Cass. com., 8 mars 2005, n° 03-11.623
COUR DE CASSATION
Arrêt
Rejet
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. Tricot
Rapporteur :
Mme Garnier
Avocats :
SCP Thomas-Raquin et Bénabent, Me Capron
Attendu, selon l'arrêt confirmatif déféré (Rennes, 11 décembre 2002), que la société de droit américain Eli Lilly and Co est titulaire du brevet n° 75-050-039 déposé auprès de l'Institut national de la propriété industrielle le 18 février 1975 concernant un médicament antibiotique à base de céfamandole, dénommé kéfandole, commercialisé en France dans les hôpitaux par la société Lilly France ; que ce produit a fait l'objet d'une première autorisation de mise sur le marché (AMM) le 28 juin 1978, laquelle a été abrogée par décision du 22 février 1983 qui a délivré une nouvelle autorisation ; qu'après entrée en vigueur de la loi du 25 juin 1990 créant un nouveau titre de propriété industrielle, le certificat complémentaire de protection (CCP), la société Eli Lilly a demandé et obtenu la délivrance de ce certificat le 29 juin 1992, au vu de l'AMM du 22 février 1983 ; qu'après avoir été informée par la société Flavelab de ses préparatifs en vue d'exploiter en France un médicament générique à base de céfamandole, produit qu'elle offre à la vente dans les hôpitaux depuis le 6 août 1998, la société Eli Lilly et la société Lilly France (les sociétés Lilly) ont, après saisie-contrefaçon, poursuivi judiciairement la société Flavelab en contrefaçon du CCP ;
Sur le premier moyen :
Attendu que les sociétés Lilly font grief à l'arrêt d'avoir dit que le CCP délivré le 29 juin 1992 pour le brevet du 18 février 1975, au vu de l'AMM du 22 février 1983, expirait le 28 juin 1995, soit dix-sept ans après une précédente AMM délivrée le 28 juin 1978, de sorte qu'il y avait lieu de rejeter leur demande en contrefaçon, alors, selon le moyen, que la durée maximale du CCP a pour point de départ la délivrance de l'AMM en vigueur au jour de la demande et sur le fondement de laquelle le certificat a été délivré ; qu'en déclarant le certificat expiré le 28 juin 1995 (soit, presqu'en même temps que le brevet lui-même, ce qui retirait toute utilité à ce titre), en se fondant sur une première AMM de 1978, cependant que ce certificat avait été demandé et délivré sur le fondement d'une AMM de 1983 ayant abrogé et remplacé la première, la cour d'appel a violé les articles L. 611-2 et L. 611-3 du Code de la propriété intellectuelle ;
Mais attendu qu'après avoir rappelé les dispositions des articles L. 611-2 et L. 611-3 du Code de la propriété intellectuelle, l'arrêt retient, par motifs propres et adoptés, que le kéfandol qui a fait l'objet d'un dépôt de brevet le 18 février 1975, a bénéficié d'une AMM initiale le 28 février 1978, délivrée pour une durée de cinq ans renouvelable par période quinquennale ; qu'il relève qu'il n'est pas démontré que ce renouvellement automatique de l'AMM le 22 février 1983 ait entraîné pour la société Lilly France une interruption de ses ventes justifiant que soit de nouveau suspendu le cours de la vie du brevet, cette AMM ayant été délivrée pour un produit identique et les mêmes conditionnements ;
qu'ayant déduit de ces constatations et appréciations que la validité du CCP avait expiré le 28 juin 1995, soit dix-sept ans après la délivrance de la première AMM dont le renouvellement postérieur n'avait eu qu'un caractère administratif, la cour d'appel a fait une exacte application des textes visés au moyen ; que celui-ci n'est pas fondé ;
Et sur le second moyen :
Attendu que les sociétés Lilly reprochent encore à l'arrêt de les avoir condamnées au paiement d'une certaine somme, alors, selon le moyen :
1°) qu'en s'abstenant de relever aucun élément de nature à faire générer en abus leur droit d'agir en justice, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1382 du Code civil ;
2°) qu'en allouant une indemnité "de principe", après avoir constaté l'absence de tout préjudice établi, la cour d'appel a de nouveau privé sa décision de base légale au regard de l'article 1382 du Code civil ;
Mais attendu que le moyen, inopérant en sa première branche dès lors que les dommages-intérêts alloués n'avaient pas pour objet de sanctionner un abus du droit d'agir en justice mais de réparer le préjudice commercial subi par la société Flavelab, ne tend dans sa seconde branche qu'à remettre en cause l'appréciation souveraine par les juges du fond de l'existence et du montant du préjudice subi par cette société ; que le moyen qui ne peut être accueilli en sa première branche n'est pas fondé pour le surplus ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi.