CJUE, 2e ch., 12 mai 2022, n° C-260/20 P
COUR DE JUSTICE DE L’UNION EUROPEENNE
Arrêt
Rejet
PARTIES
Demandeur :
Commission européenne
Défendeur :
Hansol Paper Co. Ltd, European Thermal Paper Association
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président de chambre :
Mme Prechal (rapporteure)
Juges :
M. Passer, M. Biltgen, M. Wahl, Mme Arastey Sahún
Avocat général :
M. Pikamäe
Avocats :
Me Bellis, Me Servais, M. Crochet, Me Hobbelen, Me Vleeshouwers, Me Huyghebaert, Me Rivas
1 Par son pourvoi, la Commission européenne demande l’annulation de l’arrêt du Tribunal de l’Union européenne du 2 avril 2020, Hansol Paper/Commission (T 383/17, non publié, ci-après l’« arrêt attaqué », EU:T:2020:139), par lequel celui-ci a annulé le règlement d’exécution (UE) 2017/763 de la Commission, du 2 mai 2017, instituant un droit antidumping définitif et portant perception définitive du droit provisoire institué sur les importations de certains papiers thermosensibles légers originaires de la République de Corée (JO 2017, L 114, p. 3, ci-après le « règlement litigieux ») en tant que ce règlement concernait les produits fabriqués par Hansol Paper Co. Ltd (ci-après « Hansol »).
2 Par son pourvoi incident, l’European Thermal Paper Association (ETPA) demande l’annulation de l’arrêt attaqué.
Le cadre juridique
Le droit de l’Organisation mondiale du commerce
3 Par la décision 94/800/CE du Conseil, du 22 décembre 1994, relative à la conclusion au nom de la Communauté européenne, pour ce qui concerne les matières relevant de ses compétences, des accords des négociations multilatérales du cycle de l’Uruguay (1986-1994) (JO 1994, L 336, p. 1), le Conseil de l’Union européenne a approuvé l’accord instituant l’Organisation mondiale du commerce (OMC), signé à Marrakech le 15 avril 1994, ainsi que les accords figurant aux annexes 1, 2 et 3 de cet accord, au nombre desquels figure l’accord sur la mise en œuvre de l’article VI de l’accord général sur les tarifs douaniers et le commerce de 1994 (JO 1994, L 336, p. 103) (ci-après l’« accord antidumping »).
4 L’article 2 de l’accord antidumping, intitulé « Détermination de l’existence d’un dumping », prévoit :
« 2.1 Aux fins du présent accord, un produit doit être considéré comme faisant l’objet d’un dumping, c’est-à-dire comme étant introduit sur le marché d’un autre pays à un prix inférieur à sa valeur normale, si le prix à l’exportation de ce produit, lorsqu’il est exporté d’un pays vers un autre, est inférieur au prix comparable pratiqué au cours d’opérations commerciales normales pour le produit similaire destiné à la consommation dans le pays exportateur.
2.2 Lorsque aucune vente du produit similaire n’a lieu au cours d’opérations commerciales normales sur le marché intérieur du pays exportateur ou lorsque, du fait de la situation particulière du marché ou du faible volume des ventes sur le marché intérieur du pays exportateur, de telles ventes ne permettent pas une comparaison valable, la marge de dumping sera déterminée par comparaison avec un prix comparable du produit similaire lorsque celui-ci est exporté à destination d’un pays tiers approprié, à condition que ce prix soit représentatif, ou avec le coût de production dans le pays d’origine majoré d’un montant raisonnable pour les frais d’administration et de commercialisation et les frais de caractère général, et pour les bénéfices.
[...] »
Le droit de l’Union
5 L’article 1er du règlement (UE) 2016/1036 du Parlement européen et du Conseil, du 8 juin 2016, relatif à la défense contre les importations qui font l’objet d’un dumping de la part de pays non membres de l’Union européenne (JO 2016, L 176, p. 21, ci-après le « règlement de base »), dispose :
« 1. Peut être soumis à un droit antidumping tout produit faisant l’objet d’un dumping lorsque sa mise en libre pratique dans l’Union cause un préjudice.
2. Un produit est considéré comme faisant l’objet d’un dumping lorsque son prix à l’exportation vers l’Union est inférieur au prix comparable, pratiqué au cours d’opérations commerciales normales pour un produit similaire dans le pays exportateur.
[...] »
6 L’article 2 de ce règlement, intitulé « Détermination de l’existence d’un dumping », prévoit :
« 1. La valeur normale est normalement basée sur les prix payés ou à payer, au cours d’opérations commerciales normales, par des acheteurs indépendants dans le pays exportateur.
Toutefois, lorsque l’exportateur dans le pays exportateur ne produit pas ou bien ne vend pas le produit similaire, la valeur normale est établie sur la base des prix d’autres vendeurs ou producteurs.
[...]
2. Les ventes du produit similaire destiné à la consommation sur le marché intérieur du pays exportateur sont normalement utilisées pour déterminer la valeur normale si le volume de ces ventes représente 5 % ou plus du volume des ventes du produit considéré dans l’Union. Toutefois, un volume des ventes inférieur peut être utilisé, par exemple, lorsque les prix pratiqués sont considérés comme représentatifs du marché concerné.
3. Lorsque aucune vente du produit similaire n’a lieu au cours d’opérations commerciales normales, ou lorsque ces ventes sont insuffisantes, ou lorsque, du fait de la situation particulière du marché, de telles ventes ne permettent pas une comparaison valable, la valeur normale du produit similaire est calculée sur la base du coût de production dans le pays d’origine, majoré d’un montant raisonnable pour les frais de vente, les dépenses administratives et les autres frais généraux et d’une marge bénéficiaire raisonnable, ou sur la base des prix à l’exportation, pratiqués au cours d’opérations commerciales normales, vers un pays tiers approprié, à condition que ces prix soient représentatifs.
[...]
9. Lorsqu’il n’y a pas de prix à l’exportation ou lorsqu’il apparaît que le prix à l’exportation n’est pas fiable en raison de l’existence d’une association ou d’un arrangement de compensation entre l’exportateur et l’importateur ou un tiers, le prix à l’exportation peut être construit sur la base du prix auquel les produits importés sont revendus pour la première fois à un acheteur indépendant ou, si les produits ne sont pas revendus à un acheteur indépendant ou ne sont pas revendus dans l’état où ils ont été importés, sur toute autre base raisonnable.
[...]
11. Sous réserve des dispositions pertinentes régissant la comparaison équitable, l’existence de marges de dumping au cours de la période d’enquête est normalement établie sur la base d’une comparaison d’une valeur normale moyenne pondérée avec la moyenne pondérée des prix de toutes les exportations vers l’Union ou sur la base d’une comparaison des valeurs normales individuelles et des prix à l’exportation individuels vers l’Union, transaction par transaction. Toutefois, une valeur normale établie sur une moyenne pondérée peut être comparée aux prix de toutes les exportations individuelles vers l’Union si la configuration des prix à l’exportation diffère sensiblement entre les différents acquéreurs, régions ou périodes et si les méthodes spécifiées dans la première phrase du présent paragraphe ne permettraient pas de refléter l’ampleur réelle du dumping pratiqué. Le présent paragraphe n’exclut pas le recours à l’échantillonnage conformément à l’article 17. »
7 L’article 3 dudit règlement, intitulé « Détermination de l’existence d’un préjudice », énonce :
« 1. Pour les besoins du présent règlement, le terme “préjudice” s’entend, sauf indication contraire, d’un préjudice important causé à l’industrie de l’Union, d’une menace de préjudice important pour l’industrie de l’Union ou d’un retard sensible dans la création d’une telle industrie, et est interprété conformément aux dispositions du présent article.
2. La détermination de l’existence d’un préjudice se fonde sur des éléments de preuve positifs et comporte un examen objectif :
a) du volume des importations faisant l’objet d’un dumping et de l’effet de ces importations sur les prix des produits similaires sur le marché de l’Union ; et
b) de l’incidence de ces importations sur l’industrie de l’Union.
3. En ce qui concerne le volume des importations faisant l’objet d’un dumping, on examine s’il y a eu une augmentation notable des importations faisant l’objet d’un dumping, soit en quantités absolues, soit par rapport à la production ou à la consommation dans l’Union. En ce qui concerne l’effet des importations faisant l’objet d’un dumping sur les prix, on examine s’il y a eu, pour les importations faisant l’objet d’un dumping, une sous-cotation notable du prix par rapport au prix d’un produit similaire de l’industrie de l’Union ou si ces importations ont, d’une autre manière, pour effet de déprimer sensiblement les prix ou d’empêcher dans une mesure notable des hausses de prix qui, sans cela, se seraient produites. Un seul ou plusieurs de ces facteurs ne constituent pas nécessairement une base de jugement déterminante. »
8 L’article 6 du même règlement, intitulé « Enquête », dispose :
« 1. À la suite de l’ouverture de la procédure, la Commission, en coopération avec les États membres, commence l’enquête au niveau de l’Union. Cette enquête porte simultanément sur le dumping et le préjudice.
Aux fins d’une détermination représentative, une période d’enquête est choisie qui, en cas de dumping, couvre normalement une période d’une durée minimale de six mois immédiatement antérieure à l’ouverture de la procédure.
[...]
2. Les destinataires de questionnaires utilisés dans une enquête antidumping disposent d’au moins trente jours pour y répondre. [...]
[...]
8. Sauf dans les circonstances prévues à l’article 18, l’exactitude des renseignements fournis par des parties intéressées et sur lesquels les conclusions sont fondées doit être vérifiée dans la mesure du possible.
[...] »
9 L’article 16 du règlement de base, intitulé « Visites de vérification », prévoit :
« 1. Lorsqu’elle l’estime opportun, la Commission effectue des visites afin d’examiner les livres des importateurs, exportateurs, opérateurs commerciaux, agents, producteurs, associations et organisations professionnelles et de vérifier les renseignements fournis concernant le dumping et le préjudice. En l’absence d’une réponse appropriée en temps utile, la Commission peut choisir de ne pas effectuer de visite de vérification.
[...] »
10 L’article 18 de ce règlement, intitulé « Défaut de coopération » dispose :
« 1. Lorsqu’une partie intéressée refuse l’accès aux informations nécessaires ou ne les fournit pas dans les délais prévus par le présent règlement, ou fait obstacle de façon significative à l’enquête, des conclusions préliminaires ou finales, positives ou négatives, peuvent être établies sur la base des données disponibles.
S’il est constaté qu’une partie intéressée a fourni un renseignement faux ou trompeur, ce renseignement n’est pas pris en considération et il peut être fait usage des données disponibles.
Les parties intéressées sont informées des conséquences d’un défaut de coopération.
[...]
3. Lorsque les informations présentées par une partie intéressée ne sont pas les meilleures à tous égards, elles ne doivent pas pour autant être ignorées, à condition que les insuffisances éventuelles ne rendent pas excessivement difficile l’établissement de conclusions raisonnablement correctes, que les informations soient fournies en temps utile, qu’elles soient contrôlables et que la partie ait agi au mieux de ses possibilités.
[...] »
Les antécédents du litige
11 Les antécédents du litige exposés aux points 1 à 22 de l’arrêt attaqué peuvent être résumés comme suit.
12 Hansol est une société établie en Corée du Sud qui produit et exporte des papiers thermosensibles légers, notamment vers l’Union européenne.
13 À la suite d’une plainte déposée par l’ETPA, une organisation sans but lucratif qui représente les intérêts des producteurs européens de papiers thermosensibles légers, la Commission a ouvert, le 18 février 2016, une enquête antidumping concernant l’importation de papiers thermosensibles légers d’un poids de 65 g/m2 ou moins, présentés en rouleaux d’une largeur de 20 cm ou plus, d’un poids (papier compris) de 50 kg ou plus et d’un diamètre (papier compris) de 40 cm ou plus (ci-après les « rouleaux jumbo »), avec ou sans couche de base sur une face ou sur les deux, enduits d’une substance thermosensible (mélange de colorant et de révélateur qui réagissent et forment une image lorsqu’ils sont soumis à la chaleur) sur une face ou sur les deux et avec ou sans couche de protection, originaires de Corée du Sud et relevant de quatre codes NC distincts (ci-après le « produit considéré »).
14 Pendant la période d’enquête allant du 1er janvier 2015 au 31 décembre 2015, Hansol a vendu le produit considéré dans l’Union à des clients indépendants, ainsi qu’à un négociant lié, Hansol Europe BV, et à quatre transformateurs liés, à savoir Schades Ltd, Schades Nordic A/S, Heipa technische Papiere GmbH (ci-après « Heipa ») et R+S Group GmbH (ci-après « R+S »). Ces transformateurs liés avaient notamment pour activité de transformer le produit considéré en petits rouleaux, vendus dans l’Union à des clients indépendants ou liés.
15 Un autre producteur-exportateur sud-coréen, Hansol Artone Co. Ltd (ci-après « Artone »), qui était lié à Hansol, a coopéré à l’enquête antidumping.
16 Le 19 février 2016, après avoir reçu le questionnaire antidumping destiné aux producteurs-exportateurs du produit considéré, Hansol a demandé que Schades Nordic, Heipa et R+S soient exemptées de l’obligation de remplir ce questionnaire, compte tenu de l’absence ou du nombre limité de ventes du produit considéré par ces sociétés à des clients indépendants dans l’Union.
17 Le 23 février 2016, la Commission a accepté cette demande, tout en se réservant le droit de procéder à d’autres demandes de renseignements ou d’information.
18 Le 7 mars 2016, après avoir examiné certaines informations fournies par Hansol, la Commission a décidé que Schades Nordic, Heipa et R+S devraient répondre à certaines parties du questionnaire antidumping.
19 Le 21 mars 2016, à la suite d’une visite dans les locaux de Schades, la Commission a indiqué à Hansol que les demandes d’information du 7 mars 2016 étaient désormais limitées à Schades.
20 Le 15 avril 2016, la Commission a accusé réception des réponses aux questionnaires antidumping de Hansol, d’Artone, de Hansol Europe ainsi que de Schades. Entre le 15 juin et le 26 août 2016, la Commission a effectué des visites de vérifications dans les locaux de ces sociétés.
21 Le 16 novembre 2016, la Commission a adopté le règlement d’exécution (UE) 2016/2005, instituant un droit antidumping provisoire sur les importations de certains papiers thermosensibles légers originaires de la République de Corée (JO 2016, L 310, p. 1).
22 Entre le 17 novembre 2016 et le 23 mars 2017, Hansol a présenté ses observations sur des documents d’information reprenant les conclusions provisoires et définitives de la Commission.
23 Le 2 mai 2017, la Commission a adopté le règlement litigieux qui impose un droit antidumping définitif sur les importations du produit considéré sous la forme d’un montant fixe de 104,46 euros par tonne, net.
La procédure devant le Tribunal et l’arrêt attaqué
24 Par requête déposée au greffe du Tribunal le 20 juin 2017, Hansol a introduit un recours tendant à l’annulation du règlement litigieux.
25 À l’appui de son recours, Hansol a invoqué cinq moyens. Seuls le premier grief de la seconde branche du premier moyen, la première branche du deuxième moyen, le quatrième moyen ainsi que les deuxième et troisième branches du cinquième moyen sont pertinents pour l’appréciation des moyens avancés dans le pourvoi et le pourvoi incident.
26 Par ordonnance du 27 novembre 2017, le président de la septième chambre du Tribunal a admis l’ETPA à intervenir au soutien des conclusions de la Commission.
27 Par l’arrêt attaqué, le Tribunal a annulé le règlement litigieux. Dans le cadre de la seconde branche du premier moyen, tirée d’une violation de l’article 2, paragraphe 11, du règlement de base, Hansol contestait le calcul de la marge de dumping du produit considéré. Elle soutenait, en substance, que la Commission avait commis une erreur manifeste d’appréciation lors de la pondération des ventes dans l’Union à des clients indépendants par rapport aux ventes aux transformateurs liés, respectivement évaluée entre 15 et 25 % du total des ventes pour les premières, et entre 75 et 85 % de ce total pour les secondes. La Commission aurait omis de prendre en compte les quantités vendues par Schades Nordic à des clients indépendants.
28 Pour les motifs exposés aux points 84 à 87 et 92 de l’arrêt attaqué, le Tribunal a constaté l’erreur de pondération alléguée. Les calculs effectués par la Commission ne reflétant pas l’ampleur réelle du dumping pratiqué par Hansol, le Tribunal a estimé que la Commission avait violé l’article 2, paragraphe 11, du règlement de base.
29 Dans le cadre de la première branche du deuxième moyen, Hansol soutenait que, en raison de cette erreur de pondération, le droit antidumping définitif de 104,46 euros par tonne, net, imposé par la Commission dans le règlement litigieux reflétait un niveau de dumping supérieur à celui constaté pendant l’enquête. Aux points 100 à 106 de l’arrêt attaqué, le Tribunal a accueilli cette branche au motif que le droit définitif avait été déterminé sur le fondement de l’erreur de pondération précédemment constatée.
30 Le quatrième moyen était tiré d’une violation de l’article 2, paragraphe 1, du règlement de base. Hansol faisait valoir que la Commission avait construit de manière erronée la valeur normale prévue à l’article 2, paragraphe 3, de ce règlement. Aux points 152 à 158 de l’arrêt attaqué, le Tribunal a fait droit à ce moyen. Le Tribunal a constaté, en substance, que, malgré le fait qu’Artone ne vendait pas deux types de produits sur son marché intérieur et que la Commission avait confirmé que pour un de ces types de produits les ventes intérieures de Hansol étaient représentatives, la Commission avait décidé, pour ces deux types de produits, de construire la valeur normale en application de l’article 2, paragraphe 3, du règlement de base. Le Tribunal a estimé qu’une telle détermination de la valeur normale d’Artone était contraire à l’article 2, paragraphe 1, du règlement de base qui prévoit que, lorsque l’exportateur ne vend pas le produit similaire, la valeur normale est établie sur la base des prix d’autres vendeurs ou producteurs, et non construite sur la base des coûts de production de la société concernée. Il a rejeté les arguments de la Commission basés sur les circonstances selon lesquelles les structures des coûts ou les prix de vente étaient sensiblement différents entre Hansol et Artone au motif qu’ils ne font pas partie des dérogations à la méthode de fixation de la valeur normale en fonction de prix réels. Il a dès lors conclu que la Commission avait violé l’article 2, paragraphe 1, du règlement de base lors de sa détermination de la valeur normale d’Artone.
31 Par la deuxième branche du cinquième moyen, tirée d’une violation de l’article 3, paragraphes 1 à 3 et 5 à 8, du règlement de base, de la jurisprudence des juridictions de l’Union, des décisions de l’OMC, de la pratique décisionnelle antérieure de la Commission et des principes de la comparaison équitable et de l’égalité de traitement, Hansol contestait la détermination de la marge de préjudice. Hansol faisait notamment grief à la Commission d’avoir évalué le préjudice en appliquant par analogie l’article 2, paragraphe 9, du règlement de base et en construisant artificiellement le prix à l’exportation pour les rouleaux jumbo au lieu de se fonder sur les prix finaux de ces rouleaux réellement pratiqués lors des ventes à des clients indépendants.
32 Aux points 197 à 205 de l’arrêt attaqué, le Tribunal a constaté l’existence d’une erreur affectant le calcul de la marge de préjudice et a accueilli la deuxième branche du cinquième moyen. Il a considéré, en substance, que la Commission avait commis une erreur en appréciant l’existence d’un préjudice en construisant le prix à l’exportation des reventes de Schades du produit considéré à des clients indépendants en déduisant notamment les frais de vente, les dépenses administratives et d’autres frais généraux (ci-après les « frais VGA ») et une marge bénéficiaire, pour arriver à ce prix coût, assurance et fret (ci-après le « prix CAF ») hypothétique frontière de l’Union au lieu d’utiliser les prix de vente réellement facturés à la suite de ces reventes et de déduire uniquement les frais encourus pour la vente. Il a estimé que, s’agissant des reventes par Schades du produit considéré à des clients indépendants, celles-ci concernaient non pas la vente de petits rouleaux, mais le produit considéré lui-même. Il en a déduit que c’était ce produit qui entrait en concurrence avec le produit similaire de l’industrie de l’Union et qui causait un préjudice à cette industrie de telle sorte que le « point de référence » à prendre en compte pour le calcul du préjudice se situait non pas au niveau de la frontière de l’Union, mais au niveau des clients indépendants de Schades.
33 Enfin, dans le cadre de la troisième branche du cinquième moyen tirée d’une violation de l’article 3, paragraphes 2, 3 et 6 du règlement de base, Hansol considérait que les erreurs alléguées dans la deuxième branche de ce moyen et dans la seconde branche du premier moyen faussaient également le calcul des marges de sous-cotation des prix et des prix indicatifs.
34 Aux points 208 à 213 de l’arrêt attaqué, le Tribunal a considéré que l’erreur de pondération affectait également le calcul de la sous-cotation des prix puisque la Commission avait utilisé cette même pondération pour ce dernier calcul. Le Tribunal, ne pouvant exclure que cette erreur, couplée à celle commise lors du calcul de la marge de préjudice, affecte également l’analyse de la sous-cotation des prix et l’examen de l’incidence des importations faisant l’objet d’un dumping sur les produits similaires de l’industrie de l’Union, a décidé d’accueillir la troisième branche du cinquième moyen.
Les conclusions des parties devant la Cour
35 Par son pourvoi, la Commission demande à la Cour :
– d’annuler l’arrêt attaqué, de rejeter le recours en première instance et de condamner Hansol aux dépens, et,
– à titre subsidiaire, de renvoyer l’affaire au Tribunal et de réserver les dépens afférents tant à la procédure en première instance que à celle de pourvoi.
36 L’ETPA conclut dans le même sens que la Commission.
37 Hansol demande à la Cour :
– de rejeter le pourvoi ;
– de condamner la Commission aux dépens afférents à la procédure de pourvoi, et
– de condamner l’ETPA aux dépens afférents à la procédure de pourvoi.
38 Par son pourvoi incident, l’ETPA demande à la Cour :
– d’annuler l’arrêt attaqué, de rejeter le recours en première instance et de condamner Hansol aux dépens ;
– à titre subsidiaire, de renvoyer l’affaire au Tribunal et de réserver les dépens afférents à la procédure en première instance et à celle de pourvoi.
39 Hansol demande à la Cour :
– de rejeter le pourvoi incident et
– de condamner l’ETPA aux dépens.
Sur le pourvoi principal
40 À l’appui de son pourvoi, la Commission, soutenue par l’ETPA, soulève trois moyens. Le premier moyen est tiré d’une dénaturation des éléments de preuve et d’une interprétation erronée du cadre juridique applicable aux données sur lesquelles la Commission pouvait se fonder pour construire le prix à l’exportation. Le deuxième moyen est tiré d’une interprétation erronée de l’article 2, paragraphes 1 et 3, du règlement de base pour la détermination de la valeur normale en cas d’absence de ventes sur le marché intérieur. Le troisième moyen est tiré d’une interprétation erronée de l’article 3 du règlement de base lors de la détermination de la marge de sous-cotation en cas d’exportation vers l’Union par l’intermédiaire d’entités liées.
Sur le premier moyen
Argumentation des parties
41 La Commission allègue que, aux points 84 à 87, 92 et 100 à 106 de l’arrêt attaqué, le Tribunal a erronément apprécié les éléments de preuve nécessaires pour construire le prix à l’exportation conformément à l’article 2, paragraphe 9, du règlement de base.
42 À titre principal, la Commission estime que le Tribunal a dénaturé les éléments de preuve en considérant, aux points 85 et 86 de l’arrêt attaqué, qu’il découlait des éléments produits pendant la procédure administrative qu’au moins un autre transformateur lié, à savoir Schades Nordic, avait revendu un certain volume du produit considéré acheté auprès de Hansol. En effet, selon la Commission, Schades Nordic n’avait ni répondu à un questionnaire antidumping ni fait l’objet d’une visite de vérification au cours de cette procédure de telle sorte qu’il ne pouvait être considéré que des éléments de preuve concernant les ventes de cette dernière avaient été produits au cours de ladite procédure.
43 À titre subsidiaire, la Commission allègue que le Tribunal a fait une interprétation erronée des règles applicables en matière de preuve. En outre, le Tribunal aurait illégalement substitué son appréciation à celle de la Commission.
44 En premier lieu, la Commission estime que, en jugeant qu’elle aurait dû prendre en compte les données de Schades Nordic, le Tribunal lui a imposé de prendre en considération des données qui ne provenaient pas de la procédure de collecte et de vérification organisée conformément au règlement de base. Afin de parvenir à des déterminations objectives et précises, elle estime être tenue de recueillir, dans un certain délai, les données des sociétés soumises à l’enquête au moyen des réponses aux questionnaires antidumping dont la véracité est ensuite vérifiée. Le règlement de base et le droit de l’OMC s’opposeraient à ce qu’elle soit tenue de prendre en compte des données qui n’ont été ni fournies par une partie intéressée en réponse à un questionnaire antidumping ni vérifiées. Ces considérations s’appliqueraient, à plus forte raison, en l’espèce, car les données de Schades Nordic ayant été portées à la connaissance de la Commission dans le cadre d’une demande de non-divulgation, elles n’ont pas fait partie du dossier d’enquête accessible aux autres parties intéressées.
45 En second lieu, la Commission considère que le raisonnement du Tribunal est contradictoire. Le Tribunal aurait considéré que les ventes de Schades étaient représentatives des ventes à l’ensemble des transformateurs liés, et estimé que la Commission devait tenir compte des données individuelles des transformateurs liés. L’arrêt attaqué ne contenant aucune constatation invalidant l’appréciation de la Commission selon laquelle les données de Schades étaient représentatives des ventes aux trois autres transformateurs liés aux fins de la construction du prix à l’exportation en vertu de l’article 2, paragraphe 9, du règlement de base, le Tribunal aurait commis une erreur de droit en obligeant la Commission à se fonder sur des données qui, faute d’avoir été fournies par Schades Nordic, n’étaient pas vérifiées.
46 Hansol considère que le premier moyen doit être rejeté comme étant manifestement irrecevable ou, à titre subsidiaire, comme étant manifestement non fondé.
Appréciation de la Cour
47 S’agissant du grief par lequel la Commission allègue que le Tribunal s’est fondé sur une interprétation erronée des règles applicables en matière de preuve, il importe de rappeler que, en application du règlement de base, c’est à la Commission qu’il incombe, en tant qu’autorité investigatrice, d’établir l’existence d’un dumping, d’un préjudice et d’un lien de causalité entre les importations faisant l’objet d’un dumping et le préjudice. L’établissement de ces éléments doit se faire de façon objective à la suite d’une enquête fiable. Toutefois, aucune disposition de ce règlement ne confère à la Commission le pouvoir de contraindre les parties intéressées à participer à l’enquête ou à produire des renseignements [voir, en ce sens, arrêt du 14 décembre 2017, EBMA/Giant (China), C 61/16 P, EU:C:2017:968, point 54].
48 Ainsi qu’il ressort d’une lecture combinée des articles 6, 16 et 18 du règlement de base, lorsque la Commission enquête sur l’existence d’un dumping et d’un préjudice, celle-ci doit prioritairement tendre à obtenir des renseignements pertinents sur la base d’une coopération volontaire des parties intéressées. À cette fin, elle transmet, en vertu de l’article 6, paragraphe 2, de ce règlement, des questionnaires antidumping à ces parties. Les réponses à ces questionnaires constituent une source de renseignements importante pour la Commission. Conformément à l’article 6, paragraphe 8, dudit règlement, elle vérifie, dans la mesure du possible, les renseignements ainsi obtenus avant de fonder ses conclusions sur ceux-ci. Pour s’acquitter de cette obligation, la Commission dispose de la possibilité de procéder à des visites de vérification en application de l’article 16 du même règlement.
49 Il s’ensuit que, en cas de coopération volontaire des parties intéressées, les questionnaires antidumping constituent l’instrument privilégié de la Commission pour mener ses enquêtes antidumping. Ce n’est que lorsqu’une partie intéressée ne coopère pas à l’enquête antidumping en refusant l’accès aux informations nécessaires ou en ne les fournissant pas dans les délais prévus ou en faisant obstacle de façon significative à l’enquête que, en application de l’article 18 du règlement de base, la Commission peut établir ses conclusions sur la base des données disponibles.
50 Il ne ressort toutefois pas du libellé des dispositions du règlement de base que, lorsqu’une partie intéressée coopère à l’enquête et fournit des renseignements en dehors d’une réponse à un questionnaire antidumping, la Commission serait tenue d’ignorer ces renseignements. Une telle interprétation de ces dispositions serait en outre contraire tant à l’obligation de la Commission d’examiner avec toute la diligence requise toutes les informations dont elle dispose (voir, en ce sens, arrêt du 22 mars 2012, GLS, C 338/10, EU:C:2012:158, points 32 et 36) qu’à l’objectif du règlement de base d’établir l’existence d’un dumping et d’un préjudice d’une manière objective pour instituer des droits antidumping adaptés.
51 Partant, au cours d’une procédure antidumping, la Commission ne peut exclure des renseignements fournis par une partie intéressée qui coopère à celle-ci au seul motif qu’ils ont été transmis en dehors d’une réponse à un questionnaire antidumping.
52 En l’espèce, il découle des constatations factuelles opérées par le Tribunal au point 85 de l’arrêt attaqué que Hansol a coopéré à l’enquête et a fourni à la Commission des renseignements concernant la revente du produit considéré par Schades Nordic.
53 Au vu des considérations énoncées aux points 50 et 51 du présent arrêt, le fait que les renseignements concernant la revente du produit considéré par Schades Nordic ont été fournis par Hansol en dehors d’un questionnaire antidumping ne pouvait dispenser la Commission d’en apprécier la pertinence et de les vérifier.
54 De même, le fait d’exempter certaines parties intéressées de l’obligation de répondre au questionnaire antidumping ne dispense pas la Commission d’apprécier et de vérifier les renseignements reçus hors du cadre des réponses à ce questionnaire, car l’octroi de ces exemptions ne décharge pas la Commission de sa responsabilité de mener son enquête avec diligence.
55 Contrairement à ce que soutient la Commission, cette interprétation n’est pas de nature à compromettre l’impartialité de l’enquête, au motif que les renseignements concernés n’ont pas été transmis à toutes les autres parties intéressées afin de garantir leurs droits procéduraux. En effet, la Commission ne peut justifier son manque de diligence dans la prise en compte de renseignements pertinents en invoquant le risque d’une violation des droits procéduraux des autres parties intéressées qu’elle était tenue de garantir au cours de la procédure menant à l’adoption du règlement litigieux.
56 Enfin, s’agissant des griefs selon lesquels le Tribunal a dénaturé les éléments de preuve et a illégalement substitué sa propre appréciation à celle de la Commission, en considérant que les renseignements concernant les reventes par Schades Nordic étaient des éléments preuve pertinents alors qu’elle ne les a pas vérifiés, il importe d’observer ce qui suit.
57 Le contrôle de légalité instauré à l’article 263 TFUE implique que le Tribunal exerce un contrôle, tant de droit que de fait, des arguments invoqués par une partie requérante à l’encontre de l’acte attaqué et qu’il ait le pouvoir d’apprécier les preuves et d’annuler ledit acte (voir, en ce sens, arrêt du 10 juillet 2014, Telefónica et Telefónica de España/Commission, C 295/12 P, EU:C:2014:2062, point 53).
58 Dans le domaine de la politique commerciale commune, et tout particulièrement en matière de mesures de défense commerciale, il ressort d’une jurisprudence constante de la Cour que les institutions de l’Union disposent d’un large pouvoir d’appréciation en raison de la complexité des situations économiques et politiques qu’elles doivent examiner de telle sorte que le contrôle juridictionnel de ce large pouvoir d’appréciation doit être limité à la vérification du respect des règles de procédure, de l’exactitude matérielle des faits retenus, de l’absence d’erreur manifeste d’appréciation de ces faits ou de l’absence de détournement de pouvoir (voir, en ce sens, arrêt du 20 janvier 2022, Commission/Hubei Xinyegang Special Tube, C 891/19 P, EU:C:2022:38, points 35 et 36 ainsi que jurisprudence citée).
59 En outre, il ressort également d’une jurisprudence constante de la Cour que le contrôle par le Tribunal des éléments de preuve sur lesquels les institutions de l’Union fondent leurs constatations ne constitue pas une nouvelle appréciation des faits remplaçant celle de ces institutions. Ce contrôle n’empiète pas sur le large pouvoir d’appréciation desdites institutions dans le domaine de la politique commerciale, mais se limite à relever si ces éléments sont de nature à étayer les conclusions tirées par celles-ci. Il appartient, dès lors, au Tribunal non seulement de vérifier l’exactitude matérielle des éléments de preuve invoqués, leur fiabilité et leur cohérence, mais également de contrôler si ces éléments constituent l’ensemble des données pertinentes devant être prises en considération pour apprécier une situation complexe et s’ils sont de nature à fonder les conclusions qui en sont tirées (arrêt du 20 janvier 2022, Commission/Hubei Xinyegang Special Tube, C 891/19 P, EU:C:2022:38, point 37 ainsi que jurisprudence citée).
60 Au point 84 de l’arrêt attaqué, le Tribunal a relevé que la pondération retenue par la Commission, qui repose sur une comparaison par rapport aux ventes totales du produit considéré vers l’Union entre, d’une part, les ventes directes et indirectes à des clients indépendants et, d’autre part, les ventes aux transformateurs liés pour transformation en petits rouleaux, a eu une incidence sur le calcul de la marge du dumping pratiqué par Hansol dans la mesure où le niveau de dumping pour les ventes directes et indirectes du produit considéré était sensiblement moindre que celui pratiqué pour les ventes aux transformateurs liés en vue de la transformation du produit considéré en petits rouleaux. Ensuite, le Tribunal a, en substance, estimé, aux points 85 à 86 de l’arrêt attaqué, que, bien que la Commission disposât de données relatives aux volumes de produits considérés que Schades Nordic avait acquis auprès de Hansol et revendus à des clients indépendants, elle a néanmoins considéré que ces ventes, à l’instar de celles à Heipa et R+S, avaient intégralement été réalisées en vue de la transformation du produit considéré en petits rouleaux. Enfin, le Tribunal a déduit de l’absence de prise en compte par la Commission des données de Schades Nordic que cette institution avait, lors du calcul de la marge de dumping sur la base des données de Schades, attribué une trop grande pondération aux ventes aux transformateurs liés en vue de la transformation en petits rouleaux, augmentant, de ce fait, le dumping réel pratiqué par Hansol. Les calculs de la Commission ne reflétant pas l’ampleur réelle du dumping pratiqué par Hansol, le Tribunal a estimé, au point 87 de l’arrêt attaqué, que la Commission avait enfreint l’article 2, paragraphe 11, du règlement de base.
61 Ce faisant, le Tribunal a exercé le contrôle de légalité qui lui incombe en vertu de l’article 263 TFUE en vérifiant si la Commission avait pris en considération l’ensemble des données pertinentes concernant la revente du produit considéré par les transformateurs liés et si les données ainsi prises en compte permettaient à cette institution d’établir de façon suffisamment fiable l’ampleur du dumping pratiqué par Hansol.
62 Le fait que le Tribunal n’a pas vérifié les données relatives aux ventes par Schades Nordic du produit considéré à des clients indépendants ne signifie pas qu’il a dénaturé des éléments de preuves ou substitué son appréciation à celle de la Commission. En effet, dès lors que ces données avaient été dûment soumises à la Commission au cours de la procédure d’enquête, ainsi qu’il ressort des points 52 à 55 du présent arrêt, et qu’elles étaient a priori pertinentes pour le calcul du dumping, la Commission aurait dû les prendre en compte et les vérifier. Le contrôle exercé par le Tribunal a porté sur les conséquences de l’absence de prise en compte et de vérification de ces données sur la validité des appréciations de la Commission quant au dumping pratiqué. Le fait que, eu égard auxdites données, il était, à tout le moins, possible que la Commission ait attribué une trop grande pondération aux ventes aux transformateurs liés pour la transformation en petits rouleaux augmentant de ce fait le dumping réel pratiqué par Hansol suffisait à remettre en cause la fiabilité et le caractère objectif de l’appréciation par la Commission du dumping pratiqué par Hansol.
63 Dès lors, le Tribunal a pu, au point 87 de l’arrêt attaqué, estimer que les calculs de la Commission ne reflétaient pas l’ampleur réelle du dumping pratiqué par Hansol. C’est donc sans commettre d’erreur de droit que le Tribunal a considéré pour ce motif, aux points 87 et 105 de l’arrêt attaqué, que la Commission avait enfreint l’article 2, paragraphe 11, et l’article 9, paragraphe 4, second alinéa, du règlement de base. Il pouvait dès lors accueillir, au point 92 de l’arrêt attaqué, le premier grief de la seconde branche du premier moyen invoqué en première instance et, au point 106 de l’arrêt attaqué, la première branche du deuxième moyen en première instance.
64 Contrairement à ce qu’avance la Commission, cette appréciation du Tribunal n’implique pas de contradiction entre la prise en compte des données individuelles de Schades Nordic et le caractère représentatif des données de Schades. En effet, ainsi qu’il ressort des points 85 et 86 de l’arrêt attaqué, la Commission avait décidé d’utiliser les données de Schades pour calculer la marge de dumping sur les ventes de Hansol aux trois autres transformateurs liés. Aux fins de ce calcul, la Commission a considéré que Schades était le seul transformateur lié au groupe Hansol à avoir revendu le produit considéré à des clients indépendants. Les données de Schades Nordic indiquaient pourtant que cette dernière avait également revendu un certain volume du produit considéré à des clients indépendants. Compte tenu du fait que la Commission savait que Schades avait revendu certaines quantités du produit considéré à des clients indépendants sans transformation, le Tribunal a estimé qu’elle aurait dû refléter cette situation au niveau des ventes des produits considérés aux autres transformateurs liés. Un tel raisonnement est exempt de contradiction. En effet, le caractère représentatif des données de Schades n’exclut nullement que le calcul fondé sur ces données soit entaché d’erreurs compte tenu de l’absence de prise en compte de toutes les données pertinentes à cet égard.
65 Partant, pour l’ensemble des considérations qui précèdent, le premier moyen du pourvoi doit être rejeté dans son intégralité.
Sur le deuxième moyen
Argumentation des parties
66 La Commission, soutenue par l’ETPA, estime que, aux points 152 à 158 de l’arrêt attaqué, le Tribunal a commis une erreur de droit en procédant à une interprétation qui différencie de façon absolue la situation visée à l’article 2, paragraphe 1, deuxième alinéa, du règlement de base dans laquelle un exportateur ne vend pas le produit faisant l’objet de l’enquête sur son marché intérieur et celle, visée à l’article 2, paragraphe 3, premier alinéa, de ce même règlement, dans laquelle aucune vente du produit n’a lieu au cours d’opérations commerciales normales ou dans laquelle les ventes sont insuffisantes. Le Tribunal aurait dès lors considéré à tort que la Commission a violé l’article 2, paragraphe 1, du règlement de base lors du calcul de la valeur normale d’Artone.
67 Cette interprétation serait contraire au libellé de l’article 2, paragraphe 1, deuxième alinéa, du règlement de base qui, dans différentes versions linguistiques, prévoit que la valeur normale « peut » être établie selon la méthode décrite audit alinéa. Cette disposition prévoirait non pas une obligation, mais une faculté. Une telle interprétation serait, selon l’ETPA, confirmée par la genèse de cette disposition.
68 L’interprétation de l’article 2 du règlement de base retenue par le Tribunal ne serait pas conforme à l’article 2.2 de l’accord antidumping, lequel prévoit que l’absence de ventes sur le marché intérieur ne peut conduire qu’à deux méthodes permettant d’établir la valeur normale, soit la construction sur la base du coût de production, suivie par la Commission en l’espèce, soit l’utilisation d’un prix à l’exportation représentatif vers un pays tiers approprié.
69 L’interprétation du Tribunal s’oppose, selon la Commission, à la nature individuelle du droit antidumping telle qu’elle ressort notamment de l’article 9, paragraphe 5, deuxième alinéa, du règlement de base, qui vise à inciter, lors de l’établissement de la valeur normale, à privilégier les données propres à l’exportateur plutôt que celles des autres producteurs.
70 La Commission estime que l’interprétation retenue par le Tribunal restreint la protection des droits procéduraux de la société soumise à l’enquête. Cette entreprise serait placée dans une situation défavorable lorsque l’autorité chargée de l’enquête utilise les données d’un autre producteur-exportateur pour le calcul de la valeur normale. Dans une telle situation, cette entreprise n’aurait accès qu’à la version non confidentielle des données fournies par son concurrent.
71 L’interprétation retenue par le Tribunal revient, d’après la Commission, à artificiellement séparer la situation dans laquelle aucune vente n’a eu lieu et celle dans laquelle aucune vente au cours d’opérations commerciales normales n’a eu lieu. Cependant, ces situations se recouperaient partiellement. L’ETPA souligne qu’il n’existerait pas de distinction juridique entre une situation caractérisée par l’absence de ventes et celle dans laquelle les ventes sont insuffisantes dans le pays exportateur.
72 La Commission estime que l’arrêt du 1er octobre 2014, Conseil/Alumina (C 393/13 P, EU:C:2014:2245), auquel le Tribunal s’est référé au point 152 de l’arrêt attaqué, est sans pertinence pour le cas d’espèce, car cet arrêt porte uniquement sur la définition de la notion de « ventes au cours d’opérations commerciales normales », au sens de l’article 2, paragraphe 3, du règlement de base.
73 L’ETPA considère que l’article 2, paragraphe 1, du règlement de base vise, à son premier alinéa, une situation différente de celle visée à son deuxième alinéa. Dès lors, l’interprétation du premier alinéa de cette disposition résultant de l’arrêt du 1er octobre 2014, Conseil/Alumina (C 393/13 P, EU:C:2014:2245), ne pourrait être appliquée au deuxième alinéa de cette même disposition. L’ETPA ajoute que, contrairement à ce qu’indique le Tribunal au point 157 de l’arrêt attaqué, les différences entre Hansol et Artone quant à la structure des coûts et aux prix de ventes ne sont pas la raison pour laquelle la Commission n’a pas déterminé la valeur normale d’Artone sur la base des prix de cette dernière. Conformément à l’article 2, paragraphe 2, du règlement de base, la Commission aurait établi que les volumes des ventes de deux des produits d’Artone n’étaient pas représentatifs et, de ce fait, elle se serait tournée vers la méthode prescrite à l’article 2, paragraphe 3, de ce règlement. La Commission aurait justifié sa décision d’utiliser le coût de production au lieu des prix d’autres vendeurs ou producteurs en raison des différences, entre Artone et Hansol, dans les structures de coûts et les prix des ventes pratiqués.
74 Hansol considère qu’il existe un ordre hiérarchique entre les méthodes de détermination de la valeur normale visées à l’article 2 du règlement de base. Il ressortirait de la subdivision de l’article 2, paragraphe 1, du règlement de base en plusieurs alinéas que la valeur normale doit être principalement fondée sur les prix intérieurs. La circonstance que, en vertu de la structure de ces subdivisions, la préférence doit être accordée aux prix intérieurs du producteur-exportateur plutôt qu’aux prix intérieurs d’autres vendeurs ou producteurs pour déterminer la valeur normale ne signifierait cependant pas qu’il faille privilégier une valeur normale construite par rapport à une valeur normale basée sur les prix intérieurs. Une telle interprétation serait contraire à l’appréciation de la Cour dans l’arrêt du 1er octobre 2014, Conseil/Alumina (C 393/13 P, EU:C:2014:2245, point 20), selon laquelle la détermination de la valeur normale sur la base des prix constitue la règle tandis que la construction de la valeur normale est l’exception.
75 Hansol estime par ailleurs que le raisonnement de la Commission est contraire à sa pratique antérieure et que ni l’accord antidumping, qui ne contient pas de disposition similaire à l’article 2, paragraphe 1, deuxième alinéa, du règlement de base, ni la protection des droits procéduraux des parties intéressées ne s’opposent à l’interprétation de l’article 2, paragraphes 1 et 3, du règlement de base retenue par le Tribunal.
Appréciation de la Cour
76 La détermination de la valeur normale d’un produit constitue l’une des étapes essentielles devant permettre d’établir l’existence d’un dumping éventuel (arrêts du 22 mars 2012, GLS, C 338/10, EU:C:2012:158, point 19, et du 1er octobre 2014, Conseil/Alumina, C 393/13 P, EU:C:2014:2245, point 20).
77 Afin de déterminer cette valeur normale, l’article 2, paragraphe 1, premier alinéa, du règlement de base prévoit qu’elle est normalement basée sur les prix payés ou à payer, au cours d’opérations commerciales normales, par des acheteurs indépendants dans le pays exportateur. Le deuxième alinéa de cette disposition précise que, lorsque l’exportateur dans le pays exportateur ne produit pas ou ne vend pas le produit similaire, la valeur normale est établie sur la base des prix d’autres vendeurs ou producteurs.
78 L’article 2, paragraphe 1, du règlement de base énonce ainsi le principe général selon lequel la valeur normale est en principe basée sur les prix payés ou à payer, au cours d’opérations commerciales normales, par des acheteurs indépendants dans les pays exportateurs (arrêt du 22 mars 2012, GLS, C 338/10, EU:C:2012:158, point 19).
79 Ce principe général s’applique en priorité lors de la détermination de la valeur normale. En effet, comme le Tribunal l’a rappelé au point 148 de l’arrêt attaqué, la Cour a déjà jugé qu’il ressortait tant du libellé que de l’économie de l’article 2, paragraphe 1, premier alinéa, du règlement de base que c’est le prix réellement payé ou à payer au cours d’opérations commerciales normales qu’il faut prendre en considération en principe en priorité pour établir la valeur normale (voir, en ce sens, arrêt du 1er octobre 2014, Conseil/Alumina, C 393/13 P, EU:C:2014:2245, point 20 et jurisprudence citée). L’article 2, paragraphe 1, deuxième alinéa, du règlement de base précisant l’application de ce principe général lorsque les conditions du premier alinéa de cette disposition ne sont pas remplies, il doit également être interprété comme s’appliquant par priorité par rapport aux méthodes de détermination de la valeur normale.
80 En vertu de l’article 2, paragraphe 3, premier alinéa, du règlement de base, il n’est possible de déroger à l’application du principe général énoncé à l’article 2, paragraphe 1, de ce même règlement que dans l’hypothèse où aucune vente du produit similaire n’a lieu au cours d’opérations commerciales normales, lorsque ces ventes sont insuffisantes ou lorsque, du fait de la situation particulière du marché, de telles ventes ne permettent pas une comparaison valable, en calculant la valeur normale soit sur la base du coût de production dans le pays d’origine majoré d’un montant pour les frais et d’une marge bénéficiaire raisonnables, soit sur la base de prix à l’exportation représentatifs (voir, en ce sens, arrêt du 1er octobre 2014, Conseil/Alumina, C 393/13 P, EU:C:2014:2245, point 20 et jurisprudence citée).
81 L’article 2, paragraphe 1, premier et deuxième alinéas, et l’article 2, paragraphe 3, premier alinéa, du règlement de base instaurent donc une hiérarchie entre les méthodes de détermination de la valeur normale qui y sont énoncées. Il s’ensuit que, contrairement à ce qu’allègue la Commission, les situations visées par chacune desdites méthodes ne se recoupent pas.
82 Cette interprétation ne contrevient pas à l’obligation d’interpréter l’article 2, paragraphes 1 et 3, du règlement de base, en conformité avec l’article 2.2 de l’accord antidumping. Certes, la primauté des accords internationaux conclus par l’Union sur des textes de droit dérivé de l’Union commande d’interpréter ces derniers, dans la mesure du possible, en conformité avec ces accords (arrêt du 20 janvier 2022, Commission/Hubei Xinyegang Special Tube, C 891/19 P, EU:C:2022:38, point 31 et jurisprudence citée). Toutefois, ainsi que l’a également relevé M. l’avocat général au point 108 de ses conclusions, l’accord antidumping ne contient pas de disposition similaire à l’article 2, paragraphe 1, du règlement de base, lequel n’a pas trait à la circonstance, visée par l’article 2.2 de l’accord antidumping, d’une absence de ventes.
83 En outre, contrairement à ce qu’allègue la Commission, l’interprétation visée aux points 78 à 81 du présent arrêt ne porte pas atteinte aux droits procéduraux des exportateurs. En effet, si la valeur normale est établie sur la base des prix d’autres exportateurs ou producteurs conformément à l’article 2, paragraphe 1, deuxième alinéa, du règlement de base, ces droits peuvent être garantis par des résumés non confidentiels des données de ces autres exportateurs ou producteurs.
84 Enfin, s’agissant du grief de l’ETPA dirigé contre le point 157 de l’arrêt attaqué, il y a lieu de rappeler, ainsi qu’il ressort des points 79 et 80 du présent arrêt, qu’il n’est possible de déroger à l’application des méthodes de détermination de la valeur normale sur la base du prix des ventes du produit similaire sur le marché intérieur du pays exportateur que dans l’hypothèse où aucune vente du produit similaire n’a lieu au cours d’opérations commerciales normales, lorsque ces ventes sont insuffisantes ou lorsque, du fait de la situation particulière du marché, de telles ventes ne permettent pas une comparaison valable. C’est uniquement dans de tels cas que l’article 2, paragraphe 3, du règlement de base permet soit de construire la valeur normale sur la base du coût de production dans le pays d’origine, soit de déterminer celle-ci sur la base de prix à l’exportation. Le Tribunal n’a dès lors pas commis d’erreur en considérant, au point 157 de l’arrêt attaqué, que les différences entre les structures de coûts et les prix de vente d’Artone et de Hansol ne font pas partie des dérogations à la méthode de fixation de la valeur normale en fonction de prix réels sur le marché intérieur du pays exportateur.
85 Partant, le Tribunal n’a pas commis d’erreur de droit en considérant en substance, aux points 152 à 158 de l’arrêt attaqué, qu’il résulte de l’article 2, paragraphe 1, du règlement de base que, lorsque l’exportateur ne vend pas le produit similaire, la valeur normale est établie sur la base des prix d’autres vendeurs ou producteurs et non sur la base des coûts de production de la société concernée et que la Commission avait violé cet article lors du calcul de la valeur normale pour des types du produit considéré d’Artone.
86 Le deuxième moyen du pourvoi doit donc être rejeté comme étant non fondé.
Sur le troisième moyen
Argumentation des parties
87 La Commission, soutenue par l’ETPA, fait valoir que les motifs exposés aux points 196 à 205 et 208 à 213 de l’arrêt attaqué sont entachés d’une erreur de droit. Le Tribunal a jugé que la Commission, dans le cadre du calcul de la marge de préjudice, était tenue de calculer la marge de sous-cotation afférente aux reventes de rouleaux jumbo par des sociétés liées sur la base des prix de vente convenus entre Schades et ses clients indépendants et non, comme elle l’a fait, en appliquant, par analogie, l’article 2, paragraphe 9, du règlement de base, en ramenant les prix de vente réels à un prix CAF frontière de l’Union. Or, en l’absence de définition et de méthode pour le calcul de la marge de sous-cotation, la Commission considère que ce calcul relevait de son large pouvoir d’appréciation. En outre, son calcul serait justifié compte tenu de l’article 3, paragraphe 3, du règlement de base qui prévoit que l’existence d’une sous-cotation notable des prix doit être examinée au niveau des « importations faisant l’objet d’un dumping » et non au niveau de leur prix de revente ultérieur sur le marché de l’Union. L’évaluation du Tribunal procéderait à tort d’une évaluation au titre du droit de la concurrence au lieu de celle du droit de la politique commerciale et construirait erronément et de façon discriminatoire un prix à l’exportation distinct pour le calcul du montant du dumping de celui pris en compte pour l’établissement du préjudice.
88 Hansol estime que le Tribunal n’a pas commis d’erreur en jugeant que la Commission a utilisé une méthode erronée pour le calcul de la marge de sous-cotation dans le règlement litigieux.
89 Premièrement, Hansol considère que l’application par analogie de l’article 2, paragraphe 9, du règlement de base viole manifestement l’article 3, paragraphe 1, de ce règlement, ces dispositions ayant des objets différents.
90 Deuxièmement, Hansol soutient qu’il résulte de la pratique de l’OMC et de la Commission que l’examen de l’existence d’une sous-cotation notable des prix exige de comparer les prix non pas au niveau des « importations faisant l’objet d’un dumping », mais au même niveau commercial, lequel est défini en fonction du type de clients. Appliquer l’article 2, paragraphe 9, du règlement de base pour le calcul de la marge de sous-cotation équivaudrait, en l’espèce, à comparer des prix qui ne sont pas comparables, car ils ne comporteraient pas les mêmes composantes de prix. L’application de cette disposition du règlement de base mènerait à effectuer des ajustements à un niveau plus en amont de la chaîne de distribution que les ventes de l’Union.
91 Troisièmement, Hansol considère que les méthodes de calcul du dumping ne sont pas comparables à celles pour le calcul du préjudice, ce que la Commission aurait admis dans sa pratique antérieure. De plus, cette pratique et les arrêts du 30 novembre 2011, Transnational Company « Kazchrome » et ENRC Marketing/Conseil et Commission (T 107/08, EU:T:2011:704, point 63), ainsi que du 10 avril 2019, Jindal Saw et Jindal Saw Italia/Commission (T 301/16, EU:T:2019:234, point 187), contrediraient l’argument selon lequel c’est au niveau de la frontière de l’Union que les effets sur les prix causés par les importations faisant l’objet d’un dumping devraient être évalués. D’après Hansol, les prix doivent être comparés non pas au niveau de la frontière de l’Union, mais au niveau de la vente au premier client indépendant, puisque c’est à ce niveau que se déroule la concurrence dans l’Union.
92 Quatrièmement, Hansol allègue que les ventes effectuées dans l’Union par l’intermédiaire d’entités liées et celles effectuées directement à des clients indépendants relèvent de deux situations différentes que la Commission a traitées de manière identique en violation du principe de l’égalité de traitement.
93 Hansol estime que les griefs de la Commission dirigés contre le point 204 de l’arrêt attaqué sont irrecevables, car ils visent des éléments factuels.
Appréciation de la Cour
94 Conformément à l’article 1er, paragraphe 1, du règlement de base, pour pouvoir soumettre un produit faisant l’objet d’un dumping à un droit antidumping, il importe que sa mise en libre pratique dans l’Union cause un préjudice.
95 Aux fins de déterminer ce préjudice, l’article 3, paragraphe 2, de ce règlement prévoit qu’il convient de procéder à un examen objectif du volume des importations faisant l’objet d’un dumping et de leur effet sur les prix des produits similaires sur le marché de l’Union ainsi que de leur incidence sur l’industrie de l’Union. S’agissant de l’effet des importations sur les prix, l’article 3, paragraphe 3, dudit règlement précise qu’il sera examiné s’il y a, pour ces importations, une sous-cotation notable du prix par rapport au prix d’un produit similaire de l’industrie de l’Union.
96 Il importe d’observer que, aux points 196 à 205 de l’arrêt attaqué, le Tribunal a estimé que la Commission avait commis une erreur manifeste d’appréciation en déterminant le préjudice causé en cas de revente du produit considéré par un transformateur lié non pas sur la base du prix du produit considéré lors de sa revente par Schades à ses premiers clients indépendants sur le marché de l’Union, mais sur la base d’un prix CAF frontière de l’Union construit, comme cela a été fait pour le calcul du préjudice causé par la vente par Schades du produit considéré transformé en petits rouleaux sur le même marché.
97 Le Tribunal, au point 199 de l’arrêt attaqué, a déduit de l’arrêt du 30 novembre 2011, Transnational Company « Kazchrome » et ENRC Marketing/Conseil et Commission (T 107/08, EU:T:2011:704), que, dans le cadre de la détermination du préjudice et du point de référence par rapport auquel il convenait de calculer les prix des produits de Hansol devant être comparés avec les prix de l’industrie de l’Union, c’étaient les prix négociés entre une entreprise et ses clients et non les prix à un stade intermédiaire qui ont pu déterminer la décision de ces clients d’acquérir le produit de cette entreprise et non celui de l’industrie de l’Union. Or, en cas de revente, le Tribunal a estimé que c’était le produit considéré lui-même qui entrait en concurrence avec le produit similaire de l’industrie de l’Union et qui causait un préjudice à cette industrie. Le Tribunal en a déduit, au point 201 de l’arrêt attaqué, que, s’agissant des reventes du produit considéré par Schades, le « point de référence » ne se situait pas au niveau de la frontière de l’Union, mais au niveau des clients indépendants de ce transformateur lié. Le Tribunal a jugé, au point 203 de l’arrêt attaqué, que la Commission a commis une erreur en prenant en compte dans le cadre de la détermination du préjudice pour ces reventes à des clients indépendants un prix à l’exportation dont étaient déduits les frais VGA et une marge bénéficiaire.
98 Afin d’apprécier si le Tribunal a commis une erreur de droit dans ces appréciations, il y a lieu de rappeler que, ainsi qu’il ressort du point 58 du présent arrêt, en matière de mesures de défense commerciale, les institutions de l’Union disposent d’un large pouvoir d’appréciation de telle sorte que le contrôle juridictionnel d’une telle appréciation doit être limité à la vérification du respect des règles de procédure, de l’exactitude matérielle des faits retenus, de l’absence d’erreur manifeste d’appréciation de ces faits ou de l’absence de détournement de pouvoir.
99 L’examen de l’existence d’une sous-cotation des prix étant une question économiquement complexe pour laquelle le règlement de base n’impose aucune méthode particulière, la Commission jouit d’un large pouvoir d’appréciation à cet égard. Il s’ensuit que, conformément à la jurisprudence citée au point 58 du présent arrêt, l’application, par analogie, de la méthode de construction de prix visée à l’article 2, paragraphe 9, du règlement de base afin d’examiner une sous-cotation de prix peut être envisagée pour autant que cette méthode s’inscrive dans le cadre juridique prévu par le règlement de base et ne conduise pas à un résultat manifestement erroné.
100 À cet égard, il convient de tenir compte de deux exigences particulières imposées par le règlement de base lors du calcul de l’existence d’une sous-cotation des prix.
101 D’une part, l’article 3, paragraphe 2, du règlement de base exige que ce calcul se fasse en examinant objectivement les effets des importations sur les prix. Cette exigence implique elle-même que la comparaison des prix se fasse au même stade de commercialisation des produits en cause. En effet, ce n’est qu’à cette condition, premièrement, que l’effet réel des importations sur les prix d’un produit similaire de l’industrie de l’Union peut être correctement pris en compte, deuxièmement, que les ventes du produit considéré et de celles du produit similaire de l’industrie de l’Union peuvent être regardées comme ayant un même « point de référence », troisièmement, que les prix de ventes aux premiers clients indépendants des produits considérés peuvent objectivement être pris en considération pour le calcul de la sous-cotation et, quatrièmement, que la comparaison des prix au niveau où se déroule la concurrence dans l’Union peut être pertinente.
102 D’autre part, il découle d’une lecture conjointe de l’article 1er, paragraphe 1, et de l’article 3, paragraphe 2, du règlement de base que le préjudice doit être apprécié lors de la « mise en libre pratique dans l’Union » du produit faisant l’objet d’un dumping. Par conséquent, le calcul de la sous-cotation doit, en principe, se faire au niveau des importations faisant l’objet d’un dumping.
103 En l’espèce, il ressort des constatations du Tribunal que la Commission a apprécié l’existence d’une sous-cotation des prix du produit considéré en comparant le prix départ usine pratiqué par les producteurs européens commercialisant des produits équivalents au produit considéré avec le prix CAF frontière de l’Union du produit considéré. Ce dernier correspond au prix de sa mise en libre pratique dans l’Union, c’est-à-dire au prix à l’importation juste après le dédouanement à la frontière de l’Union de ce produit. La Commission a ainsi comparé les prix pratiqués par le producteur européen et par l’importateur, au stade initial de la commercialisation du produit considéré.
104 Ainsi que le soutient à juste titre la Commission, le Tribunal a commis une erreur de droit en considérant que ce raisonnement était vicié par une erreur manifeste d’appréciation. En effet, celui-ci visait, conformément aux exigences de l’article 3, paragraphe 2, du règlement de base, à garantir que la comparaison des prix se fasse de façon objective au même stade de commercialisation, et corresponde, s’agissant du produit faisant l’objet du dumping, au niveau des importations.
105 Plus particulièrement, il était loisible à la Commission, en vue de garantir une comparaison objective des prix au niveau de la première mise en libre pratique du produit considéré dans l’Union, de construire ce prix CAF frontière de l’Union en déduisant des frais VGA et une marge bénéficiaire du prix de revente du produit considéré par Schades à des clients indépendants. En effet, cette application, par analogie, de l’article 2, paragraphe 9, du règlement de base relevait de la large marge d’appréciation dont dispose la Commission pour mettre en œuvre l’article 3, paragraphe 2, de ce règlement et ne pouvait donc pas être considérée, en soi, comme étant entachée d’une erreur manifeste d’appréciation.
106 En outre, contrairement à ce qu’a jugé le Tribunal, en substance, au point 201 de l’arrêt attaqué, la prise en compte du prix de la première revente à un client indépendant sur le marché de l’Union par le transformateur lié correspond non pas au stade de commercialisation sortie usine du produit équivalent provenant de l’industrie de l’Union, mais à un stade ultérieur de la commercialisation de ce produit. En effet, le prix de vente du transformateur lié au premier client indépendant est non pas le prix d’importation, mais un prix de revente.
107 Il s’ensuit que le Tribunal a commis une erreur de droit en jugeant, au point 203 de l’arrêt attaqué, que la Commission avait erronément décidé de déduire les frais VGA et une marge bénéficiaire pour les reventes du produit considéré faites par Schades à des clients indépendants aux fins d’établir les prix à l’exportation dudit produit dans le cadre de la détermination du préjudice.
108 L’appréciation du Tribunal, au point 204 de l’arrêt attaqué, quant à l’incidence de la prétendue erreur de la Commission sur la validité du niveau de sous-cotation des prix retenue dans le règlement litigieux est dès lors également erronée sans qu’il faille se prononcer sur la question de savoir si ladite appréciation constitue une appréciation de fait que la Commission ne pouvait soulever dans son pourvoi.
109 Il s’ensuit que le Tribunal a accueilli à tort, au point 205 de l’arrêt attaqué, la deuxième branche du cinquième moyen en première instance.
110 Il importe encore d’observer que, aux points 208 à 212 de l’arrêt attaqué, le Tribunal a considéré, en substance, que le calcul de la marge de sous-cotation des prix de 9,4 % retenue par la Commission dans le règlement litigieux était également fondé sur l’erreur de pondération des ventes commise lors du calcul du dumping. Dans la mesure où il ne pouvait être exclu que ces erreurs affectent la conclusion de la Commission relative à l’analyse de la sous-cotation des prix et à l’examen du préjudice subi par l’industrie de l’Union, le Tribunal a également accueilli la troisième branche du cinquième moyen en première instance.
111 Or, ainsi qu’il ressort des points 47 à 65 du présent arrêt, le Tribunal a, à juste titre, conclu que la Commission avait commis une erreur affectant la fiabilité de la pondération des ventes pour le calcul du dumping. En outre, il n’est pas contesté que cette même pondération a été utilisée pour le calcul de la sous-cotation des prix. L’erreur affectant le calcul de la pondération des ventes remet donc en cause la fiabilité des appréciations de la Commission quant à la marge de sous-cotation des prix retenue dans le règlement litigieux.
112 Il s’ensuit que, nonobstant le fait que, ainsi qu’il ressort des points 98 à 107 du présent arrêt, le Tribunal a commis une erreur de droit en sanctionnant le mode de calcul de la Commission pour la détermination du préjudice causé par la revente du produit considéré par un transformateur lié, ce dernier a pu, à juste titre, estimer qu’il ne saurait être exclu que l’erreur commise par la Commission dans le calcul de la pondération des ventes a affecté l’analyse de la sous-cotation des prix et l’examen de l’incidence des importations faisant l’objet d’un dumping sur les produits similaires de l’industrie de l’Union. Le Tribunal pouvait dès lors accueillir, au point 212 de l’arrêt attaqué, la troisième branche du cinquième moyen en première instance. Le troisième moyen doit, dès lors, être rejeté comme étant inopérant.
113 Eu égard à tout ce qui précède, le Tribunal pouvait conclure, au point 213 de l’arrêt attaqué, à l’annulation du règlement litigieux en tant qu’il concerne Hansol.
114 Il découle de l’ensemble des considérations qui précèdent que le pourvoi principal doit être rejeté.
Sur le pourvoi incident
115 Au soutien de son pourvoi incident, l’ETPA avance deux moyens, tirés, respectivement, d’une violation de l’article 2, paragraphe 11, du règlement de base et d’une violation de l’article 18 de ce même règlement lors de l’appréciation par le Tribunal de la pondération entre, d’une part, les ventes des produits considérés à des clients indépendants et, d’autre part, les ventes de ceux-ci aux transformateurs liés en vue de leur transformation en petits rouleaux.
Sur le premier moyen
Argumentation des parties
116 L’ETPA considère que le Tribunal a commis une erreur de droit en jugeant, aux points 84 à 87, 92 et 100 à 106 de l’arrêt attaqué, que la Commission avait violé l’article 2, paragraphe 11, du règlement de base en ayant calculé la marge de dumping sur la base d’une pondération sans avoir tenu compte du fait qu’une plus grande partie des ventes aux transformateurs liés que celle prise en compte par la Commission était destinée à la revente et non à la transformation.
117 À titre principal, l’ETPA estime que le Tribunal a violé l’article 2, paragraphe 11, du règlement de base dès lors que cette disposition ne contient ni exigence ni indication quant à la méthode exacte de calcul de la pondération. L’arrêt attaqué se bornerait à faire état d’une violation de cette disposition sans préciser les éléments ou les exigences spécifiques que la Commission aurait violés.
118 À titre subsidiaire, l’ETPA estime que l’appréciation du Tribunal est entachée d’une erreur de droit, car l’article 2, paragraphe 11, du règlement de base n’imposerait pas d’appliquer la méthode utilisée pour la construction de prix à l’exportation au calcul de la pondération.
119 L’ETPA considère que les données de Schades n’étaient représentatives qu’aux fins de calculer le prix à l’exportation pour les transformateurs liés mais pas aux fins de calculer les volumes de ventes des transformateurs liés qui n’ont pas coopéré et qui n’ont pas pu être vérifiés. Le règlement de base n’imposerait pas à la Commission de procéder au calcul de ces volumes aux fins de la pondération. Le Tribunal ne pouvait pas considérer que ces volumes refléteraient exactement les volumes des ventes des transformateurs liés.
120 Les appréciations du Tribunal selon lesquelles les calculs effectués par la Commission ne refléteraient pas l’ampleur réelle du dumping pratiqué et l’attribution du même pourcentage que celui de Schades aux ventes de rouleaux jumbo non transformés pour les ventes des trois autres transformateurs liés permettrait de refléter plus pleinement l’ampleur du dumping seraient dénuées de fondement factuel et juridique.
121 S’agissant de l’absence de fondement factuel, l’ETPA avance que, dès lors qu’il n’existait aucune information disponible concernant deux transformateurs liés qui n’ont pas coopéré et que les informations concernant le troisième transformateur lié n’ont pas été vérifiées, le Tribunal ne pouvait pas savoir ce qui refléterait exactement les volumes des ventes de ces transformateurs. En outre, si les ventes par Schades des rouleaux jumbo à des clients indépendants, qui représentaient le plus grand volume, avaient été utilisées pour les transformateurs liés, cela aurait fait baisser la marge de dumping en gonflant artificiellement la part des ventes de rouleaux jumbo aux clients indépendants.
122 S’agissant de l’absence de fondement juridique, l’ETPA estime que ni la jurisprudence ni le libellé de l’article 2, paragraphe 11, du règlement de base ne laissent entendre que, en l’absence d’informations vérifiées disponibles, une marge de dumping basée sur une pondération approximative empêcherait cette marge de dumping de refléter l’ampleur réelle du dumping.
123 Hansol considère que le premier moyen du pourvoi incident doit être rejeté comme étant manifestement non fondé.
Appréciation de la Cour
124 Le Tribunal a rappelé à juste titre, aux points 74 et 75 de l’arrêt attaqué, que l’article 2, paragraphe 11, du règlement de base prévoit deux méthodes afin d’établir l’existence de marges de dumping au cours de la période d’enquête, à savoir, premièrement, la méthode dite « symétrique » fondée soit sur la comparaison d’une valeur normale moyenne pondérée avec la moyenne pondérée des prix de toutes les exportations vers l’Union, soit sur la comparaison transaction par transaction des valeurs normales individuelles et des prix à l’exportation individuels vers l’Union et, deuxièmement, une méthode dite « asymétrique » reposant sur la comparaison d’une valeur normale moyenne pondérée avec les prix de toutes les exportations individuelles vers l’Union.
125 Si cette disposition ne prévoit pas de méthode pour calculer la pondération entre, d’une part, les ventes directes et indirectes du produit considéré à des clients indépendants et, d’autre part, celles à des transformateurs liés en vue d’une transformation en petits rouleaux, il n’en reste pas moins qu’il résulte de la finalité de ladite disposition que, quelle que soit la méthode choisie et la manière dont la Commission l’applique concrètement, elle doit permettre de refléter l’ampleur réelle du dumping pratiqué (voir, en ce sens, arrêt du 5 avril 2017, Changshu City Standard Parts Factory et Ningbo Jinding Fastener/Conseil, C 376/15 P et C 377/15 P, EU:C:2017:269, point 54).
126 Or, ainsi qu’il ressort des points 57 à 65 du présent arrêt, le Tribunal a considéré, à juste titre, aux points 84 à 87 de l’arrêt attaqué, que, lors de la mise en œuvre de la méthode symétrique que la Commission avait choisie en l’espèce, elle n’avait pas réussi à refléter de façon fiable l’ampleur réelle du dumping pratiqué.
127 Ainsi, contrairement à ce qu’allègue l’ETPA, le Tribunal a expressément indiqué quelle exigence de l’article 2, paragraphe 11, du règlement de base avait été violée par la Commission dans le règlement litigieux, à savoir celle correspondant à la finalité de cette disposition consistant à veiller à ce que la méthode employée reflète l’ampleur réelle du dumping pratiqué.
128 Partant, le grief avancé à titre principal dans le cadre du premier moyen du pourvoi incident doit être rejeté comme étant non fondé.
129 S’agissant du grief avancé à titre subsidiaire selon lequel l’article 2, paragraphe 11, du règlement de base n’impose pas à la Commission d’appliquer, pour le calcul de la pondération, la méthode utilisée pour la construction du prix à l’exportation, force est de constater que ce grief repose sur une lecture erronée de l’arrêt attaqué.
130 En effet, il ne ressort nullement des points 83 à 87 de l’arrêt attaqué que le Tribunal a jugé que la Commission aurait dû se fonder sur l’article 2, paragraphe 9, du règlement de base pour calculer la pondération des marges de dumping. Le Tribunal a jugé que la pondération des marges de dumping entre les ventes du produit considéré à des clients indépendants et les ventes aux transformateurs liés appliquée par la Commission ne reflétait pas l’ampleur réelle du dumping pratiqué par Hansol tel que cela est exigé par l’article 2, paragraphe 11, du règlement de base.
131 Ensuite, l’ETPA conteste l’appréciation du Tribunal aux points 85 et 86 de l’arrêt attaqué selon laquelle la Commission avait décidé d’utiliser les données de Schades pour calculer la marge de dumping sur les ventes faites par Hansol aux trois autres transformateurs liés, en omettant de prendre en considération les données relatives à Schades Nordic. Il y a lieu de constater que cette argumentation est dirigée contre une appréciation factuelle.
132 Or, il résulte de l’article 256 TFUE et de l’article 58, premier alinéa, du statut de la Cour de justice de l’Union européenne que le Tribunal est seul compétent, d’une part, pour constater les faits, sauf dans le cas où l’inexactitude matérielle de ses constatations résulte des pièces du dossier qui lui ont été soumises, et, d’autre part, pour apprécier ces faits. Il s’ensuit que, dès lors que les preuves que le Tribunal a retenues à l’appui de ces faits ont été obtenues régulièrement, que les principes généraux du droit ainsi que les règles de procédure applicables en matière de charge et d’administration de la preuve ont été respectés, il appartient au seul Tribunal d’apprécier la valeur qu’il convient d’attribuer aux éléments qui lui ont été soumis. Cette appréciation ne constitue donc pas, sous réserve du cas de la dénaturation de ces éléments, une question de droit soumise, comme telle, au contrôle de la Cour (arrêt du 2 juin 2016, Photo USA Electronic Graphic/Conseil, C 31/15 P, non publié, EU:C:2016:390, points 50 et 51 ainsi que jurisprudence citée).
133 Dès lors que l’ETPA conteste une appréciation factuelle sans invoquer une dénaturation des faits, la Cour n’est pas compétente pour statuer sur cette question.
134 Par ailleurs, l’argumentation de l’ETPA selon laquelle le Tribunal a commis une erreur en considérant aux points 86 et 87 de l’arrêt attaqué que le fait d’utiliser des volumes de ventes de Schades pour les ventes des trois autres transformateurs liés reflétait plus précisément le dumping pratiqué par Hansol procède d’une lecture erronée de l’arrêt attaqué. En effet, auxdits points, le Tribunal a uniquement constaté que, en ne tenant pas compte du fait qu’il ressortait des données mises à sa disposition que non seulement Schades mais également un des trois autres transformateurs liés, à savoir Schades Nordic, revendaient des produits considérés à des clients indépendants, la Commission avait attribué une trop grande pondération aux ventes aux transformateurs liés pour transformation en petits rouleaux en augmentant, de ce fait, le dumping réel pratiqué par Hansol.
135 Enfin, l’ETPA estime que ni la jurisprudence ni le libellé de l’article 2, paragraphe 11, du règlement de base ne s’opposent à ce qu’il soit considéré qu’une marge de dumping basée sur une pondération approximative, en l’absence d’informations vérifiées, empêcherait cette marge de dumping de refléter l’ampleur réelle du dumping. Toutefois, il suffit de rappeler que, ainsi qu’il ressort des points 47 à 65 ainsi que des points 124 et 125 du présent arrêt, la Commission était tenue de vérifier les données de Schades Nordic et de veiller à ce que ses calculs reflètent l’ampleur réelle du dumping pratiqué.
136 Eu égard aux considérations qui précèdent, le grief avancé à titre subsidiaire dans le cadre du premier moyen du pourvoi incident doit également être rejeté comme étant non fondé et, partant, le premier moyen du pourvoi incident doit l’être dans son intégralité.
Sur le second moyen
Argumentation des parties
137 L’ETPA considère que les points 86 et 87 de l’arrêt attaqué sont entachés d’une erreur de droit. En vertu de l’article 18 du règlement de base, la Commission aurait été autorisée à calculer la pondération des différents canaux de vente sur la base des meilleures données disponibles. Selon l’ETPA, Hansol était consciente de cela, car, au cours de l’enquête, la Commission lui avait indiqué les conséquences d’un défaut de coopération. Hansol ayant demandé que trois transformateurs liés ne remplissent pas le questionnaire antidumping, elle aurait dû savoir que les volumes de ventes seraient déterminés sur la base des meilleures données disponibles.
138 Dès lors que la Commission disposait d’un large pouvoir d’appréciation pour déterminer ce qui constitue les meilleurs données disponibles dans chaque cas particulier et que, dans l’arrêt attaqué, le Tribunal n’aurait pas considéré que la Commission avait commis une erreur manifeste dans l’appréciation des faits, mais aurait jugé que l’utilisation des données de ventes de Schades aurait reflété plus exactement la marge de dumping de Hansol, le Tribunal aurait outrepassé les limites de son contrôle et illégalement substitué son point de vue à celui de la Commission.
139 Hansol estime que le second moyen du pourvoi incident est manifestement non fondé.
Appréciation de la Cour
140 En application de l’article 18, paragraphe 1, du règlement de base, la Commission peut établir des conclusions sur la base des données disponibles lorsqu’une partie intéressée ne coopère pas ou fournit des renseignements faux ou trompeurs.
141 En l’espèce, il est constant que, au cours de l’enquête antidumping, Hansol a demandé que les transformateurs liés autres que Schades soient exemptés de répondre aux questionnaires antidumping. Il est également non contesté que cette demande a été acceptée par la Commission de telle sorte qu’elle a limité ses demandes d’informations concernant les transformateurs liés à celles se rapportant à Schades.
142 Une telle demande ne peut être assimilée à un refus de coopérer au sens de l’article 18, paragraphe 1, du règlement de base. Il s’ensuit que, contrairement à ce qu’allègue l’ETPA, cette disposition ne s’appliquait pas en l’espèce.
143 La circonstance que seule Schades ait répondu au questionnaire antidumping et que les autres transformateurs liés aient été exemptés d’y répondre n’affecte pas l’obligation de la Commission de prendre en compte les données pertinentes dont elle a pu prendre connaissance au cours de la procédure administrative afin d’apprécier l’ampleur réelle du dumping pratiqué. En effet, ainsi qu’il a été exposé aux points 49 à 51 du présent arrêt, la Commission est tenue de prendre en compte ces données eu égard à l’objectif du règlement de base et au devoir de diligence qui lui incombe.
144 Partant, c’est à tort que l’ETPA allègue que le Tribunal a outrepassé les limites de son contrôle et illégalement substitué son point de vue à celui de la Commission lorsque, aux points 85 et 86 de l’arrêt attaqué, il a considéré que la Commission avait attribué une trop grande pondération aux ventes aux transformateurs liés pour transformation en petits rouleaux et, de ce fait, avait augmenté le dumping réel pratiqué par Hansol. En effet, même si la Commission savait qu’une partie de ventes du produit considéré à Schades avait été revendue sans transformation à des clients indépendants et qu’elle savait qu’au moins un transformateur lié autre que Schades revendait également le produit considéré, elle avait néanmoins considéré que toutes les ventes de Hansol aux trois transformateurs liés autres que Schades avaient été réalisées en vue d’une transformation en petits rouleaux.
145 Il s’ensuit que le second moyen du pourvoi incident doit également être rejeté comme non fondé et, partant, que le pourvoi incident doit l’être dans sa totalité.
Sur les dépens
146 En vertu de l’article 184, paragraphe 2, du règlement de procédure de la Cour, lorsque le pourvoi n’est pas fondé, la Cour statue sur les dépens. L’article 138, paragraphe 1, de ce règlement, rendu applicable à la procédure de pourvoi en vertu de l’article 184, paragraphe 1, de celui-ci, dispose que toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens.
147 S’agissant du pourvoi principal, Hansol ayant conclu à la condamnation de la Commission aux dépens et cette dernière ayant succombé en ses moyens, il y a lieu de la condamner aux dépens afférents à ce pourvoi.
148 L’ETPA ayant succombé dans son pourvoi incident et Hansol ayant conclu à la condamnation de l’ETPA aux dépens, il y a lieu de condamner cette dernière aux dépens afférents au pourvoi incident.
Par ces motifs, la Cour (deuxième chambre) déclare et arrête :
1) Le pourvoi principal et le pourvoi incident sont rejetés.
2) La Commission européenne est condamnée aux dépens afférents au pourvoi principal.
3) European Thermal Paper Association (ETPA) est condamnée aux dépens afférents au pourvoi incident.