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Décisions

Cass. com., 31 mars 2004, n° 02-18.650

COUR DE CASSATION

Arrêt

Cassation

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Tricot

Cass. com. n° 02-18.650

30 mars 2004

Attendu, selon l'arrêt confirmatif déféré, que M. X, titulaire d'un brevet déposé le 14 avril 1986, publié sous le n° 2 596 977, concernant un « dispositif d'aboutage de deux câbles en particulier de tire-veine », a, après saisie-contrefaçon, poursuivi judiciairement M. Y qui a déposé, le 30 décembre 1992, un brevet publié sous le n° 2 699 806, portant sur un « instrument destiné notamment à permettre l'extraction de tronçons veineux pathologiques tels que les varices », ainsi que la société Arco, fabricant de cet appareil, en contrefaçon de brevet et en annulation du brevet contrefaisant ; que M. Y et la société Arco ont reconventionnellement conclu à l'annulation du brevet déposé par M. X pour défaut de nouveauté et d'activité inventive ;

Sur le premier moyen, pris en ses deux branches :

Attendu que M. Y et la société Arco font grief à l'arrêt d'avoir rejeté la demande en annulation du brevet déposé par M. X, alors, selon le moyen :

1°) qu'en retenant que l'invention présentait une activité intensive parce qu'il n'était pas évident pour un homme du métier « d'adapter à la pratique chirurgicale des procédés d'aboutage connus afin de les appliquer à la technique d'extraction des veines nécrosées », après avoir relevé « que l'application au domaine de l'extraction de tronçons veineux d'un dispositif constitué de câbles liés entre eux par vissage était connue, notamment du brevet USA 2661.003 », la cour d'appel a entaché sa décision de contradiction de motifs, en violation de l'article 455 du nouveau Code de procédure civile ;

2°) qu'en retenant que le brevet X présentait une activité inventive, sans prendre en compte dans son analyse de l'état antérieur de la technique, « le nouveau traité de techniques chirurgicales » pourtant expressément invoqué par les appelants au titre de l'état antérieur de la technique, la cour d'appel a entaché sa décision de défaut de réponse à conclusions, en violation de l'article 455 du nouveau Code de procédure civile ;

Mais attendu qu'après avoir analysé la revendication 1 du brevet déposé par M. X, l'avoir comparée aux documents invoqués et constaté l'absence d'antériorité de ces documents, dès lors que le brevet en cause concernait un domaine d'activité spécifique, l'arrêt retient, par motifs propres, que le brevet US n° 2 661 003, bien que concernant également l'aboutage de deux câbles par vissage, conduit à faire tourner les câbles lors de l'assemblage, tandis que selon le procédé breveté, le dispositif d'aboutage peut tourner indépendamment de câbles, ne comporte aucun profil traumatisant et permet également d'abouter d'autres éléments qu'un câble, notamment des drains ou des embouts ;

qu'ayant déduit de ces constatations qu'il n'était pas évident pour un homme du métier d'adapter à la pratique chirurgicale des procédés d'aboutage connus afin de les appliquer à la technique d'extraction des veines nécrosées, la cour d'appel, qui n'était pas tenue de s'expliquer sur les éléments de preuve qu'elle écartait et qui n'a adopté que les motifs non contraires des premiers juges, a pu, sans se contredire, statuer comme elle a fait ; que le moyen n'est fondé en aucune de ses branches ;

Sur le deuxième moyen :

Attendu que M. Y et la société Arco reprochent à l'arrêt de les avoir déclarés contrefacteurs du brevet X, alors, selon le moyen, que la contrefaçon par équivalence, constituée lorsque le moyen incriminé, bien que de forme différente de celle du moyen du brevet, exerce la même fonction que celui-ci en vue du même résultat, suppose que la fonction ne soit pas connue en tant que telle et soit protégée par le brevet ; qu'en retenant en l'espèce que, même si le dispositif Y comporte des embouts et un système d'attache différent de ceux du brevet X, les moyens essentiels de celui-ci y sont reproduits par équivalence dès lors que s'y retrouvent deux câbles dotés d'embouts permanents équipés d'un dispositif de solidarisation avec une fonction de tire-veines, sans constater -et en relevant même le contraire- que, quels que soient les moyens structurels mis en oeuvre pour y parvenir, la solidarisation de deux câbles avec une fonction de tire-veines était en elle-même nouvelle et inventive et donc protégée par le brevet X, la cour d'appel a violé l'article L. 615-1 du Code de la propriété intellectuelle ;

Mais attendu qu'ayant retenu que la "solidarisation des deux câbles avec une fonction de tire-veines" caractérisant l'invention de M. X était reproduit par équivalent par M. Y, la cour d'appel, qui a nécessairement déduit de ces constatations le caractère nouveau et inventif du procédé et relevé, par motifs adoptés, les différences de structures entre le dispositif protégé par le brevet de M. X et celui de M. Y a pu, par une appréciation souveraine, retenir que les moyens essentiels qui caractérisaient l'invention de M. X étaient reproduits par équivalent et visaient des fonctions identiques ; que le moyen n'est pas fondé ;

Sur le troisième moyen, pris en ses deux branches :

Attendu que M. Y et la société Arco font encore grief à l'arrêt d'avoir annulé le brevet déposé par M. Y, alors, selon le moyen :

1°) qu'en retenant que le brevet 2.699.806 déposé par M. Y le 30 décembre 1992 concerne un « dispositif d'aboutage de deux câbles en particulier à embouts de tire-veines caractérisé en ce qu'il est constitué de deux demi-olives munies de moyen de solidarisation bout à bout et comportant un logement coaxial au corps de la demi-olive de réception et retenu dudit embout de câble prolongé par un trou axial de passage de câble » alors qu'il s'agit là des termes de la revendication 1 du brevet X et non de ceux du brevet Y, la cour d'appel a dénaturé ledit brevet Y en violation de l'article 1134 du Code civil ;

2°) que deux moyens sont équivalents lorsque sous une forme différente, ils exercent la même fonction en vue du même résultat ;

que l'équivalence d'un moyen n'exclut pas, en elle-même, sa nouveauté ou son caractère inventif ; qu'en annulant dès lors le brevet Y au seul motif qu'il couvrirait un dispositif équivalent à celui couvert par le brevet antérieur X, sans apprécier la nouveauté et l'activité inventive du brevet Y, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles L. 611-10 et L. 613-25 du Code de la propriété intellectuelle ;

Mais attendu que, dès lors qu'elle retenait, par motifs propres et adoptés, que le brevet déposé par M. Y contrefaisait le brevet de M. X, la cour d'appel, abstraction faite du motif erroné mais surabondant critiqué à la première branche, a nécessairement constaté l'absence de nouveauté et d'activité inventive du brevet de M. Y ;

que le moyen, qui ne peut être accueilli en sa première branche, n'est pas fondé pour le surplus ;

Mais sur le quatrième moyen :

Vu l'article 455 du nouveau Code de procédure civile ;

Attendu que pour condamner la société Arco, la cour d'appel retient, par motifs adoptés, que la contrefaçon du brevet X est imputable à cette société, fabricant du procédé contrefaisant ainsi qu'il résulte des documents versés aux débats ;

Attendu qu'en statuant ainsi, sans analyser ni même citer les documents sur lesquels elle fondait sa décision, la cour d'appel a violé le texte susvisé ;

PAR CES MOTIFS :

CASSE ET ANNULE, mais en ses seules dispositions ayant déclaré la société Arco contrefacteur du brevet n° 2 596 977 déposé par M. X, l'arrêt rendu le 7 janvier 2002, entre les parties, par la cour d'appel de Bordeaux ; remet, en conséquence, quant à ce, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Toulouse.