Cass. com., 19 janvier 2010, n° 08-70.036
COUR DE CASSATION
Arrêt
Cassation
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
Mme Favre
Rapporteur :
M. Sémériva
Avocat général :
Mme Batut
Avocats :
Me Odent, SCP Bachellier et Potier de La Varde, SCP Thomas-Raquin et Bénabent
Statuant, tant sur le pourvoi principal formé par la société Destouches Dominique, que sur le pourvoi provoqué relevé par la société Bellevue distribution ;
Attendu, selon l'arrêt attaqué, qu'une saisie contrefaçon pratiquée à la demande de la société Champagne Louis Roederer, titulaire de la marque " Louis Roederer Brut premier ", a amené la découverte, dans les locaux de la société Bellevue distribution, de bouteilles de champagne fournies par la société Destouches Dominique, revêtues de cette marque, et dont le code apposé par le producteur sur l'étiquette afin d'identifier spécifiquement chacune de ses bouteilles, avait été masqué par un trait noir ; que la société Champagne Louis Roederer a agi à l'encontre de ces deux sociétés sur le fondement des articles L 713-2 b) du code de la propriété intellectuelle et L 217-3 du code de la consommation ;
Sur la seconde branche du moyen unique du pourvoi principal et les deux dernières branches du pourvoi provoqué, les moyens étant réunis :
Attendu que les sociétés Destouches Dominique et Bellevue distribution font grief à l'arrêt d'avoir dit qu'elles avaient commis une faute portant atteinte aux droits de la société Champagne Louis Roederer, par altération d'un élément d'identification de la marchandise, alors, selon le moyen :
1°) que les dispositions de l'article L 217-3 du code de la consommation qui répriment le fait d'exposer, de mettre en vente, de vendre ou de détenir dans des locaux commerciaux des marchandises dont les signes ont été altérés ne sont applicables que si l'altération porte sur un élément d'identification de la marchandise ; qu'en retenant que l'apposition d'un trait noir masquant les chiffres composant le code client apposé sur l'étiquette des bouteilles de champagne litigieuses caractérisait une altération de marchandise au sens de L 217-3 du code de la consommation tout en constatant que ce code était seulement destiné à contrôler le circuit de commercialisation des bouteilles, ce dont il résultait qu'il ne constituait pas un élément d'identification de ces marchandises, la cour d'appel a violé ce texte,
2°) que l'exposition, la mise en vente et la vente de marchandises dont les signes sont altérés n'est prohibée que si l'altération porte sur un élément d'identification de la marchandise ; qu'en l'espèce, la cour d'appel, qui a cependant retenu à la charge des sociétés Bellevue distribution et Destouches Dominique la commercialisation de bouteilles de champagne dont les signes avaient été altérés, quand l'altération en cause ne concernait que le code client des marchandises, servant à identifier le distributeur ayant revendu le produit, ce dont il résultait qu'aucun signe distinctif de la marchandise n'avait été altéré, a violé l'article L 217-3 du code de la consommation,
3°) que l'exposition, la mise en vente et la vente de marchandises dont les signes sont altérés n'est prohibée que si l'altération a été sciemment opérée ; qu'en l'espèce, la cour, qui a retenu à la charge des sociétés Bellevue distribution et Destouches Dominique la mise en vente de bouteilles de champagne dont les signes avaient été altérés, sans constater que les appelantes étaient les auteurs de l'altération en cause, a violé l'article L 217-3 du code de la consommation ;
Mais attendu, d'une part, que l'arrêt constate que le code en question permet d'identifier chaque bouteille, de façon à assurer la traçabilité du produit ; qu'il s'en déduit que cette mention fait partie des signes que l'article L 217-2 du code de la consommation interdit de supprimer, masquer, altérer ou modifier ;
Attendu, d'autre part, que les dispositions de l'article L 217-3 du code de la consommation ne s'appliquent pas au seul auteur de l'altération, mais à toute personne qui, sciemment, a exposé, mis en vente, vendu ou aura été trouvée détentrice dans des locaux commerciaux de marchandises portant le signe altéré ;
Et attendu, enfin, qu'ayant relevé, par motifs adoptés, que l'altération répétée du code ne pouvait être le fait d'une inadvertance, la cour d'appel a caractérisé l'élément intentionnel de cette infraction ;
D'où il suit que le moyen n'est fondé en aucune de ses trois branches ;
Mais sur la première branche du moyen unique du pourvoi principal et la première branche du moyen unique du pourvoi provoqué, les moyens étant réunis :
Vu l'article L. 713-2 b) du code de la propriété intellectuelle ;
Attendu que pour dire que les sociétés Destouches Dominique et Bellevue distribution ont commis une faute portant atteinte aux droits de la société Champagne Louis Roederer, par suppression ou modification d'une marque et les condamner au paiement d'une somme de 5 000 euros à titre de dommages-intérêts, l'arrêt relève que si le code en lui-même n'est pas protégé par le dépôt de marque, l'étiquette qui en constitue le support est au contraire reproduite au certificat d'enregistrement et est dès lors couverte par la protection attachée à la marque ; qu'il retient que l'apposition du trait litigieux, qui constitue une modification de la marque sans autorisation de son propriétaire, entre bien dans les prévisions du texte susvisé ;
Attendu qu'en statuant ainsi, au seul motif que le signe supprimé se trouvait apposé sur une étiquette enregistrée en tant que marque, alors qu'elle constatait que ce signe n'était pas en lui-même protégé, la cour d'appel a violé le texte susvisé ;
PAR CES MOTIFS :
CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il a prononcé condamnation des sociétés Destouches Dominique et Bellevue distribution en application de l'article L 713-2 b) du code de la propriété intellectuelle, et en ce qu'il a condamné ces sociétés au paiement d'une somme de 5 000 euros à titre de dommages-intérêts, l'arrêt rendu le 1er avril 2008, entre les parties, par la cour d'appel de Rennes ; remet, en conséquence, sur ces points, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Rennes, autrement composée ;
Condamne les sociétés Destouches Dominique et Bellevue distribution aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, prononcé et signé par Mme Tric, conseiller doyen, en son audience publique du dix-neuf janvier deux mille dix.