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Décisions

Cass. com., 13 avril 2022, n° 20-20.137

COUR DE CASSATION

Arrêt

Cassation

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Rémery

Rapporteur :

Mme Brahic-Lambrey

Avocats :

SCP Gadiou et Chevallier, SCP Le Bret-Desaché

Aix-en-Provence, du 9 juill. 2020

9 juillet 2020

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Aix-en-Provence, 9 juillet 2020), la société CDV, ayant pour objet le commerce de viande et dont M. [P] était le dirigeant, a bénéficié d'une procédure de sauvegarde le 28 février 2011. Elle a été mise en liquidation judiciaire le 4 juillet 2011 à la suite de la rupture brutale de ses relations commerciales avec son client unique, M. [E] étant désigné liquidateur. Celui-ci a recherché la responsabilité pour insuffisance d'actif du dirigeant.

Examen du moyen

Sur le moyen, pris en ses première et troisième branches

Enoncé du moyen

2. M. [P] fait grief à l'arrêt de le condamner à payer à M. [E], ès qualités, la somme de 300 000 euros au titre de l'insuffisance d'actif, alors :

« 1°) que la responsabilité du dirigeant de droit ou de fait au titre de l'insuffisance d'actif ne peut être engagée en cas de simple négligence dans la gestion de la société ; que le manquement de vigilance - à le supposer avéré - ne pouvait tout au plus constituer qu'une négligence insusceptible de caractériser une faute de gestion du dirigeant ; qu'en conséquence, en retenant une faute de gestion à l'encontre de M. [P] pour avoir "manqué de vigilance en engageant la société CDV dans une activité reposant sur un seul client sans trouver de moyen de garantir la pérennité des relations commerciales", la cour d'appel a violé l'article L. 651-2 du code de commerce ;

3°) qu'un cocontractant est libre de mettre fin aux relations commerciales entretenues avec un partenaire commercial dès lors qu'il respecte un préavis ; que ce dernier n'a donc aucun moyen d'influencer sur la décision de rompre prise par son cocontractant ; que dès lors, en retenant que M. [P] n'a trouvé aucun "moyen de garantir la pérennité des relations commerciales", la cour d'appel a, en toute hypothèse, statué par un motif inopérant et a derechef violé l'article 455 du code de procédure civile. »

Réponse de la Cour

Vu l'article L 651-2 du code de commerce :

3. Il résulte de ce texte qu'en cas de simple négligence dans la gestion de la société, la responsabilité du dirigeant au titre de l'insuffisance d'actif est écartée.

4. Pour condamner M. [P] au titre de sa responsabilité pour insuffisance d'actif, l'arrêt , après avoir constaté que le cocontractant unique de la société CDV avait imposé à cette dernière des investissements destinés à adapter sa capacité de production à ses demandes dans un secteur d'activité et à une période où M. [P] pouvait légitimement croire à l'expansion de sa société, constate que ce cocontractant a brutalement rompu, à sa seule initiative, leurs relations commerciales, et relève que M. [P] a manqué de vigilance en engageant la société qu'il dirigeait dans une activité reposant sur un client unique sans trouver le moyen de garantir la pérennité des relations commerciales.

5. En statuant par de tels motifs tirés seulement d'un manque de vigilance de M. [P], impropres à établir que celui-ci aurait commis une faute de gestion non susceptible d'être analysée en une simple négligence, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision.

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur le dernier grief, la Cour :

CASSE ET ANNULE, sauf en ce qu'il ordonne la clôture de la procédure en date du 15 juin 2020, l'arrêt rendu le 9 juillet 2020, entre les parties, par la cour d'appel d'Aix-en-Provence ;

Remet, sauf sur ce point, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Montpellier.