Cass. crim., 23 février 1989, n° 87-84.424
COUR DE CASSATION
Arrêt
Rejet
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. Le Gunehec
Rapporteur :
M. Morelli
Avocat général :
M. Perfetti
Avocats :
SCP Lesourd et Baudin, SCP Delaporte et Briard
Sur le premier moyen de cassation pris de la violation des articles 1, 2 et 591 du Code de procédure pénale, 422-1. 2° du Code pénal :
" en ce que l'arrêt infirmatif attaqué a déclaré recevable la constitution de partie civile de la société Elf France ayant déclenché l'action publique du chef de délit d'usage de marque trompant l'acheteur sur l'origine de la marchandise vendue ;
" aux motifs que la société Le Relais des Coteaux avait rempli ses distributeurs d'un produit qui n'était pas celui qui devait lui être vendu par le propriétaire de la marque Antar, en l'espèce la société Elf France ; que les clients croyant avoir à faire à une marque déterminée avaient été trompés et que la réalité ou l'absence d'un préjudice lié au délit susvisé et subi par la société Elf étaient dès lors indifférents ;
" alors que l'action civile en réparation du dommage causé par un délit appartient exclusivement à ceux qui ont personnellement souffert du dommage directement causé par l'infraction ; que la société Elf France ne pouvait se constituer partie civile du chef d'usage de marque trompant l'acheteur sur l'origine de la marchandise vendue qu'en démontrant qu'en tant qu'acheteur elle-même, elle avait subi un préjudice ; qu'en l'espèce, il n'est pas allégué que la société Elf France eût subi un préjudice en qualité d'acheteur du carburant vendu par la société Relais des Coteaux ; que par conséquent, sa constitution de partie civile était irrecevable " ;
Attendu qu'il ressort de l'arrêt attaqué qu'au mépris du contrat d'approvisionnement exclusif qui la liait à la société Elf France, propriétaire de la marque Antar, et à l'insu de celle-ci, Guilaine X..., président-directeur général d'une société exploitant une station-service, s'est fait livrer par un autre fournisseur d'importantes quantités de carburant qu'elle a vendues sous la marque Antar ; que saisie de poursuites engagées, sur plainte de la société Elf France, contre Guilaine X..., notamment pour usage d'une marque dans des conditions propres à tromper l'acheteur sur l'origine de l'objet désigné, la juridiction du second degré a retenu, du chef de ce délit, la culpabilité de la prévenue et, déclarant recevable la constitution de partie civile de ladite société, a alloué à cette dernière des dommages-intérêts en réparation du préjudice résultant de cette infraction ;
Attendu qu'en se prononçant ainsi, abstraction faite d'un motif erroné mais surabondant, la cour d'appel n'a pas encouru les griefs allégués ; qu'en effet, le délit prévu et réprimé par l'article 422-1. 2° du Code pénal, s'il est également dommageable aux acheteurs trompés sur le produit désigné par la marque, est essentiellement préjudiciable au propriétaire de celle-ci ;
D'où il suit que le moyen ne saurait être accueilli ;
Sur le second moyen de cassation pris de la violation des articles 26 de la loi du 31 décembre 1964, 442. 1°, 2° et 3° du Code pénal, 427 et 593 du Code de procédure pénale, 6-2 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales :
" en ce que l'arrêt attaqué a déclaré Mme Y... coupable d'apposition frauduleuse de marque appartenant à autrui et de vente, mise en vente de produits revêtus d'une marque frauduleusement apposée et d'usage de marque sans autorisation du titulaire ;
" aux motifs qu'il résulte de deux procès-verbaux de saisie contrefaçon descriptive intervenus le 8 septembre 1984 et le 10 mai 1984 (arrêt page 6, dernier paragraphe) que la société Le Relais des Coteaux exploitait une station de vente au détail de carburant portant sur un panonceau le nom de l'emblème de la marque " Antar ", lesquels figuraient également sur chaque borne distributrice, alors qu'elle se faisait livrer clandestinement des quantités importantes de carburant ne provenant pas de la société Elf pour les revendre frauduleusement sous cette marque nettement affichée (page 7, paragraphe 1er) et qu'il n'est pas établi que la SAVPP se soit uniquement adressée à Elf France pour son approvisionnement (page 8, paragraphe 1er) ;
" alors, d'une part, que l'article 26 de la loi du 31 décembre 1964 porte que " à défaut par le requérant de s'être pourvu soit par la voie civile, soit par la voie correctionnelle dans le délai de quinzaine (de la saisie), la description ou saisie est nulle de plein droit ; qu'en l'espèce, le procès-verbal de description d'huissier était en date du 10 mai 1984, cependant que la citation devant le tribunal correctionnel était datée du 24 septembre 1984 ; qu'ainsi, le délai de quinzaine prévu par ce texte était expiré à la date de la citation, la description contenue dans ce procès-verbal était nulle et ne pouvait servir de fondement à aucune poursuite, ni aucune condamnation ;
" alors, d'autre part, que les délits reprochés à Mme Y... ne pouvaient être constitués que s'il était établi que le carburant fourni par la SAVPP et vendu sous la marque Antar par la société Le Relais des Coteaux ne provenait pas de la société Elf France, propriétaire de la marque ; qu'en retenant qu'il n'était pas établi que SAVPP se soit uniquement adressée à Elf France pour son approvisionnement, cependant qu'il appartenait à cette dernière, partie poursuivante, de rapporter la preuve des délits qu'elle imputait à la prévenue, bénéficiaire d'une présomption d'innocence, la cour d'appel a renversé la charge de la preuve ;
" alors, en tout état de cause, que l'arrêt attaqué qui ne constate pas que le carburant fourni par SAVPP et vendu par la société Le Relais des Coteaux eût été effectivement d'une autre provenance que de la société Elf France, cependant qu'il est établi qu'aucun prélèvement dans les cuves n'a été fait, n'a pas légalement justifié la déclaration de culpabilité " ;
Attendu que s'il est exact que la citation de Guilaine X... devant le tribunal correctionnel a été délivrée plus de 15 jours après la date des procès-verbaux descriptifs de saisie dressés à la requête de la société Elf France et qu'ainsi le délai de validité de ceux-ci, imparti par l'article 26 de la loi du 11 décembre 1976, était expiré, la référence faite, dans l'arrêt attaqué, à ces procès-verbaux n'est pas de nature à entraîner la censure dès lors que ces documents ne constituent pas le seul mode de preuve des infractions reprochées et que les juges du second degré se sont fondés sur l'ensemble des éléments de conviction contradictoirement débattus dont ils ont souverainement apprécié la valeur ;
Qu'en conséquence, le moyen ne peut être admis ;
Et attendu que l'arrêt est régulier en la forme ;
REJETTE le pourvoi.