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Décisions

Cass. com., 20 novembre 2007, n° 06-13.055

COUR DE CASSATION

Arrêt

Rejet

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Favre

Rapporteur :

Mme Betch

Avocat général :

M. Main

Avocats :

SCP Boullez, SCP Thouin-Palat

Poitiers, du 24 janv. 2006

24 janvier 2006

Sur le moyen unique :

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Poitiers, 24 janvier 2006), que la SCI Remequinoxe (la SCI) a acquis de M. et Mme X... (les époux X...), moyennant le prix de 125 000 francs, un immeuble grevé d'une clause de réméré pendant un délai de quatre années et d'un droit d'habitation au profit des vendeurs ; que, par acte séparé du même jour, la SCI a donné à bail aux époux X... l'immeuble qu'elle venait d'acquérir et a acquitté les droits d'enregistrement sur la somme de 125 000 francs ; que, par notification de redressement du 8 février 2001, la direction des services fiscaux a estimé la valeur vénale de l'immeuble à la somme de 725 000 francs après un abattement forfaitaire de 10 % qui tenait compte de l'existence de la clause de réméré et a mis en recouvrement un rappel de droits d'enregistrement ; que, par avis du 5 mars 2002, la commission de conciliation a confirmé l'évaluation faite et le redressement critiqué ; qu'après rejet de sa réclamation, la SCI a assigné le directeur des services fiscaux afin d'obtenir la décharge des droits supplémentaires ;

Attendu que la SCI fait grief à l'arrêt d'avoir rejeté sa demande, alors, selon le moyen :

1°) que seule la singularité du bien, soumis aux droits de mutation, permet à l'administration des impôts de retenir, à titre exceptionnel, une méthode d'évaluation qui ne comporte aucune comparaison avec la vente de biens intrinsèquement similaires ; qu'il s'ensuit que la stipulation d'un pacte de réméré n'est pas inhérente à l'immeuble, et ne dispense pas l'administration des impôts, soit de déterminer la valeur vénale de ce bien, par voie de comparaison avec d'autres mutations subordonnant le droit de propriété de l'acquéreur à une condition résolutoire, soit de se référer à d'autres méthodes de détermination de la valeur du bien qui tiennent compte de la stipulation d'un réméré ; qu'en décidant, à l'inverse, que la rareté de la vente à réméré permettait à l'administration fiscale de procéder par voie de comparaison avec des ventes pures et simples qui ne comporte pas un réméré, la cour d'appel a violé les articles L 17 et L 57 du livre des procédures fiscales, ensemble l'article 1659 du code civil ;

2°) que subsidiairement, en se bornant à énoncer que l'administration fiscale a justifié "de cinq ventes immobilières réalisées en 1998, sur la même commune, pour des immeubles récents comparables au bien en cause", en l'absence de tout élément de comparaison pertinent qui tienne compte de la stipulation d'un réméré, sans rechercher s'il n'existait pas de ventes comparables dans d'autres lieux et en d'autres années dont la valeur soit susceptible d'être prise en considération, fût-ce par actualisation, la cour d'appel a privé sa décision de bas légale au regard des articles L 17 et L 57 du livre des procédures fiscales, ensemble l'article 1659 du code civil ;

3°) que, très subsidiairement, à supposer que la singularité du réméré interdise toute comparaison avec des ventes similaires, il appartient à l'administration fiscale d'en énoncer les raisons, et de justifier de tous les éléments propres à établir le bien-fondé de son évaluation d'un immeuble vendu en réméré, dans la notification de redressement qui doit comporter tous les éléments permettant à son destinataire, de prendre son parti au vu de ces seules indications ; qu'en s'abstenant de rechercher si l'administration des impôts s'était expliquée dans la notification de redressement, sur la singularité de la vente immobilière sous réméré, et sur le bien-fondé de son évaluation, en l'absence de tout élément de comparaison pertinent qui tienne compte d'une telle stipulation, après avoir constaté que l'administration des impôts avait seulement appliqué un abattement forfaitaire de 10 %, en réponse aux observations du contribuable, après notification du redressement, la cour d'appel a violé les articles L 17 et L 57 du livre des procédures fiscales, ensemble l'article 1659 du code civil ;

4°) que les droits de mutation doivent être liquidés sur la valeur vénale réelle de l'immeuble, c'est-à-dire sur le prix qui pourrait en être obtenu par le jeu de l'offre et de la demande sur un marché réel, compte tenu de sa situation de fait et de droit ; qu'en affirmant que l'administration des impôts n'est pas liée par les stipulations de l'acte déterminant le prix du réméré, après avoir énoncé que la faculté de rachat ne modifie pas l'étendue du droit de propriété de l'acheteur sur l'immeuble, sans rechercher in concreto si la seule éventualité d'une résolution de la vente, en conséquence de l'exercice par le vendeur de sa faculté de rachat, n'était pas de nature à modifier la valeur vénale réelle de l'immeuble, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 666 du code général des impôts ;

5°) qu'en affirmant, par un motif d'ordre général, que la stipulation d'un pacte de réméré justifie seulement d'appliquer un abattement forfaitaire de 10 %, au lieu de procéder à une appréciation concrète, la cour d'appel n'a pas mis la Cour de cassation en mesure de vérifier qu'elle avait exercé le pouvoir souverain qu'elle tient de la loi, privant ainsi sa décision de toute base légale au regard de l'article L. 17 du livre des procédures fiscales, ensemble l'article 666 du code général des impôts ;

6°) que la valeur vénale réelle, d'après laquelle les immeubles sont estimés pour la liquidation des droits de mutation à titre onéreux, est constituée par le prix qui pourrait être obtenu par le jeu de l'offre et de la demande dans un marché réel compte tenu de l'état dans lequel se trouve l'immeuble avant la mutation et des clauses de l'acte de vente ; que la SCI Remequinoxe rappelait dans ses conclusions récapitulatives, que les époux X... s'étaient réservés le droit d'occuper l'immeuble dans l'acte de vente, lui-même, qui stipulait que les vendeurs en auraient la jouissance, en vertu d'un bail qui leur serait consenti par le vendeur ; qu'en s'abstenant de s'expliquer sur les stipulations de l'acte de vente, la cour d'appel qui a seulement constaté que la conclusion d'un bail par le vendeur était nécessairement postérieure à la vente, a privé sa décision de base légale au regard de l'article 666 du code général des impôts ;

Mais attendu, en premier lieu, qu'après avoir relevé que la nature juridique de la vente à réméré et les effets qu'elle emporte n'excluent pas l'utilisation par l'administration de la méthode de comparaison avec les ventes pures et simples, la cour d'appel a exactement décidé qu'il n'y avait pas lieu de constater l'inexistence éventuelle de termes de comparaison portant sur des mutations avec clause de réméré ni d'énoncer dans la notification de redressement les raisons d'une supposée impossibilité de comparaison ;

Et attendu, en second lieu, que l'arrêt retient que la clause de réméré contenue dans un acte de vente est un pacte par lequel le vendeur se réserve de reprendre la chose vendue moyennant la restitution du prix principal et le remboursement des frais et loyaux coûts de la vente, des réparations nécessaires et de celles qui ont augmenté la valeur du fonds en application des articles 1659 et 1673 du code civil ; que cette faculté de rachat, qui s'analyse en une condition résolutoire replaçant les parties en l'état où elles se trouvaient avant la vente, ne prive pas la vente de son caractère parfait puisqu'il y accord sur la chose et sur le prix et que tous les droits attachés à la propriété du vendeur sont transférés à l'acheteur qui peut ainsi disposer de l'immeuble vendu, le louer ou l'hypothéquer ou même le revendre, que seul le caractère irrévocable de la vente entre le vendeur et l'acheteur n'est pas acquis tant que le délai pour exercer le réméré n'est pas expiré ; que cependant il n'en résulte aucun préjudice pour l'acheteur qui a toutes les prérogatives du propriétaire pendant ce délai et qui, en cas de rachat, est remboursé du prix payé et de toutes les dépenses engendrées par l'achat ; que l'arrêt retient encore que la vente à réméré est d'un usage peu fréquent et la stipulation de la clause de réméré a des effets juridiques limités de sorte que la situation juridique particulière de la vente litigieuse ne permet pas de trouver des éléments comparables portant sur des ventes incluant une telle clause sur la même commune pour une construction de même nature dans les mêmes années ; qu'en l'état de ces constatations et énonciations, la cour d'appel, en relevant que la vente était libre de toute occupation et que les éléments de comparaison retenus par l'administration fiscale, au nombre de cinq, portaient sur des ventes réalisées en 1998 sur la même commune pour des immeubles récents comparables au bien en cause, en a exactement déduit que l'administration fiscale avait, dans la notification de redressement, justifié d'éléments de comparaison intrinsèquement similaires, pertinents et satisfaisants, seul l'abattement forfaitaire de 10 % sur le prix de la cession du bien permettant de calculer la valeur vénale réelle du bien et tenant compte ainsi de la situation juridique spécifique du bien vendu, a pu statuer comme elle a fait et a légalement justifié sa décision ;

D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE le pourvoi ;

Condamne la SCI Remequinoxe aux dépens ;

Vu l'article 700 du nouveau code de procédure civile, condamne la SCI Remequinoxe à payer au directeur général des impôts la somme de 2 000 euros et rejette sa demande ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du vingt novembre deux mille sept.