coupable d'escroqueries par usage de la fausse qualité d'avocat au préjudice de Mme I d'une part, de Mme E et de M. F d'autre part, doit emporter l'annulation de la peine de six mois d'emprisonnement prononcée par la juridiction d'appel à l'encontre du demandeur ;
Attendu que, pour dire établi le délit d'exercice illégal de la profession d'avocat, l'arrêt retient que le prévenu, après avoir été suspendu puis radié de l'ordre des avocats, a assisté Mme Ile 21 février 2007 devant le conseil des prud'hommes dans l'instance opposant celle-ci à l'un des salariés de la société qu'elle dirigeait ;
Attendu qu'en prononçant ainsi, et dès lors que, d'une part, le prévenu ne présentait aucune des qualités requises par l'article R 1453-2 du code du travail pour assister ou représenter une partie devant le conseil de prud'hommes, d'autre part, l'habitude n'est pas un élément constitutif du délit prévu et réprimé par les articles 4 et 72 de la loi du 31 décembre 1971, la cour d'appel a justifié sa décision ;
D'où il suit que le moyen, inopérant en sa seconde branche, doit être écarté ;
Et attendu que l'arrêt est régulier en la forme ;
REJETTE le pourvoi.