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Décisions

Cass. crim., 1 février 1990, n° 88-81.761

COUR DE CASSATION

Arrêt

Cassation

PARTIES

Demandeur :

Imprimerie et édition Dernières Nouvelles d'Alsace (Sté)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Le Gunehec

Rapporteur :

M. Morelli

Avocat général :

M. Rabut

Avocats :

SCP Lyon-Caen, Fabiani et Liard, Me Blanc

Colmar, ch. corr., du 3 févr. 1988

3 février 1988

LA COUR,

Vu les mémoires produits en demande et en défense ;

Sur le premier moyen de cassation pris de la violation des articles 485, 486, 512 et 592 du Code de procédure pénale, défaut de motifs et manque de base légale :

en ce que l'arrêt attaqué a été signé par M. Jourdy, conseiller le plus ancien, qui n'a présidé ni les débats, ni le délibéré, ni l'audience de lecture, au lieu et place du président empêché, en violation du principe posé par l'article 486 du Code de procédure pénale, garantissant à la fois l'authentification de la décision et la conformité du texte écrit à la décision dont il a été délibéré, auquel les dispositions modifiées de l'article 485 du Code de procédure pénale ne sauraient déroger ;

Attendu qu'il résulte de l'arrêt attaqué signé, « en l'absence du président empêché » par M. Jourdy, conseiller, que ce dernier avait participé aux débats et au délibéré ;

Attendu qu'en cet état la Cour de Cassation est en mesure de s'assurer de la régularité de la décision ;

D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;

Mais sur le second moyen de cassation pris de la violation des articles 422. 2° du Code pénal, 593 du Code de procédure pénale, défaut de motifs et manque de base légale,

en ce que l'arrêt attaqué a relaxé Y et X du délit d'usage illicite de marque ;

aux motifs que, la réalisation du délit suppose la réunion d'un fait matériel, l'utilisation concrète d'une marque régulièrement déposée et d'une intention délictuelle, celle de profiter, d'une manière quelconque du crédit attaché à ladite marque, qui réside dans la volonté de l'usager soit de détourner une partie de la clientèle, attachée à la marque protégée, soit de pratiquer une forme de parasitisme commercial en profitant de manière frauduleuse du crédit attaché à la marque ; qu'en l'espèce, la société FDS n'a manifestement pas cherché à nuire de quelque manière que ce soit au journal Dernières Nouvelles d'Alsace ; que même si la mention du journal a été réalisée dans le cadre d'une opération commerciale, le procédé n'est pas fondamentalement différent d'une citation de ce journal par un organe d'information ou un article littéraire ou scientifique qui n'est pas répréhensible ; que quelques désagréments que cette publicité ait pu entraîner par ailleurs, elle ne constitue en rien une forme de parasitisme commercial que le législateur a cherché à réprimer ;

alors que, d'une part, la propriété d'une marque régulièrement déposée est absolue et confère à celui qui en est investi une action contre tous ceux qui y portent atteinte sous quelque forme que ce soit, sur le fondement de l'article 422. 2° du Code pénal réprimant en dehors de toute contrefaçon et même de tout cadre concurrentiel tous les faits, sous toutes les formes, d'usages commerciaux non autorisés de la marque d'autrui et n'exigeant aucune intention spéciale ; qu'en énonçant que le délit suppose la volonté de l'usager soit de détourner une partie de la clientèle attachée à la marque, soit de profiter de manière frauduleuse de son crédit, à savoir de manière parasitaire et nuisible, pour refuser de sanctionner les faits d'usage sans autorisation de la marque Dernières Nouvelles d'Alsace poursuivis en l'espèce, la cour d'appel a méconnu l'objet des infractions que la loi a entendu sanctionner ;

alors que, d'autre part, en relevant elle-même que dans le cadre de son opération publicitaire la société FDS a cité sans autorisation la dénomination du journal Dernières Nouvelles d'Alsace qu'elle tenait pour le plus représentatif de la région et qu'en constatant ainsi elle-même l'usage commercial de la marque d'autrui en ce qu'elle possède de plus attractif pour la clientèle locale visée, à savoir son impact et ses possibilités de faire-valoir, en entretenant volontairement et efficacement, comme en atteste la réaction du public qui s'est adressé en masse au quotidien, la confusion quant à la participation et au support prestigieux apporté par le quotidien au jeu publicitaire, volonté de confusion d'autant plus manifeste que la publicité était en partie dirigée sous la forme d'un article de presse imaginaire, la cour d'appel ne pouvait considérer comme légitime la citation du journal régional dans la publicité sans méconnaître les conséquences légales de ses constatations et partant, violer le texte susvisé ;

Vu lesdits articles ;

Attendu que le délit d'usage d'une marque sans l'autorisation de l'intéressé prévu par l'article 422. 2° du Code pénal, est constitué dès l'instant où son auteur ne peut justifier de cette autorisation, l'absence de celle-ci impliquant, sauf preuve contraire, l'intention coupable du prévenu ;

Attendu qu'il appert de l'arrêt attaqué qu'ayant organisé un concours, André X et Pierre Y, dirigeants de la société France Direct Service, ont imaginé de relater à l'avance, dans un dépliant publicitaire personnalisé diffusé par la voie postale et sous la forme d'un pseudo-article de presse du journal Dernières Nouvelles d'Alsace, titre constituant une marque déposée, la remise, au destinataire de chacun de ces envois, du premier prix dudit concours ; que sur plainte de la société propriétaire de cette marque ils ont été poursuivis du chef du délit d'usage d'une marque sans autorisation de l'intéressé ;

Attendu que pour relaxer les prévenus et débouter la partie civile la juridiction du second degré se prononce par les motifs reproduits au moyen ;

Mais attendu qu'en statuant ainsi, alors qu'elle avait elle-même relevé que les prévenus n'avaient pas été autorisés à faire usage de la marque litigieuse, la cour d'appel a méconnu le principe ci-dessus énoncé ; que, partant, la cassation est encourue ;

Par ces motifs :

CASSE ET ANNULE, en ses dispositions civiles, l'arrêt susvisé de la cour d'appel de Colmar, en date du 3 février 1988, et pour qu'il soit à nouveau jugé conformément à la loi, dans les limites de la cassation ainsi prononcée :

RENVOIE la cause et les parties devant la cour d'appel de Nancy.