Cass. crim., 30 septembre 1992, n° 91-86.667
COUR DE CASSATION
Arrêt
Rejet
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. Le Gunehec
Rapporteur :
M. Echappé
Avocat général :
M. Galand
Avocat :
Me Parmentier
LA COUR,
I. Sur le pourvoi de Gaston X :
Attendu que l'intéressé est sans intérêt à se pourvoir contre la décision l'ayant relaxé du chef de la prévention dont il faisait l'objet ; que dès lors son pourvoi est irrecevable ;
II. Sur le pourvoi de Christiane X :
Vu le mémoire produit ;
Sur le premier moyen de cassation pris de la violation du principe selon lequel les juges délibèrent en secret, des articles 485 et 593 du Code de procédure pénale, vice de forme :
en ce que la décision attaqué mentionne que la cour de Metz, composée de M. Greff, président de chambre, de MM. Dannenberger et Jaouen, conseillers, a jugé l'affaire en présence de M. Pascal, avocat général et avec l'assistance de Mme Wieszczeczynski, greffier ;
alors que les juges délibèrent en secret ; que ni le ministère public ni le greffier ne sauraient assister au délibéré ; qu'il résulte de l'arrêt attaqué que le ministère public et le greffier étaient présents lorsque l'affaire a été jugée, donc lors du délibéré ; que la cour d'appel a dès lors violé le principe et les textes visés au moyen ;
Attendu que l'arrêt attaqué mentionne expressément que la décision a été prise après qu'il en eut été délibéré conformément à la loi ; que la Cour de Cassation est ainsi en mesure de s'assurer que le secret du délibéré a été respecté ; que le moyen n'est donc pas fondé ;
Sur le second moyen de cassation pris de la violation des articles 2, 593 du Code de procédure pénale, 422 du Code pénal, 1382 du Code civil, défaut de motifs, manque de base légale :
en ce que l'arrêt attaqué a déclaré Christiane X coupable du délit de substitution de produits et l'a condamnée à une peine d'emprisonnement et d'amende outre des dommages-intérêts au profit des parties civiles ;
aux motifs propres et adoptés que la société Arlor est propriétaire de la marque Norgil relative à des prothèses et des soins capillaires ; qu'elle a concédé les droits d'exploitation exclusifs de la marque à la société Norgil qui a implanté un réseau de cabinets Norgil à travers le pays ; que par des contrats de franchise conclus entre la société Norgil et les époux X, trois centres de soins capillaires ont été respectivement ouverts à Metz, Thionville et Strasbourg ; qu'il résulte de la procédure et des débats qu'au mois de mai 1988, Mme Z a commandé au centre Norgil de Metz une prothèse Volume Hair de marque Norgil d'une valeur de 8 100 francs ; qu'au mois d'octobre 1989, Mme A a passé une pareille commande au centre Norgil de Thionville pour un prix de 6 800 francs ; que la première cliente a été livrée le 21 décembre 1988, non d'une prothèse Volume Hair, mais d'une prothèse de qualité douteuse fabriquée par une entreprise concurrente France Perruques ; que la seconde s'est vu poser le 29 décembre 1989 une perruque de médiocre qualité provenant d'une fabrication étrangère au groupe Norgil et non une prothèse Volume Hair ; que ces deux clientes qui avaient expressément commandé des prothèses de marque Norgil en signant des bons de commande à cet en-tête que la prévenue n'a pas transmis à son franchiseur, se sont vu remettre à leur insu des prothèses non référencées Norgil et achetées auprès d'autres fournisseurs ; que dans ces conditions, la marque Norgil étant une marque déposée, Christiane X s'est bien rendue coupable du délit prévu par l'article 422 du Code pénal en ayant sciemment livré un produit autre que celui qui lui avait été demandé sous une marque déposée ; que ces agissements ont causé aux parties civiles un préjudice commercial certain ; que la marque Norgil a en effet été fortement dévalorisée auprès de clients lésés ;
1°) alors que le délit de substitution de produits n'est constitué qu'autant que l'acquéreur a cru recevoir le produit qu'il avait commandé ; qu'en ne constatant nullement que Mmes Z et A ne s'étaient pas rendu compte à la livraison que le produit n'était pas conforme à la commande, la cour d'appel a privé sa décision de toute base légale au regard des textes visés au moyen ;
2°) alors que le délit de substitution de produits n'est constitué que si le commerçant a sciemment vendu un produit autre que celui qui était commandé, ce qui suppose que le vendeur se soit livré à une manoeuvre dolosive ; qu'en ne constatant pas que le prévenu s'était gardé de préciser à ses clientes l'origine exacte des produits qu'il livrait, la cour d'appel a privé sa décision de toute base légale au regard des textes visés au moyen ;
Attendu que, pour déclarer Christiane X coupable du délit de substitution de produit, la cour d'appel relève qu'elle a sciemment livré, à l'insu de ses clientes, des perruques autres que celles, de marque déposée Norgil, qu'elles avaient commandées ;
Attendu qu'en cet état, la cour d'appel a légalement justifié sa décision tant au regard de l'article 422 du Code pénal, dans sa rédaction applicable aux faits de la cause, qu'en celui de l'article 422-1 b du même Code, dans celle issue de la loi du 4 janvier 1991 ;
Qu'en effet, d'une part, le délit de substitution de produit n'exige pas, pour être constitué, que l'acquéreur ait eu connaissance de ce que le produit livré n'était pas conforme à sa commande ; que, d'autre part, l'élément intentionnel est caractérisé, en dehors de toute manoeuvre dolosive, dès lors qu'a été sciemment faite la livraison d'un produit autre que celui commandé sous une marque enregistrée ;
D'où il suit que le moyen doit être écarté ;
Et attendu que l'arrêt est régulier en la forme ;
DECLARE IRRECEVABLE le pourvoi de Gaston X ;
REJETTE le pourvoi de Christiane X.