Cass. crim., 19 février 2013, n° 12-80.440
COUR DE CASSATION
Arrêt
Cassation
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. Louvel
Avocats :
Me Balat, SCP Barthélemy, Matuchansky et Vexliard
Vu les mémoires produits en demande et en défense ;
Attendu qu'il résulte de l'arrêt attaqué, du jugement qu'il confirme et des pièces de procédure que M. X a fait diffuser dans un journal une annonce par laquelle il se présentait comme médium et proposait des séances de voyance ; que sur la plainte de M. Y, qui lui avait remis des sommes d'argent en paiement de ses services, M. X a été cité devant le tribunal correctionnel pour abus de faiblesse et travail dissimulé ; que le tribunal a requalifié le délit d'abus de faiblesse en escroquerie et retenu la culpabilité du prévenu du chef des deux délits ; que le prévenu et le ministère public ont relevé appel du jugement ;
En cet état :
Sur le premier moyen de cassation, pris de la violation des articles 313-1 du code pénal et 593 du code de procédure pénale, défaut de motifs, manque de base légale ;
en ce que l'arrêt attaqué a déclaré le prévenu coupable d'escroquerie, a prononcé à son encontre une peine de six mois d'emprisonnement dont trois mois avec sursis ainsi qu'une peine d'interdiction de séjour dans le département des Landes pour une durée de cinq ans et, sur l'action civile, l'a condamné à verser à la partie civile, à titre de dommages-intérêts, la somme de 10 500 euros ;
aux motifs qu'il résulte de l'enquête que le prévenu est bien le voyant marabout professeur M. Z à qui M. Y a eu affaire, ce que le prévenu a reconnu dans son audition devant les gendarmes avant de donner des explications alambiquées à ce sujet, et à qui il a donné environ 10 000 euros pour des séances de voyance ; que le fait d'obtenir une telle remise d'argent en faisant croire à M. Y que s'il voulait récupérer sa caution d'un montant de 5 200 euros et sa compagne, il devait continuer les séances de voyance ce que celui-ci a fait en versant en tout une somme d'environ 10 000 euros constitue bien une escroquerie par manoeuvres frauduleuses, M. X, en se présentant comme un voyant médium ayant persuadé M. Y, personne manifestement crédule et en tout état de cause convaincue des pouvoirs de monsieur M. X, de lui remettre ces sommes ;
et aux motifs que les faits reprochés au prévenu qui ne comparaît pas en instance d'appel constituent des faits graves d'escroquerie compte tenu du montant du préjudice allégué par la victime qui était dans une situation de détresse au moment où elle a contacté le prévenu ; que si le prévenu n'a été condamné dans le passé qu'à une peine de 400 euros d'amende pour conduite en état d'ivresse (tribunal correctionnel de Tours, 11 octobre 2007), il convient d'envisager une peine mixte aux fins de contraindre le prévenu à rembourser la victime ;
1°) alors que les manoeuvres frauduleuses constitutives d'une escroquerie supposent un mensonge corroboré par un élément extérieur venant lui donner force et crédit ; qu'en se bornant à retenir que le prévenu s'était présenté comme un voyant médium, avait convaincu la partie civile de l'existence de prétendus pouvoirs et lui avait fait croire qu'elle devait lui verser des sommes d'argent pour récupérer une caution et sa compagne, sans relever le moindre élément extérieur venant corroborer ces simples mensonges, la cour d'appel a violé l'article 313-1 du code pénal ;
2°) alors que la crédulité de la victime et la circonstance qu'elle ait été convaincue par le prévenu ne constituent pas un élément extérieur au mensonge proféré par ce dernier et ne caractérisent aucune manoeuvre frauduleuse ; qu'en se bornant à retenir que la partie civile était manifestement crédule et convaincue des pouvoirs que le prévenu disait détenir, sans caractériser le moindre élément extérieur venant corroborer ce dernier mensonge, la cour d'appel a violé l'article 313-1 précité du code pénal ;
Attendu que les énonciations de l'arrêt confirmatif attaqué mettent la Cour de cassation en mesure de s'assurer que la cour d'appel, par des énonciations exemptes d'insuffisance ou de contradiction, a caractérisé à la charge de M. X, en tous ses éléments tant matériels qu'intentionnel, le délit d'escroquerie dont elle a déclaré le prévenu coupable, et a ainsi justifié l'allocation, au profit de la partie civile, de l'indemnité propre à réparer le préjudice en découlant ;
D'où il suit que le moyen ne saurait être admis ;
Sur le deuxième moyen de cassation, pris de la violation des articles L. 8221-3 du code du travail et 593 du code de procédure pénale, défaut de motifs, manque de base légale ;
en ce que l'arrêt attaqué a déclaré le prévenu coupable de travail dissimulé et l'a condamné à une peine de six mois d'emprisonnement dont trois mois avec sursis ;
aux motifs que les faits sont parfaitement établis au regard de l'enquête qui a identifié le prévenu comme étant le professeur Z exerçant à Dax une activité de voyant médium en se soustrayant à l'obligation de requérir son immatriculation au répertoire des métiers ou des entreprises ou au registre du commerce et des sociétés ; qu'il résulte des propres déclarations du prévenu qu'il n'aurait pas déclaré cette activité avant 2004 car il n'avait pas de titre de séjour et était donc en situation irrégulière et que, depuis 2004, il ne l'avait pas fait car il avait un contrat de travail à durée indéterminée dans une entreprise chargée de sécurité ;
alors que le délit de travail dissimulé suppose l'exercice d'une activité à but lucratif ; qu'en se bornant à relever que le prévenu exerçait une activité de voyant médium, sans constater que cette activité avait été réalisée à but lucratif, la cour d'appel a violé l'article L. 8221-3 du code du travail ;
Attendu que, contrairement à ce que soutient le demandeur, la cour d'appel, qui a retenu que M. X avait exercé à but lucratif une activité de prestation de services sans avoir satisfait aux formalités prévues par l'article L. 8221-3 du code du travail, a, sans insuffisance ni contradiction, caractérisé à la charge du prévenu, en tous ses éléments constitutifs, le délit de travail dissimulé ;
D'où il suit que le moyen doit être écarté ;
Mais sur le troisième moyen de cassation, pris de la violation des articles 132-19 et 132-24 du code pénal, 593 du code de procédure pénale, défaut de motifs, manque de base légale ;
en ce que l'arrêt attaqué a condamné le prévenu à une peine de six mois d'emprisonnement dont trois mois avec sursis assorti d'une mise à l'épreuve ;
aux motifs que les faits reprochés au prévenu qui ne comparaît pas en instance d'appel constituent des faits graves d'escroquerie compte tenu du montant du préjudice allégué par la victime qui était dans une situation de détresse au moment où elle a contacté le prévenu ; que si le prévenu n'a été condamné dans le passé qu'à une peine de 400 euros d'amende pour conduite en état d'ivresse (tribunal correctionnel de Tours, 11 octobre 2007), il convient d'envisager une peine mixte aux fins de contraindre le prévenu à rembourser la victime ; qu'en conséquence, au regard des faits et de la personnalité de son auteur, il convient d'amender le jugement entrepris et de condamner le prévenu à la peine de six mois d'emprisonnement dont trois avec sursis assorti d'une mise à l'épreuve pendant deux ans avec comme obligations particulières de rembourser la victime de l'infraction et de fixer sa résidence en un lien déterminé ;
1°) alors qu'en justifiant le choix d'assortir d'un sursis avec mise l'épreuve la peine d'emprisonnement prononcée à l'encontre du prévenu, sans expliquer en quoi le prononcé d'une peine d'emprisonnement partiellement ferme était nécessaire et exclusive de toute autre sanction, la cour d'appel a violé l'article 132-24 du code pénal ;
2°) alors qu'en se bornant à relever que les faits reprochés constituaient des faits graves d'escroquerie sans expliquer en quoi, outre la gravité de ces faits, la personnalité du prévenu rendait la peine de six mois d'emprisonnement, pour partie ferme, prononcée à son encontre nécessaire et exclusive de toute autre sanction, la cour d'appel a violé l'article 132-24 du code pénal ;
3°) alors qu'en s'abstenant de rechercher si la personnalité et la situation du condamné permettait d'aménager la peine d'emprisonnement sans sursis ou si, au contraire, une impossibilité matérielle s'opposait à un tel aménagement, la cour d'appel a violé l'article 132-24 du code pénal ;
Vu l'article 132-24 du code pénal ;
Attendu qu'il résulte de ce texte qu'en matière correctionnelle, en dehors des condamnations en récidive légale prononcées en application de l'article 132-19-1 du code pénal, une peine d'emprisonnement sans sursis ne peut être prononcée qu'en dernier recours si la gravité de l'infraction et la personnalité de son auteur rendent cette peine nécessaire et si toute autre sanction est manifestement inadéquate ; que, dans ce cas, la peine d'emprisonnement doit, si la personnalité et la situation du condamné le permettent, et, sauf impossibilité matérielle, faire l'objet d'une des mesures d'aménagement prévues aux articles 132-25 à 132-28 dudit code ;
Attendu que, pour condamner M. X à la peine de six mois d'emprisonnement dont trois mois sans sursis, l'arrêt retient que, si l'intéressé n'avait jusqu'alors été condamné qu'à une peine pour conduite sans permis, les faits qu'il a commis sont graves et qu'une peine mixte est nécessaire aux fins de le contraindre à indemniser sa victime ;
Attendu qu'en statuant ainsi, sans caractériser la nécessité de la peine d'emprisonnement sans sursis ni l'impossibilité d'ordonner une mesure d'aménagement, la cour d'appel a violé le texte susvisé ;
D'où il suit que la cassation est encourue de ce chef ; qu'elle sera limitée aux peines dès lors que la déclaration de culpabilité n'encourt pas la censure ;
Par ces motifs :
CASSE et ANNULE, en ses seules dispositions relatives aux peines, l'arrêt susvisé de la cour d'appel de Pau, en date du 9 novembre 2010, toutes autres dispositions étant expressément maintenues.