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Décisions

Cass. com., 28 janvier 1992, n° 90-14.292

COUR DE CASSATION

Arrêt

Rejet

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Bézard

Rapporteur :

M. Gomez

Avocat général :

M. Curti

Avocats :

Me Choucroy, SCP Riché et Thomas-Raquin

Paris, du 12 févr. 1990

12 février 1990

Sur les deux moyens réunis :

Attendu qu'il résulte des énonciations de l'arrêt confirmatif attaqué (Paris, 12 février 1990) que la société Levi Strauss, titulaire de la marque 501, déposée sous les numéros 1 243 900 pour désigner, dans la classe 25, des vêtements, fabrique des pantalons appelé jeans ; qu'elle a assigné la société Eden Roc, qui commercialisait des vêtements portant la marque, acquis auprès de grossistes importateurs, après leur avoir fait subir, sans l'autorisation de la société Levi Strauss, un traitement chimique donnant au vêtement l'apparence délavée ; que la cour d'appel a condamné la société Eden Roc au paiement de dommages-intérêts en réparation du préjudice causé à la société Levi Strauss par l'usage illicite de la marque ;

Attendu que la société Eden Roc fait grief à l'arrêt d'avoir ainsi statué, alors, selon le pourvoi, que, d'une part, le droit des marques n'a pas pour finalité de protéger -ou de créer- des réseaux de distribution sélective, et ainsi de porter atteinte à la liberté du commerce ; que, se fondant sur ce principe, la société Eden Roc avait montré que la société Levi Strauss Paris, qui confiait le traitement des vêtements à divers établissements, dont celui auquel s'était adressée la société Eden Roc ; qu'elle avait conclu qu'en prétendant interdire à la société Eden Roc des opérations de traitement identiques à celles qu'effectuait son réseau de distribution la société Levi Strauss visait à placer son distributeur dans une position d'exclusivité, en ce qui concerne la vente des jeans délavés, et à lui réserver le monopole du marché français ou européen, ce qui était contraire à la libre concurrence ; qu'en omettant totalement de s'expliquer sur ce moyen la cour d'appel a entaché sa décision d'un défaut de réponse aux conclusions, violant l'article 455 du nouveau Code de procédure civile ; alors, d'autre part, qu'en statuant sur la réparation du préjudice subi par le fabricant, du fait de l'atteinte à la marque, sans se prononcer sur l'atteinte à l'authenticité et à la qualité des produits vendus, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision, au regard des dispositions de la loi du 31 décembre 1964 et de l'article 1382 du Code civil ;

Mais attendu que par des motifs propres et ceux adoptés des premiers juges, la cour d'appel, répondant aux conclusions invoquées et écartant les moyens tirés des conditions de commercialisation des produits litigieux et de leur qualité, a relevé que la société Eden Roc faisait subir aux vêtements produits par la société Levi Strauss une modification essentielle qui en changeait la nature sans qu'il soit démontré, par elle, que le processus de modification ait été conforme à celui utilisé dans le même but par la société Levi Strauss ; qu'elle en a déduit, à juste titre, que la société Eden Roc s'était rendu coupable d'usage illicite de la marque dès lors que le maintien de celle-ci sur le produit modifié tendait à faire croire au consommateur que le titulaire de la marque était responsable du processus entier de production ; d'où il suit que les deux moyens ne sont pas fondés ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE le pourvoi.