Cass. com., 9 avril 2013, n° 12-11.713
COUR DE CASSATION
Arrêt
Cassation
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. Espel
Avocats :
SCP Baraduc et Duhamel, SCP Bénabent et Jéhannin
Attendu, selon l'arrêt attaqué et les productions, que la société Entreprise Vitse (la débitrice) a été mise en redressement judiciaire le 2 octobre 2008 ; que la société Logicil, devenue société Vilogia, qui n'avait pas déclaré sa créance dans le délai légal, a demandé à être relevée de la forclusion par requête du 28 avril 2009 ; que le juge-commissaire, par ordonnance du 18 novembre 2009, puis, sur recours formé par la débitrice, le tribunal, par jugement du 5 juillet 2010, ont accueilli cette demande ;
Sur le premier moyen :
Attendu que la débitrice fait grief à l'arrêt d'avoir confirmé le relevé de forclusion, alors, selon le moyen :
1°) que les créanciers qui n'ont pas déclaré leur créance dans le délai de deux mois à compter de la publication du jugement d'ouverture au Bodacc ne peuvent être relevés de la forclusion qu'à condition d'établir que leur défaillance est due à une omission volontaire du débiteur, caractéristique d'une fraude, lors de l'établissement de la liste des créances, ou qu'elle n'est pas due à leur fait ; qu'en l'espèce, l'arrêt de la cour d'appel de Douai du 21 décembre 2006 ayant reconnu à débitrice une créance d'un montant supérieur à celle de la société Vilogia à son encontre, elle avait pu légitimement croire que, par l'effet de la compensation ainsi intervenue, la créance de la société Vilogia était éteinte et qu'elle n'était pas tenue d'en faire état sur la liste des créances ; qu'en s'abstenant de rechercher si, du fait de l'effet extinctif de la compensation, l'omission de déclaration n'avait pas de caractère volontaire, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1291 du code civil et de l'article L. 622-26 du code de commerce dans sa rédaction issue de la loi du 26 juillet 2005 de sauvegarde des entreprises ;
2°) que la société Vilogia a été informée du redressement judiciaire de la débitrice par un mémoire déposé le 24 novembre 2008 devant la Cour de cassation ; que le délai de déclaration des créances expirait le 7 janvier 2009 ; qu'en s'abstenant de rechercher si la circonstance que la société Vilogia s'est ainsi abstenue de déclarer sa créance pendant le mois et demi dont elle disposait encore établissait que sa défaillance était due à son fait, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 622-26 du code de commerce dans sa rédaction issue de la loi du 26 juillet 2005 de sauvegarde des entreprises ;
3°) qu'en statuant comme elle l'a fait, tandis qu'il appartenait à la société Vilogia d'établir que sa défaillance n'était pas due à son fait, la cour d'appel a inversé la charge de la preuve et violé l'article 1315 du code civil ;
Mais attendu, en premier lieu, qu'ayant relevé, d'un côté, que par arrêt en date du 23 décembre 2006, la débitrice avait été condamnée à payer à la société Vilogia une somme de 24 990 euros hors taxes outre 2 000 euros au titre des frais irrépétibles, créance dont elle ne pouvait ignorer l'existence puisqu'elle avait fait valoir ses observations devant le premier juge et devant la cour d'appel puis avait constitué avocat devant la Cour de cassation et, de l'autre, que l'existence d'une créance de la débitrice à l'égard de la société Vilogia pour un montant supérieur n'était pas de nature à l'exonérer de son obligation de déclaration, l'arrêt retient que l'omission de la créance de la société Vilogia parmi les créances dont la liste devait être établie présente un caractère volontaire ; qu'en l'état de ces constatations et appréciations, la cour d'appel, qui n'avait pas à effectuer une recherche qui ne lui était pas demandée, a légalement justifié sa décision ;
Attendu, en second lieu, que l'omission volontaire par le débiteur d'un créancier sur la liste prévue à l'article L 622-6 du code de commerce dispense ce dernier d'avoir à établir que sa défaillance n'est pas due à son fait ; que le rejet du grief de la première branche rend dès lors inopérants ceux invoqués par les deuxième et troisième branches ;
D'où il suit que le moyen ne peut être accueilli ;
Mais sur le second moyen :
Vu l'article R 622-25, alinéa 2, du code de commerce ;
Attendu que les frais de l'instance doivent être entièrement supportés par les créanciers défaillants lorsque ceux-ci sont relevés de leur forclusion, sans qu'il y ait à distinguer entre les dépens relatifs aux deux degrés de juridiction ;
Attendu qu'en mettant les dépens de première instance et d'appel à la charge de la débitrice, la cour d'appel a violé le texte susvisé ;
Et vu l'article 627, alinéa 2, du code de procédure civile ;
PAR CES MOTIFS :
CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il a confirmé le jugement du tribunal de commerce de Dunkerque du 5 juillet 2010 dans sa disposition laissant les dépens du recours à la charge de la société Entreprise Vitse et condamné cette dernière aux dépens de la procédure d'appel avec possibilité de recouvrement direct dans les conditions de l'article 699 du code de procédure civile, l'arrêt rendu le 14 septembre 2011, entre les parties, par la cour d'appel de Douai ;
Dit n'y avoir lieu à renvoi.