Livv
Décisions

Cass. crim., 11 avril 1988, n° 85-94.999

COUR DE CASSATION

Arrêt

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Ledoux

Rouen, du 26 sept. 1985

26 septembre 1985

Sur le premier moyen de cassation pris de la violation des articles 520, 458 et 486 du Code de procédure pénale, vice de forme,

"en ce que l'arrêt attaqué rendu sur l'appel du procureur général a omis d'annuler le jugement déféré qui ne mentionnait ni le nom du magistrat occupant les fonctions de ministère public ni que celui-ci ait eu la parole pour ses réquisitions et a ainsi entaché sa décision d'illégalité par refus de remédier à une nullité substantielle" ;

Attendu que ce moyen qui vise de prétendues nullités commises en première instance est présenté pour la première fois devant la Cour de Cassation ; que dès lors, il est irrecevable en application de l'article 599 alinéa 1° du Code de procédure pénale ;

Sur le deuxième moyen de cassation pris de la violation des articles 486, 514, 427, 591 et 593 du Code de procédure pénale, 6-3-G de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, défaut de motifs, ensemble violation des droits de la défense,

"en ce que l'arrêt attaqué a déclaré irrecevable comme tardif l'appel de Claude X... ;

"aux motifs que Claude X... par déclaration du 29 mars 1985 a relevé appel du jugement contradictoirement rendu le 14 mars 1985 par le Tribunal de grande instance d'Evreux statuant en matière correctionnelle, que dans une lettre datée du 7 avril 1985 rédigée sur un papier commercial portant en en-tête "Normandie Automobiles-Fiat-Total" il a exposé à M. le procureur général, outre sa version de ses difficultés avec la société Total, le fait que son appel tardif résultait d'un malencontreux quiproquo entre lui-même, son avocat parisien et son avocat ébroïcien, que dans son mémoire il prétend son appel recevable en raison de ce que la carence des conseils constituait pour lui un cas de force majeure et en raison de ce que le jugement était inexistant avant son appel faute d'avoir été rédigé et motivé ; qu'il est indiscutable que l'appel déclaré par Claude X... le 29 mars 1985 est tardif ; qu'il est donc irrecevable ; que le quiproquo qui se serait installé entre le prévenu et ses conseils et dont aucune preuve n'est fournie ne saurait rendre recevable un appel déclaré hors du délai de la loi ; qu'en outre, le fait que le prévenu n'ait pu obtenir le 22 mars 1985, la délivrance par le greffe d'une copie de la décision ne suffit pas à établir que le jugement n'était pas alors rédigé ; que d'ailleurs l'inobservation éventuelle des formalités de l'article 486 du Code de procédure pénale ne peut être cause de nullité si le prévenu n'a subi aucun préjudice ; qu'en l'espèce, aucun dommage n'est démontré ; que compte tenu des moyens et arguments proposés le prévenu n'avait en effet nul besoin de connaître la motivation de la décision qui le condamnait pour décider de l'opportunité de la frapper ou non d'un recours ; "alors d'une part que le dossier de la procédure ne porte aucune trace de la lettre du 7 avril 1985 rédigée sur papier commercial et adressée, selon l'arrêt par le demandeur à M. l'avocat général, pas plus que du "mémoire" mentionné par l'arrêt, en sorte que la Cour de Cassation n'est pas en mesure de s'assurer que ces pièces ont pu être contradictoirement discutées et ont été analysées sans dénaturation par les juges d'appel ; "alors d'autre part que l'arrêt attaqué déclare l'appel tardif sans constater à quelle date le jugement était rédigé ; que le préjudice subi par le demandeur se déduit de la circonstance non discutée par l'arrêt de ce qu'il n'a pu obtenir le 22 mars 1985 la délivrance par le greffe d'une copie du jugement jointe au fait qu'effectivement il n'a pas été en mesure d'introduire son appel dans les délais légaux ;

"alors enfin que toute personne accusée d'une infraction a droit aux termes de l'article 6 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales de disposer du temps et des facilités nécessaires à la préparation de sa défense ; que ce droit implique nécessairement la possibilité effective pour le justiciable de prendre connaissance des motifs de la décision afin d'apprécier s'il a intérêt ou non à user des voies de recours mises à sa disposition par la loi interne" ;

Attendu que la Cour de Cassation est en mesure de s'assurer que le prévenu a été informé de la date à laquelle le jugement serait prononcé et qu'il a pu ainsi en avoir connaissance ; D'où il suit que le moyen doit être écarté ;

Sur le troisième moyen de cassation, pris de la violation des articles 427, 459 et 593 du Code de procédure pénale, défaut de motifs, vice de forme, ensemble violation des droits de la défense,

"en ce que l'arrêt attaqué constate que Claude X... a comparu sans l'assistance d'un avocat et a déclaré que ses moyens de défense étaient exposés dans un mémoire accompagné des pièces qu'il a remises à la Cour et à M. l'avocat général ; "alors que figure au dossier seulement une première page de conclusions régulièrement visées par la Cour et qu'en l'absence du mémoire et des pièces remises par X... à la Cour, la Cour de Cassation n'est pas en mesure de s'assurer s'il a été répondu à l'ensemble des arguments exposés dans le mémoire du demandeur et si l'ensemble des pièces régulièrement déposées ont été examinées" ;

Attendu que les pièces visées par le moyen ont été régulièrement produites devant la Cour de Cassation qui a ainsi été mise en mesure d'exercer son contrôle ; qu'ainsi le moyen doit être rejeté ;

Sur le quatrième moyen de cassation, pris de la violation des articles 4, 422-1° et 422-3° du Code pénal, des articles 591 et 593 du Code de procédure pénale, défaut de motifs, manque de base légale ; "en ce que l'arrêt attaqué a déclaré X... coupable d'avoir frauduleusement apposé une marque appartenant à autrui, vendu et mis en vente des carburants revêtus d'une marque frauduleusement apposée ;

"aux motifs que Claude X... a vendu à sa clientèle à partir, au plus tard, du 27 avril 1984 dans sa station portant les marques Total du carburant débité par des volucompteurs portant la marque Total mais fourni par la société Blanzy-Ouest ; que Claude X... affirme sans en justifier que la société Blanzy-Ouest lui livrait du carburant Total ; qu'à cette affirmation que rien ne conforte, les parties civiles opposent l'affirmation appuyée par un document commercial selon lequel la société Blanzy-Ouest se fournirait en produits ELF ; mais que ceci est sans conséquence dès lors qu'il est constant que les produits pétroliers et tout spécialement le super carburant sont soumis au droit des marques et sont démarqués du seul fait qu'ils séjournent dans des réservoirs autres que ceux du propriétaire de la marque de sorte que Blanzy-Ouest n'a pu livrer qu'un carburant démarqué ce que X..., professionnel averti n'a pu méconnaître ; "alors d'une part, que si l'arrêt constate que Blanzy-Ouest se fournissait elle-même en produits ELF, il ne constate aucunement que cette société, dont il n'est pas précisé qu'elle avait un contrat d'exclusivité avec ELF, ne se soit pas ravitaillée en produits Total afin de ravitailler les cuves du prévenu, ce que l'arrêt admet implicitement ; "alors d'autre part, que la loi pénale est d'interprétation stricte et que l'arrêt qui vise sans autre précision "le droit des marques" pour affirmer qu'il est constant que le super-carburant est démarqué du seul fait qu'il séjourne dans des réservoirs autres que ceux du propriétaire de la marque ne permet pas à la Cour de Cassation de s'assurer de la légalité de la décision attaquée" ;

Sur le cinquième moyen de cassation, pris de la violation des articles 5, 422-1°, 422-2°, 422-3°, 422-1°-2° du Code pénal, de l'article 593 du Code de procédure pénale, défaut de motifs, manque de base légale ; "en ce que l'arrêt attaqué a déclaré Claude X... coupable d'avoir courant 1984, frauduleusement apposé une marque appartenant à autrui, vendu et mis en vente des carburants revêtus d'une marque frauduleusement apposée, utilisé une marque sans autorisation de son propriétaire et fait usage d'une marque trompant l'acheteur sur l'origine du produit vendu ; "alors qu'un même fait autrement qualifié ne peut donner lieu à de multiples déclarations de culpabilité, lesquelles ont une évidente incidence sur le quantum de la peine et préjudicient par conséquent au prévenu" ; Les moyens étant réunis ;

Attendu que X..., exploitant d'une station-service a conclu avec la société Total Compagnie française de distribution (CFD) un contrat aux termes duquel il s'engageait à se fournir en carburants et en lubrifiants exclusivement auprès de ladite société ou d'un fournisseur agréé par elle ; que par la suite X... a notifié à son cocontractant qu'il mettait fin à l'exclusivité convenue et s'est approvisionné en carburant auprès de la société Blanzy-Ouest ;

Attendu que la société Total CFD lui a alors fait savoir le 26 avril 1984 qu'elle se prévalait des dispositions du contrat qui prévoyait dans ce cas la résiliation de plein droit de la convention et lui a fait défense d'utiliser son matériel et sa marque ;

Attendu que pour déclarer X... coupable d'apposition frauduleuse d'une marque appartenant à autrui et de mise en vente de produits revêtus d'une marque frauduleusement apposée la cour d'appel énonce que l'affirmation selon laquelle la société Blanzy-Ouest lui avait livré du carburant de marque "Total" n'est en rien confortée alors qu'il est établi par des documents que Blanzy-Ouest se fournissait en produits d'une autre marque ; qu'il est démontré que le prévenu a continué à arborer dans sa station-service les couleurs et les signes de la marque "Total" tout en mettant en vente le carburant qui lui était fourni par Blanzy-Ouest ;

Attendu d'autre part que pour retenir contre le prévenu le délit d'usage d'une marque sans autorisation du propriétaire défini par le 2° de l'article 422 du Code pénal, la cour d'appel relève qu'il a usé de la marque "Total" à partir du 27 avril 1984 alors que la société Total CFD lui en avait fait défense ;

Attendu enfin que pour déclarer établi le délit prévu par le 2° de l'article 422-1 du Code pénal et consistant à avoir usé d'une marque déposée trompant l'acheteur sur l'origine du produit vendu les juges énoncent que la marque "Total" a fait l'objet depuis le 17 décembre 1953 d'une succession de dépôts et de renouvellements et qu'en l'utilisant pour vendre des produits n'ayant pas cette provenance X... a trompé ses acheteurs ;

Attendu qu'en cet état, et abstraction faite d'un motif surabondant, la cour d'appel a légalement justifié sa décision sans encourir les griefs des moyens lesquels doivent être rejetés ;

Et attendu que l'arrêt est régulier en la forme ;

REJETTE le pourvoi.