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Décisions

Cass. crim., 22 février 2012, n° 11-83.034

COUR DE CASSATION

Arrêt

Rejet

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Louvel

Rapporteur :

M. Rognon

Avocat :

SCP Boré et Salve de Bruneton

Basse-Terre, du 29 mars 2011

29 mars 2011

Sur le moyen unique de cassation, pris de la violation des articles 6 et 7 de la Convention européenne des droits de l'homme, 38, 63 ter, 215, 232, 363, 414, 423, 424, 425, 426, 427, 432 bis 437 et 438 du code des douanes, L 716-8 à L 716-10 et R 718-2 du code de la propriété intellectuelle, 591 et 593 du code de procédure pénale ;

" en ce que l'arrêt a déclaré bien-fondé l'exception de nullité tirée de la violation des dispositions de l'article L 716-8 du code de la propriété intellectuelle et, en conséquence, a prononcé la nullité du procès-verbal de saisie de la marchandise notifié à M. X... le 15 octobre 2008 et de toute la procédure subséquente ;

" aux motifs que lors de leur intervention le 1er octobre 2008 dans les locaux de la société Bazar Tropical les agents verbalisateurs des douanes ont procédé à la retenue douanière au titre de l'article L 716-8 susvisé de 120 sacs soupçonnés contrefaisant la marque Armani et de 9 flacons de parfum soupçonnés contrefaisant la marque Nina Ricci ; qu'en l'espèce c'est à tort que le tribunal a considéré que, s'agissant d'un contrôle douanier opéré au titre de l'article 63 ter du code des douanes, la mise en retenue des marchandises présumées contrefaisantes est de plein droit ; qu'en effet l'article L. 716-8 susvisé prescrit qu'en dehors des cas prévus par la réglementation communautaire en vigueur, l'administration des douanes peut, sur demande écrite du propriétaire d'une marque enregistrée ou du bénéficiaire d'un droit exclusif d'exploitation, assortie des justifications de son droit, retenir dans le cadre de ses contrôles les marchandises que celui-ci prétend constituer une contrefaçon ; que le procureur de la République, le demandeur ainsi que le déclarant ou le détenteur des marchandises sont informés sans délai, par les services douaniers, de la retenue à laquelle ceux-ci ont procédé ; que la mesure de retenue est levée de plein droit à défaut pour le demandeur, dans le délai de 10 jours ouvrables à compter de la notification de la retenue des marchandises, de justifier auprès des services douaniers soit de mesures conservatoires décidées par la juridiction civile compétente, soit de s'être pourvu par la voie civile ou la voie correctionnelle et d'avoir constitué les garanties ; qu'or, en l'espèce, force est de constater que l'administration douanière a procédé à la retenue des marchandises sans justifier avoir obtenu au préalable une demande écrite émanant des sociétés propriétaires des marques Armani et Nina Ricci ; que l'administration douanière a informé les représentants de ces marques et le procureur de la république de ces retenues douanières par courriers en date du 2 octobre 2008 ; que les sociétés propriétaires des marques n'ont nullement justifié avoir pris des mesures conservatoires ou avoir engagé une action au fond par la voie civile ou correctionnelle ; que bien au contraire les représentants des deux sociétés ont informé l'administration douanière qu'elles n'entendaient donner aucune suite judiciaire aux retenues de marchandises ; que dans ces conditions les mesures de retenue auraient dû être levées de plein droit à l'expiration du délai de 10 jours prévu par l'article L 716-8 précité, soit le 11 octobre 2008 ; qu'il résulte de ce qui précède que l'administration douanière a retenu de façon irrégulière les marchandises dans ses locaux entre le 11 et le 15 octobre 2008 et qu'elle ne pouvait valablement les saisir entre ses mains le 15 octobre 2008 ; qu'il y a donc bien eu violation de formalités substantielles prévues par l'article L 716-8 du code de la propriété intellectuelle qui a causé au prévenu un grief certain et doit entraîner la nullité de la saisie opérée le 15 octobre 2008 ainsi que de toute la procédure subséquente en application de l'article 802 du code de procédure pénale ; qu'il n'est, par suite, pas nécessaire d'examiner les autres exceptions de nullité soulevées ;

" 1°) alors que selon l'article L 716-8 du code de la propriété intellectuelle, la mesure de retenue des marchandises arguées de contrefaçon est levée de plein droit à défaut pour le demandeur, dans les dix jours ouvrables à compter de la notification de la retenue, d'effectuer des mesures conservatoires ou d'engager une action ; que lorsqu'un délai est exprimé en jours ouvrables, il ne comprend pas les samedi, dimanche et jours fériés ; que selon l'article R. 718-2 du code de la propriété intellectuelle lorsqu'un délai est exprimé en jour, celui de la notification qui le fait courir ne compte pas et tout délai expire le dernier jour à vingt-quatre heures ; qu'en affirmant que la mesure de retenue douanière expirait le octobre 2008 et que par conséquent la marchandise, retenue de façon irrégulière dans les locaux des douanes entre le 11 et le 15 octobre 2008, ne pouvait être valablement saisie le 15 octobre 2008 alors que le délai de dix jours ouvrables qui avait commencé à courir le jeudi 2 octobre 2008, date de la notification de cette mesure aux représentants des marques, expirait le jeudi 16 octobre 2008 à vingt-quatre heures, la cour d'appel a violé les textes susvisés ;

" 2°) alors qu'en tout état de cause, lorsqu'une irrégularité constitue une cause de nullité de la procédure, seuls doivent être annulés les actes affectés par cette irrégularité et ceux dont ces derniers sont le support nécessaire ; qu'en affirmant que la nullité de la retenue douanière devait entraîner l'irrégularité de la saisie opérée le 15 octobre 2008 ainsi que de toute la procédure subséquente alors que ni les procès-verbaux de contrôle, ni le procès-verbal d'audition de M. X..., ni le procès-verbal de notification de l'infraction douanière ne trouvaient leur support nécessaire dans les actes de retenue douanière argués de nullité, la cour d'appel a violé les textes susvisés" ;

Vu l'article 593 du code de procédure pénale ;

Attendu que tout jugement ou arrêt doit comporter les motifs propres à justifier la décision ; que l'insuffisance ou la contradiction des motifs équivaut à leur absence ;

Attendu qu'il résulte de l'arrêt attaqué et des pièces de procédure que, par procès-verbaux de constat du 1er octobre 2008, des agents des douanes, procédant, sur le fondement de l'article 63 ter du code des douanes, à la visite des locaux professionnels exploités, sous l'enseigne "Bazar tropical", par M. X..., y ont constaté la détention de marchandises, pour certaines importées de Chine, mises en vente sous des marques contrefaisantes, "Armani" pour des sacs et "Nina Ricci" pour des parfums ; qu'ils ont procédé à la retenue de ces marchandises ; qu'ayant ensuite relevé et notifié les infractions de détention irrégulière de marchandises prohibées, réputées importation en contrebande, ces agents ont saisi les marchandises de fraude par procès-verbaux dressés le 15 octobre 2008 sur le fondement des articles 324 et 325 du code des douanes ;

Attendu que, pour annuler "le procès-verbal de saisie de marchandises notifié à M. X... le 15 octobre 2008 et toute la procédure subséquente", l'arrêt prononce par les motifs repris au moyen ;

Mais attendu qu'en statuant ainsi, alors que, d'une part, les délais sont comptés sans les samedi, dimanche et jours fériés, d'autre part, la saisie réelle ou fictive des marchandises de fraude résulte de la constatation ou de la notification d'une infraction douanière, peu important que ces marchandises aient été ou non préalablement retenues, en outre, les tribunaux ne peuvent admettre contre les procès-verbaux de saisie d'autres nullités que celles résultant de l'omission des formalités prescrites par le code des douanes, enfin, et à la supposer encourue, la nullité d'un procès-verbal ne peut entraîner l'annulation des actes n'ayant pas eu pour support nécessaire la mesure annulée, la cour d'appel n'a pas justifié sa décision ;

D'où il suit que la cassation est encourue ;

Par ces motifs :

CASSE et ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt susvisé de la cour d'appel de Basse-Terre, en date du 29 mars 2011, et pour qu'il soit à nouveau jugé, conformément à la loi,

RENVOIE la cause et les parties devant la cour d'appel de Paris, à ce désignée par délibération spéciale prise en chambre du conseil ;

ORDONNE l'impression du présent arrêt, sa transcription sur les registres du greffe de la cour d'appel de Basse-Terre et sa mention en marge ou à la suite de l'arrêt annulé ;

Ainsi jugé et prononcé par la Cour de cassation, chambre criminelle, en son audience publique, les jour, mois et an que dessus.