Cass. 1re civ., 11 mai 2022, n° 20-22.210
COUR DE CASSATION
Arrêt
Cassation
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
Mme Duval-Arnould
Rapporteur :
M. Chevalier
Avocat général :
M. Chaumont
Avocats :
SCP Thomas-Raquin, SCP Boullez
Faits et procédure
1. Selon l'arrêt attaqué (Rennes, 18 septembre 2020), afin d'effectuer un voyage sur le continent américain avec quatre passagers, M. [S] a acquis auprès de la société Bourcier (le vendeur) un camping-car fabriqué par la société Laika Caravans. Postérieurement à la livraison du véhicule le 6 mai 2011, il a fait installer par le vendeur des équipements supplémentaires.
2. En novembre 2011, au cours de son voyage, il a constaté un fléchissement de l'essieu arrière et a sollicité à son retour des expertises amiable et judiciaire qui ont imputé le dommage à un excès de poids.
3. Estimant que le vendeur et la société Laika Caravans avaient manqué à leur devoir d'information et de conseil, il les a assignés en résolution de la vente et en réparation de ses préjudices moral et matériel.
Examen du moyen
Sur le moyen, pris en sa seconde branche Exposé du moyen
4. M. [S] fait grief à l'arrêt de rejeter ses demandes, alors « que l'obligation de conseil à laquelle est tenu levendeur lui impose de se renseigner sur les besoins de l'acheteur et de l'informer lors de l'achat, de l'adéquation du matériel proposé à l'utilisation qui en est prévue ; qu'il s'ensuit que le vendeur devait s'enquérir des besoins de M.
[S] qui souhaitait acquérir un camping-car pour réaliser un long voyage d'un an au travers du continent américain avec une famille de cinq personnes pour le conseiller sur l'adéquation des options et des accessoires par rapport à la charge utile restante ; qu'en se satisfaisant de la seule mise en garde donnée postérieurement à la conclusion de la vente par une facture de livraison du 6 mai 2011 qui comporte une mention « attention au poids » et qui précise que « chaque accessoire supplémentaire diminue la charge » ; qu'en imposant à M. [S] lui-même de surveiller la charge de son véhicule pour demeurer dans les limites du poids définis par son permis de voiture, après avoir constaté que le vendeur avait attiré son attention sur la charge du véhicule et, plus particulièrement, sur l'incidence de l'installation de nouveaux équipements en précisant sur la facture de livraison que chaque accessoire diminue la charge utile, quand il appartenait au vendeur de s'informer des besoins de M. [S] et, en particulier, de la charge utile qui lui était nécessaire pour mener à bien son projet de voyage, compte tenu des options et des accessoires qu'il souhaitait installer, la cour d'appel a violé l'article 1147 du code civil dans sa rédaction applicable en l'espèce. »
Réponse de la Cour
Vu l'article 1147 du code civil :
5. Il résulte de ce texte que le vendeur professionnel est tenu, avant la vente, d'une obligation de conseil qui lui impose de se renseigner sur les besoins de l'acheteur afin d'être en mesure de l'informer sur l'adéquation entre le bien qui est proposé et l'usage qui en est prévu.
6. Pour rejeter les demandes de M. [S], l'arrêt retient que le véhicule livré conformément à la commande initiale était apte à l'usage prévu par M.[S], que la surcharge de poids est la conséquence de l'installation à sa demande d'équipements optionnels postérieurement à la livraison, que son attention a été attirée de manière formelle sur la facture de livraison du 6 mai 2011 qui comporte une mention « attention au poids » et qui précise que « chaque accessoire supplémentaire diminue la charge utile », que, même si cette mention ne précisait pas le poids des équipements déjà installés, elle était suffisante pour attirer l'attention du client sur la charge du véhicule et particulièrement sur l'incidence de l'installation de nouveaux équipements sur le poids du véhicule, M. [S] devant, en sa qualité de conducteur, surveiller la charge de son véhicule pour demeurer dans les limites de poids définies par son permis de conduire.
7. En statuant ainsi, sans constater que le vendeur s'était informé des besoins de M. [S] et, en particulier, de la charge utile qui lui était nécessaire pour mener à bien son projet de voyage, la cour d'appel a violé le texte susvisé.
PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur l'autre grief, la Cour :
CASSE ET ANNULE, en ce qu'il rejette les demandes de M. [S] contre la société Bourcier, l'arrêt rendu le 18 septembre 2020, entre les parties, par la cour d'appel de Rennes ;
Remet sur ce point l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Rennes autrement composée ;
Condamne la société Bourcier aux dépens ;
En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes formées par la société Bourcier et la société Laika Caravans, et condamne la société Bourcier à payer à M. [S] la somme de 3 000 euros ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du onze mai deux mille vingt-deux.