Cass. crim., 22 octobre 1974, n° 74-90.967
COUR DE CASSATION
Arrêt
Cassation
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. Cenac
Rapporteur :
M. Gagne
Avocat général :
M. Albaut
Avocat :
M. Nicolas
REJET DES POURVOIS FORMES PAR :
1°) LE PROCUREUR GENERAL PRES LA COUR D'APPEL DE CHAMBERY;
2°) X (ROBERT), PARTIE CIVILE, CONTRE UN ARRET DE LA CHAMBRE D'ACCUSATION DE LA COUR D'APPEL DE CHAMBERY, EN DATE DU 12 FEVRIER 1974, QUI A CONFIRME L'ORDONNANCE DE NON-LIEU DU JUGE D'INSTRUCTION DANS UNE INFORMATION SUIVIE CONTRE Y (ANTOINE) DU CHEF D'ESCROQUERIE. LA COUR, JOIGNANT LES POURVOIS EN RAISON DE LA CONNEXITE ;
I SUR LA RECEVABILITE DU POURVOI DE LA PARTIE CIVILE : ATTENDU QUE, SI LA PARTIE CIVILE N'A PAS QUALITE POUR FORMER, SEULE, UN POURVOI CONTRE LES ARRETS DE LA CHAMBRE D'ACCUSATION, EN DEHORS DES CAS LIMITATIVEMENT PREVUS PAR LE SECOND ALINEA DE L'ARTICLE 575 DU CODE DE PROCEDURE PENALE, ELLE EST, AU CONTRAIRE, RECEVABLE AUX TERMES DU PREMIER ALINEA DUDIT ARTICLE, A SE POURVOIR CONTRE CES ARRETS, LORSQUE, COMME EN L'ESPECE, IL Y A POURVOI DU MINISTERE PUBLIC ;
II AU FOND : VU LES MEMOIRES PRODUITS PAR LE PROCUREUR GENERAL ET PAR LA PARTIE CIVILE ;
SUR LE MOYEN UNIQUE DE CASSATION PRESENTE PAR LE PROCUREUR GENERAL PRES LA COUR D'APPEL DE CHAMBERY JOINT AU PREMIER MOYEN PROPOSE PAR LA PARTIE CIVILE X ROBERT ET PRIS TOUS LES DEUX " DE LA FAUSSE APPLICATION ET PAR LA MEME DE LA VIOLATION DE L'ARTICLE 405 DU CODE PENAL, DE L'ARTICLE 593 DU CODE DE PROCEDURE PENALE ET DE L'ARTICLE 7 DE LA LOI DU 20 AVRIL 1810, DEFAUT DE MOTIFS, MANQUE DE BASE LEGALE " ;
VU LESDITS ARTICLES ;
ATTENDU QU'AUX TERMES DE L'ARTICLE 593 DU CODE DE PROCEDURE PENALE, LES ARRETS DE LA CHAMBRE D'ACCUSATION SONT DECLARES NULS S'ILS NE CONTIENNENT PAS DE MOTIFS OU SI LEURS MOTIFS SONT INSUFFISANTS ET NE PERMETTENT PAS A LA COUR DE CASSATION D'EXERCER SON CONTROLE ET DE RECONNAITRE SI LA LOI A ETE RESPECTEE DANS LE DISPOSITIF ;
QU'EN LA MATIERE, LA CONTRADICTION ENTRE LES MOTIFS EQUIVAUT A LEUR ABSENCE ;
ATTENDU QUE, SUR PLAINTE AVEC CONSTITUTION DE PARTIE CIVILE DE X, UNE INFORMATION A ETE OUVERTE, DU CHEF D'ESCROQUERIE, CONTRE Y, AUQUEL LE DEMANDEUR REPROCHAIT D'AVOIR EMPLOYE DES MANOEUVRES FRAUDULEUSES POUR LE DETERMINER A SE RENDRE ACQUEREUR D'UN TABLEAU FAUSSEMENT ATTRIBUE AU PEINTRE FERNAND Z ;
QUE LE JUGE D'INSTRUCTION A RENDU UNE ORDONNANCE DE NON-LIEU AU MOTIF QUE « BIEN QUE LA MAUVAISE FOI DE Y PUISSE ETRE TENUE POUR CERTAINE ET QUE LA VENTE CONCLUE ENTRE LUI ET X, PARTIE CIVILE, AIT REVETU ASSUREMENT UN CARACTERE DOLOSIF », L'INFORMATION N'AVAIT PAS PERMIS D'ETABLIR L'EXISTENCE DE MANOEUVRES FRAUDULEUSES ;
QUE LE DEMANDEUR A RELEVE APPEL DE CETTE DECISION ;
ATTENDU QUE, STATUANT SUR CET APPEL, LA CHAMBRE D'ACCUSATION EXPOSE QUE Y, PROPRIETAIRE D'UN TABLEAU PORTANT L'INSCRIPTION « F Z » MAIS DONT IL SAVAIT QUE L'AUTHENTICITE ETAIT CONTESTEE, L'AYANT VAINEMENT PROPOSE A UN COURTIER EN OBJETS D'ART, A, QUI, APRES UNE EXPERTISE NEGATIVE, S'ETAIT RECUSE, ETAIT ENTRE EN RAPPORT, PAR L'INTERMEDIAIRE DE B, CRITIQUE D'ART, AVEC X, DIRECTEUR DU MUSEE DE L'ATHENEE A GENEVE, QU'IL AVAIT AFFIRME A CELUI-CI QUE LE TABLEAU ETAIT L'OEUVRE DE F Z ;
QU'IL LUI AVAIT ENVOYE UNE PHOTOGRAPHIE DU TABLEAU, EN LUI ASSURANT QUE « B, UNE DES RARES PERSONNES FAISANT AUTORITE SUR L'OEUVRE DE F Z, TROUVAIT CETTE TOILE SENSATIONNELLE » ;
QU'IL AVAIT, A L'APPUI DE SON MENSONGE, « PRESENTE DES FAITS EXTERIEURS QU'IL SAVAIT FAUX », TELS QUE « L'INSCRIPTION, AU VERSO DU TABLEAU, DE LA MENTION » TOILE OFFERTE PAR F Z AU PRESIDENT C A L'OCCASION DU FESTIVAL DE LYON-CHARBONNIERES DONT E C ETAIT PRESIDENT D'HONNEUR " ;
QU'ENFIN, B, AU COURS D'UN VOYAGE GENEVE, AVAIT DECLARE A X QU'IL ESTIMAIT « QU'IL S'AGISSAIT D'UN VRAI F Z » ;
ATTENDU QU'APRES AVOIR AINSI CONSTATE L'EXISTENCE DE MANOEUVRES FRAUDULEUSES, CARACTERISEES PAR LES MENSONGES ECRITS CONFIRMES PAR UNE MISE EN SCENE ET L'INTERVENTION D'UN TIERS, FUT-IL DE BONNE FOI, CIRCONSTANCES EXTERIEURES DESTINEES A DONNER FORCE ET CREDIT A CES ALLEGATIONS MENSONGERES, ALORS QUE, D'AUTRE PART, L'ORDONNANCE DU JUGE D'INSTRUCTION CONFIRMEE PAR L'ARRET DE LA COUR AVAIT, EN TERMES EXPRES, RELEVE LA MAUVAISE FOI DE Y, LA CHAMBRE D'ACCUSATION A CRU DEVOIR ENONCER QUE LESDITES " MANOEUVRES N'AVAIENT PU ETRE DETERMINANTES DE L'ACHAT PAR X DU TABLEAU " ;
QUE LA COUR A FONDE SON APPRECIATION SUR LES MOTIFS QUE : 1° X, DIRECTEUR D'UN MUSEE, COMMERCANT EN OEUVRES D'ART, « AVAIT TOUTES LES QUALITES REQUISES POUR APPRECIER LE TABLEAU QU'ON LUI PRESENTAIT » ;
2°) B, CRITIQUE D'ART, " AVAIT EU L'IMPRESSION QU'IL S'AGISSAIT EFFECTIVEMENT D'UNE TOILE DE F Z ", BIEN QUE " LE CACHET ET LES INSCRIPTIONS FUSSENT DOUTEUX " ET QUE « LE TABLEAU NE FIGURAT PAS AU CATALOGUE », QU'IL AVAIT LUI-MEME DRESSE DES OEUVRES DE CE PEINTRE ;
3°) X AVAIT ACHETE CE TABLEAU A UN PRIX AVANTAGEUX ET CONNAISSAIT PARFAITEMENT LA SITUATION ;
MAIS ATTENDU QU'EN L'ETAT DE CES SEULS MOTIFS, DONT CERTAINS SONT D'AILLEURS INOPERANTS ET QUI SONT EN CONTRADICTION AVEC LA CONSTATATION PAR L'ARRET DE L'EXISTENCE DE MANOEUVRES FRAUDULEUSES QUI AVAIENT POUR BUT DE FAIRE CROIRE A L'AUTHENTICITE DU TABLEAU VENDU, LA CHAMBRE D'ACCSATION N'A PAS DONNE UNE BASE LEGALE A SA DECISION ;
D'OU IL SUIT QUE LES MOYENS DOIVENT ETRE ACCUEILLIS ;
PAR CES MOTIFS, ET SANS QU'IL Y AIT LIEU D'EXAMINER LES DEUXIEME, TROISIEME ET QUATRIEME MOYENS PROPOSES PAR LA PARTIE CIVILE DEMANDERESSE :
CASSE ET ANNULE L'ARRET DE LA CHAMBRE D'ACCUSATION DE LA COUR D'APPEL DE CHAMBERY, EN DATE DU 12 FEVRIER 1974, ET, POUR ETRE STATUE A NOUVEAU CONFORMEMENT A LA LOI :
RENVOIE LA CAUSE ET LES PARTIES DEVANT LA CHAMBRE D'ACCUSATION DE LA COUR D'APPEL DE LYON.