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Décisions

TUE, 2e ch., 19 mai 2022, n° T-251/19

TRIBUNAL DE L'UNION EUROPÉENNE

Arrêt

Rejet

PARTIES

Demandeur :

Wieland-Werke AG

Défendeur :

Commission européenne

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Tomljenović

Juges :

M. Schalin, Mme Škvařilová Pelzl (rapporteure)

Avocats :

Me Soltész, Me von Köckritz, Me Winkelmann

TUE n° T-251/19

18 mai 2022

Arrêt

I. Antécédents du litige

A. Parties à la concentration et produits en cause

1 La requérante, Wieland-Werke AG, est une société allemande qui fabrique et fournit des produits semi-finis en cuivre et en alliages de cuivre. Dans la chaîne de production des produits en cuivre, l’activité de la requérante va de la coulée de formes à la vente de produits semi-finis. Elle fabrique des produits laminés en cuivre et en alliages de cuivre (ci-après les « produits laminés ») en Allemagne, au Royaume-Uni, aux États-Unis et à Singapour.

2 Aurubis AG est une société allemande, de dimension mondiale, active dans la production, la vente et la distribution de métaux non ferreux (incluant le cuivre) et le plus grand producteur intégré de cuivre de l’Union européenne.

3 Aurubis Flat Rolled Products (ci-après « ARP ») est une entreprise contrôlée par Aurubis, qui fabrique et commercialise, au niveau mondial, des produits laminés semi-finis.

4 Schwermetall Halbzeugwerk GmbH & Co. KG (ci-après « Schwermetall ») est une société allemande détenue à parts égales (50 %) par la requérante et Aurubis. Cette entreprise commune, basée en Allemagne, fabrique, outre des produits laminés, des bandes prélaminées en cuivre et en alliages de cuivre (ci-après les « bandes prélaminées »), qu’elle vend à la requérante et à ARP ainsi qu’à d’autres fabricants de produits laminés. Schwermetall assure ainsi plus de 60 % des ventes européennes de bandes prélaminées.

5 Les produits laminés entrent dans la fabrication de nombreux produits, notamment dans les secteurs de l’électrotechnique ou de l’électronique. Ils servent, par exemple, à la fabrication de connecteurs électriques utilisés dans les voitures, les trains et les aéronefs.

6 Les bandes prélaminées sont un intrant essentiel pour la fabrication de produits laminés.

B. Procédure administrative

7 Le 13 juin 2018, la requérante a notifié à la Commission européenne un projet de concentration, au titre de l’article 4 du règlement (CE) no 139/2004 du Conseil, du 20 janvier 2004, relatif au contrôle des concentrations entre entreprises (JO 2004, L 24, p. 1), portant sur l’acquisition, par elle, d’ARP et des 50 % détenus par Aurubis dans Schwermetall (ci-après la « concentration en cause »).

8 Par décision du 1er août 2018 (ci-après la « décision d’ouverture de la procédure d’examen approfondi »), la Commission a estimé que la concentration en cause soulevait des doutes sérieux quant à sa compatibilité avec le marché intérieur et l’accord sur l’Espace économique européen (EEE), que les premiers engagements que la requérante lui avait proposés, le 11 juillet 2018 (ci-après les « premiers engagements proposés »), ne suffisaient pas à lever, et décidé d’engager, conformément à l’article 6, paragraphe 1, sous c), du règlement no 139/2004, une procédure d’examen approfondi.

9 Dans le cadre de cette dernière, la requérante a proposé de nouveaux engagements à la Commission, le 17 octobre 2018 (ci-après les « deuxièmes engagements proposés »). À la suite de la communication des griefs qui lui avait été adressée, conformément à l’article 18 du règlement no 139/2004, le 24 octobre 2018, et dans laquelle la Commission avait rejeté les deuxièmes engagements proposés, et de l’audition tenue le 19 novembre 2018, la requérante a soumis à la Commission, le 3 décembre 2018, une troisième proposition d’engagements (ci-après les « troisièmes engagements proposés »), sur lesquels cette dernière a consulté les acteurs du marché. Les résultats de cette consultation ont été négatifs.

10 Le 11 décembre 2018, la Commission a adopté la décision C(2018) 8497 final, déclarant une concentration compatible avec le marché intérieur et l’accord EEE (affaire M.8909 – KME/MKM) (ci-après la « décision KME/MKM »), par laquelle elle a autorisé, sans conditions, une concentration, notifiée le 4 juin 2018, entre KME AG et MKM Mansfelder Kupfer und Messing GmbH (ci-après « MKM »), respectivement les troisième et quatrième plus importants fournisseurs de produits laminés dans l’EEE, au motif que celle-ci concernait principalement la partie du marché des produits laminés à moindre valeur ajoutée, où KME et MKM continueraient de faire face à une concurrence effective.

C. Décision attaquée

11 Le 5 février 2019, la Commission a adopté la décision C(2019) 922 final, déclarant une concentration incompatible avec le marché intérieur et l’accord EEE (affaire M.8900 – Wieland/[ARP]/Schwermetall) (ci-après la « décision attaquée »). Dans la version confidentielle de la décision attaquée, la numérotation des considérants passe directement du numéro 375 au numéro 377, omettant le numéro 376, ce qui explique que, dans ladite version, les considérants portent tous le numéro qui suit celui qu’ils portent dans la version publique de cette même décision. Dans le présent arrêt, il est uniquement fait référence aux numéros des considérants tels qu’ils figurent dans la version confidentielle de la décision attaquée.

12 Dans la décision attaquée, portant sur les marchés concernés par la concentration en cause, la Commission a constaté que ceux-ci incluaient celui ou ceux des formes de cuivre (billettes et plateaux), celui des bandes prélaminées et celui des produits laminés, comportant différents segments, et que ces marchés étaient tous, au moins, de la dimension de l’EEE.

13 Concernant l’analyse concurrentielle de la concentration en cause, d’une part, la Commission a constaté que les deux opérations parallèles d’acquisition constituant ladite concentration aboutiraient à de très larges parts de marché combinées, tant en termes de volumes de production que de chiffre d’affaires, et à un fort degré de concentration sur le marché des produits laminés (section 6.2 de la décision attaquée).

14 Elle a également constaté que la concentration en cause supprimerait la concurrence entre deux importantes et proches concurrentes sur le marché des produits laminés, en particulier sur le segment « haut de gamme » de celui-ci, où la requérante jouissait déjà d’un pouvoir de marché considérable, du fait de la combinaison de ses activités avec celles d’ARP et de Schwermetall (section 6.3 de la décision attaquée).

15 Par ailleurs, la Commission a considéré que, à la suite de la concentration en cause, la réaction des autres concurrentes sur le marché des produits laminés ne pourrait pas faire échec à une probable hausse des prix, en particulier sur le segment « haut de gamme » dudit marché, où il resterait peu d’autres concurrentes présentes, alors que les barrières à l’entrée et au repositionnement sur ce segment seraient significatives et les capacités de production limitées (section 6.4 de la décision attaquée). En outre, elle a estimé que les clients industriels n’auraient pas de possibilités suffisantes pour changer de fournisseurs sur le marché des produits laminés, en particulier sur le segment « haut de gamme » de celui-ci, dès lors que ce marché serait fortement différencié et spécialisé et qu’il serait nécessaire pour les fournisseurs de suivre les procédures de qualification des clients industriels, lesquels suivraient des stratégies de diversification de leurs sources d’approvisionnement qui aggraveraient encore la situation (section 6.5 de la décision attaquée).

16 De plus, la Commission a constaté que certains des documents internes de la requérante et les résultats de l’enquête de marché effectuée dans le cadre de la procédure administrative indiquaient que la concentration en cause déboucherait probablement sur des hausses de prix sur le marché des produits laminés (section 6.6 de la décision attaquée). Ainsi, elle a conclu que les effets horizontaux de ladite concentration aboutiraient probablement à une entrave significative à l’exercice d’une concurrence effective sur le marché des produits laminés ainsi qu’à la création d’une position dominante de la requérante sur ce même marché (sections 6.6 et 6.7 de la décision attaquée).

17 D’autre part, la Commission a constaté que l’acquisition par la requérante des 50 % détenus par Aurubis dans Schwermetall, impliquant le passage d’un contrôle conjoint, exercé par Aurubis et la requérante, à un contrôle exclusif, exercé par cette dernière, sur Schwermetall, produirait des effets verticaux qui renforceraient et aggraveraient l’entrave significative à l’exercice d’une concurrence effective sur le marché des produits laminés résultant déjà des effets horizontaux de la concentration en cause, dès lors que ladite acquisition permettrait à la requérante d’accéder à des informations sensibles sur les clients de Schwermetall sur le marché libre des bandes prélaminées et d’entraver le développement ou d’augmenter les coûts desdits clients, qui étaient également ses concurrentes sur le marché des produits laminés, situé en aval, et ce sans qu’aucun gain d’efficacité n’en résulte (section 6.9 de la décision attaquée).

18 En revanche, la Commission a estimé que la concentration en cause n’entraverait pas l’exercice d’une concurrence effective sur le marché des formes de cuivre, à savoir celui des billettes et des plateaux (section 6.10 de la décision attaquée).

19 Enfin, la Commission a relevé que les troisièmes engagements proposés, de même que, avant eux, les deuxièmes engagements proposés, ne permettaient pas de répondre de manière exhaustive à tous les problèmes de concurrence constatés, dans la mesure où ils n’élimineraient pas l’entrave significative à l’exercice d’une concurrence effective identifiée sur le marché des produits laminés, du fait de l’élimination des importantes contraintes concurrentielles exercées sur la requérante par ARP ou de la création d’une position dominante de la requérante sur ce marché (section 7 de la décision attaquée).

20 La Commission a donc conclu que la concentration en cause devait être déclarée incompatible avec le marché intérieur et l’accord EEE, en vertu de l’article 8, paragraphe 3, du règlement no 139/2004 et de l’article 57 dudit accord.

21 L’article 1er de la décision attaquée indique ainsi que « [l]a concentration notifiée, par laquelle [la requérante] […] acquiert le contrôle de toutes les activités d’[ARP] et de l’intégralité de Schwermetall […] au sens de l’article 3, paragraphe 1, sous b), du règlement […] no 139/2004, est déclarée incompatible avec le marché intérieur et l’accord [EEE] ».

D. Procédure et conclusions des parties

22 Par requête déposée au greffe du Tribunal le 15 avril 2019, la requérante a introduit le présent recours.

23 La présente affaire a été attribuée à la première chambre.

24 En raison du renouvellement partiel du Tribunal, la présente affaire a été attribuée à une nouvelle juge rapporteure, siégeant dans la deuxième chambre.

25 Le Tribunal (deuxième chambre) a décidé, en application de l’article 106, paragraphe 3, de son règlement de procédure, de statuer sans phase orale de la procédure.

26 La requérante conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

– annuler la décision attaquée ;

– condamner la Commission aux dépens.

27 La Commission conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

– rejeter le recours ;

– condamner la requérante aux dépens.

II. En droit

28 À l’appui du présent recours, la requérante invoque onze moyens.

29 En l’espèce, le Tribunal estime opportun de commencer par l’examen du deuxième moyen.

A. Sur le deuxième moyen, tiré d’une appréciation biaisée et manifestement erronée des faits concernant l’identification d’un marché de produits en cause qui serait fortement différencié et caractérisé par différents segments

30 Par le deuxième moyen, la requérante reproche à la Commission d’avoir, dans la décision attaquée, effectué son analyse concurrentielle non pas sur le marché en cause, à savoir le marché global des produits laminés, mais sur un marché de produits laminés fortement différencié et caractérisé par différents segments, qui ont été identifiés à partir d’une appréciation biaisée et manifestement erronée des faits.

31 Le deuxième moyen est divisé en deux branches.

1. Sur la première branche du deuxième moyen

32 Par la première branche du deuxième moyen, la requérante reproche, en substance, à la Commission d’avoir manqué à l’obligation qui lui incombait, conformément à la jurisprudence, de fournir une définition adéquate et précise du marché en cause, en ayant procédé, dans la décision attaquée, à une segmentation floue et arbitraire de ce dernier qui, comme elle l’a reconnu aux points 26 et 31 du mémoire en défense, ne peut être segmenté de manière précise. En effet, selon la requérante, la segmentation effectuée par la Commission, fondée sur une distinction entre les alliages « haut de gamme » et « standard », ne correspond à aucune réalité objective.

33 La Commission réfute les arguments avancés par la requérante et conclut au rejet de la première branche du deuxième moyen comme étant non fondée.

34 Selon une jurisprudence constante, la définition adéquate du marché en cause est une condition nécessaire et préalable à l’appréciation des effets sur la concurrence de la concentration notifiée, telle qu’éventuellement modifiée par les engagements proposés, en vertu de l’article 2 du règlement no 139/2004 (voir, en ce sens, arrêt du 23 mai 2019, KPN/Commission, T 370/17, EU:T:2019:354, point 57 et jurisprudence citée).

35 En l’espèce, au considérant 108 de la décision attaquée, la Commission a constaté qu’« un marché global pour les produits laminés exist[ait] », mais que, « en raison des caractéristiques différentes de la matière première et des différents paramètres de fabrication des produits laminés, de même que des différentes exigences dans différentes utilisations finales, ce marché [étai]t fortement différencié et consist[ait] en de multiples segments qui rév[é]l[ai]ent différents degrés et différentes intensités de concurrence et de pression concurrentielle potentielle ».

36 La requérante ne conteste pas que le marché en cause soit le marché global des produits laminés, mais reproche, en substance, à la Commission d’avoir considéré que ce marché était fortement différencié et animé par des dynamiques concurrentielles différentes, selon que les produits laminés concernés relevaient du segment « haut de gamme » ou du segment « bas de gamme » ou « standard » de ce marché, et ce sans avoir délimité précisément lesdits segments.

37 Tout d’abord, il y a lieu de relever que, pour définir le marché en cause, la Commission a suivi la méthodologie classique exposée dans la communication sur la définition du marché en cause aux fins du droit [de l’Union] de la concurrence (JO 1997, C 372, p. 5, ci-après la « communication sur la définition du marché en cause »), laquelle implique de considérer la substituabilité du côté de la demande et, le cas échéant, la substituabilité du côté de l’offre, lorsque celle-ci a des effets équivalents à ceux de la substitution du côté de la demande en matière d’immédiateté et d’efficacité. C’est la mise en œuvre de cette méthodologie qui, à la section 5.2.4.3 de la décision attaquée, l’a conduite à constater, au vu des résultats de l’enquête de marché, que, d’une part, la substitution du côté de la demande était limitée par les exigences spécifiques des clients industriels et, d’autre part, la substitution qui existait du côté de l’offre n’était pas parfaite, dans la mesure où la capacité des concurrentes à fabriquer les produits laminés exigés par les clients industriels dépendait non seulement de la technologie (équipements) dont elles disposaient, mais aussi de leur savoir-faire et de leur aptitude à être qualifiées ou certifiées par les clients industriels pour certaines applications finales. En particulier, seul un nombre limité d’entreprises présentes sur le marché en cause auraient été en mesure de fournir des produits laminés « haut de gamme ».

38 À cet égard, il ne peut être reproché à la Commission d’avoir, dans la décision attaquée, suivi la méthodologie exposée dans sa propre communication et dont le bien-fondé n’a pas été, en l’espèce, remis en cause par la requérante. En effet, la Commission ne peut se départir des règles qu’elle s’est imposées (voir arrêt du 28 juin 2005, Dansk Rørindustri e.a./Commission, C 189/02 P, C 202/02 P, C 205/02 P à C 208/02 P et C 213/02 P, EU:C:2005:408, points 209, 211 et 213 et jurisprudence citée). Ainsi, dans la mesure où la communication sur la définition du marché en cause indique, par des formulations impératives, la méthode par laquelle la Commission entend définir les marchés à l’avenir et ne réserve aucune marge d’appréciation, la Commission doit effectivement tenir compte des termes de celle-ci (arrêt du 14 décembre 2005, General Electric/Commission, T 210/01, EU:T:2005:456, point 516).

39 Ensuite, pour autant que la requérante reproche, en substance, à la Commission, dans le cadre de l’application de cette méthodologie, de s’être référée à une distinction floue, arbitraire et dépourvue de réalité objective entre les produits laminés « haut de gamme » et les produits laminés « bas de gamme » ou « standard », il y a lieu de constater, tout d’abord, que celle-ci ne conteste pas que les produits laminés ne sont pas des produits homogènes, mais qu’il s’agit de produits différenciés en fonction d’un grand nombre de critères (composition, niveau de finition, applications finales, etc.). Chacun de ces critères permet de procéder à des segmentations du marché global des produits laminés, sans qu’aucun d’eux ne soit, a priori, prépondérant et ne permette d’identifier des marchés de produits distincts.

40 De plus, il convient de rappeler que, dans le cadre de marchés de produits différenciés, l’existence d’un marché global ne préjuge pas de la possibilité d’identifier des dynamiques concurrentielles différentes sur certains segments du marché. En effet, une telle segmentation, qui vise à saisir les différentes dynamiques concurrentielles effectivement à l’œuvre sur le marché, est seule à même de répondre à l’objet principal de la définition du marché en cause aux fins du droit de l’Union de la concurrence, tant au niveau des produits que de sa dimension géographique, qui, comme l’indique le paragraphe 2 de la communication sur la définition du marché en cause, est d’identifier de manière systématique les contraintes que la concurrence fait peser sur les entreprises concernées et de déterminer s’il existe des concurrents réels, capables de peser sur le comportement de ces entreprises ou de les empêcher d’agir indépendamment des pressions qu’exerce une concurrence effective. La définition adéquate du marché en cause, tant au niveau des produits que de sa dimension géographique, est ainsi celle qui permet d’apprécier le plus raisonnablement possible les effets sur la concurrence de la concentration notifiée (voir, en ce sens, s’agissant du marché géographique, arrêt du 31 mars 1998, France e.a./Commission, C 68/94 et C 30/95, EU:C:1998:148, point 143 et jurisprudence citée). Elle doit ainsi tenir compte de l’ensemble du contexte économique, de manière à pouvoir apprécier la puissance économique effective des entreprises concernées (voir arrêt du 6 juin 2002, Airtours/Commission, T 342/99, EU:T:2002:146, point 20 et jurisprudence citée) et le pouvoir de marché de la nouvelle entité qui résultera de l’opération de concentration.

41 Dans la décision attaquée, la Commission a précisément observé que différentes dynamiques concurrentielles étaient à l’œuvre, sur le marché global des produits laminés, entre les produits laminés « haut de gamme » et les produits laminés « bas de gamme » ou « standard ». Une telle segmentation du marché des produits en cause était pertinente et suffisante, même en l’absence d’une délimitation plus précise des segments, dès lors qu’elle permettait d’apprécier, de la manière la plus raisonnable possible, le pouvoir de marché réel de la nouvelle entité qui résulterait de la concentration en cause. En procédant à une telle segmentation, la Commission n’est toutefois pas allée jusqu’à constater l’existence de deux sous-marchés distincts au sein du marché global des produits laminés, ce que, au demeurant, la requérante ne lui reproche pas dans le cadre du présent recours.

42 Enfin, la Commission a établi, exemples à l’appui, notamment aux considérants 117, 124, 125, 133, 270, 274, 279, 282, 286, 287, 458 et 459 de la décision attaquée, que les parties à la concentration en cause distinguaient elles-mêmes, dans le cours normal de leur activité économique, les produits laminés « haut de gamme » et les produits laminés « bas de gamme » ou « standard » et identifiaient certains types de produits laminés comme relevant du segment « haut de gamme » du marché en cause, tels que les produits laminés pour connecteurs en alliage à haute performance (ci-après « AHP ») ou étamés à chaud et les produits laminés à double épaisseur, ce qui atteste la pertinence d’une telle segmentation pour appréhender les dynamiques concurrentielles à l’œuvre sur le marché en cause.

43 À la lumière des appréciations qui précèdent, il ne peut être constaté que la Commission aurait procédé, dans la décision litigieuse, à une segmentation floue et arbitraire du marché en cause et, par là même, manqué à son obligation de définir ledit marché de manière adéquate.

44 Par conséquent, il y a lieu de rejeter la première branche du deuxième moyen.

2. Sur la seconde branche du deuxième moyen

45 Par la seconde branche du deuxième moyen, la requérante soutient que la segmentation du marché en cause, opérée par la Commission dans la décision attaquée, se fondait sur des éléments de preuve insuffisants, en raison de l’absence de consultation des fabricants d’équipements de production de produits laminés, et sur une appréciation erronée des capacités techniques des concurrentes. La requérante ne conteste ni l’existence ni le contenu des réponses des concurrentes à l’enquête de marché mentionnées au considérant 115 de la décision attaquée, de la déclaration d’un client industriel citée au considérant 116 de ladite décision et du document interne décrit au considérant 117 de cette même décision, sur lesquels la Commission a fondé ses appréciations, mais reproche, en substance, à cette dernière de ne pas être parvenue à la conclusion que, dans l’ensemble, toutes les concurrentes pouvaient répondre, d’une manière ou d’une autre, à toutes les exigences des clients industriels, de sorte qu’il n’y aurait pas eu lieu de distinguer des segments « haut de gamme » et « bas de gamme » ou « standard » pour apprécier, de manière adéquate, les effets de la concentration en cause sur la concurrence sur le marché en cause.

46 La Commission réfute les arguments avancés par la requérante et conclut au rejet de la seconde branche du deuxième moyen comme étant non fondée.

47 À cet égard, il y a lieu de rappeler que, dans le cadre de la procédure de contrôle des concentrations, la Commission doit effectuer une appréciation autonome et, si, dans ce cadre, l’opinion des acteurs du marché constitue une importante source d’information, elle ne peut la lier, et ce d’autant moins qu’elle n’est généralement pas uniforme. Ainsi, le simple fait que la Commission ne se rallie pas à l’opinion exprimée par certains acteurs du marché ne signifie pas qu’elle n’a pas tenu compte de cette information dans le cadre de son appréciation [voir, en ce sens, arrêt du 5 octobre 2020, HeidelbergCement et Schwenk Zement/Commission, T 380/17, EU:T:2020:471, point 673 (non publié) et jurisprudence citée].

48 En l’espèce, il ressort des considérants 115 à 119 de la décision attaquée que, pour étayer la distinction entre les produits laminés « haut de gamme » ou « spécialisés » et les produits laminés « bas de gamme » ou « standard », la Commission s’est référée à des témoignages émanant de fournisseurs de produits laminés ou de clients industriels qui étaient directement confrontés aux difficultés techniques qu’ils décrivaient et qui n’auraient eu aucun intérêt à lui fournir, sur ce point précis, des données erronées afin qu’elle ne consacrât pas, dans sa décision, la distinction entre les produits susmentionnés. De plus, la Commission s’est appuyée sur un document interne de la requérante, établi dans le cours normal de ses activités commerciales et allant à l’encontre de ce qu’elle prétend aux fins de la défense de ses intérêts dans le cadre du présent recours. Tous ses éléments corroboraient l’existence d’une distinction entre les produits laminés « haut de gamme » ou « spécialisés » et les produits laminés « bas de gamme » ou « standard ». Il y a donc lieu de constater que la Commission a fondé son appréciation relative à l’existence d’une telle distinction sur un ensemble d’éléments fiables, étayés, cohérents, pertinents et suffisants.

49 À cet égard, pour autant que la requérante reproche, en substance, à la Commission d’avoir fondé sa segmentation du marché en cause sur une distinction des produits laminés par types d’alliages ou taux de cuivre ou par types d’utilisations finales, il suffit de rappeler que la segmentation appliquée par la Commission dans la décision attaquée était fondée, d’abord et avant tout, sur une combinaison variable de plusieurs critères permettant d’identifier les produits laminés spécialisés, dont la fabrication nécessitait de disposer d’équipements et d’un savoir-faire particuliers et dont le prix de conversion et, donc, la valeur ajoutée étaient élevés. Certains produits laminés en certains types de cuivre ou d’alliages de cuivre ou répondant à certaines utilisations finales pouvaient, en application desdits critères, relever du segment des produits laminés « haut de gamme », sans que l’on puisse, pour autant, en déduire que la segmentation reposait, elle-même, sur les compositions différentes des produits laminés en cause ou sur leurs différentes utilisations finales. Dès lors, il est sans incidence qu’un même alliage puisse, selon les cas, entrer dans la composition d’un produit laminé « haut de gamme » ou « bas de gamme » ou « standard » ou qu’une même utilisation finale puisse être satisfaite par un produit laminé « haut de gamme » ou « bas de gamme » ou « standard », car aucun de ces critères n’est déterminant, à lui seul, pour classer les produits laminés dans les catégories « haut de gamme » ou « bas de gamme » ou « standard ».

50 Pour autant que la requérante objecte que les clients industriels n’ont pas toujours des exigences spécifiques et que beaucoup de concurrentes produisent essentiellement des produits laminés standard, il y a lieu de relever que cette objection n’est pas de nature à remettre en cause la segmentation du marché en cause retenue en l’espèce par la Commission, dans la mesure où elle explique, selon cette dernière, la dynamique concurrentielle spécifique à l’œuvre sur le segment « bas de gamme » ou « standard » du marché en cause, ainsi qu’il ressort du considérant 115 de la décision attaquée. Elle ne contredit pas l’existence d’un autre segment, celui des produits laminés « haut de gamme », sur lequel les clients industriels ont des exigences spécifiques et qui est uniquement accessible à un petit nombre de concurrentes. Au demeurant, comme le relève à bon droit la Commission, les stratégies développées par certains opérateurs sur le marché en cause, tels que la requérante, consistant à abandonner la production de certains types de produits laminés, décrits comme étant « standard » ou « bas de gamme », pour se concentrer sur celle d’autres produits, décrits comme étant « haut de gamme », démontrent la pertinence de la segmentation retenue par la Commission pour rendre compte des différentes dynamiques concurrentielles à l’œuvre sur le marché en cause.

51 Pour autant que la requérante reproche, en substance, à la Commission de ne pas avoir tenu compte de ce que tant des produits laminés « bas de gamme » ou « standard » que « haut de gamme » pouvaient être fabriqués, sous réserve de quelques adaptations rapides, sur des équipements ordinaires et de ne pas avoir consulté les équipementiers à cet égard, il y a lieu d’observer que la capacité limitée de nombreuses concurrentes à produire tout type de produits laminés ne dépendait pas, selon la Commission, que des équipements dont celles-ci disposaient, mais également de leur niveau de savoir-faire et de maîtrise technologique. Dès lors, la circonstance qu’un même équipement puisse éventuellement servir à fabriquer un large éventail de produits laminés ne suffit pas à constater que les concurrentes qui le détiennent sont capables de produire tout type et toute qualité de produits laminés répondant à toutes les exigences des clients industriels et, notamment, des produits laminés « haut de gamme ». De la même manière, la circonstance que certaines concurrentes, telles que la requérante ou Alfred Wertli AG, parviendraient à produire différents types de produits laminés, « haut de gamme » ou « bas de gamme » ou « standard », sur leurs équipements ne permet pas de conclure qu’elles auraient toutes les capacités de produire tous les types de produits laminés sur leurs équipements.

52 Dans ce contexte, l’opinion des concurrentes sur leurs capacités techniques pour produire tout type de produits laminés et celle de leurs clients industriels sur cette même question représentaient une information plus directe et fiable que celle qui aurait éventuellement pu être déduite de l’opinion des équipementiers sur l’utilisation possible de leurs machines par leurs clients. En effet, ces derniers étaient les mieux à même d’évaluer leurs propres limitations techniques.

53 En outre, le fait qu’il existerait des capacités de sous-traiter ou d’externaliser certaines opérations lors du processus de production des produits laminés ne suffit pas à remettre en cause le bien-fondé de l’appréciation de la Commission, dans la mesure où, lorsque les concurrentes ou les clients industriels ont exprimé leur opinion, ils l’ont fait en toute connaissance du marché en cause et, donc, en tenant également compte des solutions de sous-traitance et d’externalisation de certaines opérations disponibles sur celui-ci.

54 Par ailleurs, dans la mesure où la requérante reproche à la Commission d’avoir commis une erreur et de s’être contredite quant aux données figurant dans les tableaux nos 4 et 5 insérés au considérant 277 de la décision attaquée, en se référant à la déclaration d’un client industriel selon lesquelles seules elle-même, ARP et KME fabriquaient des produits laminés destinés au secteur de la connectique de haute technologie, il y a lieu de constater, d’une part, que la Commission s’est bornée à citer cette déclaration, au considérant 116 de la décision attaquée, pour illustrer son appréciation, fondée sur l’enquête de marché, selon laquelle plus un produit laminé était spécialisé, moins il y avait de fournisseurs pour celui-ci. D’autre part, les données figurant au considérant 277 de la décision attaquée et dans les tableaux nos 4 et 5 qui y sont insérés ne sont pas nécessairement contradictoires avec la déclaration du client industriel citée par la Commission. En effet, dans ledit considérant, la Commission a indiqué que les produits laminés en AHP étaient généralement des produits à forte valeur ajoutée et que les produits laminés en bronze étaient importants pour l’industrie de la connectique et relevaient, dans cette mesure, du segment des produits laminés « haut de gamme ». Cependant, elle n’a pas indiqué que les produits laminés en AHP et en bronze étaient tous destinés à l’industrie de la connectique et, en particulier, aux connecteurs de haute technologie. Ainsi, si les tableaux nos 4 et 5 faisaient état des volumes vendus (en tonnes) et des parts de marché dans l’EEE, entre 2015 et 2017, des entreprises fournissant des produits laminés en AHP et en bronze et s’ils mentionnaient, à cet égard, d’autres entreprises que la requérante, à savoir ARP et KME, il n’en découlait pas nécessairement que ces entreprises fournissaient des produits laminés pour les connecteurs de haute technologie. Les arguments de la requérante ne suffisent donc pas à constater, à cet égard, une erreur ou une incohérence entachant la décision attaquée.

55 Enfin, pour autant que la requérante reproche à la Commission d’avoir tenu compte de la substituabilité du côté de l’offre et constaté que celle-ci était unidirectionnelle et imparfaite, il y a lieu de rappeler que, comme il a été indiqué au point 37 ci-dessus, cette prise en compte était conforme à la méthodologie classique développée dans la communication sur la définition du marché en cause, que la requérante n’a pas contestée en tant que telle. Or, pour les raisons exposées au point 38 ci-dessus, la Commission était tenue de suivre, en l’espèce, ladite méthodologie. En outre, celle-ci a exposé les motifs spécifiques pour lesquels, en application de cette méthodologie, elle était amenée à constater que la substituabilité du côté de l’offre, sur le marché en cause, était unidirectionnelle et imparfaite et l’examen du présent recours ne permet pas d’invalider lesdits motifs. Dès lors, il n’y a pas lieu de remettre en cause les appréciations de la Commission à cet égard.

56 Par conséquent, il y a lieu de rejeter la seconde branche du deuxième moyen et, partant, le deuxième moyen dans son intégralité.

B. Sur le premier moyen, tiré d’erreurs manifestes d’appréciation et d’erreurs de droit, ainsi que d’une violation du principe de sécurité juridique, concernant le marché à prendre en compte pour l’analyse concurrentielle de la concentration en cause et des engagements proposés

57 Par le premier moyen, divisé en deux branches, prises, la première, d’erreurs manifestes d’appréciation et, la seconde, d’une erreur de droit dans l’application de l’article 2 du règlement no 139/2004, la requérante reproche, en substance, à la Commission une incohérence manifeste consistant à avoir, d’une part et à juste titre, à la section 5 de la décision attaquée, défini le marché en cause comme étant celui de l’ensemble des produits laminés et, d’autre part et à tort, aux sections 6 et 7 de cette même décision, focalisé son enquête de marché ainsi que son analyse concurrentielle de la concentration en cause et des engagements proposés sur des segments particuliers dudit marché, définis de manière artificielle et subjective, tels que le prétendu segment des produits laminés « haut de gamme », ou sur des sous-segments de marché définis par type de cuivre ou d’alliages de cuivre, par secteurs industriels ou par champs d’application des produits. L’analyse concurrentielle de la concentration en cause et des engagements proposés, effectuée par la Commission, aurait été sérieusement biaisée par cette incohérence. Par ailleurs, la segmentation du marché en cause par type de cuivre et d’alliages de cuivre, effectuée par la Commission, aurait été impraticable, car, ainsi qu’il serait ressorti de l’annexe de la décision attaquée, il en aurait existé une centaine d’alliages de cuivre. Au demeurant, une telle segmentation aurait été abandonnée dans la communication des griefs. En outre, les appréciations fondées, dans la décision attaquée, sur le concept de « marché complexe et différencié » n’auraient été étayées par aucune citation de jurisprudence ou de décisions antérieures, ni par aucun élément de preuve. Ces appréciations auraient contrevenu au principe de sécurité juridique.

58 La Commission réfute les arguments de la requérante et conclut au rejet du premier moyen. Selon elle, le grief tiré d’une violation du principe de sécurité juridique est irrecevable, car insuffisamment précis au regard de la jurisprudence. Quant au grief pris d’erreurs manifestes d’appréciation et de droit concernant le marché à prendre en compte dans ses analyses, il ne serait pas fondé.

59 Concernant la fin de non-recevoir soulevée par la Commission, dans le mémoire en défense, à l’encontre du grief tiré d’une violation du principe de sécurité juridique, à laquelle la requérante n’a pas spécifiquement répondu dans la réplique, il y a lieu de rappeler que, en vertu de l’article 21 du statut de la Cour de justice de l’Union européenne et de l’article 76, sous d), du règlement de procédure du Tribunal, la requête introductive d’instance doit contenir un exposé sommaire des moyens invoqués. Cette indication doit être suffisamment claire et précise pour permettre à la partie défenderesse de préparer sa défense et au Tribunal de statuer sur le recours, le cas échéant sans autre information à l’appui. La requête doit, de ce fait, expliciter en quoi consiste le moyen sur lequel le recours est fondé, de sorte que sa seule énonciation abstraite ne répond pas aux exigences du règlement de procédure (voir arrêt du 12 mars 2020, Elche Club de Fútbol/Commission, T 901/16, EU:T:2020:97, point 79 et jurisprudence citée). Des exigences analogues sont requises lorsqu’un grief est invoqué au soutien d’un moyen (arrêt du 14 mai 1998, Mo och Domsjö/Commission, T 352/94, EU:T:1998:103, point 333).

60 En l’espèce, dans la requête, la requérante n’a pas explicité en quoi consistait la violation du principe de sécurité juridique qu’elle invoque. Partant et comme le soutient à bon droit la Commission, ce grief doit être rejeté comme étant irrecevable.

61 En ce qui concerne le fond du premier moyen, pris en ses deux branches, celui-ci dénonce, en substance, l’absence de cohérence interne de la décision attaquée concernant le marché à prendre en compte pour apprécier les effets sur la concurrence de la concentration en cause, telle qu’elle a été modifiée par les engagements proposés.

62 À cet égard, il y a lieu de relever que la Commission ne peut, sans entacher sa décision d’incohérence, apprécier les effets sur la concurrence d’une concentration qui lui a été notifiée, telle qu’éventuellement modifiée par les engagements proposés, sur un marché différent de celui qu’elle a préalablement défini comme étant le marché en cause. L’absence de cohérence interne de certaines appréciations figurant dans la décision contestée peut être révélatrice d’une erreur manifeste d’appréciation entachant celle-ci (voir, en ce sens, arrêt du 6 juin 2002, Airtours/Commission, T 342/99, EU:T:2002:146, points 105 à 108).

63 Par ailleurs, une telle incohérence peut également révéler une violation de l’article 2 du règlement no 139/2004, dans la mesure où la définition adéquate du marché en cause est une condition nécessaire et préalable à l’application de celui-ci (voir point 34 ci-dessus).

64 Toutefois, il y a lieu d’établir une distinction entre la définition du marché en cause, à savoir le marché sur lequel intervient la concentration notifiée et qui est, donc, potentiellement affecté par celle-ci, et l’appréciation des effets de ladite concentration sur la concurrence qui s’exerce sur ce marché. En effet, l’appréciation concurrentielle de la concentration notifiée peut conduire à constater que celle-ci n’entrave pas la concurrence de la même manière sur toutes les parties du marché en cause, sans que cela affecte ou remette en cause la définition même de ce marché [voir, en ce sens et par analogie, s’agissant de la distinction entre le marché géographique potentiellement affecté et celui sur lequel l’opération engendrerait une entrave significative à une concurrence effective, arrêt du 5 octobre 2020, HeidelbergCement et Schwenk Zement/Commission, T 380/17, EU:T:2020:471, points 309, 310, 347 et 366 (non publiés)]. Il s’ensuit que le seul constat qu’une entrave significative à une concurrence effective affecte plus directement et plus fortement une partie du marché des produits ou géographique en cause ne préjuge pas de ce que cette entrave se produise et soit constatée sur ledit marché, dans la mesure où la partie la plus directement et fortement affectée de ce marché n’est pas dissociable du reste de celui-ci.

65 En l’espèce, au considérant 136 de la décision attaquée, la Commission a constaté, au sujet du marché des produits en cause, ce qui suit :

« En conclusion, à la lumière des appréciations figurant aux considérants 107 à 135 [de la décision attaquée] et compte tenu des résultats de l’enquête de marché et de tous les éléments de preuve disponibles, la Commission conclut qu’il existe un marché global des produits laminés, couvrant une large gamme de produits, la plupart des produits standard étant en bas de la gamme et la plupart des produits spécialisés étant en haut de celle-ci. Toutefois, le fort degré de différenciation en matière de performance des produits, de savoir-faire et de technologie, d’intensité de la concurrence et de prix implique l’existence de différents segments au sein du marché global [des produits laminés] qui révèlent différents niveaux et degrés de concurrence. Par conséquent, la Commission effectuera son appréciation concurrentielle tant au niveau du marché global des produits laminés qu’à celui des segments sur la partie “haut de gamme” dudit marché – qui constitue le principal chevauchement des activités des parties [à la concentration en cause] sur le marché des produits laminés – comme les produits laminés pour connecteurs, en AHP ou étamés à chaud. »

66 Ainsi que le soutient à bon droit la Commission, celle-ci avait préalablement défini le marché en cause comme étant le marché global des produits laminés, fortement différencié et caractérisé par l’existence de différents segments animés par des dynamiques concurrentielles spécifiques, tels que celui des produits laminés « haut de gamme », de sorte que, comme cela a été indiqué au considérant 214 de la décision attaquée, son analyse concurrentielle de la concentration en cause et des engagements proposés devait, pour mieux évaluer et saisir la proximité concurrentielle existant entre les parties à la concentration en cause ainsi que la pression concurrentielle exercée sur elles par les autres acteurs du marché, être effectuée non seulement au niveau dudit marché, mais également desdits segments, sur lesquels différentes dynamiques concurrentielles étaient à l’œuvre. En particulier, la Commission a constaté, aux considérants 427, 576, 577, 650 et 794 de la décision attaquée, que le segment des produits laminés « haut de gamme » différait des autres parties du marché en cause en ce qui concernait l’intensité de la concurrence qui s’y exerçait. En effet, alors que, sur le segment « bas de gamme » ou « standard » du marché en cause, les acheteurs dominaient les producteurs, l’inverse était observable sur le segment des produits laminés « haut de gamme », caractérisé par sa structure oligopolistique et où un petit nombre de producteurs, à savoir, outre les parties à la concentration en cause, la nouvelle entité issue de l’opération de concentration entre KME et MKM (ci-après « KME/MKM »), Diehl Metal Applications (ci-après « Diehl ») et Gebr. Kemper GmbH + Co. KG Metallwerke (ci-après « Kemper »), était en position de force par rapport aux acheteurs. La prise en compte des dynamiques concurrentielles à l’œuvre sur ces différents segments était d’autant plus importante, en l’espèce, que celles-ci expliquaient les stratégies économiques mises en œuvre par les acteurs du marché en cause. En particulier, ainsi que la Commission l’a relevé aux considérants 274, 311, 507, 509 et 538 de la décision attaquée, la requérante avait décidé de mettre en œuvre une stratégie d’« écrémage » du marché en cause consistant à se focaliser sur les segments en plus forte croissance et les plus rentables de celui-ci, en particulier le segment des produits laminés « haut de gamme » ou des sous-segments relevant, pour l’essentiel, de ce dernier, où elle disposait d’un pouvoir de marché accru, en raison notamment de la structure oligopolistique desdits segments, et où les activités des parties à la concentration en cause se recoupaient pour l’essentiel, de sorte que le pouvoir de marché détenu par la requérante s’en serait encore trouvé accru.

67 Dès lors que le segment des produits laminés « haut de gamme », ou des sous-segments relevant, pour l’essentiel, de ce dernier, représentait une partie du marché global des produits laminés, il ne peut être reproché à la Commission d’avoir ainsi, dans la décision attaquée, commis une erreur de droit en ayant apprécié les effets sur la concurrence de la concentration en cause, telle qu’éventuellement modifiée par les engagements proposés, sur un marché différent de celui qu’elle avait préalablement défini comme étant le marché en cause.

68 En outre, il ne peut être reproché à la Commission d’avoir limité son analyse concurrentielle à cette seule partie du marché en cause. En effet, les considérants cités par la requérante à l’appui de ses arguments ne doivent pas être lus de manière isolée, mais replacés dans leur contexte et, par conséquent, par rapport à la décision attaquée prise dans son ensemble. Or, ainsi que l’expose à bon droit la Commission, pour évaluer les effets sur la concurrence de la concentration en cause, telle que modifiée par les troisièmes engagements proposés, celle-ci s’est référée à la situation concurrentielle prévalant, avant la concentration en cause, ou qui prévaudrait, après celle-ci, tant sur le marché global des produits laminés que sur certains segments spécifiques de ce même marché, à savoir le segment des produits laminés « haut de gamme » ou des sous-segments relevant, pour l’essentiel, de celui-ci.

69 Si, à de nombreuses reprises, dans la décision attaquée, la Commission a concentré son analyse sur certains segments spécifiques du marché en cause, en particulier celui des produits laminés « haut de gamme » ou certains sous-segments relevant, pour l’essentiel, de celui-ci, cela est lié au fait que, comme elle l’a exposé aux considérants 136 et 316 de cette même décision, ces segments étaient ceux qui étaient déjà les plus concentrés du marché en cause, où existait le principal recoupement des activités des parties à la concentration en cause, où le rapport de concurrence entre celles-ci était le plus étroit et où, après ladite concentration, la requérante concentrerait ses activités et disposerait d’un pouvoir de marché encore plus élevé que celui dont elle disposait déjà avant cette même concentration. Ainsi la Commission s’est-elle focalisée sur les segments du marché en cause sur lesquels, selon elle, la concurrence aurait été le plus directement et le plus fortement affectée par la concentration en cause et où l’entrave significative à une concurrence effective, au sens de l’article 2, paragraphe 3, du règlement no 139/2004, résultant de cette dernière était la plus évidente à relever.

70 En effet, à la section 6.4 de la décision attaquée, la Commission a évalué dans quelle mesure le pouvoir de marché accru dont la requérante disposerait, après la concentration en cause, par rapport à celui dont elle disposait déjà avant ladite concentration, sur le segment des produits laminés « haut de gamme » lui permettrait de s’extraire de la contrainte exercée par ses concurrentes et d’augmenter ses prix sans craindre leur réaction. De même, à la section 6.5 de la décision attaquée, elle a évalué dans quelle mesure, après la concentration en cause, les clients industriels opérant sur le segment des produits laminés « haut de gamme » pourraient changer de fournisseurs en réaction à des hausses de prix orchestrées par la requérante.

71 En l’espèce, le fait que la Commission ait constaté que la concentration en cause affecterait plus sensiblement la concurrence sur certains segments du marché en cause, en particulier celui des produits laminés « haut de gamme » ou certains sous-segments relevant, pour l’essentiel, de celui-ci, ne permet pas de conclure que celle-ci aurait, ce faisant, modifié sa définition du marché en cause, identifié comme étant le marché global et fortement différencié des produits laminés, en le réduisant aux seuls segments ou sous-segments de ce marché sur lesquels elle estimait que la concurrence serait le plus directement et le plus fortement affectée et où l’entrave significative à une concurrence effective résultant de cette dernière serait la plus évidente à relever, comme cela ressortait notamment du considérant 210 de la décision attaquée.

72 Le constat, par la Commission, que l’entrave significative à une concurrence effective qui concernait plus spécifiquement le segment des produits laminés « haut de gamme » ou certains sous-segments relevant, pour l’essentiel, de celui-ci intervenait sur le marché en cause n’était nullement erroné, dès lors que le premier constituait une partie non dissociable du second (voir point 64 ci-dessus), et ne signifiait pas, pour autant, que celle-ci entendait ainsi étendre les appréciations qui portaient spécifiquement sur lesdits segments ou sous-segments à toutes les autres parties du marché en cause, telles que le segment des produits laminés « bas de gamme » ou « standard ». La requérante ne cite d’ailleurs aucun exemple de cas où la Commission aurait expressément transposé des appréciations concernant le segment des produits laminés « haut de gamme » ou certains sous-segments relevant, pour l’essentiel, de celui-ci au segment des produits laminés « bas de gamme » ou « standard ».

73 En tout état de cause, il y a lieu de relever que l’affaiblissement de la concurrence sur le segment des produits laminés « haut de gamme » ou sur certains sous-segments clés relevant, pour l’essentiel, de celui-ci était de nature à affecter, en retour, la concurrence sur l’ensemble du marché en cause, dans la mesure où il pouvait faciliter la mise en place, par la requérante, d’une stratégie d’« écrémage » de ce marché, telle que décrite aux considérants 274 et 509 de la décision attaquée, à savoir une stratégie consistant, pour celle-ci, à se concentrer sur les segments en croissance et les plus rentables dudit marché où, comme il est indiqué aux considérants 210, 507 et 597 de cette même décision, son pouvoir de marché était le plus important et où elle pourrait le plus facilement augmenter ses prix, en réservant à ses concurrentes les activités les moins rentables dudit marché, renforçant ainsi globalement sa position sur ce dernier à l’égard de ses concurrentes. Un tel renforcement de la puissance de marché de la requérante, du fait de la concentration en cause, était d’autant plus problématique que, comme la Commission l’a relevé également dans la décision attaquée, la requérante occupait déjà une position de leader sur le marché global des produits laminés, avant même ladite concentration.

74 Au vu de l’ensemble des appréciations qui précèdent, il y a lieu de rejeter le premier moyen comme étant non fondé.

C. Sur le troisième moyen, tiré d’erreurs manifestes d’appréciation révélées par l’adoption d’une approche contradictoire avec celle retenue dans la décision KME/MKM

75 Dans le cadre du troisième moyen, la requérante invoque plusieurs erreurs manifestes d’appréciation révélées par une approche de la Commission, dans la décision attaquée, qui serait contradictoire ou incohérente avec celle retenue dans la décision KME/MKM. La requérante part du présupposé que, premièrement, les marchés en cause dans les deux décisions sont identiques, à savoir qu’il s’agit du marché de l’ensemble des produits laminés, deuxièmement, dans la présente affaire, la Commission aurait appliqué des critères d’analyse plus stricts que dans la décision KME/MKM et, troisièmement, la concentration entre KME et MKM n’aurait pas pu être déclarée compatible sur le fondement des analyses effectuées par la Commission dans la décision attaquée.

76 La Commission réfute les arguments de la requérante et conclut au rejet du troisième moyen comme étant dénué de pertinence et, en tout état de cause, non fondé.

77 En l’espèce, la requérante part du présupposé que, dans la mesure où la décision KME/MKM et la décision attaquée portaient sur le marché en cause, le fait que, dans cette dernière décision, la Commission ait adopté une approche et des conclusions différentes de celles figurant dans la décision KME/MKM serait révélateur d’erreurs manifestes d’appréciation entachant la décision attaquée.

78 À cet égard, il y a lieu de rappeler que, lorsque la Commission statue sur la compatibilité d’une concentration avec le marché intérieur et l’accord EEE sur la base d’une notification et d’un dossier propres à cette opération, une partie requérante n’est pas en droit de remettre en cause ses constatations au motif qu’elles diffèrent de celles faites antérieurement dans une autre affaire, sur la base d’une notification et d’un dossier différents, à supposer même que les marchés en cause dans les deux affaires soient similaires, voire identiques. Ainsi, dans la mesure où cette partie requérante invoque des analyses faites par la Commission dans une décision antérieure, cette partie de son argumentation est sans pertinence (voir, en ce sens, arrêts du 14 décembre 2005, General Electric/Commission, T 210/01, EU:T:2005:456, point 118, et du 13 mai 2015, Niki Luftfahrt/Commission, T 162/10, EU:T:2015:283, point 142 et jurisprudence citée).

79 En toute hypothèse, ni la Commission ni, a fortiori, le Tribunal ne sont liés par les constatations de fait et les appréciations économiques figurant dans une décision antérieure. À supposer que l’analyse menée dans la décision attaquée soit différente de celle menée dans la décision antérieure sans que cette différence soit objectivement justifiée, le Tribunal ne devrait annuler la décision attaquée dans la présente procédure que si celle-ci, et non la décision antérieure, était entachée d’erreurs (voir, en ce sens, arrêts du 14 décembre 2005, General Electric/Commission, T 210/01, EU:T:2005:456, point 120, et du 13 mai 2015, Niki Luftfahrt/Commission, T 162/10, EU:T:2015:283, point 144). Il appartient donc toujours à la partie requérante de démontrer en quoi les appréciations contenues dans la décision qui est attaquée sont, en elles-mêmes et indépendamment de celles figurant dans la décision antérieure, erronées.

80 Pour autant que, dans le cadre du présent moyen, la requérante vise des appréciations de la Commission qu’elle conteste en elles-mêmes et indépendamment de celles figurant dans la décision KME/MKM, dans le cadre des quatrième, cinquième, huitième et neuvième moyens du présent recours, il y aura donc lieu d’en contrôler le bien-fondé à la lumière des griefs et des arguments spécifiquement développés dans le cadre desdits moyens. Sous cette réserve, il y a lieu de rejeter le troisième moyen comme étant dépourvu de pertinence.

D. Sur le quatrième moyen, tiré d’erreurs manifestes résultant de la prise en compte, pour la première fois dans la décision attaquée, d’une théorie du dommage fondée sur un test sui generis des effets de la concentration en cause, mêlant les effets horizontaux et verticaux

81 Dans le cadre du quatrième moyen, la requérante fait, en substance, grief à la Commission d’avoir entaché la décision attaquée d’erreurs manifestes d’appréciation en prenant en compte, pour la première fois dans celle-ci, une théorie du dommage fondée sur un test sui generis, mêlant les effets horizontaux et verticaux.

82 La Commission réfute les arguments de la requérante et conclut au rejet, comme étant non fondés, de tous les griefs soulevés dans le cadre du quatrième moyen.

83 À titre principal, la requérante fait grief à la Commission d’avoir appliqué un test incorrect mélangeant différents standards. Elle ne conteste pas l’appréciation de la Commission, formulée aux considérants 178 et 200 de la décision attaquée, selon laquelle les deux opérations parallèles correspondant à son acquisition, d’une part, d’ARP et, d’autre part, des 50 % détenus par Aurubis dans Schwermetall étaient étroitement liées et devaient être traitées comme une concentration unique. Elle ne conteste pas non plus l’appréciation de la Commission, formulée au considérant 200 de cette même décision, selon laquelle les effets horizontaux de la concentration en cause devaient être évalués conformément aux principes énoncés dans les lignes directrices sur l’appréciation des concentrations horizontales au regard du règlement no 139/2004 (JO 2004, C 31, p. 5, ci-après les « lignes directrices sur l’appréciation des concentrations horizontales »). La requérante se borne, en l’espèce, à contester l’appréciation de la Commission, formulée aux considérants 200 et 598 de la décision attaquée, selon laquelle les effets anticoncurrentiels verticaux de la concentration en cause, découlant de sa seule acquisition des 50 % détenus par Aurubis dans Schwermetall, devaient être évalués conformément aux principes énoncés au paragraphe 36 des lignes directrices sur l’appréciation des concentrations horizontales et aux paragraphes 18 et 78 des lignes directrices sur l’appréciation des concentrations non horizontales au regard du règlement no 139/2004 (JO 2008, C 265, p. 6, ci-après les « lignes directrices sur l’appréciation des concentrations non horizontales »), plutôt qu’au regard des seules lignes directrices sur l’appréciation des concentrations non horizontales et de l’ensemble des paragraphes 28 à 77 de celles-ci.

84 À cet égard, il y a lieu de relever que, comme l’indique le paragraphe 7 des lignes directrices sur l’appréciation des concentrations non horizontales, dans la pratique, les concentrations peuvent avoir des effets tant horizontaux que non horizontaux et que, dans pareil cas, la Commission apprécie ces différents effets conformément aux lignes directrices exposées dans les communications concernées.

85 Tout d’abord, comme la Commission l’a relevé à bon droit aux considérants 183 à 186 de la décision attaquée, les effets anticoncurrentiels verticaux de la concentration en cause étaient étroitement liés aux effets anticoncurrentiels horizontaux de celle-ci qu’ils seraient venus renforcer et aggraver en offrant à la requérante la possibilité d’augmenter les coûts d’un intrant essentiel de ses concurrentes, à savoir les bandes prélaminées vendues par Schwermetall sur le marché libre, et d’accéder à des informations confidentielles de celles-ci sur le volume et le prix de cet intrant. C’est également à bon droit qu’elle a indiqué qu’une évaluation raisonnable des effets anticoncurrentiels verticaux de la concentration en cause impliquait de tenir compte des effets horizontaux de celle-ci, à savoir le fait que, après ladite concentration et en raison de la combinaison de ses activités et de celles d’ARP et de Schwermetall, la requérante détiendrait une part du marché en cause bien plus élevée qu’auparavant. Partant, les effets anticoncurrentiels verticaux de la concentration en cause devaient être évalués à la lumière de ses effets anticoncurrentiels horizontaux.

86 Quant à la question de savoir à la lumière de quels principes ou de quelles règles spécifiques, contenus dans ses lignes directrices, la Commission devait évaluer les effets anticoncurrentiels verticaux de la concentration en cause, conjointement avec les effets anticoncurrentiels horizontaux de celle-ci, le seul critère à prendre en compte, à cet égard, était celui de leur pertinence au cas d’espèce.

87 Comme la Commission l’a relevé à bon droit au considérant 188 de la décision attaquée, les principes énoncés au paragraphe 36 des lignes directrices sur l’appréciation des concentrations horizontales étaient pertinents en l’espèce, dans la mesure où ils permettaient de prendre en compte les aspects verticaux de certains projets de concentration horizontale, comme le fait que la nouvelle entité issue de la concentration pourrait avoir un contrôle ou une influence tels sur l’offre de ressources nécessaires à la production des produits en cause que l’expansion ou l’entrée de concurrentes sur le marché de ces produits pourrait devenir plus coûteuse. Or, la concentration en cause avait, outre une dimension horizontale importante, une dimension verticale additionnelle, en donnant à la requérante la possibilité de restreindre la capacité de ses concurrentes à rivaliser avec elle sur le marché en cause en augmentant le coût de leurs approvisionnements en bandes prélaminées auprès de Schwermetall et l’incitation à adopter ce comportement.

88 Par ailleurs, c’est aussi à bon droit que la Commission a relevé, aux considérants 189 à 191 de la décision attaquée, que les principes énoncés aux paragraphes 18 et 78 des lignes directrices sur l’appréciation des concentrations non horizontales étaient pertinents en l’espèce, dans la mesure où ils permettaient de prendre en compte les aspects verticaux de certains projets de concentration. En particulier, le paragraphe 18 de ces lignes directrices se réfère au cas d’un verrouillage du marché résultant notamment de ce qu’une concentration entrave ou ferme l’accès des entreprises rivales existantes ou potentielles aux sources d’approvisionnement en réduisant leur capacité à animer la concurrence. Or, les effets verticaux de la concentration en cause pouvaient conduire à un futur « verrouillage », pour les concurrentes de plus petite taille sur le marché en cause, de l’accès aux bandes prélaminées de Schwermetall, qui étaient, pour elles, un intrant essentiel. Quant au paragraphe 78 desdites lignes directrices, celui-ci mentionne la possibilité, par intégration verticale, d’accéder notamment à des informations commerciales sensibles concernant les activités des concurrentes situées en aval, permettant à la nouvelle entité issue de la concentration de pratiquer des prix moins agressifs sur le marché en aval, au détriment des consommateurs, ou de désavantager ses concurrentes sur ledit marché, les dissuadant ainsi d’y entrer ou de se développer sur celui-ci. Or, les effets verticaux de la concentration en cause pouvaient permettre à la requérante d’exploiter en ce sens les informations confidentielles dont elle aurait disposé sur ses concurrentes sur le marché en cause concernant leurs approvisionnements en bandes prélaminées auprès de Schwermetall.

89 Enfin, c’est encore à bon droit que la Commission a estimé, aux considérants 192 à 199 de la décision attaquée, qu’il n’était pas pertinent, en l’espèce, de mener une analyse des effets verticaux de verrouillage de l’accès aux intrants qui suivrait les règles plus spécifiques énoncées aux paragraphes 28 à 77 des lignes directrices sur l’appréciation des concentrations non horizontales, comme le soutenait la requérante dans la réponse à la communication des griefs.

90 En effet, ainsi qu’il ressort des paragraphes 12 et 13 des lignes directrices sur l’appréciation des concentrations non horizontales, celles-ci sont essentiellement conçues pour évaluer des concentrations purement verticales, qui sont dépourvues d’effets horizontaux parallèles et, partant, n’entraînent pas l’élimination de la concurrence directe entre les parties à la concentration notifiée. Ce type d’opération de concentration engendre des gains d’efficience qui lui sont spécifiques. Or, en l’espèce, l’acquisition, par la requérante, de la part de 50 % d’Aurubis dans Schwermetall n’était pas, en elle-même, une opération purement verticale puisque la requérante exerçait déjà, avant cette acquisition, un contrôle conjoint sur Schwermetall qui lui permettait d’obtenir les gains d’efficience susmentionnés, en obtenant les bandes prélaminées à prix coûtant, voire même en dessous d’un tel prix, comme l’indiquaient les données analysées par la Commission au considérant 336 de la décision attaquée. De plus, cette acquisition devait être évaluée en ce qui concerne l’opération horizontale correspondant à l’acquisition d’ARP.

91 Pour tous ces motifs, il y a lieu de constater que la Commission n’a pas commis d’erreur en examinant les effets verticaux de la concentration en cause conformément aux principes généraux énoncés au paragraphe 36 des lignes directrices sur l’appréciation des concentrations horizontales et aux paragraphes 18 et 78 des lignes directrices sur l’appréciation des concentrations non horizontales, plutôt qu’au regard de l’ensemble des règles spécifiques énoncées aux paragraphes 28 à 77 des lignes directrices sur l’appréciation des concentrations non horizontales.

92 Il y a donc lieu de rejeter le grief principal soulevé par la requérante.

93 À titre subsidiaire, la requérante fait valoir que, même à supposer que le test, mélangeant différents standards, retenu par la Commission aurait été correct, celui-ci aurait été appliqué de manière incohérente dans la décision attaquée. Elle part du principe que, dans la décision attaquée, la Commission aurait constaté que les troisièmes engagements proposés auraient permis de remédier largement aux effets anticoncurrentiels horizontaux de la concentration en cause.

94 Cependant, l’argumentation de la requérante repose, à cet égard, sur une lecture erronée de la décision attaquée. Certes, au considérant 804 de ladite décision, la Commission a constaté que, « [s]’ils étaient mis en œuvre, les [troisièmes] engagements [proposés] auraient […] un impact significatif sur la position sur le marché de l’entité issue de la concentration sur l’ensemble du marché des produits laminés en cuivre ». Cette constatation dépendait toutefois de la possibilité d’identifier un acquéreur approprié, en mesure d’exploiter de manière viable et concurrentielle l’activité économique qui devait être cédée dans le cadre des troisièmes engagements proposés. Or, ainsi qu’il ressort de la section 7.3.3.2 de la décision attaquée, la Commission a précisément indiqué ne pas avoir été en mesure d’identifier un tel acquéreur. Dès lors, la requérante n’est pas fondée à prétendre que, dans la décision attaquée, la Commission aurait considéré que les troisièmes engagements proposés remédiaient largement aux effets anticoncurrentiels horizontaux de la concentration en cause et son argumentation en sens contraire manque en fait.

95 Par ailleurs, il ne peut être fait grief à la Commission d’avoir, après avoir indiqué qu’elle n’était pas en mesure de constater que les troisièmes engagements proposés remédieraient aux effets anticoncurrentiels horizontaux de la concentration en cause, poursuivi son examen en observant que lesdits engagements ne répondaient pas non plus aux effets anticoncurrentiels verticaux de celle-ci.

96 Par conséquent, il y a lieu de rejeter le grief subsidiaire soulevé par la requérante et, partant, le quatrième moyen dans son intégralité comme étant non fondé.

E. Sur le cinquième moyen, tiré d’erreurs manifestes dans l’appréciation de la situation concurrentielle prévalant sur le marché en cause ou sur des segments particuliers de celui-ci

97 Par le cinquième moyen, divisé en trois branches, la requérante invoque des erreurs manifestes entachant les appréciations qui ont été portées par la Commission, aux sections 6.3 et 6.4 de la décision attaquée, sur la situation concurrentielle existant sur le marché en cause, pris globalement, ou sur le prétendu segment « haut de gamme » de celui-ci ou des sous-segments particuliers de ce dernier, pris spécifiquement.

98 Il importe de relever que la requérante ne conteste pas les appréciations de la Commission figurant à la section 6.2 et au considérant 249 de la décision attaquée, selon lesquelles la concentration en cause aurait abouti, sur le marché en cause, premièrement, à la détention par les parties à celle-ci de parts de marché en volume cumulé importantes, sinon très importantes, et, en tout état de cause, sensiblement plus importantes que celles détenues par leur concurrente la plus proche, à savoir KME/MKM, deuxièmement, à la détention, par ces mêmes parties, de parts de marché en valeur encore plus élevées et, troisièmement, à un degré très élevé de concentration du marché en cause, d’où aurait globalement résulté une entrave significative à l’exercice d’une concurrence effective sur ledit marché.

1. Sur la première branche du cinquième moyen

99 Par la première branche du cinquième moyen, la requérante reproche à la Commission d’avoir, à la section 6.3.1 de la décision attaquée, commis une erreur manifeste d’appréciation en surestimant sa position concurrentielle relative, avant la concentration en cause, la décrivant comme un leader incontesté du marché en cause, en particulier sur le prétendu segment « haut de gamme » de celui-ci, qui disposait déjà d’un pouvoir de marché important. La Commission aurait fondé son appréciation sur certains de ses documents internes, non fiables et incorrects, car reposant sur des estimations approximatives, des suppositions raisonnables quant au niveau de ses prix relatifs ou de sa profitabilité ou sur des présentations exagérées, établies à des fins promotionnelles, de sa position ou de son pouvoir sur le marché en cause. KME, MKM et Kemper se seraient également décrites, sur leurs sites Internet, comme des « leader[s] du marché ». La Commission se serait également fondée sur des déclarations vagues et manifestement sans fondement de clients industriels et de concurrentes, indiquant notamment que le prétendu segment des produits laminés « haut de gamme » aurait été en état de sous-capacités, alors que celui des produits laminés « standard » aurait souffert de surcapacités de production. Le principe de bonne administration aurait interdit à la Commission de sélectionner les documents qui seraient venus à l’appui de ses conclusions, sans tenir compte de leur faible valeur probante intrinsèque et au détriment des autres éléments du dossier. Celle-ci aurait dû procéder à des investigations plus complètes lui permettant de collecter des données empiriques et d’effectuer une analyse objective des positions relatives de chacun des acteurs du marché en cause, comme l’aurait requis la jurisprudence.

100 La Commission réfute les arguments de la requérante et conclut au rejet de la première branche du cinquième moyen comme étant non fondée.

101 En l’espèce, pour estimer que, avant la concentration en cause, la requérante était le leader incontesté du marché en cause, en particulier du segment « haut de gamme » de celui-ci, et disposait déjà d’un pouvoir de marché important, la Commission s’est fondée, ainsi que cela est indiqué aux considérants 251 et 264 de la décision attaquée, sur le faisceau d’indices qui étaient exposés aux considérants 252 à 263 de cette même décision.

102 Premièrement, elle s’est référée aux résultats de la reconstitution du marché en cause, qu’elle avait effectuée pour évaluer les parts de marché relatives de la requérante, en volume et en valeur des ventes et en production, et le rythme de croissance relatif de ses ventes, en volume et en valeur (en revenus de conversion globaux et par tonne de produits vendue).

103 Deuxièmement, elle a renvoyé aux réponses de clients industriels à l’enquête de marché, d’où il ressortait que la requérante se distinguait tout particulièrement de ses concurrentes par sa large gamme de produits laminés et la haute qualité de ses produits. La Commission a ajouté que la requérante avait également une capacité particulière à pouvoir répondre à des exigences spécifiques de clients industriels, par exemple pour les produits laminés destinés à la production de connecteurs pour l’industrie automobile ou d’estampeurs, pour lesquels la Commission a renvoyé, par un lien Internet, à une page sur laquelle la requérante décrivait sa solution MULTICOIL.

104 Troisièmement, la Commission s’est référée à des documents internes des parties à la concentration en cause, produits en annexe au formulaire de notification de la concentration en cause (ci-après le « formulaire CO ») (voir point 7 ci-dessus) ou en annexe à des réponses à des demandes d’information de sa part. En particulier, au considérant 261 de la décision attaquée, elle s’est appuyée sur un document interne de la requérante comparant ses performances, notamment en matière de rentabilité mesurée par rapport au bénéfice avant intérêts, impôts et amortissements, en général et par tonne de produits laminés vendue, à celles de ses principales concurrentes et d’où il ressortait qu’elle était bien plus rentable que ces dernières.

105 De même, pour conclure, aux considérants 265 et 291 de la décision attaquée, que, avant la concentration en cause, la requérante occupait non seulement une position de leader sur le marché en cause, mais était aussi particulièrement forte sur le segment « haut de gamme » dudit marché, la Commission s’est référée, aux considérants 256 à 290 de cette même décision, à des documents internes de la requérante, produits en annexe au formulaire CO ou en annexe à des réponses à des demandes d’information de sa part.

106 Tout d’abord, elle a estimé qu’il ressortait de certains de ces documents internes, cités aux considérants 267 à 274 de la décision attaquée, que la stratégie à long terme de la requérante était de sortir du segment « bas de gamme » du marché en cause pour se développer et se différencier sur le segment « haut de gamme » de celui-ci, en augmentant sa production de produits laminés spécialisés dans les domaines les plus porteurs de la connectivité, du respect de l’environnement et de la lutte contre le changement climatique et de la mobilité, en particulier sa production de produits laminés en AHP, de produits laminés étamés à chaud et de bandes à double épaisseur.

107 Selon la Commission, il ressortait également de certains de ces documents, cités aux considérants 275 et 276 de la décision attaquée, que, selon ses propres estimations, la requérante disposait déjà d’une part de marché très élevée sur ces segments, qu’elle prévoyait encore d’augmenter dans les années suivantes. La Commission a comparé ces estimations aux résultats de sa propre reconstruction du marché en cause, pour les segments concernés, entre 2015 et 2017, aux considérants 277 et 278 de la décision attaquée et a constaté que celles-ci étaient plus élevées, mais que, malgré la disparité observée, elles aboutissaient au même constat, à savoir que la part de marché de la requérante était élevée, voire très élevée, tant sur le marché en cause que sur certains sous-segments relevant, pour l’essentiel, du segment « haut de gamme » de ce marché.

108 Ensuite, la Commission a observé qu’il ressortait d’un document interne de la requérante, cité au considérant 279 de la décision attaquée, que celle-ci se considérait elle-même comme un « leader de marché » dans sa stratégie de concentration sur les produits laminés spécialisés destinés aux connecteurs et aux estampeurs, ses principales concurrentes étant présentées, à cet égard, comme des « suiveuses ».

109 Enfin, la Commission a relevé, aux considérants 280 à 290 de la décision attaquée, que, dans la mesure où le segment des produits laminés « haut de gamme » était caractérisé par de fortes barrières à l’entrée et par une tendance à l’expansion, liée à une augmentation de la demande et à des contraintes de capacités de production, conduisant à des prix élevés, la position de leader de la requérante et son pouvoir de marché s’en trouvaient renforcés sur ledit segment et le seraient encore plus à l’issue de la concentration en cause, qui avait d’ailleurs précisément pour but un tel renforcement, selon certains documents internes de la requérante. Pour constater l’existence de contraintes de capacités de production sur le segment des produits laminés « haut de gamme », la Commission a renvoyé, aux considérants 285 à 287 de la décision attaquée, à certains documents, publics ou internes, des parties à la concentration en cause, à certaines réponses des concurrentes à l’enquête de marché et à certains commentaires faits par les parties à la concentration en cause au cours de la procédure administrative, qui étaient analysés plus en détail à la section 6.4.3 et, partant, aux considérants 449 à 463 de cette même décision.

110 Pour conclure que le pouvoir de marché de la requérante était reflété par sa forte profitabilité, comparée à celle de ses concurrentes, aux considérants 292 et 299 de la décision attaquée, la Commission, après une brève référence au document interne de la requérante déjà mentionné au considérant 261 de la décision attaquée (voir point 104 ci-dessus), s’est appuyée, aux considérants 293 à 298 de la décision attaquée, sur une analyse de la rentabilité de la requérante, en particulier pour les produits laminés destinés aux connecteurs et aux estampeurs relevant, pour l’essentiel, du segment « haut de gamme » du marché en cause, effectuée sur la base des informations que les parties à la concentration en cause lui avaient fournies au cours de la procédure administrative concernant leurs revenus de conversion ou de fabrication.

111 Aux termes de ses analyses, la Commission a conclu, aux considérants 300 à 316 de la décision attaquée, que plusieurs éléments indiquaient que la requérante possédait et exerçait déjà un pouvoir de marché significatif, avant la concentration en cause, sur le marché en cause et, en particulier, sur le segment « haut de gamme » de celui-ci.

112 À cet égard, elle a considéré, aux considérants 302 à 305 de la décision attaquée, qu’il ressortait de certains documents internes de la requérante que celle-ci était en mesure de facturer des prix de conversion plus élevés que ses concurrentes pour les produits laminés destinés aux connecteurs et aux estampeurs, ce qui était corroboré par les informations communiquées par les parties à la concentration en cause sur leurs revenus de conversion ou de fabrication. En ajoutant à ce constat celui de la profitabilité élevée de la requérante constatée sur le segment des produits laminés « haut de gamme » (voir point 110 ci-dessus), cela indiquait le pouvoir de marché significatif détenu par celle-ci sur le marché en cause, en particulier sur le segment « haut de gamme » de ce marché.

113 En outre, aux considérants 306 à 310 de la décision attaquée, la Commission a constaté que certains documents internes de la requérante confirmaient que les clients industriels de celle-ci étaient fortement dépendants de ses fournitures pour certains groupes d’alliages spéciaux, pour lesquels elle disposait de la meilleure gamme de produits laminés (AHP), pouvait fournir certaines finitions (étamage à chaud) ou était déjà qualifiée par les clients industriels, et qu’elle était donc en mesure d’augmenter ses prix sans craindre de perdre lesdits clients.

114 Par ailleurs, la Commission a estimé, aux considérants 311 et 312 de la décision attaquée, que certains documents internes de la requérante attestaient que celle-ci était en mesure d’appliquer une stratégie de sortie du segment des produits laminés « bas de gamme » ou « standard » pour se concentrer sur celui des produits laminés « haut de gamme » et, par exemple, de choisir de servir les clients qui se fournissaient en produits laminés spécialisés.

115 Enfin, la Commission a constaté, aux considérants 313 à 315 de la décision attaquée, que les réponses de clients industriels à l’enquête de marché suggéraient également que la requérante exerçait un important pouvoir de marché, puisqu’elle était considérée par ceux-ci comme un fournisseur particulièrement cher, dont les prix étaient relativement élevés par rapport à ceux de ses concurrentes, mais que, pour certains alliages, elle était un fournisseur essentiel.

116 En l’espèce, pour autant que la requérante conteste globalement la fiabilité des documents internes auxquels la Commission s’est référée, dans la décision attaquée, pour établir sa position ou son pouvoir sur le marché en cause, il y a lieu de constater que, compte tenu du principe de libre administration des preuves qui prévaut en droit de l’Union (voir arrêt du 19 décembre 2013, Siemens e.a./Commission, C 239/11 P, C 489/11 P et C 498/11 P, non publié, EU:C:2013:866, point 128 et jurisprudence citée ; voir également, en ce sens, arrêt du 25 janvier 2007, Dalmine/Commission, C 407/04 P, EU:C:2007:53, point 63), ces documents étaient des éléments qui pouvaient être pris en compte, par la Commission, dans le cadre du recours à la méthode du faisceau d’indices, aux fins d’étayer ses appréciations.

117 Contrairement à ce que soutient la requérante, le contenu de ces documents internes doit être considéré comme étant particulièrement crédible. En effet, ces documents ont été établis par des personnes qui étaient directement impliquées dans les activités commerciales de la requérante sur le marché en cause, à l’époque des faits. Ils avaient vocation à éclairer la prise de décision au sein de l’entreprise. Ainsi, pour être utiles, ils se devaient de refléter fidèlement la position de la requérante sur ce marché ou de fournir des estimations raisonnables de l’évolution de cette position, à la lumière de la stratégie mise en œuvre par celle-ci et de la position relative de ses concurrentes sur ledit marché. En revanche, ces documents ne visaient nullement à défendre les intérêts de la requérante dans le cadre du présent litige. Au demeurant, leur contenu va même à l’encontre de ces intérêts, puisqu’ils peuvent être retenus à l’appui de la position de la Commission. Au vu de la jurisprudence selon laquelle, d’une part, il convient d’accorder une grande importance à la circonstance qu’un document a été établi en liaison immédiate avec les faits ou par un témoin direct de ces faits et, d’autre part, les déclarations allant à l’encontre des intérêts du déclarant doivent, en principe, être considérées comme des éléments de preuve particulièrement fiables (arrêt du 16 juin 2015, FSL e.a./Commission, T 655/11, EU:T:2015:383, point 183), la valeur probante de ces documents doit donc être regardée comme étant élevée.

118 Par ailleurs, ainsi qu’il ressort de la présentation de la décision attaquée figurant aux points 101 à 115 ci-dessus, le contenu de ces documents concordait avec d’autres indices ou éléments de preuve réunis par la Commission au cours de la procédure administrative et, en particulier, avec les résultats de la reconstitution du marché en cause, qu’elle avait elle-même effectuée, avec les réponses de clients industriels et de concurrentes à l’enquête de marché et avec d’autres documents publics ou internes ou certaines déclarations des parties à la concentration en cause. En effet, globalement considérés, les éléments réunis par la Commission établissaient à suffisance de droit que, avant même la concentration en cause, la requérante disposait, sur le marché en cause, de parts de marché bien plus importantes que toutes ses concurrentes et d’un pouvoir de marché suffisamment important, en particulier sur le segment des produits laminés « haut de gamme », où ses activités se focalisaient, pour lui permettre de déterminer sa stratégie commerciale de manière indépendante de ses concurrentes et des clients industriels ainsi que d’être nettement plus chère et rentable que lesdites concurrentes. Le faisceau d’indices ainsi réuni par la Commission était suffisamment cohérent, fiable et pertinent pour étayer les conclusions qu’elle en tirait.

119 Dans la mesure où la Commission disposait ainsi d’un faisceau d’indices cohérent, fiable et pertinent pour étayer ses conclusions, elle était fondée à ne pas effectuer de nouvelles investigations, compte tenu des contraintes de temps qui découlaient par ailleurs, pour elle, des délais de procédure fixés par le règlement no 139/2004.

120 En outre et pour autant que la requérante reproche, en substance, à la Commission d’avoir sélectionné, dans le dossier, les seuls éléments qui venaient au soutien de ses appréciations, dans la décision attaquée, en sous-entendant par là même qu’elle aurait laissé de côté d’autres éléments qui les auraient infirmées ou contredites, il y a lieu de rappeler que, conformément à la jurisprudence, le seul critère pertinent pour apprécier les preuves régulièrement produites réside dans leur crédibilité (voir arrêt du 19 décembre 2013, Siemens e.a./Commission, C 239/11 P, C 489/11 P et C 498/11 P, non publié, EU:C:2013:866, point 128 et jurisprudence citée ; voir également, en ce sens, arrêt du 25 janvier 2007, Dalmine/Commission, C 407/04 P, EU:C:2007:53, point 63) et le seul fait que, dans le cadre d’une décision de la Commission fondée sur un faisceau d’indices, certains indices soient privilégiés et d’autres écartés ne suffit pas à remettre en cause la légalité de cette décision, dès lors que les choix effectués par la Commission, à cet égard, sont adéquatement justifiés (voir, en ce sens, arrêt du 6 juillet 2010, Ryanair/Commission, T 342/07, EU:T:2010:280, point 108).

121 En l’espèce, la requérante s’est bornée, dans ses écritures, à mettre en cause la fiabilité des éléments cités par la Commission sans indiquer quels éléments du dossier, qui les auraient contredits ou infirmés, auraient été laissés de côté par celle-ci. Elle n’avance aucun élément précis de nature à contredire le contenu des documents et des déclarations sur lesquels la Commission s’est fondée. Or, il n’appartient pas au Tribunal de rechercher, dans le dossier, si de tels éléments existent, mais à celui qui se prévaut d’un moyen, d’un grief ou d’un argument de fournir les éléments de preuve qui étayent celui-ci en mettant le Tribunal en mesure de déterminer avec précision où lesdits éléments se trouvent dans les annexes (voir, en ce sens, arrêt du 17 septembre 2007, Microsoft/Commission, T 201/04, EU:T:2007:289, point 99). En l’espèce, il appartenait donc à la requérante d’avancer des preuves de nature à remettre en cause les constatations étayées de la Commission, ce qu’elle n’a pas fait.

122 En définitive, la requérante n’a donc pas réussi à remettre en cause l’analyse effectuée par la Commission à la section 6.3.1 de la décision attaquée.

123 Par conséquent, il convient de rejeter la première branche du cinquième moyen.

2. Sur la deuxième branche du cinquième moyen

124 Par la deuxième branche du cinquième moyen, la requérante reproche à la Commission d’avoir, à la section 6.3.2 de la décision attaquée, commis une erreur manifeste d’appréciation en ayant surestimé l’importance et la proximité de la concurrence existant entre les parties à la concentration en cause, en particulier sur le prétendu segment « haut de gamme » du marché en cause.

125 La Commission réfute les arguments de la requérante et conclut au rejet de la deuxième branche du cinquième moyen comme étant non fondée.

126 Premièrement, dans le cadre de la deuxième branche du cinquième moyen, la requérante reproche à la Commission d’avoir observé, à la section 6.3.2.1 et au considérant 375 de la décision attaquée, qu’ARP était pour elle une concurrente importante, sinon la plus importante, sur le marché en cause. Elle lui reproche d’avoir omis de tenir compte, dans ses analyses, de nombreuses autres puissantes concurrentes, telles que Diehl, Kemper, Olin Brass, désormais détenue par Global Brass and Copper Holdings, Inc. (ci-après « GBC »), PMX Industries, Inc., appartenant au groupe Poongsan, Sofia Med SA ou Messingwerk Plettenberg Herfeld GmbH & Co. KG (ci-après « Messingwerk Plettenberg »), qui auraient été citées lors de l’enquête de marché et dans ses observations écrites sur la décision d’ouverture de la procédure d’examen approfondi, en particulier sa plus proche concurrente, à savoir KME/MKM, compte tenu de la « règle de priorité », selon laquelle une concentration devait être examinée à la lumière de toutes les opérations précédemment notifiées.

127 À cet égard, il y a lieu de relever que la Commission a indiqué, au considérant 375 de la décision attaquée, ne « pas [avoir] considéré qu’ARP était la plus proche concurrente de [la requérante] ». Selon elle, conformément aux lignes directrices sur l’appréciation des concentrations horizontales, il suffisait d’établir que les parties à la concentration étaient des « concurrentes proches ». Or, il résultait des éléments du dossier qu’ARP était une importante et proche concurrente de la requérante sur des segments clés du marché en cause et cette conclusion n’est pas remise en cause par le grief de la requérante selon lequel elle n’était pas « la plus proche concurrente » d’ARP sur le marché en cause.

128 Selon les circonstances, un marché de produits pertinent peut comprendre des substituts plus ou moins proches, de sorte que les rapports de concurrence entre les produits appartenant à ce marché peuvent varier en intensité, indépendamment des parts de marché. Par conséquent, les effets non coordonnés d’une concentration peuvent dépendre davantage de la proximité des produits des parties à l’opération de concentration que de leurs parts de marché respectives. Ainsi, le paragraphe 28 des lignes directrices sur l’appréciation des concentrations horizontales expose notamment que, « [p]lus le degré de substituabilité entre les produits des parties à une opération de concentration est élevé, plus il est probable que celles-ci augmenteront significativement leurs prix ».

129 La notion de « concurrent proche », fondée sur la substituabilité plus ou moins forte des produits, permet de tenir compte du fait que la rivalité entre les parties à la concentration est une source de concurrence importante sur le marché et peut donc constituer un facteur clé dans l’analyse de la question de savoir si la diminution des contraintes concurrentielles découlant d’une opération de concentration pourrait déboucher sur des augmentations sensibles de prix sur le marché en cause.

130 Ainsi, à supposer même que, comme le prétend la requérante, les éléments du dossier auraient dû conduire la Commission à constater que KME/MKM était la « concurrente la plus proche » de la requérante, il n’en résulterait pas que l’appréciation, légalement suffisante, de la Commission selon laquelle les parties à la concentration en cause étaient des concurrentes proches serait, elle-même, erronée.

131 En tout état de cause, il y a lieu de relever que l’appréciation de la Commission selon laquelle les parties à la concentration en cause étaient d’importantes et proches concurrentes sur des segments clés du marché en cause, sur lesquels leurs activités se focalisaient et se recoupaient, était fondée sur différents éléments de preuve, à savoir des données de ventes de fournisseurs de produits laminés, des témoignages d’acteurs du marché et des documents internes des parties. Ces données et ces témoignages étaient crédibles, dans la mesure où il s’agissait de données qui avaient été collectées directement à la source, auprès de chacun des acteurs du marché concerné, ou de témoignages directs des faits qui y étaient reportés. En outre, les documents internes des parties à la concentration en cause auxquels la Commission se référait pouvaient être considérés comme étant particulièrement crédibles et fiables, dans la mesure où ils avaient été établis par celles-ci, à l’époque des faits, dans le cours normal de leurs activités commerciales et sans que leur contenu fût conforme à leurs intérêts dans le cadre du présent recours. Tous ces éléments constituaient un faisceau d’indices crédibles et concordants établissant que les parties à la concentration en cause étaient d’importantes et proches concurrentes sur des segments clés du marché en cause, sur lesquels leurs activités se focalisaient et se recoupaient.

132 Dans ce contexte, il appartenait donc à la requérante d’avancer des preuves de nature à remettre en cause un tel constat. Or, celle-ci se borne à objecter, sans aucun élément à l’appui, que « la position sur le marché de la concurrente la plus proche [d’elle], [à savoir] KME[, incluant KMD Connectors Stolberg GmbH, la filiale commune de KME (50 %) et de deux entreprises chinoises, Golden Dragon Precise Copper Tube Group Inc. (34 %) et Chongqing Wanzhou Economy Technology Development Co (16 %),] et MKM (au regard notamment de la qualité et des conditions de prix) [aurait été] nettement sous-estimée dans la décision [attaquée] et méconnue par la Commission ». Un tel grief, dirigé contre la décision attaquée, n’est pas étayé par des éléments de preuve, comme le requiert la jurisprudence (voir point 121 ci-dessus), et doit donc être rejeté comme étant non fondé. En outre, pour autant que la requérante se réfère à l’un de ses documents internes établissant la liste de ses concurrentes sur le marché en cause, cité au considérant 319 de la décision attaquée, d’où il ressortait que, « en additionnant les volumes de vente de KME et de MKM […], la nouvelle entité KME/MKM deviendra[it] le deuxième plus grand acteur sur le marché », il suffit de relever que cela ne permet pas de conclure, comme le fait la requérante, que KME/MKM était ainsi devenue « la concurrente la plus proche de la requérante », dès lors que, ainsi qu’il ressort du paragraphe 28 des lignes directrices sur l’appréciation des concentrations horizontales, le critère pertinent, à cet égard, est le degré de substituabilité entre les produits des entreprises en cause.

133 En outre, la requérante reproche à la Commission d’avoir erronément considéré, aux considérants 321 et suivants de la décision attaquée, qu’ARP bénéficiait de certains avantages concurrentiels du fait de son appartenance au groupe Aurubis.

134 À cet égard, il y a lieu de relever que la requérante ne conteste pas les appréciations de la Commission, tirées du rapport annuel d’Aurubis, selon lesquelles le cœur du modèle commercial du groupe reposait sur l’intégration verticale de ses activités. Or, les principaux avantages d’un modèle d’intégration verticale sont un meilleur contrôle de l’ensemble du processus de production de l’entreprise et la réduction des coûts de production, étant donné que l’entreprise est son propre fournisseur (suppression des doubles marges). Ce double avantage, qui est d’ailleurs constaté, ainsi que le relève la Commission au considérant 321 de la décision attaquée, dans le rapport annuel d’Aurubis, devait également profiter à ARP, en tant que partie intégrante dudit groupe, notamment pour ce qui concernait la fourniture de cathodes en cuivre ou de formes de cuivre (billettes et plateaux) pour la fabrication de ses produits laminés.

135 Certes, la requérante prétend qu’ARP n’aurait bénéficié d’aucun avantage d’approvisionnement et que, en particulier, ses usines de Stolberg (Allemagne) et de Zutphen (Pays-Bas) auraient acheté les cathodes au prix du marché au sein du groupe Aurubis. Toutefois, un tel grief, dirigé contre la décision attaquée, n’est pas étayé, comme le requiert la jurisprudence (voir point 121 ci-dessus), et doit donc être rejeté comme étant non fondé. En tout état de cause, ce grief ne remet pas en cause l’avantage que représentait le contrôle de l’ensemble du processus de production, ni celui, constaté par la Commission au considérant 324 de la décision attaquée, tenant à la capacité financière d’Aurubis d’investir dans la recherche et le développement dans des segments clés du marché en cause.

136 Quant à l’argument de la requérante selon lequel les avantages dont aurait bénéficié ARP auraient disparu après la concentration en cause, de sorte qu’ils n’auraient pas dû être pris en compte, celui-ci est dépourvu de pertinence, dès lors qu’il s’agissait, en l’espèce, de déterminer si, avant ladite concentration, ARP était une importante, sinon la plus importante, concurrente de la requérante sur le marché en cause.

137 Enfin, pour autant que la requérante reproche à la Commission d’avoir, au considérant 327 de la décision attaquée, surestimé l’importance de la solidité financière du groupe Aurubis, en dénaturant la portée d’un paragraphe figurant sous le titre « We Grow » (Nous grandissons) d’un document intitulé « Aurubis’ Vision 2025 » (Vision 2025 d’Aurubis), qui décrivait un objectif poursuivi par le groupe Aurubis et non la situation réelle de ce dernier, il y a lieu de préciser que, dans ce considérant, la Commission a principalement relevé, sur le fondement d’un autre document que celui cité par la requérante, qu’Aurubis était aussi fortement présente hors de l’EEE et au niveau mondial, notamment en Amérique du Nord, ce qui lui permettait de bénéficier d’importantes économies d’échelle et de synergies intragroupes et que cette présence géographique équilibrée « garantissait une performance financière supérieure » au groupe Aurubis, comme cela était constaté dans le document intitulé « Aurubis’ Vision 2025 ». La constatation ainsi tirée par la Commission correspondait donc bien à une stratégie générale du groupe Aurubis, qui avait déjà été mise en œuvre avant la concentration en cause.

138 Partant, les critiques formulées par la requérante à l’égard de la section 6.3.2.1 de la décision attaquée doivent toutes être rejetées.

139 Deuxièmement, la requérante reproche à la Commission d’avoir, à la section 6.3.2.2 de la décision attaquée, surestimé la pression concurrentielle exercée par ARP sur certains sous-segments clés du marché en cause relevant, pour l’essentiel, du segment « haut de gamme » de celui-ci.

140 À cet égard, il y a lieu de souligner que, pour parvenir à la conclusion qu’ARP était une importante et proche concurrente de la requérante sur des segments clés du marché en cause, la Commission s’est fondée, ainsi que cela a été rappelé au point 131 ci-dessus, sur un faisceau d’indices crédibles concordants.

141 Conformément à la jurisprudence citée au point 120 ci-dessus, la conclusion à laquelle la Commission est arrivée à l’issue de l’évaluation globale de ces différents indices ne saurait être remise en cause sur la base d’un seul d’entre eux.

142 En l’espèce, la requérante ne conteste pas les parts de marché importantes, résultant de la reconstitution du marché en cause effectuée par la Commission, détenues par ARP, en particulier concernant les produits laminés en AHP, en bronze, en laiton ou en cuivre électronique sans oxygène (ci-après le « cuivre OFE »). Pour autant qu’elle objecte que les parts de marché d’ARP pour les produits laminés en AHP auraient crû au même rythme que le marché, il suffit de constater que, selon les chiffres des ventes en volume exposés par la requérante et extraits du tableau no 4 inséré au considérant 277 de la décision attaquée, auquel renvoie le considérant 348 de cette même décision, cette hausse était pourtant de 1,5 point supérieure à celle du marché, indiquant qu’ARP gagnait, en pratique, des parts de marché.

143 Pour autant que la requérante conteste la fiabilité des données ventilées par alliages de cuivre ou par types d’utilisations finales qu’elle-même et ARP avaient fournies à la Commission, il y a lieu de relever que ces données étaient corroborées par les autres éléments venant à l’appui de la conclusion de la Commission. De plus, ainsi que le reconnaît la requérante, elles correspondaient, en l’absence de données complètes, aux « estimations les plus plausibles » des entreprises directement concernées et, donc, aux éléments les plus fiables que la Commission pouvait effectivement obtenir à cet égard. En ce qui concerne les données ventilées par types d’utilisations finales, la Commission a d’ailleurs reconnu, dans la note en bas de page no 224 de la décision attaquée, que ces données étaient approximatives et ne valaient que par les principales conclusions qui pouvaient en être tirées. Dans un tel contexte et au vu de la jurisprudence selon laquelle, lorsqu’elle prend une décision sur l’incompatibilité d’une opération de concentration avec le marché intérieur, il lui est loisible de recourir à un faisceau d’indices qui, apprécié globalement, réponde aux critères de preuves sérieuses, précises et concordantes requis par la jurisprudence (voir, en ce sens, arrêts du 6 juillet 2010, Ryanair/Commission, T 342/07, EU:T:2010:280, point 136, et du 9 mars 2015, Deutsche Börse/Commission, T 175/12, non publié, EU:T:2015:148, point 133), il ne peut être reproché à la Commission d’avoir ainsi utilisé, en tant qu’indices, des données qui ne pouvaient, en elles-mêmes, être considérées comme des preuves parfaites.

144 Par ailleurs et contrairement à ce que soutient la requérante, la Commission était fondée à demander ces données aux parties à la concentration en cause, en application de l’article 11 du règlement no 139/2004, dès lors que, comme il est indiqué au considérant 352 de la décision attaquée, ces données, même si elles étaient approximatives, pouvaient lui permettre d’évaluer de manière plus détaillée la relation de concurrence existant entre ARP et la requérante sur certains segments clés du marché en cause.

145 Dans la mesure où la requérante objecte que, concernant le segment spécifique des produits laminés pour échangeurs de chaleur, la Commission aurait elle-même reconnu qu’elle n’était pas réellement en concurrence avec ARP, celle-ci n’expose nullement en quoi un tel constat aurait remis en cause la conclusion de la Commission selon laquelle les parties à la concentration en cause étaient de proches concurrentes. En effet, il ne ressort pas des considérants 356 à 359 de la décision attaquée que la Commission se serait fondée, notamment, sur le constat que les parties à la concentration en cause auraient été de proches concurrentes sur ce segment spécifique. Il ressortait plutôt des données reprises dans le tableau no 18 inséré au considérant 357 de la décision attaquée que la taille estimée de ce segment était relativement minime (0,4 %), comparée à celle d’autres segments, tels que les connecteurs pour l’industrie automobile et pour l’estampage automobile (respectivement 15 et 8,3 %) ou l’estampage (5,5 %), et que la concentration en cause aurait surtout permis à la requérante de devenir un acteur prépondérant sur ledit segment, avec une part de marché de [65-75] %, alors qu’elle n’y occupait qu’une position marginale auparavant, avec une part de marché de [2-7] %, en combinant cette dernière à la part de marché de [65-70] % détenue par ARP. Cela était d’ailleurs conforme à l’observation de la Commission, formulée au considérant 304 de la décision attaquée, selon laquelle, sur le segment spécifique des produits laminés pour échangeurs de chaleur et à la différence de la plupart des autres segments où les activités des parties à la concentration en cause se recoupaient, la requérante n’était pas en mesure de facturer des prix de conversion plus élevés que ceux d’ARP.

146 Partant, les critiques formulées par la requérante à l’égard de la section 6.3.2.2 de la décision attaquée doivent toutes être rejetées.

147 Troisièmement, la requérante reproche à la Commission, à la section 6.3.2.5 de la décision attaquée, de ne pas avoir, en constatant qu’elle était une concurrente de plus en plus importante d’ARP sur des segments sur lesquels cette dernière était forte, en particulier celui des produits laminés en cuivre OFE, qui couvraient des utilisations finales relevant du segment « haut de gamme » du marché en cause, telles que les substrats en cuivre directement incrusté (ci-après les « substrats DCB »), tenu compte de ce qu’elle aurait été en étroite concurrence non seulement avec ARP et MKM, mais aussi avec toutes les autres concurrentes qui pouvaient se fournir en bandes prélaminées en cuivre OFE sur le marché libre, notamment auprès d’Aurubis Hambourg.

148 Cependant, la requérante omet de tenir compte de ce que, à la section 6.3.2.5 de la décision attaquée, la Commission s’est attelée à établir, conformément au paragraphe 28 des lignes directrices sur l’appréciation des concentrations horizontales, non pas que les parties à la concentration en cause étaient les concurrentes les plus proches, mais seulement qu’elles étaient de proches concurrentes sur des sous-segments relevant, pour l’essentiel, du segment « haut de gamme du marché en cause », sur lesquels ARP était forte, tels que celui des produits laminés en cuivre OFE, notamment ceux destinés aux substrats DCB, pour lesquels ARP était jusqu’alors la seule fournisseuse, mais que la requérante était sur le point de fournir à certains clients industriels.

149 À cet égard, elle s’est référée aux données figurant dans le tableau no 19 inséré au considérant 399 de la décision attaquée, d’où il ressortait qu’ARP disposait, en 2017, d’une part de marché en volume évaluée à [50-60] % sur le segment des produits laminés en cuivre OFE, suivie par MKM avec [20-30] %, puis par la requérante avec [10-20] %, toutes les autres concurrentes, hors importations, se partageant les [0-5] % du marché restant. Elle s’est également référée à des documents internes produits par les parties à la concentration en cause dans le cours normal de leurs activités commerciales, cités aux considérants 397 et 401 de la décision attaquée, ainsi qu’aux déclarations d’un important client industriel sur le segment des substrats DCB, citées aux considérants 398 et 402 de cette même décision, d’où il ressortait que la requérante était la seule concurrente potentielle d’ARP sur le segment spécifique des produits laminés en cuivre OFE destinés aux substrats DCB.

150 Ces données et ce témoignage étaient crédibles, dans la mesure où il s’agissait de données qui avaient été collectées directement à la source, auprès de chacun des acteurs du marché concerné, ou d’un témoignage direct des faits qui y étaient reportés. En outre, les documents internes des parties à la concentration en cause auxquels la Commission se référait pouvaient être considérés comme étant particulièrement crédibles et fiables, dans la mesure où ils avaient été établis par celles-ci, à l’époque des faits, dans le cours normal de leurs activités commerciales et sans que leur contenu fût conforme à leurs intérêts dans le cadre du présent recours. Tous ces éléments constituaient un faisceau d’indices crédibles et concordants établissant que les parties à la concentration en cause étaient d’importantes et proches concurrentes sur le segment spécifique des produits laminés en cuivre OFE destinés aux substrats DCB. Or, le reproche que la requérante adresse à la conclusion de la Commission fondée sur ce faisceau d’indices crédibles et concordants n’est pas étayé, comme le requiert la jurisprudence (voir point 121 ci-dessus), et doit donc être rejeté comme étant non fondé.

151 Partant, les critiques formulées par la requérante à l’égard de la section 6.3.2.5 de la décision attaquée doivent toutes être rejetées, de sorte que, en définitive, la requérante n’a pas réussi à remettre en cause l’analyse effectuée par la Commission à la section 6.3.2 de cette même décision.

152 Au vu de l’ensemble des appréciations qui précèdent, il y a lieu de rejeter la deuxième branche du cinquième moyen.

3. Sur la troisième branche du cinquième moyen

153 Dans le cadre de la troisième branche du cinquième moyen, qui se divise en quatre sous-branches, la requérante reproche à la Commission d’avoir commis une erreur manifeste d’appréciation, à la section 6.4 de la décision attaquée, en sous-estimant la pression concurrentielle exercée par les concurrentes des parties à la concentration en cause et leur capacité à réagir pour faire obstacle à une hausse des prix qu’elle déciderait sur le marché en cause, notamment sur le prétendu segment « haut de gamme » de celui-ci.

154 La Commission réfute les arguments de la requérante et conclut au rejet la troisième branche du cinquième moyen, divisée en ses quatre sous-branches, comme étant non fondée.

a) Sur la première sous-branche de la troisième branche du cinquième moyen

155 Dans le cadre de la première sous-branche de la troisième branche du cinquième moyen, la requérante reproche à la Commission d’avoir, à la section 6.4.1 de la décision attaquée, commis une erreur manifeste d’appréciation en raison d’une représentation erronée du paysage concurrentiel existant sur le marché en cause. La requérante soutient, d’une part, que la Commission ne pouvait pas se focaliser sur le nombre limité d’acteurs capables de concurrencer les parties à la concentration en cause, sur un pied d’égalité, sur le prétendu segment des produits laminés « haut de gamme », mais devait tenir compte de ce que le marché en cause était, en l’espèce, celui de l’ensemble des produits laminés. D’autre part, elle estime que la Commission n’a pas suffisamment tenu compte des éléments du dossier indiquant qu’il existait de nombreuses concurrentes sur le prétendu segment des produits laminés « haut de gamme » et du comportement des clients industriels qui substituaient facilement un fournisseur à un autre et qu’elle n’a pas collecté suffisamment de preuves pour étayer ses appréciations en sens contraire.

156 La Commission réfute les arguments de la requérante et conclut au rejet de la première sous-branche de la troisième branche du cinquième moyen comme étant non fondée.

157 Pour autant que la requérante reproche à la Commission de s’être focalisée sur la concurrence existant sur le segment des produits laminés « haut de gamme » plutôt que sur l’ensemble du marché en cause, il y a lieu de relever que, comme cela a déjà été constaté en réponse au premier moyen, la Commission était fondée, en l’espèce, à se focaliser sur les effets qu’aurait la concentration en cause sur la concurrence sur le segment « haut de gamme » du marché en cause, qui pouvait, compte tenu de la stratégie d’« écrémage » mise en place par la requérante, avoir un effet sur l’ensemble du marché en cause (voir point 73 ci-dessus), lequel, bien que fortement différencié, restait un marché global sur lequel elle occupait une position de leader, comme cela était indiqué au considérant 507 de la décision attaquée. Dans ce contexte, il était légitime que la Commission identifiât, aux considérants 408 à 431 de la décision attaquée, les acteurs qui, sur le marché en cause, étaient capables de concurrencer les parties à la concentration en cause sur un pied d’égalité sur le segment des produits laminés « haut de gamme ».

158 Ensuite, la requérante reproche à la Commission de ne pas avoir suffisamment tenu compte des éléments du dossier indiquant qu’il existait de nombreuses autres concurrentes sur le segment des produits laminés « haut de gamme » et du comportement des clients industriels qui substituaient de plus en plus facilement un fournisseur à un autre sur le marché en cause, ainsi que cela était démontré dans le rapport préparé par une société de conseil économique et portant sur les schémas d’achat et de changement de fournisseur des clients industriels des parties à la concentration en cause, qu’elle avait transmis à la Commission, dans le cadre d’un échange avec cette dernière intervenu le 29 août 2018 (ci-après le « rapport sur l’analyse des déterminants du changement de fournisseur »).

159 À cet égard, il convient de souligner, à titre liminaire, que, au considérant 431 de la décision attaquée, la Commission a plus précisément observé que, sur le marché en cause et, en particulier, sur le segment « haut de gamme » de celui-ci, il y avait peu de concurrentes capables de répondre aux demandes spécifiques et aux exigences techniques des clients industriels et, partant, de rivaliser avec la requérante sur un pied d’égalité. Ainsi, il ne suffisait pas qu’un opérateur économique fût présent sur le marché en cause pour un type de produit laminé donné, en général, pour qu’il fût en mesure de concurrencer la requérante sur le segment des produits laminés « haut de gamme », en particulier, ce qui supposait que cet opérateur fût en mesure de répondre aux demandes spécifiques et aux exigences techniques des clients industriels sur ledit segment.

160 Pour autant que la requérante renvoie aux concurrentes fournissant le secteur de la connectique qui étaient mentionnées au point 59 de ses observations écrites sur la décision d’ouverture de la procédure d’examen approfondi, il y a lieu de constater que, comme l’a relevé à bon droit la Commission au considérant 415 de la décision attaquée, elle mentionne des concurrentes actives sur le marché mondial et non sur le seul marché de l’EEE, qui a été identifié, au considérant 148 de la décision attaquée, comme étant le marché géographique en cause. Or, comme l’a relevé la Commission aux considérants 410 et 413 de la décision attaquée, en renvoyant aux chiffres repris dans les tableaux nos 4 et 5 insérés au considérant 277 de la décision attaquée et dans le tableau no 16 inséré au considérant 350 de cette même décision, les importations dans l’EEE étaient très limitées et, comme cela était indiqué aux considérants 156 et 160 de cette même décision, la majorité des clients industriels sur le marché géographique en cause, notamment TE Connectivity Ltd., se fournissaient dans l’EEE et exprimaient des doutes sur la capacité des fournisseurs établis hors de l’EEE à leur fournir la qualité de produits laminés dont ils avaient besoin, de sorte que, de manière générale, la pression concurrentielle exercée par les fournisseurs établis hors de l’EEE sur le marché géographique en cause n’était pas très significative.

161 Par ailleurs, pour autant que la requérante renvoie, dans la requête, au contenu du rapport sur l’analyse des déterminants du changement de fournisseur, elle ne mentionne aucun élément, tiré dudit rapport, d’où il ressortirait que la Commission aurait commis une erreur en considérant que les concurrentes capables de rivaliser avec les parties à la concentration en cause sur le segment « haut de gamme » du marché en cause étaient en nombre limité.

162 Dans la mesure où la requérante remet en cause la fiabilité et la représentativité des réponses des clients industriels à l’enquête de marché citées par la Commission au considérant 412 de la décision attaquée, il y a lieu de rappeler, tout d’abord, que ces réponses n’étaient que l’un des indices sur lesquels la Commission s’est fondée, celle-ci s’étant également référée, comme cela ressort des considérants 409 à 411 de ladite décision, à un document interne de la requérante ainsi qu’à des données communiquées par cette dernière au cours de la procédure administrative et portant sur les fournisseurs d’un client industriel, TE Connectivity. Le document interne de la requérante était particulièrement crédible et fiable, dans la mesure où il avait été établi par celle-ci, à l’époque des faits, dans le cours normal de ses activités commerciales et sans que son contenu fût conforme à ses intérêts dans le cadre du présent recours. De plus, le contenu dudit document était corroboré par les données communiquées par la requérante au cours de la procédure administrative. Or, ces indices confirmaient l’existence d’un faible nombre de concurrentes des parties à la concentration en cause sur le segment « haut de gamme » du marché en cause. Les réponses des clients industriels sous examen étaient elles-mêmes dotées d’une forte crédibilité, dans la mesure où elles émanaient de clients industriels des concurrentes qui étaient actifs sur les sous-segments des produits laminés concernés, relevant, pour l’essentiel, du segment « haut de gamme » du marché en cause. Le fait que seuls cinq clients de l’industrie des estampeurs et dix clients de l’industrie des connecteurs aient répondu à son questionnaire n’empêchait pas la Commission de prendre en compte lesdites réponses, en tant qu’indices, pour étayer ses appréciations. En effet, le seul fait qu’une partie, même importante, des clients industriels n’avait pas répondu audit questionnaire ne préjugeait pas de la crédibilité des réponses apportées par ceux qui y avaient répondu, et ce d’autant plus que leur contenu était corroboré par d’autres indices crédibles et concordants.

163 À cet égard, il y a lieu de rappeler que, conformément à la jurisprudence déjà citée aux points 116 et 120 ci-dessus, le seul critère qui puisse justifier que, dans le cadre de l’appréciation globale du faisceau d’indices utilisé pour évaluer la situation de concurrence en cause, la Commission choisisse, sous le contrôle de légalité exercé par le Tribunal, de privilégier certains éléments et d’en écarter d’autres réside dans la crédibilité relative de chacun de ces éléments.

164 En l’espèce, dans le cadre de l’appréciation globale du faisceau d’indices utilisé pour évaluer la situation concurrentielle prévalant sur le segment des produits laminés « haut de gamme », sur lequel la requérante concentrait ses activités et où les activités des parties à la concentration en cause se recoupaient le plus étroitement, la Commission a tenu compte des réponses des acteurs du marché en considérant que, d’une part, les clients industriels étaient ceux qui avaient le plus à redouter les effets anticoncurrentiels de ladite concentration, dans la mesure où ils seraient ceux qui supporteraient les hausses de prix sur ce segment, alors que les concurrentes pourraient, le cas échéant, en profiter, en récupérant les activités cédées par la requérante en exécution des engagements proposés ou en suivant les hausses de prix orchestrées par la requérante sur ce segment, et, d’autre part, le marché global des produits laminés était fortement différencié et caractérisé par l’existence de différents segments animés par des dynamiques concurrentielles particulières, dans la mesure où toutes les concurrentes n’étaient pas nécessairement en mesure d’entrer ou de se développer sur tous les segments dudit marché, en particulier sur celui des produits laminés « haut de gamme ». En outre, la Commission a évalué dans quelle mesure lesdites réponses corroboraient, ou non, les autres éléments de preuve ou indices réunis au cours de la procédure administrative, notamment ceux qui ont été mentionnés au point 162 ci-dessus.

165 Une telle méthode de mise en balance des différents éléments de preuve ou d’indices, en fonction de leur plus ou moins grande crédibilité ou valeur probante, correspond à celle qui est exigée par la jurisprudence et ne peut être, comme le soutient la requérante, considérée comme une sélection partiale des seuls éléments de preuve ou indices venant au soutien des appréciations de la Commission. Elle a conduit la Commission à relativiser les déclarations de certains acteurs du marché, qui décrivaient une augmentation de la concurrence sur le marché en cause, à la lumière de celles d’autres acteurs du marché et des autres éléments de preuve ou indices figurant au dossier, d’où il ressortirait que la concurrence était, en réalité, intense sur certaines parties du marché en cause, à savoir sur le segment « bas de gamme » ou « standard » dudit marché, alors qu’elle était limitée sur d’autres parties de celui-ci, en particulier sur le segment des produits laminés « haut de gamme ».

166 Pour les motifs qui précèdent, il y a lieu d’écarter le reproche de la requérante concernant la sélection prétendument partiale des preuves par la Commission.

167 Enfin, dans la mesure où la requérante fait grief à la Commission d’avoir, à la section 6.4.1 de la décision attaquée, négligé le fait que, en cas de hausse du prix de ses produits laminés, les concurrentes établies dans l’EEE pourraient être incitées à rediriger vers l’EEE leurs exportations de produits laminés, où les marges augmenteraient, il y a lieu de relever que, en réponse à une objection similaire soulevée par la requérante au point 94 de sa réponse à la communication des griefs, la Commission a indiqué en substance, au considérant 430 de la décision attaquée, qu’il était peu probable que des exportations qui seraient redirigées vers le segment « haut de gamme » du marché des produits laminés de l’EEE, en pleine croissance, aux fins de profiter d’une augmentation des marges sur ce dernier, soient de nature à faire obstacle à des hausses de prix de la requérante. La requérante se borne à répéter les moyens de défense qu’elle avait formulés dans le cadre de la procédure administrative, sans tenir compte des éléments que la Commission a ainsi avancés pour y répondre dans la décision attaquée. En particulier, elle n’invoque aucun argument de nature à remettre en cause le bien-fondé de la réponse fournie par la Commission au considérant 430 de la décision attaquée. Or, une telle argumentation était d’autant plus nécessaire, en l’espèce, que la réponse fournie par la Commission apparaissait fondée. En effet, les concurrentes auraient redirigé leurs exportations vers le segment « haut de gamme » du marché des produits laminés de l’EEE, qui était en croissance et pouvait absorber ces ventes supplémentaires, afin de profiter de marges plus élevées sur ce dernier. Elles auraient ainsi été en mesure de suivre les hausses de prix orchestrées par la requérante tout en augmentant leurs ventes sur ledit segment. Dans ces conditions, il aurait effectivement été peu probable que ces exportations exercent une pression concurrentielle suffisante pour faire obstacle à ces hausses de prix. Partant, il y a lieu de rejeter le présent grief comme étant non fondé.

168 Au vu des appréciations qui précèdent, la première sous-branche de la troisième branche du cinquième moyen doit être rejetée.

b) Sur la deuxième sous-branche de la troisième branche du cinquième moyen

169 Dans le cadre de la deuxième sous-branche de la troisième branche du cinquième moyen, la requérante reproche à la Commission d’avoir, à la section 6.4.2 de la décision attaquée, commis une erreur manifeste d’appréciation en constatant, de manière inexacte et insuffisamment étayée, qu’il existait d’importantes barrières à l’entrée et au développement sur le prétendu segment des produits laminés « haut de gamme », en raison de la nécessité de réaliser d’importants investissements, en matière de recherche et développement et d’équipements, aux fins de pouvoir répondre aux exigences élevées des clients industriels, en particulier dans le cadre de leurs procédures de qualification.

170 La Commission réfute les arguments de la requérante et conclut au rejet de la deuxième sous-branche de la troisième branche du cinquième moyen comme étant non fondée.

171 Il ressort des considérants 433 à 448 de la décision attaquée que, pour conclure qu’il existait d’importantes barrières à l’entrée et au développement sur le prétendu segment des produits laminés « haut de gamme », la Commission s’est fondée sur un ensemble d’appréciations et d’éléments de preuve ou d’indices, dont seulement certains sont expressément contestés par la requérante.

172 Pour autant que la requérante reproche, en substance, à la Commission d’avoir, au considérant 434 de la décision attaquée, surestimé les investissements en équipements réalisés par ARP sur le segment « haut de gamme » du marché en cause, alors que les seuls investissements réalisés par celle-ci pour étendre sa gamme de produits sur ledit segment l’auraient été sur une ligne d’étamage après la restructuration de son usine de Zutphen, pour un modeste montant de moins de 5 millions d’euros, il y a lieu de souligner que, comme la Commission l’a relevé au considérant 435 de la décision attaquée, en réponse à des objections similaires déjà formulées au point 96 de la réponse de la requérante à la communication des griefs, ledit investissement ne couvrait manifestement pas les coûts exposés en recherche et développement de nouveaux produits laminés destinés à l’électronique de puissance ou aux connecteurs, notamment les connecteurs pour l’automobile, qui sont mentionnés dans les rapports annuels 2015-2016 et 2016-2017 d’ARP et auxquels la Commission renvoie.

173 Il y a donc lieu de rejeter le présent grief comme étant non fondé.

174 Concernant la contestation, par la requérante, des appréciations de la Commission, au considérant 436 de ladite décision, selon lesquelles elle serait en position de force en matière de recherche et de développement et de dépôt de brevets pour des alliages de cuivre, au motif que celles-ci seraient fondées sur des présentations exagérées, à des fins promotionnelles, figurant sur son site Internet et non sur des données fiables, il y a lieu de relever, tout d’abord, que ces appréciations reposent sur plusieurs éléments de preuve ou d’indices crédibles et concordants, à savoir le grand nombre de brevets enregistrés par la requérante, en particulier pour des compositions spécifiques d’alliages, au registre européen des brevets, un extrait du rapport annuel 2016-2017 de la requérante indiquant que le développement de nouveaux matériaux, de produits et de processus de fabrication et l’amélioration de ceux existant étaient un pilier essentiel de son succès commercial et les déclarations d’un client industriel de la requérante dans le secteur des connecteurs, reprises sur le site Internet de cette dernière, confirmant que les opportunités offertes par celle-ci en matière de recherche et de développement étaient un facteur clé de sa coopération avec elle.

175 Ensuite, la requérante ne conteste pas détenir un grand nombre de brevets, mais soutient seulement que ces derniers ne portaient pas, pour l’essentiel, sur les 20 alliages et trempes qu’elle vendait le plus, en renvoyant, à cet égard, aux données figurant dans le tableau no 20 inséré au point 295 du formulaire CO.

176 En réponse aux objections soulevées par la requérante au point 98 de sa réponse à la communication des griefs, la Commission s’est contentée de maintenir que la recherche et le développement étaient un facteur important de succès sur le segment des produits laminés « haut de gamme », en renvoyant à l’extrait du rapport annuel 2016-2017 de la requérante et aux déclarations du client industriel, TE Connectivity, qui était particulièrement significatif, selon elle, dans la mesure où il s’agissait du plus important client de la requérante et d’un acteur de niveau mondial dans l’industrie des connecteurs.

177 À cet égard, il y a lieu de relever que, au considérant 436 de la décision attaquée, la Commission n’a pas contesté que, comme le soutenait la requérante dans le cadre de la procédure administrative, aucun important brevet ou droit de propriété intellectuelle ne faisait obstacle à l’entrée de nouvelles concurrentes sur le segment des produits laminés « haut de gamme ».

178 Bien que la Commission n’ait pas, en l’espèce, établi en quoi les brevets enregistrés au registre européen des brevets auraient été déterminants dans le succès commercial de la requérante sur le segment des produits laminés « haut de gamme », il y a lieu de considérer qu’elle a établi à suffisance de droit, sur la base du faisceau d’indices crédibles et concordants qu’elle avait réunis, que les investissements dans la recherche et le développement de nouveaux produits et du savoir-faire étaient un facteur important de succès auprès des clients industriels sur ce même segment.

179 En effet, même s’il est exact que toute société a naturellement tendance à se présenter sous le jour le plus favorable possible dans son rapport annuel ou sur son site Internet, qui sont accessibles au public, elle ne peut, sans risquer de porter atteinte à sa crédibilité et à son image, y présenter des analyses erronées concernant les déterminants du succès sur ce marché qu’elle a identifiés et qui orientent sa stratégie commerciale ou des déclarations de ses clients les plus importants qui ne correspondraient pas à l’image qu’ils ont de leur partenaire commercial. Or, les citations retenues par la Commission attestaient bien que la recherche et le développement étaient un facteur clé de succès commercial avec les clients industriels sur le segment « haut de gamme » du marché en cause.

180 En outre, la Commission avait également relevé de manière pertinente, au considérant 448 de la décision attaquée, que, pour pouvoir entrer sur le segment des produits laminés « haut de gamme », Sofia Med avait dû conclure un accord de transfert de savoir-faire et de technologie avec Dowa Metaltech Co., Ltd.

181 Au demeurant, au point 297 du formulaire CO, la requérante avait indiqué en ce sens que, de son point de vue, « [l]es seules barrières à l’entrée [étaient] celles érigées par les clients eux-mêmes », dans la mesure où « [c]ertains d’entre eux [requerraient] de leurs fournisseurs qu’ils répondent à de strictes spécifications des produits » et qu’« un potentiel entrant sur les marchés de produits laminés [devait], pour cette raison, développer un savoir-faire suffisant », notamment parce que « [l]a qualification du produit [impliquait] parfois […] le développement d’un produit laminé répondant aux spécifications du produit du client ».

182 Pour l’ensemble des raisons qui précèdent, il y a lieu de rejeter le présent grief comme étant non fondé.

183 Dans la mesure où la requérante reproche, en substance, à la Commission d’avoir, d’une part, au considérant 439 de la décision attaquée, surestimé les coûts de formation du personnel et l’expérience requise pour produire des produits laminés « haut de gamme », au motif que de tels coûts seraient exposés pour la production de tout produit laminé, et, d’autre part, de ne pas avoir constaté, au vu, notamment, des données reprises dans le tableau no 21 inséré au considérant 442 de la décision attaquée, que tous les équipements nécessaires pour la fabrication de produits laminés « haut de gamme » étaient facilement disponibles, éventuellement auprès de sous-traitants ou des clients industriels eux-mêmes, il y a lieu de relever que, dans cette même décision, la Commission a répondu à des objections similaires soulevées par la requérante, respectivement, aux points 98 et 100 de sa réponse à la communication des griefs.

184 En réponse au premier grief formulé par la requérante, la Commission a observé que cette dernière s’était contentée de formuler une objection générale et non étayée, qui n’invalidait pas ses appréciations selon lesquelles la nécessité de recourir à des équipements spécifiques pour la fabrication de produits laminés « haut de gamme », tels que des niveleurs par étirage, impliquait des coûts additionnels en matière de formation du personnel. À cet égard, elle s’est fondée, au considérant 439 de la décision attaquée, sur des données et des informations transmises par les parties à la concentration en cause et qui constituaient un faisceau d’indices crédibles et concordants répondant à l’objection de la requérante et venant au soutien de ce qu’elle avançait.

185 Par ailleurs, en réponse au second grief formulé par la requérante, la Commission a observé, aux considérants 439 et 445 de la décision attaquée, d’une part, que la requérante n’avait nullement étayé ses objections concernant la disponibilité des niveleurs par étirage. D’autre part, concernant les équipements d’étamage, elle a relevé que la requérante incluait les équipements de galvanoplastie disponibles alors que, pour les raisons exposées au considérant 440 de la décision attaquée, lesquelles s’appuyaient sur un faisceau d’indices crédibles et concordants issus de documents internes produits par les parties à la concentration en cause dans le cours normal de leurs activités commerciales et de déclarations d’un fournisseur au cours de l’enquête, il était nécessaire de procéder à un étamage à chaud pour répondre aux exigences de certains clients industriels, tels que ceux de l’industrie automobile. Elle a également relevé que la position de la requérante selon laquelle l’étamage par galvanoplastie et l’étamage à chaud étaient deux techniques parfaitement substituables n’était pas conforme aux choix stratégiques des parties à la concentration en cause d’investir dans le développement de leurs capacités d’étamage à chaud.

186 Or, dans le cadre du présent recours, la requérante s’est bornée à reproduire, en ce qui concerne les présents griefs, l’argumentation figurant dans sa réponse à la communication des griefs et n’a avancé aucun argument précis et étayé de nature à remettre en cause le bien-fondé des appréciations étayées fournies en réponse par la Commission dans la décision attaquée, comme le requiert la jurisprudence (voir point 121 ci-dessus).

187 Par conséquent, il convient d’écarter les présents griefs comme étant non fondés.

188 En outre, pour autant que la requérante soutient que l’appréciation de la Commission, formulée au considérant 442 de la décision attaquée, selon laquelle peu de concurrentes auraient eu des lignes d’étamage à chaud serait erronée, puisque la Commission aurait elle-même relevé, aux considérants 443 et 445 de la décision attaquée, que nombre d’entre elles investissaient dans ce type d’équipements et en auraient disposé après la concentration en cause, il suffit de constater que la lecture combinée desdits considérants ne permet pas de constater que la Commission s’y serait contredite ou aurait commis une erreur en affirmant que les lignes d’étamage à chaud étaient des équipements peu répandus parmi les concurrentes des parties à la concentration en cause et qui correspondaient à un investissement onéreux à réaliser.

189 Par conséquent, il y a lieu d’écarter le présent grief comme étant non fondé.

190 Pour autant que la requérante reproche à la Commission d’avoir, au considérant 446 de la décision attaquée, considéré que les procédures de qualification des clients industriels auraient constitué une barrière à l’entrée sur le marché en cause, il y a lieu de constater, tout d’abord, que l’appréciation formulée par la Commission dans ce considérant ne reposait pas sur les seules déclarations téléphoniques d’un client industriel lors de la procédure administrative, visées dans ledit considérant, mais sur un faisceau d’indices bien plus large.

191 D’une part, au considérant 446 de la décision attaquée, la Commission a renvoyé aux réponses non confidentielles des clients industriels à l’enquête de marché, d’où il ressortait que, si la durée et l’intensité des procédures de qualification variaient selon les segments concernés du marché en cause, elles étaient généralement plus longues et intenses sur le segment « haut de gamme » de celui-ci ou des sous-segments relevant, pour l’essentiel, de ce dernier, tels que celui des produits laminés destinés à l’industrie automobile. Il en ressortait également que ces clients préféraient, pour des raisons de confiance et de qualité, établir des relations commerciales durables avec leurs fournisseurs et, partant, privilégier les fournisseurs déjà établis et qualifiés.

192 D’autre part, la Commission a renvoyé, au considérant 446 de la décision attaquée, à la section 6.5.2 et, partant, aux considérants 520 à 538 de cette même décision ainsi qu’aux éléments de preuve ou d’indices qu’elle avait réunis en réponse à des objections similaires au présent grief, d’où il ressortait que les procédures de qualification pouvaient être grandes consommatrices d’efforts, de temps et d’argent, lorsque les clients concernés avaient des spécifications particulières. Aux considérants 527 et 529 à 531 de la décision attaquée, elle s’est fondée sur certaines réponses non confidentielles de clients industriels à l’enquête de marché, indiquant que les procédures de qualification étaient longues, intenses et coûteuses sur le segment « haut de gamme » du marché en cause ou des sous-segments relevant, pour l’essentiel, de ce dernier. Elle a également renvoyé aux réponses non confidentielles desdits clients indiquant qu’il était, pour eux, essentiel d’établir des relations commerciales à long terme avec leurs fournisseurs. Enfin, aux considérants 534 à 536 de la décision attaquée, la Commission a renvoyé à plusieurs éléments de preuve, qui établissaient que les procédures de requalification de lignes de produits laminés déjà existantes demeuraient exigeantes sur le segment « haut de gamme » du marché en cause ou des sous-segments relevant, pour l’essentiel, de celui-ci, tels que celui des produits laminés destinés à l’industrie automobile.

193 Les éléments ainsi réunis, qui reposaient sur des témoignages émanant directement de clients industriels achetant différents types de produits laminés relevant du segment « haut de gamme » du marché en cause et des informations extraites de documents produits par la requérante dans le cours normal de ses activités commerciales, étaient crédibles et concordants. Sur la base du faisceau d’indices ainsi réunis, la Commission était fondée à conclure, aux considérants 447 et 448 de la décision attaquée, que les procédures de qualification des clients industriels et la tendance de ceux-ci à préserver les relations commerciales qu’ils avaient déjà établies avec leurs fournisseurs constituaient une barrière à l’entrée de nouvelles concurrentes sur ce segment, seule Sofia Med étant parvenue récemment à le pénétrer, grâce à une alliance avec Dowa Metaltech.

194 Au demeurant, la requérante avait elle-même relevé en ce sens, au point 297 du formulaire CO, non seulement, comme cela a déjà été relevé au point 181 ci-dessus, que « [l]es seules barrières à l’entrée [étaient] celles érigées par les clients [industriels] eux-mêmes », dans la mesure où « [c]ertains d’entre eux [requerraient] de leurs fournisseurs qu’ils répondent à de strictes spécifications des produits », mais aussi que « [l]a qualification des produits [requerrait] parfois un ou plusieurs audits des installations de production du client [industriel], le développement d’un produit laminé répondant aux spécifications du produit du client [industriel], la production de lots tests de tels produits, de même que des essais pratiques des produits du fournisseur ».

195 Au vu des appréciations qui précèdent, il y a lieu de rejeter le présent grief comme étant non fondé.

196 Enfin, la requérante affirme avoir établi que, en réalité, les barrières à l’entrée sur le marché en cause étaient basses et les coûts d’une telle entrée ne jouaient pas un rôle significatif, dans la mesure où il ne fallait pas disposer d’équipements de production spécifiques ou produire des alliages spéciaux pour pouvoir répondre aux normes de production en vigueur sur le marché en cause, comme l’établissait le rapport sur la substituabilité du côté de l’offre des produits laminés rendue possible par les normes EN, qu’elle avait communiqué à la Commission le 13 septembre 2018.

197 À cet égard, la Commission a observé, aux considérants 419 à 424 de la décision attaquée, qu’elle comprenait, notamment au vu de la diapositive n° 2 figurant dans le rapport sur la substituabilité du côté de l’offre des produits laminés rendue possible par les normes EN, que lesdites normes étaient des exigences minimales à respecter pour pouvoir opérer sur le marché en cause. En outre, aux considérants 419 et 421 de la décision attaquée, la Commission a renvoyé à plusieurs éléments de preuve, qui reposaient sur des témoignages émanant directement de clients industriels achetant différents types de produits laminés relevant du segment « haut de gamme » du marché en cause.

198 Sur la base du faisceau d’indices crédibles et concordants ainsi réunis, la Commission était fondée à considérer que le fait, reconnu aux considérants 111 et 420 de la décision attaquée, que toutes les concurrentes étaient en mesure de respecter les normes EN ne signifiait pas qu’elles étaient en mesure d’opérer sur le segment « haut de gamme » du marché en cause, où les clients industriels avaient des spécifications beaucoup plus exigeantes et demandaient des produits sur mesure.

199 Pour ces motifs, il y a lieu de rejeter le présent grief comme étant non fondé.

200 L’ensemble des griefs soulevés à l’appui de la deuxième sous-branche de la troisième branche du cinquième moyen se trouvant ainsi écartés, celle-ci doit elle-même être rejetée.

c) Sur la troisième sous-branche de la troisième branche du cinquième moyen

201 Dans le cadre de la troisième sous-branche de la troisième branche du cinquième moyen, la requérante reproche à la Commission d’avoir, à la section 6.4.3 de la décision attaquée, commis une erreur manifeste d’appréciation en constatant, de manière erronée, l’existence de contraintes de capacité sur le prétendu segment des produits laminés « haut de gamme ».

202 Selon la requérante, l’appréciation de la Commission, formulée dans la décision attaquée, selon laquelle il existait des contraintes de capacité sur le prétendu segment des produits laminés « haut de gamme » ne correspondait pas à la réalité du marché en cause, qui était un marché global. La Commission aurait reconnu l’existence de surcapacités sur ledit marché qui auraient globalement libéré de la capacité de production. Elle aurait supposé que les concurrentes ne pourraient pas adapter rapidement leur portefeuille de produits, à savoir la diversité des produits qu’elles fabriquaient, sans avoir collecté de données pertinentes à cet égard, comme elle le lui aurait demandé et comme cela aurait été requis par la jurisprudence.

203 La Commission se serait essentiellement fondée sur deux documents internes d’ARP, lesquels auraient été trompeurs, car ils se seraient référés à des investissements dans des équipements destinés non pas à augmenter la production, mais à la sécuriser (équipements de soutien, en cas de panne), ou à un allongement des temps de production résultant de nouvelles exigences, en matière de finesse des produits laminés fournis, imposées par des clients industriels.

204 La Commission réfute les arguments de la requérante et conclut au rejet de la troisième sous-branche de la troisième branche du cinquième moyen comme étant non fondée.

205 Aux considérants 450 et 463 de la décision attaquée, la Commission a relevé que, si le segment des produits laminés « bas de gamme » ou « standard » souffrait de surcapacités, tel n’était pas le cas du segment des produits laminés « haut de gamme », sur lequel il y avait peu de capacités de production disponibles, en raison de la forte demande existant pour ces produits et du fait que leur fabrication exigeait des équipements spécifiques et un savoir-faire particulier. De la sorte, les concurrentes des parties à la concentration en cause sur ce segment n’auraient pas été capables de réagir agressivement à des hausses de prix décidées par la requérante. Il ressort de ces mêmes considérants que, pour conclure qu’il existait des contraintes de capacité sur le segment des produits laminés « haut de gamme », la Commission s’est fondée sur un ensemble d’appréciations et d’éléments de preuve, dont seuls certains sont expressément contestés par la requérante.

206 Pour autant que la requérante reproche, en substance, à la Commission de ne pas avoir évalué les contraintes de capacité au niveau du marché en cause, qui était le marché global des produits laminés, il suffit de relever que, compte tenu de l’examen qu’elle était appelée à effectuer sur la base de l’article 8, paragraphe 3, du règlement no 139/2004, tel qu’interprété par la jurisprudence (voir arrêt du 9 mars 2015, Deutsche Börse/Commission, T 175/12, non publié, EU:T:2015:148, point 62 et jurisprudence citée), la Commission était fondée, en l’espèce, à tenir compte du fait que, sur le marché en cause, différentes dynamiques concurrentielles étaient à l’œuvre selon les segments du marché concernés (voir points 34 à 42 ci-dessus) et que, en particulier et ainsi qu’il ressortait du faisceau d’indices qu’elle avait réuni, tel que décrit aux considérants 451 à 463 de la décision attaquée, le segment des produits laminés « haut de gamme » était caractérisé par des contraintes de production, liées, notamment, à la demande croissante des clients industriels pour ce type de produits qui avait été constatée par la Commission aux considérants 282 à 284 de la décision attaquée. De plus, la Commission était fondée à focaliser son analyse des effets de la concentration en cause sur le segment des produits laminés « haut de gamme », dès lors qu’elle avait préalablement constaté que c’était sur ce segment du marché en cause ou des sous-segments relevant, pour l’essentiel, de ce dernier, où la requérante concentrait ses activités et où les activités des parties à la concentration en cause se recoupaient, que les effets anticoncurrentiels de la concentration en cause auraient été les plus substantiels (voir points 69 à 73 ci-dessus).

207 Cette conclusion était encore renforcée par les déclarations des parties à la concentration en cause, dans des documents internes ou publics, citées aux considérants 286 et 287 de la décision attaquée, qui confirmaient la dichotomie existant, sur le marché en cause, entre le segment des produits laminés « standard », caractérisé par des « surcapacités » de production, et le segment des produits laminés « spécialisés », marqué par des « contraintes de capacité ».

208 Par conséquent, il y a lieu de rejeter le présent grief comme étant non fondé.

209 Dans la mesure où la requérante reproche à la Commission, premièrement, l’interprétation qu’elle a faite des documents internes d’ARP reproduits dans les images 41 et 42, insérées au considérant 453 de la décision attaquée, deuxièmement, de ne pas avoir tenu compte de ce que la demande pour les produits laminés « bas de gamme » ou « standard » diminuait et du fait que des capacités de production étaient disponibles sur ce segment, comme cela avait été constaté aux considérants 282, 285 et 450 de la décision attaquée, lesquelles pourraient être utilisées pour produire des produits laminés « haut de gamme » et, troisièmement, de s’être fondée sur des données « qualitatives » plutôt que « quantitatives », il y a lieu de constater que la Commission a répondu, dans cette même décision, à des objections similaires avancées par la requérante, respectivement, aux points 106, 94 ainsi que 9 et 10 de sa réponse à la communication des griefs.

210 Tout d’abord, en réponse au premier grief formulé par la requérante, la Commission a rejeté, au considérant 453 de la décision attaquée, les explications de la requérante concernant le premier document, selon lesquelles celui-ci ne visait pas un problème de capacités de production, mais le manque d’équipement de secours sur le laminoir 1851 de l’usine d’ARP de Stolberg, ainsi que celles concernant le second document, selon lesquelles ce dernier concernait uniquement l’augmentation du temps d’utilisation des laminoirs de l’usine de Stolberg, aux fins de répondre à la demande de certains produits laminés « haut de gamme », en indiquant que lesdites explications ne contredisaient pas ses appréciations selon lesquelles ces documents étaient révélateurs des contraintes de capacité d’ARP. La Commission a souligné que le second document expliquait très clairement que les mesures d’optimisation mises en place par ARP « ne ser[aie]nt, de loin, pas suffisantes pour satisfaire la demande de [produits laminés destinés aux] connecteurs de fin calibre ». Selon elle, les explications fournies par la requérante établissaient qu’ARP devait optimiser et sécuriser ses capacités de production, face au risque ou à la menace de ne pas pouvoir répondre à la demande de certains produits laminés « haut de gamme », ce qui mettait en lumière les contraintes de capacité auxquelles elle faisait face sur ledit segment du marché en cause.

211 Ensuite, en réponse au deuxième grief formulé par la requérante, la Commission a relevé, aux considérants 460 et 461 de la décision attaquée, que les capacités de production disponibles sur le segment « bas de gamme » ou « standard » ne pouvaient pas être converties à parité, dans la mesure où les produits laminés « haut de gamme » exigeaient généralement plus de capacités de production que les produits laminés « bas de gamme » ou « standard ». Elle a fait référence à une déclaration de la requérante, recueillie pendant la procédure administrative, indiquant que le temps de fabrication d’un produit laminé en AHP était le double ou le triple de celui nécessaire pour fabriquer un produit laminé standard en laiton. De plus, elle a rappelé qu’il ressortait des analyses étayées qu’elle avait effectuées aux sections 6.4.2, 6.4.4 et 6.5.2 de la décision attaquée que les concurrentes principalement actives sur le segment « bas de gamme » ou « standard » du marché en cause avaient généralement une gamme limitée de produits laminés « haut de gamme » à proposer et devaient réussir à faire qualifier leurs produits auprès des clients industriels et à établir une relation durable avec ces derniers, ce qui limitait d’autant leur aptitude à transférer des capacités disponibles sur le segment « bas de gamme » ou « standard » du marché en cause vers le segment « haut de gamme » de celui-ci.

212 Enfin, en réponse au troisième grief formulé par la requérante, la Commission a objecté, au considérant 462 de la décision attaquée, que les capacités de production de chaque producteur dépendaient du portefeuille de produits de celui-ci et, en particulier, de la part de produits laminés « haut de gamme » dans celui-ci, de sorte qu’il était très difficile, sinon impossible, de calculer les capacités de production d’un producteur et de les comparer à celles d’un autre. Au demeurant, selon elle, il ressortait des documents internes des parties à la concentration en cause que celles-ci n’essayaient pas non plus de calculer les capacités de production utilisées ou disponibles de leurs concurrentes, mais qu’elles procédaient à des évaluations qualitatives de celles-ci. En outre, la Commission a fait valoir que de tels calculs n’auraient pas été très significatifs, dans la mesure où ils n’auraient donné qu’un aperçu des capacités des concurrentes à un moment précis.

213 Or, dans le cadre du présent recours, la requérante s’est bornée à reproduire, concernant les présents griefs, l’argumentation figurant dans sa réponse à la communication des griefs et n’a avancé aucun argument précis et étayé de nature à remettre en cause le bien-fondé des appréciations étayées fournies en réponse par la Commission, comme le requiert la jurisprudence (voir point 121 ci-dessus).

214 Par conséquent, il convient d’écarter lesdits griefs comme étant non fondés.

215 L’ensemble des griefs avancés à l’appui de la troisième sous-branche de la troisième branche du cinquième moyen se trouvant ainsi rejetés, ladite sous-branche se trouve dépourvue de fondement et doit elle-même être rejetée.

d) Sur la quatrième sous-branche de la troisième branche du cinquième moyen

216 Par la quatrième sous-branche de la troisième branche du cinquième moyen, la requérante reproche à la Commission d’avoir entaché la section 6.4.4 de la décision attaquée d’une erreur manifeste d’appréciation, en sous-estimant la contrainte concurrentielle exercée par les concurrentes.

217 La quatrième sous-branche de la troisième branche du cinquième moyen se divise en trois griefs, par lesquels la requérante reproche à la Commission d’avoir sous-estimé la contrainte concurrentielle exercée sur le marché en cause par, respectivement, KME/MKM, Sofia Med et des concurrentes autres que ces dernières.

218 La Commission réfute les griefs de la requérante et conclut au rejet de la quatrième sous-branche de la troisième branche du cinquième moyen, divisée en trois griefs, comme étant non fondée.

1) Sur le premier grief, selon lequel la Commission aurait sous-estimé la contrainte concurrentielle exercée par KME/MKM sur le marché en cause

219 Selon la requérante, l’appréciation selon laquelle KME/MKM n’aurait pas fait peser une contrainte concurrentielle suffisante sur les parties à la concentration en cause sur le marché en cause contredirait les raisons ayant amené la Commission à ouvrir une enquête dans l’affaire M.8909, ayant donné lieu à la décision KME/MKM. La Commission se serait fondée sur des documents internes des parties à la concentration en cause dans lesquels celles-ci évaluaient leurs concurrentes sur le marché en cause, au lieu de se référer aux nombreuses données sur les volumes de vente desdites concurrentes qu’elle avait collectées pour reconstituer ce marché. De plus, elle aurait minimisé la contrainte concurrentielle exercée par MKM, au motif que celle-ci ne possédait pas sa propre ligne d’étamage, alors que, du fait de l’existence de nombreux sous-traitants en galvanoplastie, cela ne l’aurait pas empêchée de répondre aux exigences des clients industriels en matière de traitement des surfaces sur le segment « haut de gamme » du marché en cause. En tout état de cause, conformément à la « règle de priorité » déjà mentionnée au point 126 ci-dessus, la Commission aurait dû se focaliser sur la situation issue de la concentration entre KME et MKM, en tenant compte des effets de synergie liés à celle-ci. Or, KME/MKM aurait été une concurrente puissante sur le marché en cause, y compris sur le prétendu segment « haut de gamme » de celui-ci, car elle aurait pu transférer toute sa production de produits laminés « haut de gamme » sur la ligne Conti-M® de MKM.

220 La Commission réfute les arguments de la requérante et conclut au rejet du premier grief de la quatrième sous-branche de la troisième branche du cinquième moyen comme étant non fondé.

221 Aux considérants 473 à 485 de la décision attaquée, la Commission a constaté que KME/MKM formerait certes une concurrente plus importante sur le marché en cause, avec une part de marché, en volume, de [20-30] %, et totalement intégrée. Cependant, s’il était possible que cela renforçât la compétitivité de KME/MKM, essentiellement sur le segment « bas de gamme » ou « standard » du marché en cause, où les activités commerciales de KME et de MKM se recoupaient, un certain nombre de facteurs impacteraient, selon la Commission, la capacité de la nouvelle entité à concurrencer les parties à la concentration en cause, en particulier sur le segment « haut de gamme » dudit marché.

222 Tout d’abord, la requérante soutient que l’appréciation de la Commission selon laquelle KME/MKM ne serait ni apte ni incitée à contrer des hausses de prix qu’elle orchestrerait sur le segment « haut de gamme » du marché en cause, après la concentration en cause, serait contradictoire avec le contenu d’un communiqué de presse portant la référence IP/18/4642 que la Commission avait publié, le 23 juillet 2018, concernant sa décision d’ouvrir la procédure d’examen approfondi dans l’affaire M.8909 – KME/MKM, où elle indiquait craindre que, « pour les produits laminés en cuivre, et notamment pour le cuivre pur et certains alliages de cuivre spécifiques, l’élimination de la concurrence existant entre [KME et MKM] p[ût] entraîner une hausse des prix » et que MKM, qui était « également active dans la fourniture de bandes prélaminées », « p[ût] rendre l’accès à cet intrant important plus coûteux ou plus difficile pour les concurrentes de KME ».

223 À cet égard, il y a lieu de relever que, conformément à la jurisprudence citée aux points 78 et 79 ci-dessus, il appartient à la partie requérante de démontrer en quoi les appréciations contenues dans la décision qui est attaquée sont, en elles-mêmes et indépendamment de celles figurant dans une décision antérieure, erronées.

224 En tout état de cause, les passages du communiqué de presse mis en exergue par la requérante se rattachaient à une décision adoptée par la Commission en application de l’article 6, paragraphe 1, sous c), du règlement no 139/2004. Or, dans une telle décision, la Commission se borne à confirmer les doutes sérieux qu’elle continue d’entretenir sur la compatibilité d’une opération de concentration avec le marché intérieur et, par voie de conséquence, à engager la procédure d’examen approfondi destinée à lui permettre de trancher définitivement cette question (voir, en ce sens et par analogie, ordonnance du 31 janvier 2006, Schneider Electric/Commission, T 48/03, EU:T:2006:34, point 78). Les appréciations auxquelles se réfère la requérante correspondaient donc à une position intermédiaire de la Commission qui, de plus, ne concordait pas avec sa position finale, puisque, dans la décision KME/MKM, cette dernière a finalement autorisé, sans condition, la concentration qui lui avait été notifiée (voir point 10 ci-dessus).

225 De surcroît, les appréciations de la Commission auxquelles se réfère la requérante ne permettent pas de comprendre en quoi KME/MKM aurait été apte à contrer des hausses de prix orchestrées par la requérante sur le segment « haut de gamme » du marché en cause, après la concentration en cause, et incitée à le faire.

226 Il y a donc lieu de rejeter le présent grief comme étant non fondé.

227 Ensuite, la requérante reproche, en substance, à la Commission de s’être fondée sur des données qualitatives émanant de documents internes des parties à la concentration en cause, plutôt que sur les nombreuses données quantitatives qu’elle aurait collectées pendant la procédure administrative.

228 À cet égard, il y a lieu de relever que la Commission était fondée, au vu de la jurisprudence déjà citée aux points 116 et 120 ci-dessus, à s’appuyer sur un faisceau d’indices essentiellement de nature qualitative, et ce d’autant plus qu’il n’était pas possible, sur le marché en cause, qui était un marché de produits fortement différenciés, en fonction d’un grand nombre de critères (voir point 39 ci-dessus), d’établir une nette distinction entre les produits laminés relevant du segment « haut de gamme » ou du segment « bas de gamme » ou « standard » dudit marché.

229 Par conséquent, il convient d’écarter le présent grief comme étant non fondé.

230 Dans la mesure où la requérante reproche à la Commission d’avoir minimisé la contrainte concurrentielle exercée par MKM, au motif que celle-ci ne possédait pas sa propre ligne d’étamage, alors que, du fait de l’existence de nombreux sous-traitants en galvanoplastie, cela ne l’aurait pas empêchée de répondre aux exigences, en matière de traitement des surfaces, des clients industriels sur le segment « haut de gamme » du marché en cause, d’une part, il y a lieu de relever que la Commission n’a pas appuyé ses conclusions sur ce seul élément, mais sur l’ensemble des éléments de preuve et d’indices mentionnés au considérant 478 de la décision attaquée.

231 D’autre part, la Commission a exposé, au considérant 440 de la décision attaquée, les raisons pour lesquelles il était nécessaire de procéder à un étamage à chaud pour répondre aux exigences de certains clients industriels, tels que ceux de l’industrie automobile. Or, la requérante n’a avancé aucun argument précis et étayé de nature à remettre en cause le bien-fondé de ces appréciations, comme le requiert la jurisprudence (voir point 121 ci-dessus).

232 Pour ces motifs, il y a lieu de rejeter le présent grief comme étant non fondé.

233 Pour autant que la requérante reproche à la Commission de ne pas avoir tenu compte de la nouvelle entité KME/MKM et des effets de synergie qui résulteraient de la concentration en cause, il y a lieu de relever que ce n’est qu’après avoir examiné la situation de KME/MKM, aux considérants 473 à 485 de la décision attaquée, que, aux considérants 486 à 489 de cette même décision, la Commission a relevé, à titre subsidiaire, qu’une appréciation individuelle de la situation de KME et de MKM ne la conduirait pas à un résultat différent.

234 En outre, aux considérants 479 à 485 de la décision attaquée, la Commission a spécifiquement exposé les raisons pour lesquelles elle considérait que les effets de synergie ou les gains d’efficacité issus de l’opération de concentration entre KME et MKM ne permettaient pas de conclure que KME/MKM serait apte à contrer des hausses de prix orchestrées par la requérante sur le segment « haut de gamme » du marché en cause, après la concentration en cause, et incitée à le faire.

235 Enfin, lorsque la requérante prétend que KME aurait pu transférer toute sa production de produits laminés en cuivre pur sur la ligne ContiM® de MKM, afin de devenir un acteur beaucoup plus fort sur tous les segments du marché en cause, elle suggère, en substance, que KME aurait ainsi pu libérer de la capacité de production en produits laminés « bas de gamme » ou « standard » pour fabriquer davantage de produits laminés « haut de gamme ». Or, il y a lieu de considérer que la requérante n’est pas parvenue, dans le cadre du présent recours, à remettre en cause le bien-fondé des appréciations de la Commission selon lesquelles, d’une part, les capacités de production en cause ne pouvaient pas être converties à parité et, d’autre part, les difficultés de KME n’étaient pas liées à des contraintes de capacités, mais à une faible aptitude à répondre aux exigences des clients industriels en matière de prix, de qualité, de capacité technique et de recherche et développement, comme cela était indiqué au considérant 481 de la décision attaquée.

236 Il y a donc lieu de rejeter le présent grief comme étant non fondé.

237 L’ensemble des griefs avancés à l’appui du premier grief de la quatrième sous-branche de la troisième branche du cinquième moyen se trouvant ainsi rejetés, ledit grief se trouve dépourvu de fondement et doit être rejeté.

2) Sur le deuxième grief, selon lequel la Commission aurait sous-estimé la contrainte concurrentielle exercée par Sofia Med sur le marché en cause

238 La requérante souligne que, bien que la Commission ait reconnu que Sofia Med était en pleine croissance sur le marché en cause, ses ventes mondiales ayant progressé de [60-70] % entre 2015 et 2016, elle a estimé que cette société n’était pas encore une concurrente crédible sur le prétendu segment « haut de gamme » dudit marché. À cet égard, son analyse aurait reposé sur un seul document ancien et, de ce fait, obsolète d’ARP. La majorité des sources disponibles auraient confirmé l’entrée rapide et la forte contrainte concurrentielle exercée par Sofia Med sur le marché en cause, y compris sur le prétendu segment « haut de gamme » de celui-ci. La Commission aurait minimisé la contrainte concurrentielle exercée par Sofia Med, en ne tenant pas compte de l’avantage comparatif dont cette dernière disposait en raison du coût relatif du travail qui était sept fois moindre en Bulgarie qu’en Allemagne. Elle aurait considéré, à tort et sans investigations suffisantes, que les coûts de transport entre la Bulgarie et les installations des clients industriels auraient représenté un désavantage comparatif important pour Sofia Med.

239 La Commission réfute les arguments de la requérante et conclut au rejet du deuxième grief de la quatrième sous-branche de la troisième branche du cinquième moyen comme étant non fondé.

240 Pour autant que la requérante estime qu’il était contradictoire, pour la Commission, de constater que, d’une part, Sofia Med était en pleine croissance sur le marché en cause et, d’autre part, celle-ci n’était pas encore une concurrente crédible sur le prétendu segment « haut de gamme » de ce marché, il convient d’observer que, aux considérants 491 et 492 de la décision attaquée, la Commission a estimé, au regard des barrières spécifiques à l’entrée et au développement sur le segment « haut de gamme » du marché en cause, notamment celles liées aux procédures de qualification exigeantes des clients industriels sur ledit segment, que la forte croissance de Sofia Med sur le marché en cause, globalement considéré, ne reflétait pas sa capacité à concurrencer les parties à la concentration en cause sur un pied d’égalité sur ce même segment, et ce d’autant moins que ses parts de marché restaient largement inférieures à celles desdites parties.

241 Au regard de la motivation ainsi fournie par la Commission, il ne peut être considéré que celle-ci se serait contredite sur les aspects mis en exergue par la requérante.

242 Par conséquent, il y a lieu de rejeter le présent grief.

243 Dans la mesure où la requérante prétend que l’analyse de la Commission aurait exclusivement reposé sur un document interne ancien et, de ce fait, obsolète d’ARP, il y a lieu de constater que cela ne reflète pas le contenu exact des considérants 491 et 492 de la décision attaquée, qui reposait également sur le constat que les parts de marchés de Sofia Med étaient encore limitées par rapport à celles des parties à la concentration en cause et que la croissance de Sofia Med sur le marché en cause, globalement considéré, ne reflétait pas sa capacité à concurrencer lesdites parties sur un pied d’égalité sur le segment des produits laminés « haut de gamme », compte tenu des barrières spécifiques à l’entrée et au développement sur ce segment.

244 Concernant le grief selon lequel la majorité des sources disponibles aurait confirmé l’entrée rapide et la forte contrainte concurrentielle exercée par Sofia Med sur le marché en cause, y compris le prétendu segment « haut de gamme » de celui-ci, il y a lieu de relever que la requérante se réfère uniquement, à cet égard, aux conclusions figurant à la page 8 du rapport de CU2 Consulting de 2018, annexé au formulaire CO, indiquant que « Sofia Med […] a[vait] enregistré une très forte accélération de ses ventes de produits [laminés] destinés à des applications industrielles », que, « [e]n 2018, elle prévo[yait] de maintenir une croissance à deux chiffres pour la troisième année consécutive et a[vait] bon espoir de devenir le fournisseur de référence de l’industrie automobile » et que « [l]e site bulgare fai[sai]t également état d’un accroissement de sa part de marché de produits à haute valeur ajoutée (notamment les [produits laminés en] AHP pour connecteurs) ».

245 Si ces conclusions confirmaient la croissance de Sofia Med sur le marché en cause, globalement considéré, ainsi que sa présence sur le segment des produits laminés « haut de gamme », elles ne permettaient cependant pas d’en déduire que celle-ci avait déjà la capacité de concurrencer les parties à la concentration en cause sur un pied d’égalité sur ledit segment, compte tenu des barrières spécifiques à l’entrée et au développement sur ce dernier.

246 Par conséquent, il y a lieu de rejeter le présent grief.

247 Pour autant que la requérante reproche à la Commission d’avoir minimisé la contrainte concurrentielle exercée par Sofia Med, en ne tenant pas compte de l’avantage comparatif dont elle disposait en raison de sa localisation en Bulgarie, où le coût de la main-d’œuvre était sept fois moindre qu’en Allemagne, il y a lieu de constater que, au considérant 493 de la décision attaquée, la Commission n’a fait que répondre à une allégation de la requérante selon laquelle Sofia Med disposait d’un avantage comparatif sur les parties à la concentration en cause du fait de sa localisation en Bulgarie.

248 La Commission s’est bornée, en substance, à mettre en cause le bien-fondé de cette allégation en observant qu’elle n’était pas étayée par des données précises sur les coûts de personnel de Sofia Med et que, en outre, la localisation de cette dernière en Bulgarie présentait certains désavantages comparatifs, liés aux coûts de transport entre la Bulgarie et les installations des clients industriels et, plus généralement, à la distance entre les sites de production de Sofia Med et ces dernières installations, compte tenu des habitudes des clients industriels.

249 En l’espèce, il ressort des objections de la Commission que la requérante n’a pas fourni, comme le requiert pourtant la jurisprudence (voir point 121 ci-dessus), suffisamment d’éléments pour qu’il puisse être constaté que la localisation de Sofia Med lui permettait de concurrencer les parties à la concentration en cause sur un pied d’égalité sur le segment « haut de gamme » du marché en cause.

250 En outre, la requérante n’a pas contesté les réponses des clients industriels à l’enquête de marché, citées au considérant 493 de la décision attaquée, selon lesquelles la majorité d’entre eux s’approvisionnaient dans un rayon de 250 à 1500 kilomètres de leurs centres de production, ce qui tendait à établir que Sofia Med souffrait d’un désavantage concurrentiel du fait de sa localisation proche de la région périphérique de l’EEE.

251 Par conséquent et compte tenu du rejet des autres moyens ou griefs abordant également cette question dans le cadre du présent recours, en particulier ceux figurant dans la première branche du troisième moyen, il y a lieu d’écarter le présent grief comme étant non fondé.

252 L’ensemble de l’argumentation avancée à l’appui du deuxième grief de la quatrième sous-branche de la troisième branche du cinquième moyen se trouvant ainsi rejetée, ledit grief se trouve dépourvu de fondement et doit être rejeté.

3) Sur le troisième grief, selon lequel la Commission aurait sous-estimé la contrainte concurrentielle exercée par d’autres concurrentes sur le marché en cause

253 Selon la requérante, les brèves appréciations de la Commission à l’égard de la contrainte concurrentielle exercée par des concurrentes autres que KME/MKM et Sofia Med montreraient qu’elle n’en a pas suffisamment mesuré l’importance, notamment sur le prétendu segment des produits laminés « haut de gamme ». Selon son site Internet, Kemper serait l’un des leaders sur le segment des courroies en cuivre et en alliages de cuivre destinées aux secteurs de l’automobile et des applications électroniques. La Commission aurait minimisé la contrainte concurrentielle exercée par de telles concurrentes, au seul motif qu’elles se fournissaient en bandes prélaminées auprès de Schwermetall.

254 La Commission réfute les arguments de la requérante et conclut au rejet du troisième grief de la quatrième sous-branche de la troisième branche du cinquième moyen comme étant non fondé.

255 Pour autant que la requérante reproche à la Commission la brièveté de ses appréciations portant sur la contrainte concurrentielle exercée par des concurrentes autres que KME/MKM et Sofia Med, il y a lieu de relever que ces appréciations s’appuyaient sur un faisceau d’indices visés aux considérants 495 à 505 de la décision attaquée, d’où il ressortait que, parmi les autres concurrentes, seules Kemper et Diehl étaient proches des parties à la concentration en cause sur le segment des produits laminés « haut de gamme », en particulier pour ceux destinés aux connecteurs. Néanmoins, dans la mesure où ces concurrentes étaient dépendantes de Schwermetall pour leurs approvisionnements en bandes prélaminées, notamment celles utilisées pour la fabrication de leurs produits laminés en AHP, elles n’auraient pas été en mesure de faire obstacle à des hausses de prix orchestrées par la requérante, après la concentration en cause, sur le segment « haut de gamme » du marché en cause.

256 Il s’ensuit que les appréciations de la Commission, même si elles étaient exposées de manière concise dans quelques considérants, permettaient de comprendre les raisons pour lesquelles celle-ci considérait que certaines concurrentes ne seraient pas en mesure de contrer des hausses de prix orchestrées par la requérante, après la concentration en cause, sur le segment des produits laminés « haut de gamme ». La requérante était ainsi en mesure de les contester sur le fond et le Tribunal d’en contrôler le bien-fondé.

257 Il y a donc lieu de rejeter le grief fondé sur la brièveté de la motivation fournie par la Commission.

258 Dans la mesure où la requérante observe que Kemper indiquait sur son site Internet que ses produits laminés « pla[çai]ent l’entreprise parmi les leaders de l’industrie pour la production de courroies en cuivre et en alliage pour les applications automobiles et électriques », elle n’établit pas en quoi le constat que Kemper aurait également été une importante et proche concurrente des parties à la concentration en cause sur le segment des courroies en cuivre et en alliage de cuivre pour les applications automobiles et électriques aurait été de nature à modifier le constat de la Commission, formulé au considérant 505 de la décision attaquée, selon lequel Kemper était dépendante de Schwermetall pour ses approvisionnements en bandes prélaminées et les conséquences que celle-ci en tirait.

259 Il y a donc également lieu de rejeter ce grief comme étant inopérant.

260 Concernant le reproche adressé par la requérante à la Commission, selon lequel celle-ci aurait, en substance, surestimé les conséquences à tirer de la dépendance de certaines concurrentes à l’égard des approvisionnements en bandes prélaminées de Schwermetall, il y a lieu d’observer qu’elle n’a avancé aucun élément de preuve ou d’indice du fait que des hausses de prix des bandes prélaminées que ces concurrentes achetaient à Schwermetall n’auraient pas entravé leur compétitivité sur le marché en cause, situé en aval, les poussant à suivre, plutôt qu’à contrer, des hausses de prix qui auraient été orchestrées par elle, après la concentration en cause, sur le segment des produits laminés « haut de gamme ».

261 Il y a donc lieu de rejeter le présent grief comme étant non fondé.

262 L’argumentation avancée à l’appui du troisième grief de la quatrième sous-branche de la troisième branche du cinquième moyen étant ainsi intégralement rejetée, ledit grief se trouve dépourvu de fondement et doit être rejeté, de sorte que ladite sous-branche se trouve être intégralement rejetée.

263 Partant, les critiques formulées par la requérante, dans le cadre de la quatrième sous-branche de la troisième branche du cinquième moyen, à l’encontre de la section 6.4.4 de la décision attaquée, doivent toutes être rejetées, de sorte que, au final, celle-ci n’a pas réussi à remettre en cause l’analyse effectuée par la Commission à la section 6.4 de cette même décision.

264 Au vu de l’ensemble des appréciations qui précèdent, il y a donc lieu de rejeter la troisième branche du cinquième moyen et, partant, ce moyen dans son intégralité.

F. Sur le sixième moyen, tiré d’erreurs manifestes d’appréciation concernant l’existence de possibilités suffisantes, pour les clients industriels, de changer de fournisseurs sur le marché en cause

265 Par le sixième moyen, la requérante invoque diverses erreurs manifestes d’appréciation viciant le constat, formulé à la section 6.5 et, partant, aux considérants 508 à 587 de la décision attaquée, de possibilités limitées, pour les clients industriels, après la concentration en cause, de changer de fournisseurs de produits laminés, en particulier sur le segment « haut de gamme » du marché en cause, où les activités des parties à la concentration en cause se recoupaient.

266 Ce moyen est divisé en trois branches.

267 Avant d’examiner les arguments invoqués par la requérante à l’appui du sixième moyen et de ses trois branches, il importe de rappeler que, au considérant 508 de la décision attaquée, après avoir cité le paragraphe 31 des lignes directrices sur l’appréciation des concentrations horizontales concernant la possibilité, pour les clients des parties à une opération de concentration, de changer de fournisseurs, la Commission a constaté, sur le fondement des analyses détaillées figurant aux sections 6.5.1 à 6.5.3 de cette même décision, que, sur le segment des produits laminés « haut de gamme », il était difficile, pour les clients industriels des parties à la concentration en cause, de reporter leur demande sur des concurrentes, en raison du faible nombre de celles-ci et du coût substantiel d’un tel changement. Par ailleurs, à la section 6.5.4 de la décision attaquée, elle a estimé que le rapport sur l’analyse des déterminants du changement de fournisseur, soumis par les parties à la concentration en cause au cours de la procédure administrative, n’étayait pas leurs allégations selon lesquelles le changement de fournisseur était facile sur le marché en cause.

1. Sur la première branche du sixième moyen

268 Par la première branche du sixième moyen, la requérante dénonce une erreur manifeste d’appréciation commise par la Commission lorsqu’elle a constaté, à la section 6.5.2 de la décision attaquée, que les procédures de qualification des clients industriels, qui étaient parfois longues et exigeantes, entravaient leur capacité à changer de fournisseur sur le segment « haut de gamme » du marché en cause.

269 La Commission réfute les arguments avancés par la requérante et conclut au rejet de la première branche du sixième moyen comme étant non fondée.

270 À la section 6.5.2 de la décision attaquée, la Commission a observé que les réponses non confidentielles des clients industriels à l’enquête de marché révélaient que la plupart de ceux-ci n’avaient pas changé de fournisseur, pour l’intégralité ou une part significative de leurs commandes de produits laminés, au cours des trois années précédentes, car, en général, un tel changement apparaissait comme un véritable défi, en particulier sur le segment des produits laminés « haut de gamme » où les procédures de qualification étaient parfois longues et exigeantes. Ainsi, selon les quatre clients industriels cités au considérant 520 de la décision attaquée, les procédures pouvaient être grandes consommatrices d’efforts, de temps et d’argent lorsque lesdits clients avaient des exigences particulières. En outre, les clients industriels de la connectique, de l’ingénierie électrique, de l’énergie et de la signalisation mentionnés aux considérants 527 et 529 à 531 de la décision attaquée indiquaient que les procédures de qualification étaient longues, intenses et coûteuses sur le segment « haut de gamme » ou des sous-segments relevant, pour l’essentiel, de ce dernier et qu’il était essentiel, pour eux, d’établir des relations commerciales à long terme avec leurs fournisseurs.

271 Au considérant 532 de la décision attaquée, la Commission a constaté qu’il fallait non seulement tenir compte du fait qu’il n’y avait eu aucun nouvel entrant sur le marché en cause au cours des trois années précédentes, mais également de ce que la majorité des clients industriels ne changeait pas de fournisseurs ou était réticente à le faire, en raison des risques financiers et opérationnels associés à un tel changement, en particulier ceux liés aux procédures de qualification et à la possible réaction négative de leurs propres clients.

272 Enfin, aux considérants 534 à 537 de la décision attaquée, la Commission a renvoyé à un document interne établi par la requérante dans le cours normal de ses activités commerciales, à des informations extraites du rapport sur l’analyse des déterminants du changement de fournisseur ainsi qu’à des réponses non confidentielles de certains clients industriels à l’enquête de marché, qui établissaient que les procédures de requalification de lignes de produits laminés déjà existantes demeuraient exigeantes sur le segment « haut de gamme » du marché en cause ou des sous-segments relevant, pour l’essentiel, de celui-ci, tels que celui des produits laminés destinés à l’industrie automobile.

273 Pour autant que la requérante soutient que les réponses à l’enquête de marché auraient clairement démontré que les clients industriels pouvaient facilement changer de fournisseurs sur tous les segments du marché en cause et qu’ils le faisaient d’ailleurs en pratique, celle-ci se fonde, premièrement, sur la réponse non confidentielle de MKM indiquant que « c’[étai]t un marché standardisé avec des surcapacités significatives » et que « [l]es clients p[o]uv[ai]ent changer facilement de fournisseur ».

274 À cet égard, il y a lieu de relever que, en réponse à une objection analogue de la requérante au point 122 de sa réponse à la communication des griefs, la Commission a indiqué, au considérant 523 de la décision attaquée, que MKM était surtout active sur le segment « bas de gamme » ou « standard » du marché en cause, lequel avait d’autres caractéristiques, sur le plan concurrentiel, que le segment « haut de gamme » de ce même marché. La requérante n’a pas remis en cause cette appréciation, qui, au surplus, était corroborée par la suite de la réponse de MKM, d’où il ressortait que, « seulement pour quelques [produits laminés en] alliages haute performance spécifiques, le client avait un choix limité » et qu’elle « n’[étai]t pas active pour ce type de produits ».

275 Il y a donc lieu de constater que la réponse de MKM traduisait la situation prévalant sur le segment « bas de gamme » ou « standard » du marché en cause et ne remettait pas en cause les constatations de la Commission, formulées à la section 6.5.2 de la décision attaquée, portant essentiellement sur le segment « haut de gamme » dudit marché.

276 Deuxièmement, la requérante a renvoyé à la réponse non confidentielle de TE Connectivity, dans laquelle celle-ci déclarait qu’elle « avait substitué des produits entre [elle] et ARP, ainsi qu’avec d’autres fournisseurs ».

277 À cet égard, il y a lieu de relever que, en réponse à une objection similaire de la requérante formulée au point 123 de sa réponse à la communication des griefs, la Commission a indiqué, en substance, au considérant 523 de la décision attaquée, que la situation de TE Connectivity, qui était l’un des plus grands acteurs mondiaux de l’industrie de la connectique, n’était pas représentative de la situation de la plupart des clients industriels, comme cela ressortait de l’enquête de marché.

278 La requérante s’est bornée à soutenir que cette appréciation de la Commission concernant TE Connectivity attestait sa volonté de minimiser les réponses à l’enquête de marché qui contredisaient ses appréciations.

279 Ainsi qu’il ressort du considérant 520 de la décision attaquée, à la section 6.5.2 de cette dernière, la Commission a seulement prétendu qu’une large majorité de clients industriels n’opérait pas de changement de fournisseurs pour la totalité ou une large part de ses commandes de produits laminés, ce qui ne préjugeait pas du fait qu’une minorité de ces clients, notamment ceux qui, comme TE Connectivity, disposaient d’une forte part de marché dans leur secteur industriel et, partant, d’un fort pouvoir de négociation auprès de leurs différents fournisseurs, pouvait ou avait pu le faire ou de ce que tous les clients industriels pouvaient procéder, à cet égard, à certains ajustements marginaux.

280 Il y a donc lieu de constater que la réponse de TE Connectivity traduisait la situation d’une minorité de clients industriels et ne remettait pas en cause les constatations de la Commission, formulées à la section 6.5.2 de la décision attaquée, portant essentiellement sur la situation de la majorité des clients industriels sur le segment « haut de gamme » du marché en cause.

281 Troisièmement, la requérante a renvoyé aux réponses non confidentielles d’autres clients industriels à l’enquête de marché qui étaient notamment actifs sur le segment des produits laminés « haut de gamme » et, tout particulièrement, à celle d’Arup Alu-Rhor U-Profil GmbH, indiquant que, pour les systèmes de refroidissement de moteur, « [c]hanger de fournisseurs n’[étai]t pas un problème [et] p[ouvai]t être fait très rapidement », dont il aurait résulté que de nombreux autres clients industriels auraient indiqué avoir changé de fournisseurs.

282 À cet égard, il importe de relever que, en réponse à une objection identique de la requérante, la Commission a indiqué que les « nombreux » clients industriels auxquels la requérante se référait étaient, en réalité, 11 parmi les 58 ayant répondu à l’enquête de marché. Selon elle, ces clients n’avaient pas prétendu avoir changé de fournisseur, mais avoir transféré des volumes de commande entre la requérante et ARP, à un moment donné dans le passé, ce qui tendait à démontrer que ces dernières étaient de proches concurrentes. La Commission a indiqué que cela ne modifiait pas le constat que la majorité des clients industriels n’avait pas radicalement changé de fournisseur, pour l’intégralité ou pour des volumes substantiels de leurs commandes, dans les trois années précédentes, comme elle l’avait constaté au considérant 520 de la décision attaquée. D’ailleurs, elle a souligné que de petits volumes de commande pouvaient être transférés d’un fournisseur à un autre dans le cadre des procédures de qualification, et ce afin de pouvoir tester les produits de nouveaux fournisseurs potentiels.

283 Par ailleurs, au considérant 525 de la décision attaquée, la Commission a relevé que, pour autant que la requérante se référait, en particulier, aux réponses à l’enquête de marché de certains clients industriels actifs dans les systèmes de refroidissement de moteur, la construction ou les munitions, celle-ci méconnaissait le fait que la majorité des clients de ces industries voyait la qualification des fournisseurs comme une étape difficile, même si pas insurmontable. Concernant spécifiquement la réponse d’Arup Alu-Rhor U-Profil, la Commission a relevé que cette société se trouvait dans une situation particulière, dans la mesure où, ainsi que cela ressortait de ses réponses à l’enquête de marché, « [sa] clientèle ne v[oulai]t que les matériaux d’Aurubis ». Enfin, la Commission a indiqué que les clients industriels actifs dans les systèmes de refroidissement de moteur, la construction ou les munitions commandaient généralement des produits laminés « standard » et non « haut de gamme », pour lesquels les obstacles à un changement de fournisseur étaient moins élevés, ce qui pouvait avoir influencé leurs réponses.

284 La requérante s’est bornée à reproduire les objections formulées dans sa réponse à la communication des griefs sans critiquer les appréciations en réponse de la Commission au considérant 525 de la décision attaquée, qui exposaient les raisons pour lesquelles les réponses des autres clients industriels, mises en avant par la requérante, devaient être relativisées dans la mesure où elles ne rendaient pas compte de la situation précise de la majorité des clients industriels actifs sur le segment « haut de gamme » du marché en cause.

285 Ainsi que la Commission l’a fait valoir à bon droit dans ses écritures, ces réponses ne modifiaient pas le fait que 68 % des clients industriels ayant répondu à la question 26 du questionnaire Q1 de l’enquête de marché avaient confirmé ne pas avoir changé de fournisseur de produits laminés au cours des trois années précédentes. En outre, la majorité des clients industriels ayant répondu aux questions 22 à 25 du questionnaire Q4.1 et aux questions 23 à 26 des questionnaires Q4.2 à Q4.8 de cette même enquête avait observé que les procédures de qualification avaient été ardues, voire parfois insurmontables pour les concurrentes, au cours des cinq années précédentes.

286 En tout état de cause, comme l’observe à juste titre la Commission, les réponses à l’enquête de marché auxquelles se réfère la requérante mettaient surtout en lumière des changements de fournisseur intervenus entre les parties à la concentration en cause, qui n’auraient plus été possibles après la réalisation de cette dernière. En outre, la réponse d’Arup Alu-Rhor U-Profil indiquait aussi que tout changement de fournisseur pouvait être compliqué, car, « lorsqu’[elle] changerait de fournisseur, [ce dernier] devrait être qualifié » par ses clients, dont elle ne connaissait pas les procédures. Enfin, il ressortait des réponses des clients de l’industrie des produits métalliques aux questions 23 à 26 du questionnaire Q4.6 de l’enquête de marché que ceux-ci privilégiaient plutôt les relations à long terme avec leurs fournisseurs de produits laminés.

287 Au vu de ce qui précède, il y a lieu de constater que ces réponses ne remettaient pas en cause les appréciations de la Commission, dans la section 6.5.2 de la décision attaquée, selon lesquelles une majorité de clients industriels actifs sur le segment « haut de gamme » du marché en cause n’avaient pas changé de fournisseur, pour l’intégralité ou une part significative de leurs commandes de produits laminés, au cours des trois années précédentes.

288 Pour autant que la requérante critique les appréciations de la Commission, au considérant 520 de la décision attaquée, selon lesquelles les procédures de qualification décourageaient les clients industriels de changer de fournisseur, car elles étaient parfois longues et exigeantes, en particulier sur le segment « haut de gamme » du marché en cause, celle-ci se fonde essentiellement sur le fait que la réponse non confidentielle d’Alcatel Submarine Networks à la question 26.2 du questionnaire Q.1 de l’enquête de marché, citée par la Commission, ne confirmait pas la longueur des procédures de qualification, lorsqu’elle était lue conjointement avec la réponse de cette même société à la question 27 dudit questionnaire, où elle indiquait que la durée de telles procédures était d’un mois et demi.

289 À cet égard, il y a lieu de relever que, si, comme l’a relevé la Commission, Alcatel Submarine Networks avait répondu que la « [q]ualification d’un nouveau fournisseur était une longue procédure », elle avait également indiqué qu’une telle procédure durait généralement « 1,5 » mois.

290 Une telle incohérence pourrait jeter un doute sur le sens exact des réponses d’Alcatel Submarine Networks et, partant, sur la crédibilité de la seule déclaration de cette dernière retenue par la Commission. Il n’en reste pas moins que ladite déclaration n’était que l’un des éléments de preuve ou des indices pris en compte par la Commission, aux considérants 520, 527 et 529 à 531 de la décision attaquée (voir point 270 ci-dessus), pour conclure que les procédures de qualification étaient longues, intenses et coûteuses sur le segment « haut de gamme » ou sur des sous-segments relevant, pour l’essentiel, de ce dernier.

291 Les appréciations de la Commission, ainsi étayées, ne peuvent être remises en cause sur la base d’un seul indice, dont la crédibilité se trouve affaiblie, conformément à la jurisprudence citée au point 120 ci-dessus.

292 De même, pour autant que la requérante reproche à la Commission d’avoir, pour conclure, au considérant 527 de la décision attaquée, que les procédures de qualification des clients industriels pouvaient être longues, en particulier sur le segment « haut de gamme » du marché en cause, privilégié les réponses de quelques clients industriels du secteur de la connectique à l’enquête de marché confirmant ses appréciations et écarté de nombreuses autres réponses qui les auraient infirmées, telles que celles d’Arup Alu-Rhor U-Profil, de Ferd. Haecker KG, de Silca SpA et de Lumberg Connect GmbH, il y a lieu de constater que, parmi les quatre clients auxquels la requérante s’est référée, deux, à savoir Arup Alu-Rhor U-Profil et Silca, n’étaient pas actifs dans le secteur de la connectique, mais dans ceux des systèmes de refroidissement de moteur, de la construction et des munitions ou des produits métalliques, qui utilisaient davantage les produits laminés « bas de gamme » ou « standard ». Ensuite, l’un des clients cités, à savoir Ferd. Haecker, mentionnait une durée de procédure de qualification variant de un à six mois et des coûts qui étaient difficiles à évaluer a priori, ce qui témoignait que, dans certains cas, lesdites procédures pouvaient être longues et que leur impact financier était incertain. Seule la réponse de Lumberg Connect indiquait de manière univoque que ses procédures de qualification étaient courtes, puisqu’elles duraient environ une semaine, chaque année, pour chacun de ses fournisseurs et que cela n’était pas déterminant.

293 La Commission s’est fondée sur les réponses à la question 21 des questionnaires Q4.2, Q4.4 et Q4.5 de l’enquête de marché de cinq clients industriels, dont trois étaient actifs dans le secteur de la connectique et l’un dans le secteur de l’ingénierie électrique, qui commandaient principalement des produits laminés « haut de gamme », et d’un autre client industriel du secteur de l’énergie et de la signalisation, qui commandait plutôt des produits laminés « bas de gamme » ou « standard », lesquels témoignaient que leurs procédures de qualification étaient longues. De plus, ces réponses s’ajoutaient aux autres éléments de preuve et indices mentionnés aux considérants 520 et 529 à 531 de la décision attaquée (voir point 270 ci-dessus), d’où il ressortait que, sur le marché en cause et, en particulier, le segment des produits laminés « haut de gamme », les procédures de qualification des clients industriels pouvaient parfois être longues et que les clients industriels préféraient établir des relations commerciales à long terme avec leurs fournisseurs.

294 Il ne peut donc être reproché à la Commission d’avoir, au terme d’une mise en balance des différents éléments de preuve ou d’indices qu’elle avait réunis au cours de la procédure administrative, estimé que, même si la durée des procédures de qualification était variable sur le marché en cause, celles-ci pouvaient être longues et exigeantes, en particulier sur le segment « haut de gamme » dudit marché, où elles faisaient obstacle à l’entrée ou au développement rapide et facile des concurrentes sur ledit segment.

295 L’ensemble des griefs formulés à l’appui de la première branche du sixième moyen se trouvant ainsi rejeté, il convient de rejeter ladite branche comme étant non fondée.

2. Sur la deuxième branche du sixième moyen

296 Par la deuxième branche du sixième moyen, la requérante dénonce une erreur commise par la Commission, à la section 6.5.3 et, partant, aux considérants 539 à 548 de la décision attaquée, en estimant que les stratégies de diversification des sources d’approvisionnement suivies par les clients industriels limitaient encore les possibilités pour ces derniers de s’adresser à d’autres fournisseurs de produits laminés.

297 La Commission réfute les arguments avancés par la requérante et conclut au rejet de la deuxième branche du sixième moyen comme étant non fondée.

298 La requérante soutient que les conclusions que la Commission a tirées des stratégies de diversification des sources d’approvisionnement mises en œuvre par les clients industriels ne sont pas logiques, dans la mesure où de telles stratégies étaient, en réalité, caractéristiques d’un marché très concurrentiel, où le pouvoir de négociation des acheteurs était élevé et où, sur le marché en cause, ces stratégies avaient conduit à augmenter la concurrence du côté de l’offre, notamment dans le cadre des procédures d’appel d’offres organisées pour plusieurs clients industriels ou produits laminés, et à l’exercice d’une pression importante à la baisse sur les prix des produits laminés.

299 Au considérant 548 de la décision attaquée, la Commission a écarté, comme n’étant pas convaincantes, les objections analogues que la requérante avait soulevées aux points 129 et 230 de sa réponse à la communication des griefs. Elle a observé que le nombre d’acteurs présents sur le marché en cause ne rendait pas compte des contraintes concurrentielles exactes de ce marché, compte tenu du fait que les clients industriels devaient, en permanence, maintenir des relations commerciales avec plusieurs fournisseurs, conformément à leurs stratégies de diversification des sources d’approvisionnement, ce qui limitait leurs possibilités effectives de s’adresser à d’autres fournisseurs et amoindrissait leur pouvoir de négociation. Elle aurait déjà constaté cet effet, attaché aux stratégies de diversification des sources d’approvisionnement, dans de précédentes décisions.

300 La requérante s’est bornée à reproduire les objections formulées dans sa réponse à la communication des griefs sans critiquer les appréciations formulées en réponse par la Commission, au considérant 548 de la décision attaquée, et qui exposaient les raisons pour lesquelles les stratégies de diversification des sources d’approvisionnement des clients industriels sur le marché en cause, en particulier sur le segment « haut de gamme » de celui-ci, où le nombre de concurrentes était très limité, affaiblissaient, en pratique, leur pouvoir de marché et les rendaient plus dépendants de leurs fournisseurs, comme cela était étayé par un faisceau d’indices correspondant aux témoignages de plusieurs clients industriels recueillis lors de l’enquête de marché et cités aux considérants 544 à 546 de la décision attaquée. Ces témoignages étaient crédibles, dans la mesure où ils émanaient de témoins directs des faits qui y étaient reportés. En outre, ils concordaient à démontrer que les clients industriels dépendaient d’un petit nombre de fournisseurs qui disposaient d’un fort pouvoir de marché, spécialement sur le segment « haut de gamme du marché en cause ».

301 Les objections de la requérante, qui reposent sur des considérations générales selon lesquelles les stratégies de diversification renforceraient nécessairement la concurrence sur le marché, ne sont pas de nature à remettre en cause les appréciations de la Commission fondées sur une évaluation précise de la situation prévalant sur le marché en cause, en particulier sur le segment « haut de gamme » de celui-ci. Il en va de même des considérations générales de la requérante portant sur les procédures d’appel d’offres organisées pour les clients industriels, qui, outre qu’elles ne sont étayées par aucun élément, ne remettent pas en cause les appréciations de la Commission fondées sur la mise en œuvre de stratégies de diversification des approvisionnements, menées par ces mêmes clients, sur des segments du marché en cause, tels que celui des produits laminés « haut de gamme », où le nombre de concurrentes était, en pratique, très limité.

302 Au vu de l’ensemble des appréciations qui précèdent, il y a lieu de rejeter la deuxième branche du sixième moyen comme étant non fondée.

3. Sur la troisième branche du sixième moyen

303 Par la troisième branche du sixième moyen, la requérante dénonce une erreur commise par la Commission, à la section 6.5.4 et, partant, aux considérants 549 à 569 de la décision attaquée, en estimant que le rapport sur l’analyse des déterminants du changement de fournisseur, qu’elle lui avait soumis au cours de la procédure administrative, n’étayait pas ses affirmations selon lesquelles il était facile pour les clients industriels de changer de fournisseur, sans avoir suffisamment procédé, dans le cadre de l’enquête de marché, à des recherches ou à des demandes d’informations complémentaires à cet égard.

304 La Commission réfute les arguments avancés par la requérante et conclut au rejet de la troisième branche du sixième moyen comme étant non fondée.

305 Pour autant que la requérante reproche à la Commission d’avoir rejeté le rapport sur l’analyse des déterminants du changement de fournisseur, au motif qu’il ne reposait pas sur les données réelles des volumes de ventes échangés entre concurrentes, alors qu’elle n’aurait pas eu accès aux données de ses concurrentes et qu’il aurait appartenu à la Commission d’effectuer ses propres recherches à cet égard, il y a lieu de remarquer que, aux sections 6.5.1 à 6.5.3 de la décision attaquée, la Commission a fondé ses appréciations sur un faisceau d’indices constitué de témoignages de nombreux clients industriels lors de l’enquête de marché et de documents internes des parties à la concentration en cause. Ces témoignages étaient crédibles, dans la mesure où ils émanaient de témoins directs des faits qui y étaient reportés. En outre, les documents internes des parties à la concentration en cause auxquels la Commission se référait pouvaient être considérés comme étant particulièrement crédibles et fiables, dans la mesure où ils avaient été établis par lesdites parties, à l’époque des faits, dans le cours normal de leurs activités commerciales et sans que leur contenu fût conforme à leurs intérêts dans le cadre du présent recours. Tous ces éléments concordaient à établir que, après la concentration en cause, les clients industriels auraient des possibilités limitées de changer de fournisseur, en particulier sur le segment « haut de gamme » du marché en cause.

306 Au vu de la jurisprudence déjà citée aux points 116, 120 et 163 ci-dessus, la Commission était fondée à s’appuyer sur des éléments de preuve ou d’indices de nature essentiellement qualitative, et ce d’autant plus qu’il n’était pas possible, sur le marché en cause, qui était un marché de produits fortement différenciés en fonction d’un grand nombre de critères (voir point 39 ci-dessus), d’établir une nette distinction entre les produits laminés relevant du segment « haut de gamme » ou du segment « bas de gamme » ou « standard » dudit marché. Dans ce contexte, il ne peut être reproché à la Commission d’avoir considéré que des éléments qualitatifs, tels que des témoignages directs d’acteurs de marché, étaient plus fiables que des données chiffrées portant sur ces différents segments et, en particulier, de ne pas avoir fait ses propres recherches sur les volumes de ventes échangés entre concurrentes.

307 C’est aux fins de remettre en cause le bien-fondé des appréciations intermédiaires auxquelles la Commission était parvenue à cet égard, au cours de la procédure administrative, que la requérante a produit le rapport sur l’analyse des déterminants du changement de fournisseur. Dans la mesure où elle entend désormais appuyer le présent grief, dirigé contre l’appréciation définitive correspondante contenue dans la décision attaquée, telle qu’étayée par le faisceau d’indices crédibles et concordants décrit au point 305 ci-dessus, sur le rapport sur l’analyse des déterminants du changement de fournisseur, il lui appartient, conformément à la jurisprudence (voir point 121 ci-dessus), d’établir en quoi le contenu dudit rapport est de nature à remettre en cause le bien-fondé de ladite appréciation, ainsi étayée.

308 La requérante n’a pas rapporté une telle preuve, car les données contenues dans le rapport sur l’analyse des déterminants du changement de fournisseur ne permettent pas d’établir de manière fiable l’ampleur des changements de fournisseur qui ont été opérés par les clients industriels sur le marché en cause. En effet, comme cela est indiqué aux considérants 549 à 552 de la décision attaquée, ce rapport repose sur l’analyse d’une grande part des ventes de produits laminés qui ont été gagnées ou perdues par les parties à la concentration en cause entre 2014 et 2017, calculées de manière globale ou ventilées par groupes d’alliages.

309 Or, ainsi que le soulignent à juste titre la Commission et la requérante, ces gains, mais également ces pertes, de volumes de ventes devaient être partiellement imputés aux évolutions organiques du marché en cause et de ses différents segments et sous-segments. Ainsi, d’une année à l’autre, les volumes de commandes passées par les clients industriels, dans le cadre des relations commerciales établies avec leurs fournisseurs, pouvaient varier en fonction de la conjoncture plus ou moins porteuse sur ce marché ou sur ses différents segments ou sous-segments. Contrairement à ce que prétend la requérante, de telles évolutions ne disaient rien de la facilité avec laquelle lesdits clients pouvaient changer radicalement de fournisseur.

310 En outre, ces gains et ces pertes de volumes de ventes pouvaient également être liés à la mise en œuvre par les parties à la concentration en cause de leur propre stratégie commerciale. Ainsi, la mise en œuvre, par la requérante, d’une stratégie d’« écrémage » la conduisait à se retirer de certains segments du marché en cause, peu rentables, où elle perdait des volumes de ventes, pour se concentrer sur d’autres, plus rentables, où elle en gagnait.

311 Pour ces motifs, comme l’a relevé à bon droit la Commission, les données sur lesquelles se fondaient les analyses figurant dans le rapport sur l’analyse des déterminants du changement de fournisseur ne permettaient pas de déterminer, de manière fiable et précise, dans quelle mesure les variations intervenues dans les volumes de ventes rendaient compte des changements de fournisseur opérés par les clients industriels.

312 À supposer même que ce rapport ait rendu compte de certains transferts de volumes de ventes entre les parties à la concentration en cause, ceux-ci n’auraient pas été pertinents aux fins d’évaluer les effets anticoncurrentiels de ladite concentration, dès lors qu’ils n’auraient plus pu intervenir après cette dernière. Ils auraient plutôt permis d’établir que, comme le soutenait par ailleurs la Commission, les parties à la concentration en cause étaient d’importantes et proches concurrentes, en particulier sur le segment « haut de gamme » du marché en cause.

313 Le rapport sur l’analyse des déterminants du changement de fournisseur n’était donc pas une preuve de nature à renverser les appréciations formulées par la Commission à la section 6.5 de la décision attaquée et fondées sur un faisceau d’indices crédibles et concordants.

314 En revanche, ainsi qu’il ressort des considérants 563 et 564 de la décision attaquée, le rapport sur l’analyse des déterminants du changement de fournisseur confirmait, à certains égards, qu’un changement de fournisseur, pour l’ensemble ou pour une grande part des volumes d’achats, était difficile à opérer pour une majorité de clients industriels. En effet, le point 4.1 dudit rapport confirmait que ces clients industriels mettaient en œuvre des stratégies de diversification de leurs approvisionnements. Or, ainsi que le relève à bon droit la Commission, la mise en œuvre de telles stratégies sur un marché où, comme sur le segment « haut de gamme » du marché en cause, il n’y avait que très peu de concurrentes limitait, en pratique, très largement la possibilité de changer radicalement de fournisseur.

315 Au vu des motifs qui précèdent, il convient de rejeter la troisième branche du sixième moyen comme étant non fondée et, partant, le sixième moyen dans son intégralité.

G. Sur le septième moyen, tiré d’erreurs manifestes d’appréciation concernant de prétendues hausses de prix imputables à la concentration en cause sur le marché en cause

316 Dans le cadre du septième moyen, la requérante soutient que la Commission a, à la section 6.6 et, partant, aux considérants 570 à 587 de la décision attaquée, commis des erreurs manifestes d’appréciation en constatant que certains de ses documents internes et les résultats de l’enquête de marché indiquaient que la concentration en cause déboucherait probablement sur des hausses de prix sur le marché en cause et donnaient ainsi une forte indication de l’entrave significative à l’exercice d’une concurrence effective dans l’EEE ou dans une partie substantielle de celui-ci qui pourrait découler de ladite opération.

317 La Commission réfute les arguments avancés par la requérante et conclut au rejet du septième moyen comme étant non fondé.

318 Dans un premier temps, la requérante reproche à la Commission d’avoir considéré à tort, au considérant 572 de la décision attaquée, qu’elle se serait fixé comme stratégie d’augmenter ses prix après la concentration en cause, en se fondant sur un document interne, non corroboré par d’autres éléments, qui ne traduisait que l’idée personnelle de l’un de ses commerciaux.

319 À titre liminaire, il y a lieu de relever que le document interne cité a été produit dans le cours normal des activités commerciales de la requérante, afin de définir les principales activités à entreprendre, par celle-ci, en vue de l’intégration d’ARP, après la concentration en cause. Ce document va à l’encontre des intérêts de la requérante dans le cadre du présent recours, dans la mesure où, dans celui-ci, le groupe de travail intitulé « Ventes et commercialisation » identifiait effectivement, parmi les activités à entreprendre impérativement dans les 30 premiers jours suivant la clôture de l’opération, « l’utilisation [par la requérante] de [son] pouvoir de marché et l’augmentation des prix », et ce pour l’ensemble des usines d’ARP. Il ressort d’un autre document interne de la requérante, cité au considérant 573 de la décision attaquée, que, d’une part, ledit groupe de travail était dirigé par la personne qui était alors le président de l’activité « Produits laminés » et l’un des membres du comité exécutif de la requérante et, d’autre part, le plan d’action détaillé reprenant les activités à entreprendre pour l’intégration d’ARP devrait être mis en œuvre, dans les délais fixés, par chaque chef de groupe, et sous le contrôle hebdomadaire du dirigeant responsable de l’intégration d’ARP.

320 Loin d’attester que l’augmentation de prix visée dans la citation figurant au considérant 572 de la décision attaquée aurait été l’idée d’un commercial isolé, comme le prétend la requérante, les documents susmentionnés établissaient bien qu’il s’agissait de l’une des principales activités à entreprendre par la requérante, dans le domaine des « ventes et [de la] commercialisation », dans le cadre d’un plan d’action détaillé pour l’intégration d’ARP, après la concentration en cause.

321 En outre, comme l’a relevé à juste titre la Commission au considérant 573 de la décision attaquée, ce document était corroboré par d’autres documents internes de la requérante, cités à la section 6.3.2.2 de la décision attaquée, d’où il ressortait que la concentration en cause correspondait également, pour celle-ci, au développement d’une stratégie défensive visant à empêcher qu’ARP ne vienne, à terme, contester son pouvoir de marché sur le segment « haut de gamme » du marché en cause.

322 Compte tenu de la forte crédibilité du document interne dont est extraite la citation figurant au considérant 572 de la décision attaquée et du fait que le contenu de cette citation était corroboré par d’autres documents internes attestant la volonté de la requérante, par le biais de la concentration en cause, de protéger son pouvoir de marché sur le segment « haut de gamme » du marché en cause, la Commission était fondée à tirer de ladite citation les conclusions qui sont, en l’espèce, contestées par la requérante.

323 Dans un deuxième temps, la requérante reproche à la Commission de ne pas avoir tenu compte des réponses aux questions 50 à 50.2 du questionnaire Q2 de l’enquête de marché de certaines concurrentes, à savoir MKM, Sofia Med et Ningbo Powerway Alloy Plate & Strip Co. Ltd, ou des réponses aux questions 46 à 49 du questionnaire Q1 ou aux questions 27 ou 28 des questionnaires Q4.3, Q4.4 et Q4.6 à Q4.8 de cette même enquête de certains clients industriels et d’autres acteurs du marché, à savoir Dafra Kontakt tehnologija d.o.o., Batten & Allen Ltd, Marquardt GmbH, Silca, Gries & Co. GmbH, Hauff Kuehlerfabrick GmbH, Modine Hungária Kft., FCI Besançon SA, Fritz Kaiser GmbH & Co. KG, Ferrex Scandinavia AB, Otto Dunkel GmbH et Hirtenberger Präzisionstechnick GmbH & Co. KG, confirmant l’absence d’effets anticoncurrentiels, en particulier des hausses de prix, sinon l’existence d’effets proconcurrentiels attendus, par eux, de la concentration en cause.

324 À titre liminaire, il convient de relever que, ainsi qu’il ressort des considérants 575 à 586 de la décision attaquée, la Commission a tenu compte du fait que les réponses à l’enquête de marché n’étaient pas uniformes. En particulier, au considérant 580 de cette décision, elle a reconnu que « certains clients [industriels] et [certaines] concurrentes [avaient] donn[é] un retour positif sur la [concentration en cause] ». Cependant, dans le cadre d’une mise en balance des différents éléments de preuve ou d’indices qu’elle avait réunis, elle a indiqué avoir considéré qu’« un tel retour positif d’une minorité d’acteurs du marché n’était pas suffisant pour contrebalancer ou mettre en doute le retour négatif reçu d’une vaste majorité d’acteurs du marché [lui] ayant répondu […] durant l[’enquête] de marché ».

325 Il ressort de l’analyse des considérants 575 à 586 de la décision attaquée que, dans le cadre de la mise en balance des différents éléments de preuve ou d’indices en présence, la Commission a examiné la crédibilité relative de chacun d’eux. Une telle méthode de mise en balance correspond à celle qui est exigée par la jurisprudence et ne peut donc qu’être approuvée.

326 S’agissant des concurrentes, la requérante ne conteste pas l’appréciation de la Commission, formulée au considérant 574 de la décision attaquée, selon laquelle plusieurs d’entre elles étaient, en particulier, inquiètes des hausses de prix sur le marché en cause, après la concentration en cause.

327 Pour ce qui concerne les trois concurrentes citées par la requérante, à savoir MKM, Sofia Med et Ningbo Powerway Alloy Plate & Strip, il ressort, tout d’abord, des réponses données par cette dernière qu’elle estimait que la concentration en cause aurait un impact limité sur le marché en cause. Cependant, comme l’a relevé la Commission au considérant 576 de la décision attaquée, la fiabilité de cette réponse était affaiblie par le fait que Ningbo Powerway Alloy Plate & Strip était à peine présente dans l’EEE et que sa connaissance de la concurrence existant sur le marché en cause semblait limitée, puisqu’elle avait répondu par les termes « je ne sais pas » aux questions portant sur le pouvoir de marché détenu par les parties à la concentration en cause et leurs concurrentes.

328 Ensuite, il ressort des réponses données par MKM que celle-ci estimait que la concentration en cause n’aurait pas d’impact sur le marché en cause, notamment quant aux hausses de prix, car « la concurrence intense sur le marché mondial demeurerait inchangée ». Cependant, comme l’a relevé à juste titre la Commission au considérant 576 de la décision attaquée, la fiabilité de cette réponse était affaiblie par le fait que MKM était à peine présente sur le segment « haut de gamme » du marché en cause, sur lequel les activités des parties à la concentration en cause se recoupaient et la requérante concentrait ses activités, et semblait s’être focalisée sur la situation prévalant sur le marché mondial, plutôt que dans celui de l’EEE. Comme l’a également observé à bon droit la Commission, les réponses de MKM sont, en effet, conformes à la situation concurrentielle prévalant sur le segment « bas de gamme » ou « standard » du marché en cause.

329 Enfin, il ressort des réponses données par Sofia Med que celle-ci estimait que la concentration en cause n’aurait pas d’impact sur les prix sur le marché en cause. La Commission n’a pas fait de commentaire spécifique sur cette réponse. Cependant, elle a relevé de manière générale, au considérant 577 de la décision attaquée, que la crédibilité des réponses des concurrentes actives sur le segment « haut de gamme » du marché en cause pouvait être affectée par le fait que celles-ci auraient pu tirer certains bénéfices de la concentration en cause sur un segment dont la structure oligopolistique aurait encore été renforcée. En effet, comme l’a indiqué la Commission aux considérants 426 à 429 de la décision attaquée, sur un marché oligopolistique, il est plus probable que les concurrentes suivent, plutôt que contrent, les hausses de prix orchestrées par l’une d’entre elles. De plus, ainsi qu’il ressort du considérant 868 de la décision attaquée, par lettre du 22 novembre 2018, Sofia Med avait ensuite exprimé son intérêt pour acquérir l’usine d’ARP de Stolberg, auprès de la requérante, dans le cadre d’une éventuelle mise en œuvre des troisièmes engagements proposés. Les réponses des clients industriels actifs sur le segment « haut de gamme » du marché en cause, qui auraient été affectés par les hausses de prix, étaient donc relativement plus crédibles que celles de concurrentes des parties à la concentration en cause qui avaient potentiellement un intérêt à la réalisation de cette dernière.

330 Les appréciations de la Commission rappelées aux points 324 à 329 ci-dessus sont de nature à justifier que, dans le cadre de la mise en balance des différents éléments de preuve ou d’indices en présence, celle-ci n’ait pas fait prévaloir les réponses de Ningbo Powerway Alloy Plate & Strip, de MKM ou de Sofia Med sur le faisceau contraire d’éléments de preuve ou d’indices qu’elle avait réunis. Au demeurant, dans le cadre du présent moyen, la requérante n’a avancé aucun argument précis et concret à l’encontre desdites appréciations. Dans ce contexte, il y a lieu de constater qu’elle a échoué à établir que ces appréciations ne seraient pas fondées.

331 S’agissant des clients industriels, la requérante ne conteste pas les appréciations formulées par la Commission, aux considérants 574, 578, 579 et 581 à 586 de la décision attaquée, selon lesquelles la grande majorité de ceux qui avaient répondu à l’enquête de marché était, en particulier, préoccupée par des hausses de prix ou le maintien de prix élevés sur le marché en cause, après la concentration en cause, en particulier les clients industriels actifs sur le segment des produits laminés « haut de gamme » ou des sous-segments relevant, pour l’essentiel, de ce dernier, tels que ceux des produits laminés destinés aux connecteurs, à l’ingénierie électrique ou à l’énergie et à la signalisation. Les rapports sur les réponses non confidentielles des clients industriels produits par la Commission à l’appui du présent recours montrent qu’une grande majorité de clients industriels prévoyait des hausses de prix, après la concentration en cause, en particulier dans le secteur de la connectique.

332 Ces appréciations de la Commission sont de nature à justifier que, dans le cadre de la mise en balance des différents éléments de preuve ou d’indices en présence, celle-ci ait privilégié les réponses de la grande majorité des clients industriels, notamment ceux présents sur le segment des produits laminés « haut de gamme », où les activités des parties à la concentration en cause se recoupaient et où la requérante concentrait ses activités, par rapport à celles de quelques clients industriels, dont certains n’étaient même pas actifs sur ledit segment.

333 Au vu des motifs qui précèdent, il convient de rejeter intégralement le septième moyen comme étant non fondé.

334 Dès lors, il y a lieu de constater que la requérante n’a pas réussi à remettre en cause, dans le cadre du présent recours, les appréciations qui ont conduit la Commission à conclure, à la section 6.8 et, partant, au considérant 597 de la décision attaquée, sur le fondement des analyses figurant aux sections 6.2 à 6.6 de cette même décision, que les effets anticoncurrentiels horizontaux de la concentration en cause conduiraient probablement à une entrave significative à l’exercice d’une concurrence effective dans l’EEE ou dans une partie substantielle de celui-ci, en raison de la disparition d’une importante concurrente sur le marché en cause, avec pour effet probable des hausses de prix.

H. Sur le huitième moyen, tiré d’erreurs manifestes d’appréciation concernant les effets anticoncurrentiels du passage d’un contrôle conjoint à un contrôle exclusif de la requérante sur Schwermetall

335 Dans le cadre du huitième moyen, la requérante dénonce des erreurs manifestes entachant, à la section 6.9 et, partant, aux considérants 598 à 724 de la décision attaquée, l’appréciation de la Commission selon laquelle les effets anticoncurrentiels horizontaux de la concentration en cause, découlant des deux opérations parallèles constitutives de celle-ci, tels qu’ils ont été constatés au considérant 597 de cette même décision (voir point 334 ci-dessus), seraient aggravés par les effets anticoncurrentiels verticaux de cette même concentration, découlant de l’acquisition, par elle, des 50 % détenus par Aurubis dans Schwermetall, qui lui aurait prétendument permis d’entraver le développement de ses concurrentes sur le marché en cause.

336 Le huitième moyen se divise en quatre branches.

1. Sur la première branche du huitième moyen

337 Dans le cadre de la première branche du huitième moyen, la requérante reproche à la Commission d’avoir commis une erreur en constatant, à la section 6.9.1.1 et, partant, aux considérants 600 à 619 de la décision attaquée, que Schwermetall était le principal fournisseur de bandes prélaminées.

338 La Commission réfute les arguments avancés par la requérante et conclut au rejet de la première branche du huitième moyen comme étant non fondée.

339 Premièrement, la requérante fait grief à la Commission de ne pas avoir tenu compte des productions captives de bandes prélaminées et des capacités de production internes de ses concurrentes sur le marché en cause, telles qu’elles ont été mentionnées dans le rapport préparé par une société de conseil économique et portant sur l’« évaluation économique du risque de verrouillage anticoncurrentiel de l’accès aux intrants », à savoir le marché libre des bandes prélaminées qui entraient dans la fabrication des produits laminés, qu’elle lui avait soumis, le 23 août 2018, à l’appui de ses observations écrites sur la décision d’ouverture de la procédure d’examen approfondi (ci-après le « rapport sur l’évaluation du risque de verrouillage de l’accès aux intrants »), et dans l’étude de suivi préparée par la même société, afin de répondre à certaines questions que la Commission lui avait posées lors d’une réunion le 17 septembre 2018.

340 À cet égard, il y a lieu de relever que, à la section 6.9.1 de la décision attaquée, la Commission a recherché dans quelle mesure la requérante aurait, par le biais du contrôle exclusif qu’elle exercerait sur Schwermetall, la capacité d’augmenter les coûts de production de celles de ses concurrentes sur le marché en cause qui s’approvisionnaient en bandes prélaminées auprès de Schwermetall. À cette fin, il importait de commencer par déterminer quelle était la part de marché détenue par Schwermetall sur le marché libre des bandes prélaminées de l’EEE, où les concurrentes en cause s’approvisionnaient, comme l’a fait la Commission, à la section 6.9.1.1 de la décision attaquée, en constatant que, en 2017, cette part de marché, en volume, était de [70-80] %.

341 Au stade du calcul de la part de marché détenue par Schwermetall sur le marché libre des bandes prélaminées de l’EEE, il n’y avait pas lieu, pour la Commission, de tenir compte des productions captives et des capacités de production internes de bandes prélaminées, puisque l’existence de ces dernières ne changeait rien au fait que, pour une partie plus ou moins importante de leurs approvisionnements, certaines concurrentes de la requérante sur le marché en cause achetaient des bandes prélaminées sur le marché libre et, pour une large part, auprès de Schwermetall.

342 Le fait que, malgré les capacités de production dont elles auraient disposé, les concurrentes concernées continuaient à s’approvisionner en bandes prélaminées sur le marché libre tendait plutôt à confirmer que celles-ci n’étaient pas en mesure de produire ou, à tout le moins, pas de manière suffisamment compétitive les bandes prélaminées qu’elles achetaient sur ce marché. Ainsi, comme l’a relevé à bon droit la Commission au considérant 610 de la décision attaquée, rien n’indiquait que les productions captives et les capacités de production internes de bandes prélaminées exerçaient une contrainte concurrentielle sur les concurrentes intégrées qui étaient réellement actives sur le marché libre des bandes prélaminées.

343 Pour autant que la requérante reproche à la Commission de ne pas avoir elle-même collecté davantage de données à cet égard, en usant de ses pouvoirs d’enquête, comme elle l’avait invitée à le faire au point 14 de sa réponse à la communication des griefs, il convient de relever que, dans la mesure où c’est elle qui prétend, à l’appui d’un moyen dirigé contre la décision attaquée, que les productions captives de bandes prélaminées et les capacités de production internes de ses concurrentes sur le marché en cause exerçaient une contrainte concurrentielle sur les concurrentes intégrées réellement actives sur le marché libre des bandes prélaminées, c’est également à elle, conformément à la jurisprudence citée au point 121 ci-dessus, qu’il revient d’en rapporter la preuve. La requérante n’est donc pas fondée à reprocher à la Commission de ne pas avoir collecté suffisamment de données à cet égard.

344 Quant à la circonstance, invoquée par la requérante, que les concurrentes concernées auraient pu, si, une fois placée sous le contrôle exclusif de la requérante, Schwermetall avait augmenté les prix des bandes prélaminées qu’elle leur vendait sur le marché libre, utiliser leurs capacités de production pour substituer des productions captives de bandes prélaminées aux approvisionnements de Schwermetall, ce qui aurait réduit la part de marché de cette dernière, celle-ci repose sur la prémisse, rappelée dans la partie introductive du point 5.2 du rapport sur l’évaluation du risque de verrouillage de l’accès aux intrants, que, « en principe, toutes les technologies de coulée peuvent être utilisées pour produire quasiment tout type d’alliages sous forme de bandes prélaminées (même si du temps et des frais peuvent être nécessaires pour modifier les alliages produits) », de sorte que « toute capacité de production disponible serait utilisable pour n’importe quel type d’alliage ».

345 En réponse aux analyses figurant au point 5 du rapport sur l’évaluation du risque de verrouillage de l’accès aux intrants et dans l’étude de suivi, la Commission a objecté, au considérant 611 de la décision attaquée ainsi que, de manière plus détaillée, à la section 6.9.1.4 et, en particulier, aux considérants 657 à 671 de la décision attaquée, que, au moins à court terme, celles des concurrentes de la requérante sur le marché en cause qui se fournissaient en bandes prélaminées auprès de Schwermetall n’auraient pas été capables de produire, de manière économiquement efficiente, certains types de bandes prélaminées vendus par cette dernière.

346 C’est à bon droit que la Commission a ainsi fait prévaloir, comme étant plus crédibles, les déclarations précises émanant directement des principaux intéressés, à savoir certaines des principales concurrentes qui s’approvisionnaient en bandes prélaminées auprès de Schwermetall, sur l’interprétation de quelques données indirectes, relatives à des producteurs situés en dehors de l’EEE et qui, partant, n’étaient pas actifs sur le marché en cause, ainsi que sur les déclarations de la requérante, qui ne concernaient que sa propre situation. En outre, dès lors que les données en cause étaient crédibles, il importait peu qu’elles soient de nature qualitative plutôt que quantitative.

347 Or, le faisceau d’indices crédibles et cohérents réunis par la Commission aux considérants 662 à 665, 667 et 669 de la décision attaquée remettait en cause le principe sur lequel s’appuyait le point 5.2 du rapport sur l’évaluation du risque de verrouillage de l’accès aux intrants, selon lequel toutes les technologies de coulée auraient pu être utilisées pour produire quasi tous les types d’alliages sous forme de bandes prélaminées, de sorte que toutes les capacités de production disponibles pouvaient être utilisées par les concurrentes. Il en découlait que quatre des cinq principales clientes de Schwermetall, à savoir Diehl, Griset, Kemper et Messingwerk Plettenberg, qui étaient également d’importantes concurrentes des parties à la concentration en cause sur le marché en cause, ne disposaient pas des procédés nécessaires pour produire, en interne et de manière économiquement efficiente, certains types de bandes prélaminées fournies par Schwermetall et que le développement de ces procédés aurait nécessité des investissements considérables, qui n’auraient pas nécessairement été rentables. Ces clients étaient donc tributaires de Schwermetall pour la fourniture de bandes prélaminées en certains alliages, tels que les AHP de la catégorie cuivre fer ou les alliages de qualité emboutissage.

348 Comme l’observe à bon droit la Commission, le scénario de base décrit au point 6.3.2.1 du rapport sur l’évaluation du risque de verrouillage de l’accès aux intrants, auquel se référait la requérante, partait d’ailleurs également du principe que, pour certains alliages « verrouillables », Diehl, Griset, Kemper et Messingwerk Plettenberg ne disposaient pas de solution interne, ni même parfois de solution de remplacement externe.

349 Enfin, pour autant que la requérante reproche à la Commission de s’être fondée sur des hypothèses non vérifiées ou erronées, concernant les capacités techniques limitées de ses concurrentes sur le marché en cause, ou incomplètes, en ce qu’elles n’auraient porté que sur trois AHP, il convient de rappeler que, dans la décision attaquée, ainsi que cela a été rappelé aux considérants 662 à 665, 667 et 669 de la décision attaquée, la Commission s’est appuyée sur un faisceau d’indices crédibles et cohérents permettant de constater que, indépendamment de leurs capacités de production, quatre des cinq clientes principales de Schwermetall, qui étaient également d’importantes concurrentes des parties à la concentration en cause sur le marché en cause, étaient tributaires de cette dernière pour la fourniture de bandes prélaminées en certains alliages, tels que les AHP de la catégorie cuivre fer ou les alliages de qualité emboutissage, en ce sens qu’elles ne disposaient pas, pour ce type d’alliages, de solutions internes de remplacement ou économiquement aussi efficientes.

350 Il résulte de ce qui précède que l’absence de prise en compte, par la Commission, des productions captives de bandes prélaminées et des capacités de production internes desdites concurrentes n’a pas entaché le bien-fondé des appréciations portées par celle-ci à la section 6.9.1.1 de la décision attaquée.

351 Il y a donc lieu de rejeter le grief de la requérante fondé sur l’absence de prise en compte de ces productions et de ces capacités de production des concurrentes.

352 Deuxièmement, la requérante fait grief à la Commission d’avoir adopté une vision statique du marché libre des bandes prélaminées, en se fondant sur les parts de marché en 2017, et non sur une vision dynamique de ce marché, tenant compte de ses probables évolutions, telles que la poursuite du développement et l’augmentation progressive des ventes de KME/MKM et de Sofia Med, offrant une solution de remplacement à la place de Schwermetall.

353 Concernant la question de savoir si KME/MKM et Sofia Med auraient néanmoins pu offrir, à brève échéance, une telle solution de remplacement, il y a lieu de relever que la Commission, au vu d’objections similaires de la requérante figurant aux points 181, 182, 184 et 185 de sa réponse à la communication des griefs, y a répondu, à la section 6.9.1.4 et, en particulier, aux considérants 677 à 680 de la décision attaquée, en donnant les raisons pour lesquelles elle n’était pas en mesure de constater que, à court terme, KME/MKM et Sofia Med développeraient leurs activités sur le marché libre des bandes prélaminées de manière à constituer une réelle solution de remplacement à la place de celles de Schwermetall. Dans le cas de Sofia Med, la Commission a observé que, malgré la croissance de celle-ci, sa part de marché de [5-10] % restait relativement modeste et sa localisation géographique excentrée, dans l’EEE, et que les temps et les coûts de transport entraînés par cette localisation constituaient, pour elle, un désavantage concurrentiel. S’agissant de KME/MKM, la Commission a constaté que KME devrait faire face à une situation financière dégradée et aux défis posés par son intégration avec MKM et que, dans une réponse à une demande d’informations qui lui avait été adressée lors de l’enquête de marché, citée au considérant 674 de la décision attaquée, celle-ci avait posé des conditions à un tel développement, dont la réalisation restait ainsi incertaine.

354 Il ressort de ce qui précède que, contrairement à ce que prétend la requérante, la Commission n’a pas adopté, dans la décision attaquée, une vision statique du marché libre des bandes prélaminées, mais a également tenu compte des évolutions prévisibles dudit marché, à court terme.

355 Il y a donc lieu de rejeter le grief de la requérante fondé sur l’absence de vision dynamique du marché libre des bandes prélaminées par la Commission.

356 Troisièmement, la requérante fait grief à la Commission d’avoir, au considérant 612 de la décision attaquée, prétendu à tort que, sur le marché libre des bandes prélaminées, Schwermetall offrait la plus large gamme de produits, alors que, ainsi qu’il ressortait des données reprises dans le tableau no 1 inséré au point 2.1 de l’étude de suivi, [80-90] % du volume total des ventes de celle-ci portaient sur des bandes prélaminées en dix alliages particuliers, qui étaient largement disponibles auprès d’autres concurrentes, les bandes prélaminées en d’autres alliages, vendues par Schwermetall, ayant peu d’impact, vu les faibles volumes de vente des produits laminés en ces alliages sur le marché en cause, situé en aval.

357 La Commission a répondu, aux considérants 614 à 616 de la décision attaquée, à des objections similaires de la requérante figurant au point 158 de sa réponse à la communication des griefs.

358 Ainsi que l’a relevé à bon droit la Commission aux considérants 614 et 615 de la décision attaquée, les arguments de la requérante ne remettaient pas en cause le fait que Schwermetall disposait d’une gamme de bandes prélaminées beaucoup plus large que celle des autres concurrentes sur le marché libre, ni que, compte tenu de la gamme et des volumes limités de bandes prélaminées vendus par KME/MKM et par Sofia Med sur le marché libre, Schwermetall était, notamment, la seule solution économiquement efficiente pour certains types de bandes prélaminées, telles que celles en laiton et en AHP utilisées pour fabriquer les produits laminés destinés aux connecteurs.

359 À cet égard, le tableau no 1 inséré au point 2.1 de l’étude de suivi n’était pas probant, car il ne faisait qu’affirmer, sans le démontrer, que les dix alliages particuliers représentant [80-90] % du volume total des bandes prélaminées vendues par Schwermetall auraient été disponibles auprès de nombreuses autres concurrentes.

360 En revanche, l’appréciation de la Commission contestée par la requérante était étayée par les réponses des concurrentes aux questions 37 et 37.1 du questionnaire Q2 et à la question 23 du questionnaire aux fournisseurs de produits laminés de l’enquête de marché, qui confirmaient les avantages concurrentiels dont disposait Schwermetall, notamment du fait de sa large gamme de bandes prélaminées, par rapport à ses concurrentes.

361 Il ressort de ce qui précède que, contrairement à ce que prétend la requérante, la Commission n’a pas commis d’erreur en estimant que Schwermetall disposait d’un avantage concurrentiel lié à sa large gamme de bandes prélaminées.

362 Il y a donc lieu de rejeter le grief de la requérante fondé sur ladite erreur et, partant, la première branche du huitième moyen dans son intégralité.

2. Sur la deuxième branche du huitième moyen

363 Dans le cadre de la deuxième branche du huitième moyen, la requérante reproche à la Commission d’avoir commis une erreur en constatant, à la section 6.9.1.2 et, donc, aux considérants 620 à 639 de la décision attaquée, que ses concurrentes sur le marché en cause étaient dépendantes de Schwermetall pour leurs approvisionnements en bandes prélaminées, en raison d’une analyse insuffisante, par celle-ci, des solutions de remplacement qui existaient pour une large part des volumes fournis par Schwermetall.

364 La Commission réfute les arguments avancés par la requérante et conclut au rejet de la deuxième branche du huitième moyen comme étant non fondée.

365 À cet égard, il importe de rappeler que, dans la décision attaquée, la Commission a répondu à ces arguments, qui avaient déjà été présentés devant elle par la requérante dans sa réponse à la communication des griefs.

366 Premièrement, la requérante fait grief à la Commission de s’être focalisée, de façon totalement arbitraire, sur les bandes prélaminées servant à fabriquer des produits laminés prétendument « haut de gamme », sans établir que les bandes prélaminées que ses concurrentes achetaient à Schwermetall étaient effectivement destinées à la fabrication de tels produits. Dans sa réponse à la question 37.1 du questionnaire Q2 de l’enquête de marché, MKM aurait pourtant indiqué être, sur le marché libre des bandes prélaminées, « une concurrente comme les autres, sans distinction ».

367 À cet égard et comme cela a déjà été observé au point 206 ci-dessus, il convient de rappeler que la Commission était fondée, en l’espèce, à focaliser son analyse sur les bandes prélaminées destinées aux produits laminés « haut de gamme », dès lors qu’elle avait préalablement constaté que ce segment du marché en cause, ou des sous-segments relevant, pour l’essentiel, de ce dernier, était animé par des dynamiques concurrentielles propres et que c’était sur celui-ci que les effets anticoncurrentiels de la concentration en cause auraient été les plus substantiels.

368 En outre, l’exercice de réallocation des ventes de Schwermetall avait permis d’identifier trois AHP de la catégorie cuivre fer pour lesquels l’utilisation des bandes prélaminées de Schwermetall par Diehl, Griset, Kemper et Messingwerk Plettenberg était particulièrement élevée. Or, comme cela a été constaté par la Commission, aux considérants 120, 354, 358 et 626 de la décision attaquée, ces trois AHP entraient dans la fabrication de certains produits laminés « haut de gamme » clés, tels que les bandes pour connecteurs destinées à l’industrie automobile. Ainsi, l’accès des concurrentes des parties à la concentration en cause sur le marché en cause aux bandes prélaminées en ces alliages, fournies par Schwermetall à des conditions économiquement efficientes, était effectivement déterminant pour leur permettre de concurrencer celles-ci sur certains sous-segments clés relevant, pour l’essentiel, du segment « haut de gamme » du marché en cause.

369 Quant à la réponse de MKM à laquelle renvoie la requérante, celle-ci devait être appréciée à la lumière du fait, constaté aux considérants 489 et 674 de la décision attaquée, que la ligne Conti-M® de MKM ne lui permettait pas de fabriquer, de manière économiquement efficiente, des bandes prélaminées en AHP. Cette réponse ne pouvait donc être comprise en ce sens que MKM vendait, sur le marché libre, des bandes prélaminées en AHP sur un pied d’égalité avec Schwermetall. Au demeurant, même pour les bandes prélaminées qu’elle fournissait, MKM avait immédiatement modéré sa première déclaration en indiquant que Schwermetall avait, néanmoins, « un certain avantage » du fait qu’« [elle] exploit[ait] les plus importants sites de laminage de cuivre et d’alliages de cuivre en Europe et [qu’elle] bénéfici[ait] de certaines économies d’échelle ».

370 Pour ces motifs, il convient de rejeter le présent grief comme étant non fondé.

371 Deuxièmement, la requérante fait grief à la Commission de ne pas avoir tenu compte du fait que ses concurrentes sur le marché en cause disposaient d’autres sources d’approvisionnement en bandes prélaminées et pouvaient utiliser leurs propres capacités de production pour en produire.

372 À cet égard, il suffit de relever que, ainsi qu’il résulte de l’examen de la première branche du huitième moyen, la requérante n’a pas réussi, sur le fondement des arguments qu’elle a avancés, à remettre en cause le bien-fondé des appréciations en sens contraire effectuées par la Commission dans la décision attaquée.

373 Il y a donc également lieu de rejeter le présent grief comme étant non fondé.

374 Troisièmement, la requérante reproche à la Commission d’avoir choisi, au sein du segment flou des produits laminés en AHP qu’elle avait identifié, les seuls alliages qui confortaient ses appréciations. Ainsi, alors qu’elle aurait reconnu que le bronze revêtait une importance particulière sur le segment des produits laminés pour les connecteurs, elle n’aurait pas tenu compte de celui-ci, car il n’aurait pas permis de conforter ses analyses, dès lors que Diehl et Kemper auraient produit, en interne, d’importants volumes de bandes prélaminées en bronze, en 2017.

375 D’une part, pour autant que la requérante reproche, en substance, à la Commission de s’être référée à une classification « floue », il convient de relever que, en réponse à des arguments similaires de la requérante figurant au point 2.2 de sa réponse à la première lettre d’exposé des faits, la Commission a indiqué, au considérant 636 de la décision attaquée, que la classification des alliages qu’elle avait retenue, en particulier concernant les AHP, visait à refléter les usages commerciaux du marché en cause. Le rapport sur l’évaluation du risque de verrouillage de l’accès aux intrants, soumis par la requérante, avait lui-même classé deux alliages cuivre fer parmi les « AHP ». La requérante et d’autres acteurs du marché avaient finalement procédé de même s’agissant d’un autre alliage cuivre fer, ce dont la Commission avait tenu compte, aux points 6 et 7 de la première lettre d’exposé des faits.

376 Ces appréciations de la Commission ne peuvent être remises en cause. Comme il a déjà été indiqué, il n’était pas possible, sur le marché en cause, qui était un marché de produits fortement différenciés, en fonction d’un grand nombre de critères (voir point 39 ci-dessus), d’établir une nette distinction entre les produits laminés relevant du segment « haut de gamme » ou du segment « bas de gamme » ou « standard » dudit marché. Dans ce contexte, il ne peut être reproché à la Commission d’avoir eu recours à des classifications certes un peu « floues », mais qui visaient, autant que cela était possible, à refléter les pratiques commerciales usuelles sur le marché en cause ainsi que leurs éventuelles évolutions.

377 D’autre part, pour autant que la requérante reproche, en substance, à la Commission de s’être focalisée sur trois AHP particuliers, il y a lieu de relever que, comme cela a déjà été observé au point 206 ci-dessus, celle-ci pouvait concentrer son analyse sur un segment du marché en cause ou des sous-segments relevant, pour l’essentiel, de ce dernier qui étaient animés par des dynamiques concurrentielles propres et sur lesquels les effets anticoncurrentiels de la concentration en cause auraient été les plus substantiels. Or, la Commission a constaté que l’accès des concurrentes des parties à la concentration en cause sur le marché en cause aux bandes prélaminées en trois AHP de la catégorie cuivre fer fournies par Schwermetall, à des conditions économiquement efficientes, était effectivement déterminant pour leur permettre de concurrencer la requérante sur certains sous-segments clés relevant, pour l’essentiel, du segment « haut de gamme » du marché en cause. Comme l’observe à bon droit la Commission, ces mêmes alliages avaient d’ailleurs été considérés comme des alliages « verrouillables » dans le scénario de base décrit au point 6.3.2.1 du rapport sur l’évaluation du risque de verrouillage de l’accès aux intrants, soumis à la Commission par la requérante.

378 Par conséquent, la requérante n’est pas fondée à reprocher à la Commission d’avoir concentré son analyse sur trois AHP particuliers.

379 Pour ces motifs, il convient de rejeter le présent grief comme étant non fondé.

380 Quatrièmement, la requérante fait grief à la Commission de ne pas avoir tenu compte des données que cette dernière avait elle-même collectées et mises à sa disposition dans la salle de données, d’où il ressortait que plusieurs concurrentes des parties à la concentration en cause sur le marché en cause achetaient des bandes prélaminées en cuivre, en laiton et en AHP à d’autres concurrentes intégrées ou qu’elles les fabriquaient en interne.

381 À cet égard, la requérante renvoie, dans la note en bas de page no 192 insérée au point 124 de la requête, à un « rapport d’E.CA [Economics] du 6 novembre 2018 », sans indiquer si ce document avait été référencé dans les annexes de la requête, ni où il l’avait été.

382 Or, les annexes de la requête ne peuvent être prises en considération que dans la mesure où il est possible de déterminer avec précision quels sont les éléments qu’elles contiennent qui étayent ou complètent les moyens ou arguments expressément invoqués par le requérant dans le corps de ses écritures (voir, en ce sens, arrêt du 29 mars 2012, Telefónica et Telefónica de España/Commission, T 336/07, EU:T:2012:172, point 63).

383 En l’espèce, le Tribunal n’est pas en mesure d’identifier les éléments qui étayeraient le présent grief de la requérante, ni, par conséquent, d’en contrôler le bien-fondé.

384 Pour ces motifs, il convient de rejeter le présent grief comme étant irrecevable.

385 Cinquièmement, la requérante fait grief à la Commission de ne pas avoir tenu compte du fait que les AHP et le bronze n’étaient pas les seuls alliages utilisés sur le prétendu segment des produits laminés « haut de gamme », notamment pour les produits laminés destinés aux connecteurs. Le laiton et le cuivre auraient également été utilisés et produits en grande quantité, en interne, par certaines de ses concurrentes sur le marché en cause, notamment par Messingwerk Plettenberg.

386 L’argumentation de la requérante ne change rien au constat, effectué par la Commission dans la décision attaquée, que Diehl, Griset, Kemper et Messingwerk Plettenberg étaient dépendantes des bandes prélaminées en trois AHP de la catégorie cuivre fer qui leur étaient fournies, à des conditions économiquement efficientes, par Schwermetall pour pouvoir concurrencer la requérante sur certains sous-segments clés relevant, pour l’essentiel, du segment « haut de gamme » du marché en cause.

387 Or, comme cela a déjà été observé au point 206 ci-dessus, la Commission pouvait concentrer son analyse sur un segment du marché en cause ou des sous-segments relevant, pour l’essentiel, de ce dernier, qui étaient animés par des dynamiques concurrentielles propres et sur lesquels les effets anticoncurrentiels de la concentration en cause auraient été les plus substantiels, lesquels effets résultaient plus particulièrement, en l’espèce, de ce que les concurrentes des parties à la concentration en cause sur le marché en cause étaient dépendantes des bandes prélaminées en trois AHP de la catégorie cuivre fer qui leur étaient fournies, à des conditions économiquement efficientes, par Schwermetall.

388 Il y a donc lieu de rejeter le présent grief comme étant non fondé.

389 Sixièmement, la requérante fait grief à la Commission de ne pas avoir donné les raisons de la prétendue dépendance de ses concurrentes sur le marché en cause et, en particulier, le segment « haut de gamme » dudit marché à l’égard des bandes prélaminées produites par Schwermetall, compte tenu de ce que lesdites concurrentes ne couvraient que certains de leurs besoins en bandes prélaminées auprès de cette dernière et qu’elles disposaient de capacités de production de bandes prélaminées propres ainsi que d’autres sources d’approvisionnement en bandes prélaminées sur le marché libre, qui avaient été mises en lumière aux points 5.2 et 5.3 du rapport sur l’évaluation du risque de verrouillage de l’accès aux intrants, notamment celles offertes par MKM, KME ou KME/MKM ou par Sofia Med.

390 Tout d’abord, pour autant que la requérante renvoie aux capacités de production, internes et externes, de bandes prélaminées qui auraient été identifiées aux points 5.2 et 5.3 du rapport sur l’évaluation du risque de verrouillage de l’accès aux intrants, il y a lieu de rappeler que, ainsi que cela a déjà été observé aux points 344 à 347 ci-dessus, le bien-fondé de la prémisse sur laquelle repose ce rapport a été remis en cause par la Commission sur la base d’un faisceau d’indices crédibles et cohérents réunis dans la décision attaquée.

391 Concernant les capacités de production, internes et externes, de bandes prélaminées, la Commission était donc fondée à conclure, aux considérants 692 et 710 de la décision attaquée, que ledit rapport reposait sur une prémisse incorrecte, qui en limitait la valeur probante.

392 Par ailleurs, pour autant que la requérante reproche en substance à la Commission de s’être focalisée sur certains besoins particuliers de bandes prélaminées de ses concurrentes, il y a lieu de relever que celle-ci pouvait, en l’espèce, concentrer son analyse sur un segment du marché en cause ou des sous-segments relevant, pour l’essentiel, de ce dernier qui étaient animés par des dynamiques concurrentielles propres et sur lesquels les effets anticoncurrentiels de la concentration en cause auraient été les plus substantiels (voir points 206 et 377 ci-dessus), à savoir, en l’espèce, notamment ceux des produits laminés « haut de gamme » qui étaient fabriqués à partir des bandes prélaminées en trois AHP de la catégorie cuivre fer et pour lesquels Diehl, Griset, Kemper et Messingwerk Plettenberg étaient particulièrement dépendantes des approvisionnements de Schwermetall.

393 En outre, il résulte de l’examen de la première branche du huitième moyen que la requérante a échoué à remettre en cause le bien-fondé des appréciations de la Commission, dans la décision attaquée, selon lesquelles Diehl, Griset, Kemper et Messingwerk Plettenberg ne disposaient pas des procédés nécessaires pour produire, en interne et de manière économiquement efficiente, les bandes prélaminées en AHP fournies par Schwermetall et selon lesquelles le développement de ces procédés aurait nécessité des investissements considérables, qui n’auraient pas nécessairement été rentables (voir point 347 ci-dessus).

394 La Commission était donc fondée à se focaliser sur les besoins en bandes prélaminées en trois AHP de la catégorie cuivre fer de ces concurrentes, destinées à la fabrication de leurs produits laminés « haut de gamme ».

395 Enfin, pour autant que la requérante reproche à la Commission de ne pas avoir suffisamment tenu compte des sources d’approvisionnement en bandes prélaminées offertes, sur le marché libre, par MKM, KME ou KME/MKM ou par Sofia Med, il résulte également de l’examen de la première branche du huitième moyen que la Commission a dûment examiné, dans ses appréciations dans la décision attaquée, la question de savoir si KME/MKM et Sofia Med ne pouvaient pas, à brève échéance, représenter une solution de remplacement à la place de Schwermetall pour approvisionner Diehl, Griset, Kemper et Messingwerk Plettenberg en bandes prélaminées en AHP et qu’elle y a répondu par la négative (voir point 353 ci-dessus).

396 En réponse à l’argument de la requérante selon lequel KME/MKM aurait pu utiliser les capacités libérées par les économies d’échelle réalisées au sein de la nouvelle entité pour produire des bandes prélaminées en AHP, qu’elle aurait vendues sur le marché libre, la Commission a indiqué en substance, au considérant 674 de la décision attaquée (voir point 353 ci-dessus), qu’une telle possibilité était trop incertaine pour pouvoir être prise en compte, car KME devrait faire face à une situation financière dégradée et aux défis posés par son intégration avec MKM et, dans sa réponse à une demande d’informations qui lui avait été adressée lors de l’enquête de marché, citée au considérant 674 de la décision attaquée, elle avait posé des conditions à un tel développement dont la réalisation était ainsi incertaine.

397 Pour l’ensemble de ces motifs, la Commission était fondée à considérer que MKM, KME et KME/MKM ne pouvaient pas être regardées comme représentant une solution de remplacement à la place de Schwermetall pour approvisionner Diehl, Griset, Kemper et Messingwerk Plettenberg en bandes prélaminées en AHP.

398 S’agissant de Sofia Med, la requérante a contesté l’appréciation de la Commission selon laquelle celle-ci ne pouvait pas être regardée, au moins partiellement, comme une solution de remplacement à la place de Schwermetall pour approvisionner Diehl, Griset, Kemper et Messingwerk Plettenberg en bandes prélaminées en AHP (voir point 353 ci-dessus), compte tenu de sa dynamique et de son potentiel de croissance ainsi que de ses capacités de production disponibles.

399 Certes, la requérante avait établi, au point 184 de sa réponse à la communication des griefs, que Sofia Med avait connu une forte croissance du volume global de ses ventes de bandes prélaminées et de produits laminés entre 2015 et 2017, comme la Commission l’a reconnu au considérant 677 de la décision attaquée.

400 Cependant, il n’en résultait pas, pour autant, que celle-ci pouvait être considérée, à brève échéance, comme une solution de remplacement à la place de Schwermetall pour approvisionner Diehl, Griset, Kemper et Messingwerk Plettenberg en bandes prélaminées en AHP, et ce pour les raisons suivantes.

401 Tout d’abord, comme la Commission l’a relevé au considérant 675 de la décision attaquée, malgré sa croissance, Sofia Med restait, en 2017, un petit acteur, par rapport à Schwermetall, sur le marché libre des bandes prélaminées, même pour celles en AHP, comme cela était confirmé par les données reprises dans les tableaux nos 22 et 23, insérés, respectivement, aux considérants 604 et 606 de la décision attaquée. En outre, sa gamme de bandes prélaminées était limitée.

402 Ensuite, certains éléments de preuve crédibles, réunis par la Commission au cours de la procédure administrative, établissaient que Sofia Med avait encore besoin de temps pour développer des capacités techniques et matérielles lui permettant de devenir une concurrente crédible de la requérante. Ainsi, le document interne établi par ARP dans le cours normal de ses activités commerciales, inséré à l’image 48 du considérant 492 de la décision attaquée, attestait que Sofia Med « essay[ait] d’entrer sur le marché haut de gamme des connecteurs » et que, « jusqu’alors, la qualité n’[étai]t pas là, mais que c’était probablement juste une question de temps grâce à son partenariat avec Dowa [Metaltech] ». En outre, la réponse non confidentielle de Kemper, la deuxième plus importante cliente de Schwermetall, qui achetait également des bandes prélaminées à Sofia Med, citée au considérant 675 de la décision attaquée indiquait que « Sofia Med ne serait pas capable de lui livrer toute la quantité d’alliages prélaminés qu[’elle] ach[e]t[ait] à Schwermetall », car « [elle] n’[avait] pas la capacité d’augmenter [sa production d]es quantités additionnelles [nécessaires] pour [remplacer] les alliages [fournis par] Schwermetall ».

403 Enfin, aux considérants 676 et 678 de la décision attaquée, la Commission a indiqué que le développement de Sofia Med sur le marché des bandes prélaminées pourrait être entravé par la localisation de ses sites de production moins avantageuse que celle de ses concurrentes, laquelle induisait des coûts de transport et des délais plus élevés, alors que l’enquête de marché confirmait que la distance était un facteur important de la compétitivité de ses concurrentes.

404 Le faisceau d’indices crédibles et cohérents ainsi rassemblé par la Commission était de nature à étayer son appréciation selon laquelle Sofia Med ne pouvait pas être considérée, à brève échéance, comme une option de remplacement à la place de Schwermetall pour approvisionner Diehl, Griset, Kemper et Messingwerk Plettenberg en bandes prélaminées en AHP.

405 Les limites de Sofia Med étaient d’ailleurs corroborées par certaines de ses déclarations non confidentielles lors de la réunion organisée avec la Commission, le 10 décembre 2018, au sujet de sa déclaration d’intérêt pour l’acquisition de l’usine d’ARP de Stolberg, lesquelles étaient partiellement reprises au considérant 884 de la décision attaquée. Il ressort du point 19 du procès-verbal de cette réunion, tel que versé au dossier de la présente affaire, que l’un des prérequis à l’acquisition de l’usine de Stolberg par Sofia Med était la conclusion d’un contrat avec Schwermetall pour l’approvisionnement de cette usine en bandes prélaminées, et ce pour une durée d’au moins cinq ans. En outre, il ressort des points 14 et 19 de ce même procès-verbal que l’acquisition de l’usine de Stolberg, qui jouissait d’une bonne réputation concernant la qualité de ses produits, devait permettre à Sofia Med d’élargir son accès au marché en cause et de bénéficier du savoir-faire de cette usine et que Sofia Med pourrait être intéressée par la conclusion d’un accord de transfert de savoir-faire avec Schwermetall ou toute autre société, en fonction des termes d’un tel accord. De plus, il ressort du point 14 dudit procès-verbal que Sofia Med considérait que la localisation de l’usine de Stolberg était très avantageuse. Par ailleurs, le point 10 de celui-ci indique que Sofia Med considérait ne pas pouvoir se porter également acquéreuse de l’usine d’ARP de Zutphen, car ses capacités de production de bandes prélaminées n’étaient pas suffisantes pour approvisionner les deux usines. Une telle croissance aurait été trop importante et non soutenable pour elle.

406 L’appréciation de la Commission visée au point 404 ci-dessus ne peut être renversée sur la base des quelques éléments que la requérante a avancés à l’appui de ses griefs.

407 Pour autant que la requérante renvoie au paragraphe 3 du compte rendu non confidentiel d’un appel téléphonique entre la Commission et Sofia Med du 18 septembre 2018, dans lequel cette dernière déclarait que, s’agissant des bandes prélaminées, elle « entend[ait] maintenir sa stratégie de développement dans le futur et v[oulai]t augmenter davantage, dans l’EEE et hors de l’EEE, ses volumes de ventes, année après année », il y a lieu de relever que, comme l’observe à bon droit la Commission, Sofia Med a considérablement nuancé, par la suite, ses premières déclarations lors de la réunion organisée avec la Commission le 10 décembre 2018. En effet, il ressort des points 4 et 5 du procès-verbal de cette dernière réunion que, lors de celle-ci, Sofia Med a indiqué que sa stratégie de développement portait sur les produits laminés plats et que les bandes prélaminées n’étaient pas une priorité, même si elle pouvait envisager d’augmenter sa production au cas où la requérante ou Schwermetall exerceraient une pression à la hausse sur les prix. En outre, il ressort du point 14 de ce même procès-verbal que le développement de ses capacités de production de bandes prélaminées devait, avant tout, servir à accélérer son développement sur le marché en cause, notamment sur le segment « haut de gamme » de celui-ci, où les marges étaient plus élevées, comme cela est indiqué au considérant 610 de la décision attaquée, plutôt que sur le marché libre des bandes prélaminées.

408 Pour autant que la requérante conteste que Sofia Med souffrait d’un désavantage par rapport à ses concurrentes sur le marché libre des bandes prélaminées du fait de sa localisation excentrée au sein de l’EEE, en se référant aux informations, communiquées au point 186 de sa réponse à la communication des griefs, selon lesquelles elle avait déjà réussi à vendre des bandes prélaminées, y compris en AHP, en Allemagne, il convient de relever que celle-ci ne conteste pas que la localisation excentrée de Sofia Med par rapport à ses concurrentes sur le marché libre des bandes prélaminées constituait un désavantage concurrentiel en matière de coûts et de délais de transport plus élevés. D’ailleurs, Sofia Med a elle-même décrit la localisation de l’usine d’ARP de Stolberg, située en Allemagne, comme étant « très avantageuse » (voir point 405 ci-dessus). La requérante prétend uniquement que ce désavantage était compensé par des avantages concurrentiels liés à cette même localisation, en particulier des coûts de personnel moins élevés.

409 Il ressort notamment des considérants 493, 678 et 877 de la décision attaquée que, malgré deux demandes d’informations, Sofia Med n’a jamais fourni d’éléments de preuve concernant ses coûts réels de personnel et qu’elle s’est bornée à renvoyer, à cet égard, aux statistiques d’Eurostat sur les coûts horaires de la main-d’œuvre en Bulgarie et en Allemagne.

410 Même si, ainsi qu’il ressort du point 17 du procès-verbal de la réunion du 10 décembre 2018, Sofia Med faisait face à une situation tendue sur le marché local de l’emploi, qui poussait les salaires à la hausse, il apparaît néanmoins certain, compte tenu de l’écart considérable qui perdure entre les coûts horaires de la main-d’œuvre en Bulgarie et en Allemagne, que Sofia Med bénéficiait d’un avantage concurrentiel, par rapport à ses concurrentes établies en Allemagne, en matière de coûts de personnel.

411 Toutefois, comme la Commission l’a indiqué à juste titre au considérant 678 de la décision attaquée, il existait, en l’absence de données précises sur les coûts de personnel effectivement encourus par Sofia Med, une incertitude sur la différence exacte existant entre ces derniers et les coûts supplémentaires de transport des bandes prélaminées et de retour des rebuts, après leur transformation en produits laminés, liés à la localisation périphérique des sites de production de Sofia Med au sein de l’EEE. Cela était d’autant plus le cas que, comme Sofia Med l’avait indiqué dans sa réponse non confidentielle du 13 décembre 2018 à une demande d’informations de la Commission du 10 décembre 2018, mentionnée au considérant 879 de la décision attaquée, celle-ci n’avait pas non plus tenu compte, dans l’évaluation des coûts de transport, de ceux afférents au retour des rebuts. Par ailleurs, comme l’a relevé la Commission dans ce même considérant, les coûts de transport vers l’Allemagne communiqués par Sofia Med semblaient avoir été sous-évalués, car ils étaient inférieurs à ceux qu’elle facturait alors à ses clients industriels en Allemagne, comme cela ressortait de la réponse de Kemper du 6 décembre 2018 à une demande d’informations de la Commission du 5 décembre 2018.

412 À supposer même que l’on considère que la Commission n’était pas fondée, dans un tel contexte d’incertitude, à conclure à l’existence d’un désavantage concurrentiel global sur le marché libre des bandes prélaminées résultant de la localisation excentrée au sein de l’EEE de Sofia Med par rapport à ses concurrentes (voir point 250 ci-dessus), celle-ci aurait donc été fondée à considérer qu’elle n’était pas en mesure de constater que cette même localisation lui conférait, globalement, un avantage concurrentiel sur lesdites concurrentes.

413 Or, sur la base des autres raisons avancées dans la décision attaquée, telles que résumées aux points 401 et 402 ci-dessus et telles que corroborées par les propres déclarations de Sofia Med citées au point 405 ci-dessus, la Commission restait fondée à conclure que Sofia Med ne pouvait pas être considérée, à brève échéance, comme représentant une solution de remplacement à la place de Schwermetall pour approvisionner Diehl, Griset, Kemper et Messingwerk Plettenberg en bandes prélaminées en AHP.

414 Pour autant que la requérante se réfère également, à cet égard, au fait que la Commission avait elle-même défini, au considérant 148 de la décision attaquée, le marché géographique des bandes prélaminées comme correspondant à l’EEE, il suffit de constater que cette circonstance ne préjugeait pas du fait que la localisation de chaque acteur au sein de ce marché géographique pouvait avoir des conséquences négatives sur leur compétitivité, par rapport aux autres acteurs présents sur ce même marché, sans pour autant les empêcher d’opérer tous sur ledit marché, notamment parce que ces conséquences négatives étaient, partiellement ou totalement, compensées par d’autres avantages compétitifs, de quelques ordres qu’ils soient.

415 Enfin, dans la mesure où la requérante reproche à la Commission de ne pas avoir tenu compte de la possibilité de remplacement que représentaient KME/MKM et Sofia Med globalement considérées, il suffit de constater que, dès lors que la Commission n’avait pas été en mesure de constater, avec un degré suffisant de certitude, que KME/MKM ou Sofia Med pourraient représenter, à brève échéance, une solution de remplacement crédible à la place de Schwermetall pour approvisionner Diehl, Griset, Kemper et Messingwerk Plettenberg en bandes prélaminées en AHP, en raison, notamment, de capacités techniques de production et d’un savoir-faire qui étaient encore limités, elle était fondée à ne pas examiner si une augmentation cumulée de leurs ventes sur le marché libre des bandes prélaminées leur aurait permis de se substituer entièrement à Schwermetall.

416 Il y a donc encore lieu de rejeter le présent grief comme étant non fondé, de sorte que la deuxième branche du huitième moyen se trouve être intégralement rejetée.

3. Sur la troisième branche du huitième moyen

417 Par la troisième branche du huitième moyen, la requérante dénonce une erreur commise par la Commission, à la section 6.9.1.3 et, partant, aux considérants 641 à 656 de la décision attaquée, en ayant constaté à tort que l’accès qu’elle pourrait avoir, après la concentration en cause, à des informations commerciales individualisées, qualifiées de sensibles, concernant celles de ses concurrentes sur le marché en cause qui étaient également clientes de Schwermetall ainsi que le pouvoir qu’elle aurait de décider seule des conditions de prix et de la gamme de bandes prélaminées vendues par Schwermetall sur le marché libre lui donneraient la possibilité de restreindre le développement desdites concurrentes sur le marché en cause.

418 La Commission réfute les arguments avancés par la requérante et conclut au rejet de la troisième branche du huitième moyen comme étant non fondée.

419 La requérante conteste que, après la concentration en cause, l’accès à des informations commerciales non plus agrégées, mais individualisées, sur celles de ses concurrentes sur le marché en cause qui étaient également des clientes de Schwermetall aurait augmenté sa capacité à restreindre le développement desdites concurrentes sur le marché en cause.

420 Pour autant que la requérante renvoie, à cet égard, au point 2.4 de l’étude de suivi et à certains éléments du dossier dont il résulte que, avant même la concentration en cause, elle était déjà en mesure de connaître, en tant que société mère de Schwermetall, le prix moyen et le prix minimal des bandes prélaminées vendues par cette dernière sur le marché libre et, donc, les coûts moyens supportés par celles de ses concurrentes qui s’approvisionnaient auprès de Schwermetall, il y a lieu d’approuver l’appréciation de la Commission, formulée au considérant 655 de la décision attaquée, selon laquelle il y a une différence de degré, en ce qui concerne l’avantage concurrentiel obtenu, entre l’accès à des données commerciales agrégées ou moyennes pour toutes les concurrentes et l’accès à ces mêmes données, mais individualisées, pour chaque concurrente.

421 Par conséquent, il y a lieu de rejeter le présent argument comme étant non fondé.

422 En ce qui concerne l’argument de la requérante tiré du fait que, après la concentration en cause, elle serait restée dans l’incertitude sur ceux des coûts de production de ses concurrentes sur le marché en cause qui ne correspondaient pas aux prix des bandes prélaminées qui leur étaient facturés par Schwermetall ainsi que sur d’autres paramètres concurrentiels essentiels, tels que la profitabilité desdites concurrentes, ou sur les propriétés finales ou la destination industrielle et géographique des produits laminés qu’elles fabriquaient, il y a lieu de constater, de même que la Commission au considérant 655 de la décision attaquée, que les informations commerciales individualisées sur certaines de ses concurrentes auxquelles la requérante aurait eu accès, après la concentration en cause, auraient été suffisantes pour lui permettre de mieux cibler, pour chacune desdites concurrentes, les niveaux de prix et les alliages lui permettant d’entraver le développement de celle-ci sur le marché en cause, en particulier sur le segment « haut de gamme » de celui-ci. À cet égard, il importe de rappeler que, comme il est indiqué au considérant 650 de la décision attaquée, le prix des bandes prélaminées facturé par Schwermetall à ses clientes représentait, en moyenne, 30 % de leurs coûts de production de produits laminés.

423 Pour ces motifs, il y a également lieu de rejeter le présent argument comme étant non fondé.

424 Dans la mesure où la requérante reproche à la Commission de ne pas avoir précisé, ni étayé l’affirmation, énoncée au considérant 649 de la décision attaquée, selon laquelle l’accès à des informations commerciales individualisées concernant ses concurrentes lui aurait permis, après la concentration en cause, de mieux « adapter ses propres stratégies de développement de produits [laminés] concurrents », il suffit de constater que, si la Commission a effectivement évoqué une telle stratégie dans ledit considérant, elle ne l’a pas reprise par la suite, ainsi que cela ressort du considérant 694 de cette même décision, où la Commission ne s’est référée qu’à la capacité et à l’incitation qu’aurait eues la requérante à réduire la pression concurrentielle exercée par celles de ses concurrentes sur le marché en cause qui dépendaient de Schwermetall pour leurs approvisionnements en bandes prélaminées en « augmentant leurs coûts », expression par laquelle la Commission visait aussi bien l’augmentation des prix des bandes prélaminées offertes à la vente par Schwermetall sur le marché libre que la réduction de la gamme ou de la qualité desdites bandes.

425 Or, il importe de rappeler que les griefs dirigés contre les motifs surabondants d’une décision faisant grief au requérant doivent, en tout état de cause, être rejetés d’emblée comme étant inopérants, puisqu’ils ne sauraient entraîner l’annulation de cette décision (voir, en ce sens, arrêt du 8 juillet 2004, Dalmine/Commission, T 50/00, EU:T:2004:220, point 146 et jurisprudence citée).

426 Partant, il convient de rejeter le présent argument comme étant inopérant, dans la mesure où il ne porte pas sur un motif nécessaire de la décision attaquée.

427 Enfin, la requérante reproche à la Commission d’avoir, contrairement aux principes de sécurité juridique et d’égalité de traitement, adopté une approche non conforme à celle qu’elle avait adoptée aux considérants 37 et suivants de sa décision dans l’affaire M.2925, Charterhouse/CDC/TDF, au considérant 21 de sa décision dans l’affaire M.2738, GEES/Unison, aux considérants 37 et suivants de sa décision dans l’affaire M.2510 – Cendant/Galileo et aux considérants 159 à 164 de sa décision dans l’affaire M.3653 – Siemens/VA Tech, où elle aurait estimé, au regard du paragraphe 78 des lignes directrices sur l’appréciation des concentrations non horizontales, que le fait qu’une société opérant sur un marché situé en aval accédât, en prenant le contrôle d’une société opérant sur un marché situé en amont, à des informations supplémentaires concernant ses concurrentes sur le marché situé en aval n’était pas problématique, dès lors que les effets que l’accès à ces informations pouvaient avoir sur la concurrence étaient minimes.

428 Au regard de la jurisprudence déjà citée au point 78 ci-dessus, la requérante n’est pas en droit de remettre en cause les appréciations formulées par la Commission dans la décision attaquée au seul motif qu’elles différeraient de celles qu’elle avait formulées dans des décisions antérieures, sur la base de notifications et de dossiers différents.

429 De plus, conformément à la jurisprudence déjà citée au point 79 ci-dessus, ni la Commission ni, a fortiori, le Tribunal ne sont liés, en l’espèce, par les appréciations figurant dans des décisions antérieures et il appartient à la requérante de démontrer en quoi les appréciations contenues dans la décision attaquée sont, en elles-mêmes et indépendamment de celles figurant dans des décisions antérieures, erronées.

430 Pour ces motifs, il y a lieu de rejeter le présent argument comme étant non fondé, de sorte que la troisième branche du huitième moyen se trouve être intégralement rejetée.

4. Sur la quatrième branche du huitième moyen

431 Par la quatrième branche du huitième moyen, la requérante dénonce une erreur commise par la Commission, à la section 6.9.2 et, partant, aux considérants 684 à 694 de la décision attaquée, en estimant que le passage d’un contrôle conjoint à un contrôle exclusif, exercé de sa part, sur Schwermetall renforcerait probablement son incitation à augmenter les coûts de production de celles de ses concurrentes sur le marché en cause qui dépendaient de Schwermetall pour leurs approvisionnements en bandes prélaminées.

432 La Commission réfute les arguments avancés par la requérante et conclut au rejet de la quatrième branche du huitième moyen comme étant non fondée.

433 Tout d’abord, la requérante soutient qu’elle aurait déjà eu, avant la concentration en cause, la possibilité d’évincer celles de ses concurrentes sur le marché en cause qui se fournissaient en bandes prélaminées auprès de Schwermetall, puisque, comme cela était indiqué au point 2.4 du rapport sur l’évaluation du risque de verrouillage de l’accès aux intrants, elle pouvait réclamer, à son profit, toute la quote-part des capacités de production de Schwermetall non utilisée par Aurubis. En tout état de cause, la Commission n’aurait pas établi que, avant la concentration en cause, elle aurait eu intérêt à évincer ses concurrentes du marché en cause, mais en aurait été empêchée par un veto d’Aurubis. La Commission aurait même constaté l’inverse, au considérant 686 de la décision attaquée.

434 Le grief selon lequel, en substance, la requérante aurait déjà eu, avant la concentration en cause, la possibilité d’empêcher toute vente de bandes prélaminées par Schwermetall sur le marché libre ne change rien au fait que, comme l’a observé à bon droit la Commission au considérant 686 de la décision attaquée, chacune des parties à ladite concentration était moins incitée à mettre en place des stratégies affaiblissant ses concurrentes sur le marché en cause lorsqu’elle n’avait pas la certitude que les clients industriels de ces concurrentes se tourneraient vers elle, plutôt que vers l’autre société mère de Schwermetall, qui était une importante et proche concurrente. Partant, le présent grief doit être rejeté comme étant inopérant.

435 Par ailleurs, contrairement à ce que prétend la requérante, la Commission a indiqué, aux considérants 687, 689 et 690 de la décision attaquée, les raisons pour lesquelles, avant la concentration en cause, il aurait été beaucoup plus difficile pour la requérante de mettre en œuvre des stratégies affaiblissant ses concurrentes sur le marché en cause, en raison non seulement du pouvoir de veto d’Aurubis sur la gamme des bandes prélaminées offertes à la vente par Schwermetall sur le marché libre, mais également du fait que cette dernière négociait librement avec sa clientèle, sur ledit marché, les prix et les conditions de vente de ses bandes prélaminées, sans communiquer les informations individualisées relatives à ces éléments à ses sociétés mères. La requérante aurait été davantage incitée à mettre en œuvre de telles stratégies après la concentration en cause, dans la mesure où, comme il a été relevé par la Commission, le pouvoir de veto d’Aurubis et l’autonomie commerciale de Schwermetall auraient alors disparu.

436 Dès lors, il y a lieu de rejeter les présents griefs comme étant inopérants ou non fondés.

437 En outre, la requérante reproche à la Commission de ne pas avoir constaté, comme dans de précédentes décisions, que le passage d’un contrôle conjoint à un contrôle unique sur une filiale n’avait pas d’effets anticoncurrentiels. Elle renvoie, en particulier, au considérant 214 de la décision dans l’affaire M.784 – Kesko/Tuko et au considérant 229 de la décision dans l’affaire M.8242 – Rolls-Royce/ITP.

438 Conformément à la jurisprudence déjà citée au point 79 ci-dessus, ni la Commission ni, a fortiori, le Tribunal ne sont liés, en l’espèce, par les appréciations figurant dans des décisions antérieures et il appartient à la requérante de démontrer en quoi les appréciations contenues dans la décision attaquée sont, en elles-mêmes et indépendamment de celles figurant dans des décisions antérieures, erronées.

439 Le simple renvoi, par la requérante, aux décisions antérieures mentionnées au point 437 ci-dessus ne peut donc suffire à établir que les appréciations sur les effets verticaux anticoncurrentiels imputables à la concentration en cause, figurant dans la décision attaquée, sont elles-mêmes erronées.

440 Il y a donc lieu de rejeter le présent grief comme étant non fondé.

441 Enfin et de manière plus importante, la requérante reproche à la Commission de ne pas avoir fourni, dans la décision attaquée, d’analyse cohérente concernant le risque de verrouillage de l’accès aux intrants, en établissant, premièrement, que sa capacité à mettre en œuvre une telle stratégie ne serait pas affectée par le fait que les bandes prélaminées non fournies par Schwermetall pourraient être produites en interne ou achetées, de manière économiquement efficiente, auprès d’autres concurrentes intégrées ayant des capacités de production disponibles, telles que KME/MKM ou Sofia Med, deuxièmement, qu’il existerait des incitations à ce qu’elle s’engage dans une telle stratégie et, troisièmement, que cette stratégie aurait d’importants effets anticoncurrentiels sur le marché en cause. À cet égard, la Commission n’aurait pas respecté le standard de preuve prévu par la jurisprudence. De plus et contrairement à ce qui serait prévu au paragraphe 33 des lignes directrices sur l’appréciation des concentrations non horizontales, elle aurait exigé à tort que chacune des concurrentes intégrées pût se substituer intégralement à Schwermetall, alors que, si elle avait correctement tenu compte de l’ensemble de celles-ci, elle aurait dû conclure à la possibilité d’une substitution. En outre, comme il est indiqué au quatrième moyen, la Commission aurait appliqué une théorie du préjudice sui generis, liant les effets horizontaux et verticaux imputables à la concentration en cause, qui serait allée à l’encontre des orientations strictes et claires fournies dans ses lignes directrices. Enfin, à son point 6, le rapport sur l’évaluation du risque de verrouillage de l’accès aux intrants aurait établi qu’un tel verrouillage n’aurait pas été rentable, car les gains perdus, sur le marché des bandes prélaminées, auraient été supérieurs aux recettes attendues, sur le marché en cause. Comme il est indiqué au point 7.2 de ce même rapport, il aurait été peu probable que le verrouillage de l’accès aux intrants limitât la concurrence sur le marché en cause, compte tenu du fait qu’il n’aurait affecté, au maximum, que 5,8 %, en volume, dudit marché.

442 Il ressort clairement de l’analyse menée à la section 6.9 de la décision attaquée et, en particulier, de la conclusion tirée au considérant 724 de cette même décision que la Commission n’a pas conclu que les effets verticaux anticoncurrentiels de la concentration en cause seraient, eux-mêmes, à l’origine d’une entrave significative à l’exercice d’une concurrence effective sur le marché en cause, mais uniquement qu’ils renforceraient et amplifieraient les effets horizontaux anticoncurrentiels de ladite concentration, par rapport auxquels la Commission avait déjà constaté que, pris isolément, ils seraient à l’origine d’une telle entrave. Or, la requérante n’est pas parvenue à remettre en cause le bien-fondé de ce dernier constat dans le cadre du présent recours.

443 En tout état de cause, comme cela a déjà été relevé au point 424 ci-dessus et comme cela ressort des considérants 635, 692, 694, 704 et 710 de la décision attaquée, la Commission n’a analysé, au titre des effets verticaux anticoncurrentiels de la concentration en cause, que la capacité et l’incitation qu’aurait la requérante à réduire la pression concurrentielle exercée par celles de ses concurrentes sur le marché en cause qui dépendaient de Schwermetall pour leurs approvisionnements en bandes prélaminées en « augmentant leurs coûts » de production soit par une augmentation du prix des bandes prélaminées offertes à la vente par Schwermetall sur le marché libre, soit par une réduction de la gamme ou de la qualité desdites bandes.

444 Ainsi que la Commission l’a rappelé aux considérants 655 et 704 de la décision attaquée, cette décision reposait donc sur une hypothèse moins stricte que celle analysée au point 6 du rapport sur l’évaluation du risque de verrouillage de l’accès aux intrants, à savoir celle d’une éviction de tout ou partie des concurrentes des parties à la concentration en cause sur le marché en cause reposant, ainsi qu’il était respectivement indiqué au point 6.2.1, dernier alinéa, et au point 6.3.1, premier alinéa, de ce rapport, sur le fait que, « après la[dite] concentration, Schwermetall cesserait de fournir tous les alliages à tous les clients tiers qui [étaie]nt également des concurrentes [de la requérante] sur le marché aval des produits laminés » ou sur la mise en œuvre, à l’égard des « cinq plus importantes clientes de Schwermetall », d’« une stratégie de verrouillage de l’accès aux intrants reposant sur la cessation de toutes les fournitures de bandes prélaminées existantes ». Le fait que le rapport sur l’évaluation du risque de verrouillage de l’accès aux intrants ait considéré que la cessation de cet approvisionnement pourrait éventuellement résulter des hausses du prix des bandes prélaminées fournies par Schwermetall n’enlève rien au fait que celui-ci a uniquement examiné l’hypothèse de hausses des prix d’une ampleur telle qu’elles ne seraient pas soutenables pour lesdites concurrentes et les conduiraient à cesser leurs achats auprès de Schwermetall.

445 En revanche, même si, certes, au considérant 189 de la décision attaquée, la Commission évoque la possibilité que le passage d’un contrôle conjoint à un contrôle exclusif de la requérante sur Schwermetall conduise à l’éviction des futures petites concurrentes sur le marché des produits laminés, il ressort clairement de l’analyse menée par celle-ci à la section 6.9 de la décision attaquée et, en particulier, de la conclusion intermédiaire qu’elle a tirée au considérant 707 de cette même décision que son analyse reposait sur l’hypothèse d’une modification de la gamme ou des prix des bandes prélaminées fournies par Schwermetall qui, sans pour autant fermer totalement à ses clientes l’accès au marché en cause, aurait été de nature à restreindre leur développement sur celui-ci.

446 Dans ce contexte, pour les motifs qui ont déjà été indiqués au point 91 ci-dessus aux fins de rejeter le quatrième moyen, la Commission était fondée à appliquer, en l’espèce, les principes fixés dans les lignes directrices sur l’appréciation des concentrations non horizontales.

447 Par ailleurs, comme cela ressort des conclusions tirées aux points 397, 413 et 415 ci-dessus, elle était fondée à constater que ni MKM, ni KME, ni la nouvelle entité MKM/KME, ni Sofia Med, ni MKM/KME et Sofia Med prises ensemble ne pouvaient être considérées, à brève échéance, comme une solution de remplacement à la place de Schwermetall pour approvisionner Diehl, Griset, Kemper et Messingwerk Plettenberg en bandes prélaminées en AHP.

448 En outre, ainsi que cela a déjà été constaté au point 347 ci-dessus, la Commission avait réuni un faisceau d’indices qui lui permettait de constater que les clientes de Schwermetall citées au point 447 ci-dessus étaient effectivement tributaires de cette dernière pour leurs approvisionnements de bandes prélaminées en certains alliages, tels que les AHP de la catégorie cuivre fer ou les alliages de qualité emboutissage. Elles auraient donc dû absorber les hausses des prix facturés par Schwermetall ou les répercuter sur leurs propres clients, affectant en tout cas leur compétitivité sur le marché en cause, en particulier sur le segment « haut de gamme » dudit marché ou des sous-segments relevant, pour l’essentiel, de celui-ci.

449 Enfin, comme cela a déjà été observé au point 206 ci-dessus, la Commission pouvait concentrer son analyse sur un segment du marché en cause ou des sous-segments relevant, pour l’essentiel, de ce dernier qui étaient animés par des dynamiques concurrentielles propres et sur lesquels les effets anticoncurrentiels de la concentration en cause auraient été les plus substantiels, à savoir, en l’espèce, ceux des produits laminés « haut de gamme » qui étaient fabriqués à partir de bandes prélaminées en trois AHP de la catégorie cuivre fer pour lesquelles Diehl, Griset, Kemper et Messingwerk Plettenberg étaient particulièrement dépendantes des approvisionnements de Schwermetall.

450 Comme la Commission l’a indiqué à bon droit aux considérants 695 et 696 de la décision attaquée, si ces sociétés détenaient des parts de marché limitées à l’échelle du marché en cause, elles n’en étaient pas moins, de même qu’ARP, des concurrentes importantes de la requérante sur le segment « haut de gamme » dudit marché ou sur des sous-segments relevant, pour l’essentiel, de celui-ci.

451 Aux considérants 699 et 700 de la décision attaquée, la Commission a étayé ses appréciations par un faisceau d’indices cohérents et crédibles, dans la mesure où ils émanaient d’entreprises qui auraient été directement affectées par les effets anticoncurrentiels verticaux imputables à la concentration en cause, et qui n’a pas été spécifiquement critiqué par la requérante dans le cadre du présent recours. D’une part, elle s’est référée aux réponses non confidentielles de certains clients industriels, en particulier ceux du secteur de la connectique, notamment le plus important client de la requérante, TE Connectivity, à la question 49.1 du questionnaire Q.1 ainsi qu’aux questions 27 et 29 du questionnaire Q.4.2 de l’enquête de marché, d’où il ressortait que l’acquisition, par la requérante, de la part de 50 % d’Aurubis dans Schwermetall renforcerait son pouvoir de fixer les prix sur le marché en cause et risquait de déboucher sur des hausses de prix sur ledit marché. D’autre part, elle a renvoyé aux observations non confidentielles de certaines concurrentes sur le marché en cause, formulées soit en réponse aux questions 46.1 ou 50 du questionnaire Q.1 de l’enquête de marché, soit lors d’un entretien téléphonique du 21 juin 2018, soit encore dans une note adressée à la Commission du 26 juin 2018 indiquant que l’acquisition, par la requérante, de la part de 50 % d’Aurubis dans Schwermetall lui donnerait la possibilité de mettre fin à leurs approvisionnements de bandes prélaminées auprès de cette dernière ou de dégrader considérablement les conditions commerciales existantes, notamment en augmentant les prix qui leur étaient facturés par Schwermetall. En outre, au vu de la jurisprudence déjà citée aux points 116 et 120 ci-dessus, dès lors que les données en cause étaient crédibles, il importait peu qu’elles fussent de nature qualitatives plutôt que quantitatives.

452 Les appréciations de la Commission tendant à démontrer des effets verticaux anticoncurrentiels imputables à la concentration en cause qui pourraient renforcer et amplifier l’entrave significative à l’exercice d’une concurrence effective résultant déjà des seuls effets horizontaux anticoncurrentiels imputables à celle-ci étaient donc bien fondées.

453 En tout état de cause, même en prenant en compte l’hypothèse retenue dans le rapport sur l’évaluation du risque de verrouillage de l’accès aux intrants, reposant sur la cessation totale, après la concentration en cause, de la fourniture par Schwermetall de bandes prélaminées à tout ou partie des concurrentes des parties à ladite concentration sur le marché en cause et conduisant à constater, au point 7.2.1, troisième alinéa, dudit rapport, un risque de verrouillage de l’accès aux intrants qui pourrait affecter 5,8 % des parts de marché détenues par ces concurrentes sur le marché en cause, ledit effet ne pourrait pas être considéré comme étant négligeable.

454 En effet, comme la Commission l’a relevé à bon droit aux considérants 697 et 711 de la décision attaquée, compte tenu des fortes parts de marché qu’aurait détenues la requérante sur le marché en cause, après la concentration en cause, les volumes affectés auraient représenté une proportion importante des ventes réalisées par chacune des concurrentes, individuellement concernée. Alors que les parts de marché de Diehl et de Kemper, sur le marché en cause, étaient respectivement de [5-10] % et de [0-5] %, le risque d’éviction les concernant aurait porté respectivement, ainsi qu’il ressortait du tableau inséré au point 7.2.2 du rapport sur l’évaluation du risque de verrouillage de l’accès aux intrants, sur 2,2 % et 1,2 % de parts de marché, soit un effet potentiel de plus de [30-50] % pour celles-ci.

455 Comme cela a été relevé au considérant 702 de la décision attaquée, la requérante avait elle-même indiqué, au point 208 de sa réponse à la communication des griefs, que l’effet d’une stratégie de verrouillage de l’accès aux intrants « pourrait être relativement plus important pour les petites concurrentes comme Kemper et Diehl, qui ach[e]t[ai]ent [alors] relativement plus de bandes prélaminées que les concurrentes plus importantes, telles que KME et MKM ».

456 Il résulte de ce qui précède que les effets verticaux anticoncurrentiels d’une stratégie de verrouillage complet de l’accès aux bandes prélaminées, tels qu’ils étaient analysés dans ledit rapport, n’auraient pas été négligeables sur le marché en cause, en particulier sur le segment « haut de gamme » dudit marché ou des sous-segments relevant, pour l’essentiel, de celui-ci.

457 Il y a donc lieu de rejeter également les présents griefs comme étant non fondés.

458 Pour ces motifs, il convient de rejeter la quatrième branche du huitième moyen, prise dans son ensemble. Ainsi, ce dernier moyen se trouve être intégralement rejeté.

459 Aux termes des analyses qui précèdent, il y a lieu de constater que la requérante n’a pas réussi à remettre en cause, dans le cadre du présent recours, les appréciations qui ont conduit la Commission à conclure, à la section 6.9 et au considérant 724 de la décision attaquée, que les effets anticoncurrentiels verticaux de la concentration en cause, liés au contrôle exclusif que la requérante exercerait sur Schwermetall, renforceraient et amplifieraient l’entrave significative à l’exercice d’une concurrence effective qui résulterait déjà des seuls effets anticoncurrentiels horizontaux de celle-ci (voir point 334 ci-dessus), en permettant à la requérante d’entraver le développement d’importantes concurrentes sur le marché en cause, en particulier sur le segment « haut de gamme » de celui-ci, où la requérante concentrait ses activités et qui deviendrait encore plus concentré qu’il ne l’était déjà, après la disparition d’ARP.

I. Sur le neuvième moyen, tiré d’erreurs de droit et d’erreurs manifestes d’appréciation concernant le caractère adéquat des engagements proposés

460 Ainsi que cela est indiqué au paragraphe 5 de la communication de la Commission concernant les mesures correctives recevables conformément au règlement no 139/2004 et au règlement (CE) no 802/2004 de la Commission (JO 2008, C 267, p. 1, ci-après la « communication sur les mesures correctives »), lorsqu’une concentration soulève des problèmes de concurrence, en ce qu’elle est susceptible d’entraver de manière significative une concurrence effective, notamment du fait de la création ou du renforcement d’une position dominante, les parties à celle-ci peuvent chercher à la modifier afin de résoudre les problèmes de concurrence et voir ainsi l’opération autorisée, en proposant des engagements, conformément à l’article 8, paragraphe 2, du règlement no 139/2004.

461 La Commission a l’obligation d’examiner une opération de concentration telle qu’elle a été modifiée par les engagements valablement proposés par les parties à cette opération. Elle ne peut la déclarer incompatible avec le marché intérieur que si ces engagements sont insuffisants pour empêcher que ladite opération n’entrave de manière significative une concurrence effective dans le marché intérieur ou dans une partie substantielle de celui-ci, notamment du fait de la création ou du renforcement d’une position dominante. La charge de la preuve incombant à la Commission est sans préjudice du large pouvoir d’appréciation qui lui est reconnu lorsqu’elle est amenée à porter des appréciations économiques complexes (arrêt du 21 septembre 2005, EDP/Commission, T 87/05, EU:T:2005:333, point 63).

462 Au final, il appartient toujours à la Commission de démontrer que l’opération de concentration, telle qu’éventuellement modifiée par des engagements, doit être déclarée incompatible avec le marché intérieur en raison de la persistance de la création ou du renforcement d’une position dominante entravant significativement une concurrence effective (arrêt du 21 septembre 2005, EDP/Commission, T 87/05, EU:T:2005:333, point 64).

463 Le point II et, partant, les points 4 à 21 de la communication sur les mesures correctives récapitulent, au regard des dispositions du règlement no 139/2004 et de la jurisprudence qui en fait application, les « principes généraux » applicables aux engagements et, notamment, les obligations respectives qui incombent aux parties à l’opération de concentration et à la Commission.

464 Le point III et, partant, les points 22 à 76 de la communication sur les mesures correctives, qui analysent les « différents types de mesures correctives » ou engagements susceptibles d’être proposés, commencent par examiner, dans un point 1, la « [c]ession d’une activité à un acquéreur approprié ».

465 Les premiers engagements proposés consistaient en la cession de deux usines d’ARP fabriquant des produits laminés à Zutphen et à Pori (Finlande) et de trois centres de refendage en Slovaquie, en Italie et au Royaume-Uni, ainsi qu’en la garantie du maintien de l’approvisionnement des clients industriels de Schwermetall en bandes prélaminées pendant une durée de sept ans, aux mêmes conditions que celles qui prévalaient avant la concentration en cause. La Commission a également rappelé que, sans avoir consulté les acteurs du marché sur les premiers engagements proposés, elle les avait rejetés, dans la décision d’ouverture de la procédure d’examen approfondi, au motif qu’ils ne permettaient pas de remédier, totalement et durablement, à la probable entrave significative à l’exercice d’une concurrence effective qu’elle avait identifiée lors de la phase d’examen préalable.

466 La requérante avait encore proposé deux séries d’engagements, durant la procédure d’examen approfondi, à savoir les deuxièmes et les troisièmes engagements proposés, aux fins de répondre aux effets anticoncurrentiels de la concentration en cause, qui déboucheraient sur une entrave significative à l’exercice d’une concurrence effective ou amplifieraient cette entrave, qu’elle avait d’abord identifiés durant la procédure administrative, puis constatés, de manière préliminaire, dans la communication des griefs et, de manière définitive, dans la décision attaquée. Selon la Commission, les troisièmes engagements proposés étaient, pour une large part, similaires aux deuxièmes, raison pour laquelle ces engagements pouvaient être examinés ensemble et, sauf précision contraire, toute référence aux troisièmes engagements proposés valait également, en substance, pour les deuxièmes engagements proposés. Enfin, la Commission a signalé que, à la différence des deuxièmes engagements proposés, les troisièmes avaient été soumis à une consultation des acteurs du marché.

467 À la section 7.1 et, partant, aux considérants 738 à 751 de la décision attaquée, la Commission a rappelé les principes applicables aux mesures correctives ou aux engagements en matière de concentrations.

468 À la section 7.2 et, partant, aux considérants 752 à 757 de la décision attaquée, la Commission a rappelé le contenu des troisièmes engagements proposés.

469 De même que les deuxièmes engagements proposés, les troisièmes engagements proposés prévoyaient la cession des usines d’ARP aux Pays-Bas (Zutphen) et en Allemagne (Stolberg), qui fabriquaient des produits laminés pour les secteurs de la connectique, de l’ingénierie électrique, de l’estampage, du commerce et de l’étamage et disposaient de technologies d’étamage, de galvanoplastie ou d’étamage à chaud, ainsi que, sur demande de l’acquéreur, de trois centres de refendage dans l’EEE, en Italie, en Slovaquie et au Royaume-Uni, et d’une partie de l’équipe de vente d’ARP (ci-après l’« entité à céder »). Ils prévoyaient également des engagements comportementaux complémentaires, consistant en un engagement unilatéral, de la part de la requérante, de conclure, à la demande de l’acquéreur, un contrat d’approvisionnement et de services, en application duquel Schwermetall s’obligerait à continuer à approvisionner l’entité à céder en bandes prélaminées pour une durée initiale de trois ans, avec la possibilité d’une prolongation de deux ans, par l’acquéreur, conformément aux termes et aux conditions précédemment applicables, notamment en matière de prix et de volumes, sauf quelques possibilités d’ajustements limitées prévues dans le contrat, ainsi qu’à fournir des services de traitement à façon des matériaux de coulée produits ou fournis par l’entité à céder, et ce également aux termes et aux conditions précédemment applicables (ci-après le « contrat d’approvisionnement et de services transitoire »).

470 De plus, les troisièmes engagements proposés prévoyaient, d’une part, au-delà des exigences types auxquelles un acquéreur devait satisfaire pour pouvoir être considéré comme étant approprié, telles qu’elles ressortent de la liste qui en est dressée au point 48 de la communication sur les mesures correctives (indépendance, solidité financière, compétence, motivation et aptitudes à développer l’activité cédée, absence prima facie de nouveaux problèmes de concurrence ou de risque de retard), une exigence spécifique tenant au fait que, en vue d’assurer la viabilité de l’entité à céder sur le long terme, à savoir après l’expiration du contrat d’approvisionnement et de services transitoire, l’acquéreur devrait être en mesure de garantir un approvisionnement suffisant de celle-ci en bandes prélaminées, par le biais de sa propre production captive ou interne ou de contrats d’approvisionnements conclus avec d’autres producteurs de bandes prélaminées (ci-après l’« exigence spécifique d’assurer l’approvisionnement à long terme de l’entité à céder en bandes prélaminées »). D’autre part, les troisièmes engagements proposés prévoyaient que la concentration en cause ne pourrait pas être close avant que la requérante ou son mandataire n’ait conclu un accord juridiquement contraignant avec un acquéreur pour l’ensemble de l’entité à céder et que la Commission n’ait approuvé ledit acquéreur ainsi que les termes de cet accord (clause dite de l’« acquéreur initial »).

471 Enfin, la Commission a relevé que, si, dans les troisièmes engagements proposés, la requérante avait suivi, pour garantir la cession de l’entité à céder à un acquéreur approprié, la méthode de l’« acquéreur initial », décrite au point 50 de la communication sur les mesures correctives et selon laquelle les parties notifiantes ne peuvent clore l’opération notifiée avant d’avoir conclu un accord contraignant avec un acquéreur pour l’activité à céder, approuvé par elle, plutôt que celle du « règlement préalable », visée au même point et selon laquelle les parties notifiantes doivent identifier un acquéreur pour l’activité à céder et conclure déjà un accord contraignant pendant la procédure devant elle. En effet, même si la requérante avait identifié plusieurs acquéreurs potentiels déclarés, à savoir Sofia Med et GBC, dont le profil était examiné à la section 7.3.1 de la décision attaquée, elle n’avait conclu, au cours de la procédure administrative, aucun accord contraignant de cession avec un ou plusieurs acquéreurs portant sur l’ensemble de l’entité à céder.

472 À la section 7.3 et, partant, aux considérants 758 à 932 de la décision attaquée, la Commission a exposé les raisons pour lesquelles elle concluait, à la section 7.3.4 et, partant, aux considérants 931 et 932 de cette même décision, que, contrairement à ce prétendait la requérante dans le formulaire RM prévu à l’annexe IV du règlement (CE) no 802/2004 de la Commission, du 7 avril 2004, concernant la mise en œuvre du règlement no 139/2004 (JO 2004, L 133, p. 1) (ci-après le « formulaire RM »), les troisièmes engagements proposés n’étaient ni complets ni efficaces à tous points de vue, comme le requerrait la jurisprudence, dans la mesure où ils n’auraient pas éliminé l’entrave significative à l’exercice d’une concurrence effective résultant de l’élimination de la contrainte concurrentielle exercée par ARP sur la requérante ou de la création d’une position dominante de cette dernière sur le marché en cause, qui avait été relevée à la section 6 de la décision attaquée, de sorte que la concentration en cause, telle que modifiée par ces engagements, devait être déclarée incompatible avec le marché intérieur et l’accord EEE.

473 Dans le cadre du neuvième moyen, la requérante dénonce des erreurs de droit et des erreurs manifestes commises par la Commission dans les appréciations qui l’ont ainsi conduite, à la section 7 de la décision attaquée, à rejeter les engagements proposés. Le neuvième moyen est divisé en quatre branches, dont la troisième contient, en substance, deux sous-branches.

1. Sur la première branche du neuvième moyen

474 Par la première branche du neuvième moyen, la requérante dénonce une évaluation insuffisante et erronée ayant conduit la Commission, à la section 7.3.3 et, partant, aux considérants 801 à 930 de la décision attaquée, à constater que les engagements proposés n’auraient pas permis de remédier aux effets anticoncurrentiels imputables à la concentration en cause et, en particulier, que les troisièmes engagements proposés auraient été insuffisants pour remédier à l’entrave significative à l’exercice d’une concurrence effective résultant des effets anticoncurrentiels horizontaux imputables à ladite concentration, en raison, premièrement, de l’absence de cession de l’actif clé correspondant aux 50 % détenus par Aurubis dans Schwermetall (section 7.3.3.1 de la décision attaquée) et, deuxièmement, de la persistance d’importantes incertitudes quant à la question de savoir si les actifs et les ressources de l’un des acquéreurs potentiels déclarés auraient permis d’éliminer cette même entrave (section 7.3.3.2 de la décision attaquée). Il y a lieu de rattacher à la première branche du neuvième moyen les arguments par lesquels la requérante conteste, dans la réplique, l’argumentation opposée en défense par la Commission selon laquelle les troisièmes engagements proposés n’auraient pas non plus répondu aux effets anticoncurrentiels verticaux imputables à la concentration en cause (section 7.3.3.3 de la décision attaquée).

475 La Commission réfute les arguments avancés par la requérante et conclut au rejet de la première branche du neuvième moyen comme étant non fondée.

476 Tout d’abord, la requérante soutient que les importants engagements structurels et comportementaux contenus dans les troisièmes engagements proposés, en particulier la cession de l’entité à céder et le contrat d’approvisionnement et de services transitoire, auraient été suffisants pour remédier aux effets anticoncurrentiels de la concentration en cause, notamment à ses effets anticoncurrentiels horizontaux, tout en garantissant la viabilité de ladite entité. Ainsi qu’il ressortirait des considérants 804 à 807 de la décision attaquée, l’entité à céder aurait représenté [65-75] % des activités d’ARP et [10-15] % du marché en cause. La requérante indique qu’elle n’aurait elle-même conservé, après la concentration en cause, qu’une part de marché de [28-38] % sur ledit marché, contre [40-50] % précédemment, alors que celle de KME/MKM était de [25-30] %.

477 À cet égard, il y a lieu de relever que la Commission ne conteste pas et a même reconnu, aux considérants 804 à 807 de la décision attaquée, que, si les troisièmes engagements proposés avaient été mis en œuvre, ils auraient eu un impact significatif sur la position de la requérante sur le marché en cause, en général, et sur le segment « haut de gamme » de celui-ci, en particulier, et auraient potentiellement permis à l’acquéreur de l’entité à céder de concurrencer effectivement celle-ci. Toutefois, elle a également observé que, pour que tel soit le cas, il aurait fallu que cet acquéreur fût en mesure d’exploiter l’entité à céder de manière viable et compétitive, en étant, notamment, capable de l’approvisionner en bandes prélaminées en quantité suffisante et à des conditions suffisamment concurrentielles.

478 Ensuite, au regard des analyses menées aux considérants 808 à 817 de la décision attaquée, la Commission a conclu, aux considérants 803 et 818 de cette même décision, que les 50 % détenus par Aurubis dans Schwermetall, qui n’avaient pas été inclus dans les troisièmes engagements proposés, constituaient un élément essentiel et crucial pour la viabilité et la compétitivité de l’usine de Stolberg et un élément important pour celles de Zutphen, dans la mesure où le fonctionnement de ces usines de manière verticalement intégrée avec Schwermetall leur permettait d’avoir accès à des bandes prélaminées de haute qualité à de faibles coûts de revient et de transport.

479 En outre, au vu des appréciations effectuées aux considérants 820 à 833 de la décision attaquée, la Commission a conclu, aux considérants 819 et 834 de cette même décision, ne pas avoir de certitude que l’entité à céder, une fois dissociée du groupe Aurubis, au sein duquel elle fonctionnait de manière verticalement intégrée avec Schwermetall, serait, au moins à la date de sa cession à un acquéreur, une activité viable et autonome et que les risques pour la viabilité et la compétitivité de ladite activité, résultant de cette dissociation, seraient réduits au minimum. Or, conformément au point 36 de la communication sur les mesures correctives, elle « n[’était] à même d’accepter des engagements prévoyant la dissociation d’éléments d’une activité que si elle a[vait] la certitude que l’activité cédée constituera[it], au moins à la date de sa cession à l’acquéreur, une activité viable et autonome et que les risques pour la viabilité et la compétitivité résultant de cette dissociation ser[aie]nt ainsi réduits au minimum ».

480 Par ailleurs, sur le fondement des appréciations effectuées aux considérants 836 à 843 de la décision attaquée, la Commission a conclu, aux considérants 835 et 844 de cette même décision, que le contrat d’approvisionnement et de services transitoire aurait été insuffisant pour permettre à l’acquéreur de l’entité à céder de développer des sources d’approvisionnement autonomes et risquait d’établir des relations commerciales à long terme entre des concurrentes sur le marché en cause.

481 Enfin, à la section 7.3.3.2 et, partant, aux considérants 845 à 920 de la décision attaquée, la Commission a constaté qu’il y avait d’importantes incertitudes sur le fait que les déficiences structurelles affectant l’entité à céder pourraient être et seraient compensées par les actifs et les ressources de l’un des acquéreurs potentiels déclarés, qu’il s’agisse de Sofia Med, de GBC ou même de KME/MKM.

482 Compte tenu du fait que l’entité à céder était intégrée dans une activité fonctionnant de manière verticalement intégrée au sein du groupe Aurubis, c’est à bon droit que, en l’espèce, la Commission a vérifié, au-delà de la seule question de savoir si ladite entité était d’une taille suffisante pour constituer une force concurrentielle et remédier aux effets anticoncurrentiels horizontaux imputables à la concentration en cause sur le marché en cause, en particulier sur le segment « haut de gamme » de ce dernier, si, une fois dissociée de ladite activité et en tenant compte des engagements proposés, cette entité serait viable et autonome et si les risques pour la viabilité et la compétitivité de celle-ci seraient réduits au minimum, conformément au point 36 de la communication sur les mesures correctives.

483 Il s’ensuit que le présent grief de la requérante, fondé uniquement sur la taille et sur le contenu de l’entité à céder, ne suffit pas à établir que l’appréciation de la Commission portant sur le caractère structurellement déficient des troisièmes engagements proposés pour remédier aux effets anticoncurrentiels horizontaux de la concentration en cause serait erronée, dès lors que, dans le cadre dudit grief, la requérante n’a avancé aucun argument étayé à l’encontre des appréciations de la Commission selon lesquelles, d’une part, la compétitivité de l’entité à céder aurait été significativement dégradée, après sa dissociation du groupe Aurubis, du fait qu’elle ne fonctionnerait plus de manière verticalement intégrée avec Schwermetall et, d’autre part, le contrat d’approvisionnement et de services transitoire aurait été insuffisant pour permettre à l’entité à céder de fonctionner de manière viable et autonome par rapport à Schwermetall.

484 La requérante a d’ailleurs elle-même relevé, au point 158 de la requête, que la Commission avait « montré que Schwermetall approvisionnait Stolberg en bandes prélaminées et […] mis en évidence les possibles problèmes de viabilité posés par l’inclusion de Stolberg dans la mesure corrective proposée », auxquels la requérante prétend avoir remédié par l’exigence spécifique, imposée aux acquéreurs potentiels déclarés, d’assurer l’approvisionnement à long terme de l’entité à céder en bandes prélaminées.

485 Au surplus, il y a lieu de relever que, pour autant que, dans le cadre de la troisième branche du neuvième moyen, la requérante a remis en cause lesdites appréciations, l’ensemble de ses contestations doit être rejeté pour les motifs exposés aux points 525 à 575 ci-après.

486 Par conséquent, il y a lieu de rejeter la première branche du neuvième moyen, en ce qui concerne les effets anticoncurrentiels horizontaux imputables à la concentration en cause, comme étant non fondée.

487 Concernant les remèdes apportés par les troisièmes engagements proposés aux effets anticoncurrentiels verticaux imputables à cette même concentration, tout d’abord, la requérante reproche à la Commission, en renvoyant globalement aux arguments développés sous le huitième moyen, de ne pas avoir démontré l’existence des effets prétendument liés au fait que, après l’acquisition d’un contrôle exclusif sur Schwermetall, elle aurait été capable de mettre en œuvre une stratégie de verrouillage de l’accès aux bandes prélaminées pour évincer certaines de ses concurrentes du marché en cause et incitée à le faire. Ensuite, elle soutient avoir démontré, dans le cadre de la troisième branche du huitième moyen, que l’accès potentiel à des informations commerciales sensibles concernant certaines de ses concurrentes sur le marché en cause aurait été peu susceptible de lui conférer un avantage concurrentiel sur ce marché. En outre, la requérante reproche à la Commission d’être partie du principe que les troisièmes engagements proposés devaient permettre de remédier intégralement et de manière autonome à tous les effets anticoncurrentiels verticaux imputables à la concentration en cause, ce qui n’aurait pas été cohérent avec ses appréciations selon lesquelles lesdits effets auraient été accessoires par rapport aux effets anticoncurrentiels horizontaux imputables à celle-ci et auraient donc dû être analysés ensemble avec ces derniers. Enfin, la requérante soutient que les troisièmes engagements proposés étaient, en tout état de cause, suffisants pour répondre aux effets anticoncurrentiels verticaux imputables à la concentration en cause, tels que relevés par la Commission dans la décision attaquée.

488 À cet égard, pour autant que la requérante se fonde sur les arguments avancés à l’appui du huitième moyen, il convient de rappeler que, aux termes de l’examen dudit moyen, il a été constaté que la Commission avait établi à suffisance de droit, dans la décision attaquée, que les effets anticoncurrentiels verticaux de la concentration en cause, liés au contrôle exclusif que la requérante exercerait sur Schwermetall, renforceraient et amplifieraient l’entrave significative à l’exercice d’une concurrence effective résultant déjà des seuls effets anticoncurrentiels horizontaux imputables à celle-ci, en permettant à la requérante d’entraver le développement d’importantes concurrentes sur le marché en cause, en particulier sur le segment des produits laminés « haut de gamme », où la requérante concentrait ses activités et qui serait devenu encore plus concentré après la disparition d’ARP (voir point 459 ci-dessus).

489 En outre, dans la mesure où la requérante renvoie, en particulier, à la troisième branche du huitième moyen, il importe de rappeler que cette dernière a été intégralement rejetée (voir point 430 ci-dessus), de sorte que l’appréciation formulée par la Commission dans la décision attaquée selon laquelle l’accès de la requérante, après la concentration en cause, à des informations commerciales sensibles individualisées sur celles de ses concurrentes sur le marché en cause qui étaient également clientes de Schwermetall aurait concouru à lui donner la possibilité de restreindre le développement desdites concurrentes sur le marché en cause se trouve également confirmée.

490 Pour les motifs qui précèdent, il y a lieu de rejeter les griefs fondés sur les arguments que la requérante a avancés à l’appui du huitième moyen et, notamment, de la troisième branche de celui-ci.

491 Dans la mesure où la requérante reproche, en substance, à la Commission d’avoir apprécié de manière autonome si les troisièmes engagements proposés remédieraient intégralement aux effets anticoncurrentiels verticaux de la concentration en cause, il y a lieu de relever que, comme cela a déjà été indiqué au point 442 ci-dessus, dans la décision attaquée, la Commission a estimé que les effets anticoncurrentiels verticaux de la concentration en cause, en particulier ceux liés à la mise en œuvre d’une stratégie de verrouillage de l’accès aux bandes prélaminées, renforceraient et amplifieraient l’entrave significative à l’exercice d’une concurrence effective sur le marché en cause qui résultait déjà des seuls effets anticoncurrentiels horizontaux imputables à celle-ci, de sorte qu’ils n’avaient qu’un rôle accessoire.

492 Or, l’exigence d’une appréciation globale et coordonnée des troisièmes engagements proposés quant aux effets anticoncurrentiels, horizontaux et verticaux, de la concentration en cause ne se serait effectivement imposée à la Commission que si celle-ci avait constaté que l’entrave significative à l’exercice d’une concurrence effective sur le marché en cause aurait résulté, elle-même, de la combinaison de ces effets.

493 En l’espèce, la Commission a constaté, aux sections 7.3.3.1 et 7.3.3.2 de la décision attaquée, que, en l’absence de cession de l’actif clé correspondant aux 50 % détenus par Aurubis dans Schwermetall, les troisièmes engagements proposés étaient structurellement inadéquats pour éliminer intégralement l’entrave significative à l’exercice d’une concurrence effective identifiée à la section 6 de la décision attaquée et résultant des seuls effets anticoncurrentiels horizontaux de la concentration en cause et que, à supposer même que fussent pris en compte les actifs et les ressources des acquéreurs potentiels déclarés, il demeurait d’importantes incertitudes quant à la question de savoir si ceux-ci permettraient d’éliminer ladite entrave. Sur le fondement de ce seul constat, la Commission n’était donc pas habilitée à accepter les troisièmes engagements proposés, conformément au point 9 de la communication sur les mesures correctives, d’où il ressort que « [l]es engagements doivent résoudre entièrement les problèmes de concurrence […] et être complets et efficaces à tous points de vue ».

494 En revanche, dans une telle situation, rien n’empêchait la Commission de poursuivre son analyse en constatant, de manière autonome et complémentaire, que les troisièmes engagements proposés ne permettaient pas non plus de répondre aux effets anticoncurrentiels verticaux de la concentration en cause, qui seraient venus renforcer et amplifier l’entrave significative à l’exercice d’une concurrence effective résultant déjà des seuls effets anticoncurrentiels horizontaux de celle-ci.

495 Par conséquent, le présent grief doit également être rejeté comme étant non fondé.

496 Dans la mesure où la requérante reproche, en substance, à la Commission de ne pas avoir constaté que les troisièmes engagements proposés auraient intégralement remédié aux effets anticoncurrentiels verticaux de la concentration en cause, il convient de rappeler que, à la section 7.3.3.3 et, partant, aux considérants 921 à 930 de la décision attaquée, la Commission a observé que, de même que les deuxièmes engagements proposés, ces engagements ne prenaient pas en considération, ni, a fortiori, ne corrigeaient les effets anticoncurrentiels verticaux imputables à celle-ci, liés à l’acquisition, par elle, d’un contrôle exclusif sur Schwermetall et au fait qu’elle aurait eu la capacité d’augmenter les coûts de production de celles de ses concurrentes sur le marché en cause qui dépendaient de Schwermetall pour leurs approvisionnements en bandes prélaminées ainsi que l’incitation à le faire et qu’elle aurait eu accès à des informations commercialement sensibles individualisées concernant lesdites concurrentes. La Commission a constaté que le contrat d’approvisionnement et de services transitoire ne concernait pas les clients de Schwermetall sur le marché libre des bandes prélaminées et que rien, dans le dossier, ne lui permettait de conclure que Schwermetall serait conduite à augmenter ses ventes sur le marché libre des bandes prélaminées pour utiliser les capacités de production libérées par les usines de Stolberg et de Zutphen, après leur cession, poussant les prix à la baisse sur ledit marché.

497 Dans ces conditions, il y a lieu de rejeter le présent grief comme étant non fondé.

498 Par conséquent, il convient de rejeter également la première branche du neuvième moyen, en ce qui concerne les effets anticoncurrentiels verticaux de la concentration en cause, de sorte que ladite branche se trouve être intégralement rejetée.

2. Sur la deuxième branche du neuvième moyen

499 Par la deuxième branche du neuvième moyen, la requérante invoque une violation de l’obligation de diligence et du principe de bonne administration, par la Commission, dans l’analyse et l’élaboration des engagements successifs proposés au cours de la procédure administrative. Elle reproche à la Commission de l’avoir contrainte à renoncer aux premiers engagements proposés, prévoyant la cession des usines d’ARP de Zutphen et de Pori ainsi que des engagements comportementaux d’approvisionnement, en insistant sur la cession de l’usine d’ARP de Stolberg, tout en sachant qu’il ne s’agissait pas d’une solution satisfaisante, puisque non viable, dès lors que cette usine était dépendante de Schwermetall pour ses approvisionnements en bandes prélaminées. En effet, en réponse aux premiers engagements proposés, la Commission aurait clairement indiqué, dans la décision d’ouverture de la procédure d’examen approfondi, que des engagements comportementaux concernant Schwermetall étaient insuffisants et que des engagements structurels et la cession de l’usine de Stolberg étaient nécessaires pour résoudre les problèmes de concurrence identifiés sur le prétendu segment des produits laminés « haut de gamme ». Dans de telles circonstances, l’abandon des engagements comportementaux et l’engagement de céder l’usine de Stolberg ne pourraient être considérés comme résultant de son « propre choix », ainsi que le soutiendrait la Commission. Cette dernière ne pourrait prétendre, au point 191 du mémoire en défense, n’avoir découvert qu’au cours de la procédure d’examen approfondi la relation commerciale existant entre Schwermetall et l’usine de Stolberg, puisqu’il y aurait déjà été fait référence dans le formulaire CO.

500 La Commission réfute les arguments avancés par la requérante et conclut au rejet de la deuxième branche du neuvième moyen comme étant non fondée.

501 Pour autant que le présent moyen repose sur une prétendue violation du principe de bonne administration, il importe, tout d’abord, de rappeler que l’article 41 de la charte des droits fondamentaux de l’Union européenne, qui, en vertu de l’article 6, paragraphe 1, TUE, a la même valeur juridique que les traités, consacre le droit à une bonne administration. Selon la jurisprudence, l’administration est tenue, en vertu de ce principe, d’examiner avec soin et impartialité tous les éléments pertinents du cas d’espèce dont elle est saisie et de réunir tous les éléments de fait et de droit nécessaires à l’exercice de son pouvoir d’appréciation ainsi que d’assurer le bon déroulement et l’efficacité des procédures qu’elle met en œuvre (voir arrêt du 26 septembre 2014, B&S Europe/Commission, T 222/13, non publié, EU:T:2014:837, point 39 et jurisprudence citée).

502 En l’espèce, la requérante invoque une violation du principe de bonne administration, combiné à l’obligation de diligence qui incombe à la Commission, notamment dans les procédures en matière de concentrations.

503 À cet égard et selon une jurisprudence constante, dans les cas où les institutions de l’Union disposeraient d’un pouvoir d’appréciation, comme cela est le cas pour les appréciations économiques complexes dans le domaine du contrôle des concentrations (voir point 461 ci-dessus), le respect des garanties conférées par l’ordre juridique de l’Union dans les procédures administratives revêtirait une importance d’autant plus fondamentale. Parmi ces garanties figure, notamment, l’obligation pour l’institution compétente d’examiner, avec soin et impartialité, tous les éléments pertinents du cas d’espèce (voir arrêt du 7 mai 2009, NVV e.a./Commission, T 151/05, EU:T:2009:144, points 163 et 164 et jurisprudence citée).

504 Cependant, dans le domaine du contrôle des concentrations, l’exigence du respect, par la Commission, des garanties conférées par l’ordre juridique de l’Union dans les procédures administratives et, donc, également celle du respect de l’obligation de diligence doivent être interprétées de manière compatible avec l’impératif de célérité qui caractérise l’économie générale du règlement no 139/2004, lequel impose à la Commission de respecter des délais stricts lorsqu’elle exerce son pouvoir d’appréciation (voir arrêt du 7 mai 2009, NVV e.a./Commission, T 151/05, EU:T:2009:144, point 166 et jurisprudence citée).

505 En l’espèce, au cours de la phase d’examen préalable de la procédure administrative, la requérante a soumis à la Commission les premiers engagements proposés, aux fins de lever les doutes sérieux suscités par la concentration en cause. Comme il est prévu au point 83 de la communication sur les mesures correctives, la Commission a examiné ces engagements et informé la requérante, aux paragraphes 181 à 183 de la décision d’ouverture de la procédure d’examen approfondi, des raisons pour lesquelles elle considérait que ceux-ci n’étaient pas suffisants pour répondre à ses doutes sérieux sur les effets anticoncurrentiels imputables à la concentration en cause, en particulier parce que la cession des usines de Zutphen et de Pori n’aurait pas réglé le problème du recoupement des activités des parties à ladite concentration sur le segment « haut de gamme » du marché en cause (voir point 465 ci-dessus). Dans lesdits paragraphes, la Commission n’a pas évoqué la cession de l’usine de Stolberg. Dans le cadre du présent grief, la requérante n’a avancé aucun argument étayé pour contester ces appréciations de la Commission portant sur le caractère inadéquat des premiers engagements proposés.

506 Au cours de la procédure d’examen approfondi, la requérante a soumis à la Commission les deuxièmes et troisièmes engagements proposés, aux fins de remédier aux effets anticoncurrentiels de la concentration en cause relevés par cette dernière, lesquels incluaient la cession des usines de Zutphen et de Stolberg. Conformément au point 6 de la communication sur les mesures correctives, la Commission était tenue d’examiner ces engagements et d’informer la requérante de son appréciation préliminaire sur ceux-ci et elle n’avait d’autre choix que d’adopter une décision d’interdiction si elle constatait que lesdits engagements, bien que valablement soumis, n’étaient pas suffisants pour éliminer les problèmes de concurrence qu’elle avait relevés.

507 Après avoir soumis les troisièmes engagements proposés à la consultation des acteurs du marché, la Commission a informé la requérante que lesdits engagements, s’ils répondaient au premier problème de recoupement des activités des parties à la concentration en cause, tel qu’identifié, n’étaient pas suffisants pour remédier à l’ensemble des effets anticoncurrentiels horizontaux de ladite concentration, dans la mesure où il restait un second problème de concurrence, lié à la dépendance de l’entité à céder à l’égard des approvisionnements en bandes prélaminées de Schwermetall, qui n’était pas entièrement réglé par ceux-ci.

508 Pour autant que la requérante reproche à la Commission d’avoir exigé la cession de l’usine de Stolberg, en pleine connaissance du fait qu’une telle cession ne suffirait pas à éliminer les problèmes de concurrence qu’elle avait relevés, en raison de la dépendance de cette usine à l’égard des approvisionnements en bandes prélaminées de Schwermetall, il y a lieu, d’une part, de relever que, conformément au point 6 de la communication sur les mesures correctives, il appartient aux parties à la concentration concernée de proposer des engagements, la Commission n’étant pas en mesure de fixer ceux-ci unilatéralement.

509 Contrairement à ce que prétend la requérante, la soumission, par celle-ci, des deuxièmes et troisièmes engagements proposés, incluant la cession de l’usine de Stolberg, ne peut donc être analysée comme le résultat d’une contrainte exercée, sur elle, par la Commission. Il s’agissait plutôt de l’exercice, par la requérante, d’une faculté qui était à sa disposition pour tenter de résoudre des problèmes de concurrence, liés à la concentration en cause, auxquels les premiers engagements proposés n’avaient pas apporté de réponses suffisantes, et d’obtenir une décision d’autorisation de la Commission. En effet, dans la mesure où l’usine de Stolberg était active sur le segment « haut de gamme » du marché en cause, sa cession permettait de répondre au problème de recoupement des activités des parties à la concentration en cause sur ce même segment, comme la Commission l’a confirmé, en substance, aux considérants 804 à 807 de la décision attaquée.

510 D’autre part, le fait que la cession de l’usine de Stolberg n’était pas suffisante pour répondre à l’ensemble des problèmes de concurrence identifiés par la Commission ne suffit pas à considérer que cette dernière aurait manqué à son obligation de diligence, en laissant la requérante inclure cette mesure dans les deuxièmes et troisièmes engagements proposés, sinon même en l’incitant à le faire pour espérer obtenir une décision d’autorisation.

511 Premièrement, la cession de l’usine de Stolberg était un préalable nécessaire pour résoudre le premier problème de concurrence identifié par la Commission, lié au recoupement des activités des parties à la concentration en cause sur le segment « haut de gamme » du marché en cause.

512 Deuxièmement, le problème de concurrence lié à la dépendance de l’entité à céder à l’égard des approvisionnements en bandes prélaminées de Schwermetall n’était pas uniquement dû à l’inclusion de la cession de l’usine de Stolberg dans les deuxièmes et troisièmes engagements proposés, puisqu’il se posait également, bien que dans une moindre mesure, à l’égard de l’usine de Zutphen, dont la cession était déjà prévue dans les premiers engagements proposés.

513 Troisièmement, la Commission indique n’avoir découvert l’étendue et l’importance de la dépendance des usines de Stolberg et de Zutphen à l’égard des approvisionnements en bandes prélaminées de Schwermetall qu’au cours de la procédure d’examen approfondi, au vu, notamment, de documents internes d’ARP, la requérante ne lui ayant fourni toutes les informations pertinentes, nécessaires et circonstanciées à cet égard, au sens du point 7 de la communication sur les mesures correctives, que dans le formulaire RM portant sur les deuxièmes engagements proposés.

514 Certes, un document interne d’ARP, joint dans l’annexe A.53 du formulaire CO et cité au considérant 810 de la décision attaquée, contenait des estimations sur les volumes de bandes prélaminées qui seraient respectivement livrés aux usines de Stolberg et de Zutphen, par Schwermetall, en 2018-2019, lesquelles ont été reprises au paragraphe 505 de la communication des griefs.

515 Cependant, ces informations n’étaient pas aussi précises que celles, distribuées par groupes d’alliages, pour l’année 2017, qui ont été communiquées ultérieurement à la Commission, au point 181 du formulaire RM portant sur les troisièmes engagements proposés, et qui ont été reprises dans le tableau no 29 inséré au considérant 810 de la décision attaquée, lesquelles ont permis à la Commission de mieux comprendre l’étendue et l’importance de la dépendance des usines de Stolberg et de Zutphen à l’égard des approvisionnements en bandes prélaminées de Schwermetall.

516 Compte tenu de l’impératif de célérité qui caractérise l’économie générale du règlement no 139/2004, la Commission doit respecter des délais stricts et ne peut prendre en compte que des informations dont elle dispose au moment où elle doit exercer son pouvoir d’appréciation. Le fait qu’elle adapte ou affine ses appréciations en fonction des nouvelles informations qui lui sont transmises au cours de la procédure administrative ne peut donc être analysé comme un manquement, de sa part, à son obligation d’examiner avec soin et impartialité tous les éléments pertinents du cas d’espèce pour effectuer ses appréciations, notamment en ce qui concerne le caractère approprié des engagements qui lui ont été soumis.

517 Quatrièmement, l’appréciation selon laquelle les deuxièmes et troisièmes engagements proposés ne permettaient pas de résoudre entièrement le problème de dépendance de l’entité à céder à l’égard des approvisionnements en bandes prélaminées de Schwermetall reposait notamment sur le constat, formulé au considérant 818 de la décision attaquée, que, en l’absence de cession de l’actif clé correspondant aux 50 % détenus par Aurubis dans Schwermetall, les deuxièmes et troisièmes engagements proposés auraient été structurellement inadéquats pour éliminer l’entrave significative à l’exercice d’une concurrence effective identifiée à la section 6 de la décision attaquée. Dans cette mesure, le rejet de ces engagements ne peut être imputé à un manquement de la Commission à son obligation d’examiner avec soin et impartialité tous les éléments pertinents pour leur évaluation, mais, plutôt, au contenu insuffisant desdits engagements.

518 Cinquièmement, comme l’observe à bon droit la Commission, les deuxièmes et troisièmes engagements proposés ont également été rejetés, ainsi que cela ressort de la section 7.3.3.3 de la décision attaquée, au motif qu’ils ne répondaient pas aux effets anticoncurrentiels verticaux imputables à la concentration en cause qui avaient été relevés dans la décision attaquée et confirmés au cours de la procédure d’examen approfondi, comme il est indiqué au considérant 929 de ladite décision, lesquels auraient renforcé ou aggravé l’entrave significative à l’exercice d’une concurrence effective qui résultait déjà des effets anticoncurrentiels horizontaux imputables à celle-ci.

519 Certes, la requérante a prétendu que la cession de l’entité à céder aurait remédié aux effets anticoncurrentiels verticaux de la concentration en cause, résultant de la possibilité et de l’incitation qu’elle aurait prétendument eues d’exercer son contrôle exclusif sur Schwermetall afin d’augmenter les coûts de production de celles de ses concurrentes sur le marché en cause qui s’approvisionnaient en bandes prélaminées auprès de Schwermetall. Selon elle, dans la mesure où l’entité à céder aurait bénéficié de sources d’approvisionnement de remplacement, Schwermetall se serait retrouvée avec des capacités de production libres qu’elle aurait dû utiliser en vendant davantage de bandes prélaminées sur le marché libre, poussant les prix à la baisse sur ce marché.

520 Or, d’une part, cela n’aurait pas remédié à l’effet anticoncurrentiel vertical de la concentration en cause résultant de l’accès de la requérante à des informations commercialement sensibles individualisées concernant celles de ses concurrentes sur le marché en cause qui dépendaient de Schwermetall pour leurs approvisionnements en bandes prélaminées.

521 D’autre part, comme la Commission l’a constaté à la section 7.3.3.2 de la décision attaquée, dans leurs déclarations d’intérêt, les acquéreurs potentiels déclarés avaient confirmé vouloir poursuivre la relation commerciale entre les usines de Stolberg ou de Zutphen et Schwermetall, et ce même après la période d’exécution du contrat d’approvisionnement et de services transitoire, et la consultation des acteurs du marché sur les troisièmes engagements proposés avait également confirmé que la poursuite d’une telle relation était probable. Ainsi, la Commission ne pouvait avoir aucune certitude quant au fait que, après la cession de l’entité à céder, Schwermetall disposerait, à court terme, de capacités de production de bandes prélaminées libres qu’elle ne pouvait utiliser qu’en vendant davantage de bandes prélaminées sur le marché libre.

522 Ainsi, l’effet indirect mentionné par la requérante dans ses écritures, tel que cela est rappelé au point 519 ci-dessus, n’était pas avéré et, au demeurant, n’avait nullement été mentionné, par celle-ci, dans le formulaire RM portant sur les troisièmes engagements proposés.

523 Au vu de l’ensemble des appréciations qui précèdent, aucune violation, par la Commission, de l’obligation de diligence et du principe de bonne administration ne peut être relevée, en l’espèce, dans le cadre de l’analyse et de l’élaboration des engagements successifs proposés au cours de la procédure administrative.

524 Pour ces motifs, il convient de rejeter la deuxième branche du neuvième moyen comme étant non fondée.

3. Sur la troisième branche du neuvième moyen

525 Par la troisième branche du neuvième moyen, la requérante dénonce une absence de justification et le caractère disproportionné des appréciations, figurant à la section 7.3.3 et, partant, aux considérants 801 à 930 de la décision attaquée, selon lesquelles, en l’absence de cession de l’actif clé correspondant aux 50 % détenus par Aurubis dans Schwermetall, l’entité à céder était structurellement inadéquate pour éliminer l’entrave significative à l’exercice d’une concurrence effective identifiée à la section 6 de la décision attaquée et résultant de l’élimination de la contrainte concurrentielle importante exercée, sur elle, par ARP ou de la création d’une position dominante occupée, par elle, sur le marché en cause.

526 La troisième branche du neuvième moyen est composée, en substance, de deux sous-branches.

a) Sur la première sous-branche de la troisième branche du neuvième moyen

527 Dans le cadre de la première sous-branche de la troisième branche du neuvième moyen, la requérante reproche à la Commission d’avoir, à la section 7.3.3.1 et, plus précisément, aux considérants 803 à 818 de la décision attaquée, effectué une appréciation insuffisante et biaisée en constatant que, avant la concentration en cause, les 50 % détenus par Aurubis dans Schwermetall étaient un élément essentiel et crucial pour la viabilité et la compétitivité de l’usine d’ARP de Stolberg et un élément important pour celles de l’usine d’ARP de Zutphen.

528 Selon elle, après la séparation de Schwermetall des usines d’ARP de Zutphen et de Stolberg, la viabilité et la compétitivité de celles-ci auraient été suffisamment garanties par les engagements comportementaux complémentaires proposés, tels que mentionnés aux considérants 753 à 757 de la décision attaquée, à savoir, premièrement, l’engagement unilatéral, de sa part, de conclure le contrat d’approvisionnement et de services transitoire, deuxièmement, l’exigence spécifique d’assurer l’approvisionnement à long terme de l’entité à céder en bandes prélaminées et, troisièmement, la clause de l’« acquéreur initial », en vertu de laquelle la concentration en cause ne pourrait être réalisée avant que la vente de l’entité à céder ne soit finalisée avec un ou plusieurs acquéreurs approuvés par la Commission et les trois acquéreurs potentiels déclarés, à savoir Sofia Med, GBC et KME (devenue KME/MKM), qui auraient été aptes à approvisionner l’entité à céder en bandes prélaminées.

529 La requérante estime que, contrairement à ce que la Commission a prétendu aux considérants 818 à 834 de la décision attaquée et comme il est indiqué au point 164 de la requête, l’entité à céder comprenait des usines bien équipées technologiquement, avec des gammes de produits intéressantes, capables de fonctionner de manière autonome et durable, une partie seulement des bandes prélaminées utilisées par celles-ci provenant de Schwermetall et la transition pouvant être assurée, d’abord, par le contrat d’approvisionnement et de services transitoire, puis, par l’un ou l’autre des acquéreurs potentiels déclarés, qui auraient disposé de suffisamment de temps pour trouver d’autres fournisseurs ou pour accroître leurs propres capacités de production de bandes prélaminées, comme cela avait été confirmé par certains acteurs du marché mentionnés au considérant 838 de la décision attaquée. Contrairement à ce que prétendrait la Commission, elle aurait toujours soutenu que l’usine d’ARP de Stolberg avait une « activité autonome » viable. Les prix avantageux que Schwermetall aurait facturés à ARP auraient été des prix de transfert établis suivant une logique de répartition du bénéfice au sein du groupe Aurubis, qui n’auraient eu aucune pertinence d’un point de vue économique et n’auraient pas pu être comparés à des prix de marché, au considérant 814 de la décision attaquée. La Commission n’aurait pas expliqué les raisons pour lesquelles certains clients industriels pensaient que Diehl et Kemper étaient des concurrentes plus proches de la requérante qu’ARP, dès lors que les avantages tarifaires dont cette dernière bénéficiait auraient été limités, notamment ceux liés à l’approvisionnement en bandes prélaminées en AHP, comme en aurait témoigné sa faible part de marché sur le sous-segment des produits laminés en AHP.

530 La Commission réfute les arguments de la requérante et conclut au rejet de la première sous-branche de la troisième branche du neuvième moyen comme étant non fondée.

531 Tout d’abord, la requérante soutient que les usines d’ARP de Zutphen et de Stolberg, comprises dans l’entité à céder, étaient bien équipées sur le plan technologique et disposaient de gammes de produits intéressantes, en particulier sur le prétendu segment « haut de gamme » du marché en cause.

532 La Commission n’a pas contesté cet état de fait, qu’elle a même reconnu aux considérants 805 et 806 de la décision attaquée.

533 Si, dans la décision attaquée, elle n’a pas constaté que l’entité à céder avait une activité viable et autonome, c’est pour un motif différent, exposé au considérant 807 de cette même décision, tenant au fait qu’elle n’avait pas la certitude que l’acquéreur potentiel de cette entité serait capable de lui fournir des bandes prélaminées en quantité suffisante et à des conditions suffisamment concurrentielles une fois que celle-ci aurait été dissociée de Schwermetall, avec laquelle elle fonctionnait, jusqu’alors, de manière verticalement intégrée.

534 Ainsi, le présent grief doit être rejeté comme étant non fondé.

535 La requérante fait également grief à la Commission de ne pas avoir constaté que, comme elle l’avait déjà indiqué au point 2, sous h), et aux points 75 à 85 du formulaire RM portant sur les troisièmes engagements proposés, les usines de Zutphen et de Stolberg auraient été capables de fonctionner de manière autonome et durable. En réponse aux arguments de la Commission, la requérante a observé que seule une partie des bandes prélaminées utilisées par ces usines provenait de Schwermetall. En outre, la viabilité desdites usines aurait été suffisamment garantie par les engagements comportementaux complémentaires proposés dans les troisièmes engagements proposés, la transition pouvant être assurée, d’abord, par le contrat d’approvisionnement et de services transitoire, puis, par l’un ou l’autre des acquéreurs potentiels déclarés, à savoir Sofia Med, GBC ou KME (devenue KME/MKM), qui auraient tous satisfait à l’exigence spécifique d’assurer l’approvisionnement à long terme de l’entité à céder en bandes prélaminées et disposé de suffisamment de temps pour trouver d’autres fournisseurs ou pour accroître leurs propres capacités de production de bandes prélaminées, comme certains acteurs du marché l’auraient confirmé, ainsi que par la clause de l’« acquéreur initial », qui empêchait que la concentration en cause ne fût mise en œuvre avant qu’un acquéreur approprié ne fût trouvé.

536 La Commission estime avoir conclu à juste titre, dans la décision attaquée, que l’entité à céder n’avait pas une activité viable et autonome.

537 À cet égard, si, au point 2, sous h), et aux points 75 à 85 du formulaire RM portant sur les troisièmes engagements proposés, la requérante a soutenu que l’entité à céder était viable et autonome, elle n’a pas nié que les usines de Stolberg et de Zutphen étaient dépendantes de Schwermetall pour leurs approvisionnements en bandes prélaminées. Comme cela a déjà été observé au point 484 ci-dessus, la requérante a elle-même reconnu, au point 158 de la requête, « les possibles problèmes de viabilité posés par l’inclusion de Stolberg dans la mesure corrective proposée », en raison de ladite dépendance.

538 En particulier, la requérante n’a pas contesté les appréciations de la Commission, formulées au considérant 811 de la décision attaquée, selon lesquelles, d’une part, l’usine de Stolberg s’approvisionnait auprès de Schwermetall pour l’intégralité de ses bandes prélaminées, y compris celles en AHP, en cuivre pur, en laiton et en bronze, et, d’autre part, celle de Zutphen s’approvisionnait en bandes prélaminées auprès de Schwermetall pour la fabrication de ses produits laminés en pur cuivre et microalliés, lesquels représentaient [25-30] % de ses ventes dans l’EEE.

539 Certes, la requérante a prétendu, au point 84 du formulaire RM portant sur les troisièmes engagements proposés, que le problème de dépendance des usines de Stolberg et de Zutphen à l’égard des approvisionnements de Schwermetall aurait été résolu par l’exigence spécifique d’assurer l’approvisionnement à long terme de l’entité à céder en bandes prélaminées, à laquelle les acquéreurs potentiels devaient répondre pour être considérés comme étant appropriés.

540 À cet égard, il y a lieu de relever que, si, dans les troisièmes engagements proposés, la requérante avait suivi la méthode de l’« acquéreur initial » plutôt que celle du « règlement préalable », elle avait néanmoins identifié plusieurs acquéreurs potentiels déclarés, à savoir Sofia Med et GBC, puis également KME, qui, selon elle, répondaient à l’exigence spécifique d’assurer l’approvisionnement à long terme de l’entité à céder en bandes prélaminées (voir point 471 ci-dessus).

541 Or, comme la Commission l’a constaté, à la section 7.3.3.2 de la décision attaquée, les acquéreurs potentiels déclarés, dans leurs déclarations d’intérêt, avaient tous confirmé vouloir poursuivre la relation commerciale existant entre les usines de Stolberg et de Zutphen, d’une part, et Schwermetall, d’autre part, et ce même après l’expiration du contrat d’approvisionnement et de services transitoire, et la consultation des acteurs du marché sur les troisièmes engagements proposés avait confirmé que la poursuite de cette relation était probable.

542 Ainsi, l’exigence spécifique d’assurer l’approvisionnement à long terme de l’entité à céder en bandes prélaminées ne garantissait pas qu’il serait possible, en pratique, de trouver un acquéreur potentiellement capable d’exploiter l’entité à céder de manière autonome par rapport à Schwermetall.

543 Elle ne garantissait pas non plus que la solution de remplacement dont bénéficierait l’entité à céder serait équivalente à celle offerte par Schwermetall et n’affecterait pas sa viabilité et sa compétitivité.

544 En particulier, comme la Commission l’a constaté aux considérants 345 et 814 de la décision attaquée, compte tenu des conditions préférentielles dont bénéficiait l’entité à céder lorsqu’elle s’approvisionnait en bandes prélaminées auprès de Schwermetall, celle-ci disposait, au minimum, d’un avantage de coûts de 8 à 15 % par rapport à ses concurrentes qui s’approvisionnaient sur le marché libre. Cet avantage, en matière de coûts de revient, de même que d’autres avantages liés à la qualité, à la gamme d’alliages disponibles, à l’innovation, aux coûts de transport réduits et aux livraisons à flux tendus, liés aux approvisionnements et aux services de traitement à façon fournis par Schwermetall, auraient été perdus, ce qui, selon une large majorité de clients industriels ayant répondu au questionnaire de consultation sur les troisièmes engagements proposés, aurait affecté la compétitivité de l’entité à céder.

545 La requérante soutient que les prix facturés par Schwermetall à l’entité à céder étaient dépourvus de toute pertinence, sur le plan économique, dans la mesure où il s’agissait de prix de transfert, fixés aux fins d’optimiser l’allocation des bénéfices réalisés au sein du groupe Aurubis, et qui n’étaient pas comparables à des prix de marché.

546 Cet argument est lui-même dépourvu de toute pertinence, dès lors que, indépendamment du but qui était poursuivi par le groupe Aurubis dans la facturation, par Schwermetall, à l’entité à céder, des bandes prélaminées à prix coûtant, voire même un peu en dessous de ce prix, une telle facturation avait effectivement pour effet de conférer à ladite entité, sur le marché en cause, un avantage concurrentiel, en matière de coûts de revient, par rapport à ses concurrentes qui s’approvisionnaient aux prix de marché sur le marché libre.

547 La requérante soutient également que le fait que certains clients industriels pensaient que Diehl et Kemper étaient des concurrentes plus proches de la requérante qu’ARP attestait que les avantages tarifaires dont bénéficiait l’entité à céder n’avaient pas été déterminants, sur le plan concurrentiel, notamment sur le sous-segment des produits laminés en AHP, sur lequel ARP ne détenait qu’une faible part de marché.

548 À cet égard, il suffit de constater que l’examen de la deuxième branche du cinquième moyen (voir points 126 à 138 ci-dessus) n’a pas permis de remettre en cause le bien-fondé des appréciations formulées par la Commission à la section 6.3.2.1 de la décision attaquée, selon lesquelles, avant la concentration en cause, les parties à celle-ci étaient d’importantes et proches concurrentes, en particulier sur le segment « haut de gamme » du marché en cause, notamment en raison du fait, relevé au considérant 345 de la décision attaquée, qu’ARP disposait d’un avantage de coût par rapport à celles de ses concurrentes qui s’approvisionnaient en bandes prélaminées, sur le marché libre, auprès de Schwermetall.

549 Partant, il convient de rejeter le présent grief comme étant non fondé.

550 Pour ces motifs, il y a lieu de rejeter la première sous-branche de la troisième branche du neuvième moyen comme étant non fondée. Il s’ensuit que la requérante n’a pas réussi à remettre en cause, dans le cadre du présent recours, l’appréciation formulée par la Commission, à la section 7.3.3.1 et, plus précisément, aux considérants 803 à 818 de la décision attaquée, selon laquelle, avant la concentration en cause, les 50 % détenus par Aurubis dans Schwermetall constituaient un élément essentiel et crucial pour la viabilité et la compétitivité de l’usine d’ARP de Stolberg et un élément important pour celles de l’usine d’ARP de Zutphen, qui étaient comprises dans l’entité à céder.

b) Sur la seconde sous-branche de la troisième branche du neuvième moyen

551 Dans le cadre de la seconde sous-branche de la troisième branche du neuvième moyen, la requérante critique, comme n’étant ni justifiées ni proportionnées, les appréciations formulées par la Commission, à la section 7.3.3.2 et, partant, aux considérants 845 à 865 de la décision attaquée, selon lesquelles, en l’absence de conclusion d’un accord de vente et d’achat de l’entité à céder entre la requérante et l’un des acquéreurs potentiels déclarés ou d’engagement clair de la requérante, envers l’un ou l’autre d’entre eux, de lui vendre ladite entité, elle ne pouvait pas tenir compte des ressources de ces acquéreurs aux fins d’évaluer si les troisièmes engagements proposés étaient suffisants pour remédier aux effets anticoncurrentiels imputables à la concentration en cause.

552 Aux considérants 845 à 865 de la décision attaquée, la Commission a exposé les conditions qui devaient être remplies pour qu’elle puisse accepter des engagements qui reposaient sur la cession d’une activité, lorsque ceux-ci n’incluaient pas un actif clé pour la viabilité et la compétitivité de cette activité, comme cela était, en l’espèce, le cas des 50 % détenus par Aurubis dans Schwermetall, en raison de la dépendance des usines de Zutphen et, surtout, de Stolberg à l’égard des bandes prélaminées et des services de traitement à façon fournis par Schwermetall.

553 La Commission a indiqué que, d’une manière générale et comme cela ressortait des points 54 et 55 de la communication sur les mesures correctives, la méthode de l’« acquéreur initial » visait à accélérer le transfert de l’activité à céder, en elle-même viable, dans les cas où celui-ci se heurtait à des obstacles sérieux, tels que les droits de parties tierces, ou lorsque des risques sérieux, tels que le départ possible de salariés essentiels pour ladite activité, pesaient sur le maintien de la compétitivité ou de la négociabilité de cette même activité pendant la période transitoire jusqu’à la cession, et ce en incitant les parties, afin de pouvoir clore leur opération, à lever ces obstacles ou à écarter ces risques le plus vite possible. En revanche, ainsi qu’il ressortait du point 57 de la communication sur les mesures correctives, la méthode du « règlement préalable » était requise lorsque l’activité à céder n’était pas viable et compétitive en tant que telle et ne pourrait l’être que grâce à certains actifs de l’acquéreur. La clause de l’« acquéreur initial » ne permettait pas, par elle-même, de résoudre ce problème de viabilité et ne pouvait donc être considérée comme étant équivalente à la méthode du « règlement initial » dans un cas où, comme en l’espèce, les autres mesures proposées dans les engagements n’étaient pas non plus suffisantes pour résoudre ledit problème.

554 Enfin, la Commission a indiqué, à titre surabondant et au vu des appréciations figurant aux considérants 866 à 920 de la décision attaquée, que, même en tenant compte des ressources des acquéreurs potentiels déclarés, pris séparément ou ensemble, elle n’aurait pas eu de certitude suffisante quant au fait que ceux-ci auraient été appropriés pour reprendre l’entité à céder, dans la mesure où aucun d’entre eux n’aurait eu la capacité à maintenir et à développer cette entité de manière viable et autonome sur le marché en cause ainsi que l’incitation à le faire et qu’ils auraient probablement maintenu les relations commerciales établies avec Schwermetall, et ce même après l’expiration du contrat d’approvisionnement et de services transitoire. La question n’aurait donc pas été de savoir si les acquéreurs potentiels déclarés auraient pu exploiter l’entité à céder, mais s’ils auraient pu le faire en toute autonomie par rapport à Schwermetall. La méthode de l’« acquéreur initial » n’aurait pas été appropriée, dans ce contexte, car elle aurait potentiellement pu conduire au maintien d’une longue incertitude concernant la faisabilité de la concentration en cause, faute d’assurances suffisantes sur l’existence d’acquéreurs appropriés pour remédier aux effets anticoncurrentiels de celle-ci, contrairement au principe de sécurité juridique, qui était rappelé au considérant 25 du règlement no 139/2004, ainsi qu’au principe selon lequel elle devait avoir une certitude suffisante quant au fait que les engagements proposés pourraient être pleinement mis en œuvre, qui était énoncé au point 14 de la communication sur les mesures correctives.

555 Dans le cadre de la seconde sous-branche de la troisième branche du neuvième moyen, la requérante avance trois griefs.

556 Par le premier grief, la requérante soutient que, contrairement à ce que la Commission a indiqué dans le cadre de la motivation principale retenue au considérant 865 de la décision attaquée, celle-ci aurait dû tenir compte des ressources des acquéreurs potentiels déclarés dans le cadre de son évaluation des troisièmes engagements proposés.

557 La requérante soutient que, contrairement à ce que la Commission a indiqué dans la décision attaquée, celle-ci aurait dû tenir compte des possibilités d’approvisionnement de remplacement assurées par la clause de l’« acquéreur initial » et par l’exigence spécifique d’assurer l’approvisionnement à long terme de l’entité à céder en bandes prélaminées. La solution du « règlement préalable » n’aurait pas été indispensable, contrairement à ce qu’aurait prétendu la Commission. Cette dernière aurait dû tenir compte des ressources des acquéreurs potentiels déclarés, comme elle l’aurait fait dans de précédentes décisions, conformément au point 30 de la communication sur les mesures correctives et aux prévisions du règlement no 139/2004. La Commission n’aurait pas pu lui reprocher l’absence d’un acquéreur clairement identifié, puisque chacun des acquéreurs potentiels déclarés lui aurait soumis des analyses de rentabilité de l’entité à céder et que la viabilité de cette entité aurait été assurée par la clause de l’« acquéreur initial » et par l’exigence spécifique d’assurer l’approvisionnement à long terme de celle-ci en bandes prélaminées. Les points 50 et 57 de la communication sur les mesures correctives reconnaîtraient que la clause de l’« acquéreur initial » serait généralement équivalente à la solution du « règlement amiable » et acceptable. Il n’aurait pas suffi que la Commission prétendît, en l’espèce, que l’entité à céder était structurellement inappropriée, car, globalement considérés, les deuxièmes et troisièmes engagements proposés auraient garanti que la réalisation de la concentration en cause fût conditionnée à une cession viable de cette entité, tout risque d’échec étant supporté par elle-même. Par conséquent, il n’y aurait jamais eu de risque d’atteinte à la concurrence entre le moment de la réalisation de la concentration en cause et celui de la mise en œuvre des engagements proposés.

558 La Commission réfute les arguments de la requérante et conclut au rejet du premier grief comme étant non fondé.

559 À titre liminaire, il convient de relever que, même si la Commission a tenu compte, aux considérants 866 à 920 de la décision attaquée, des ressources des acquéreurs potentiels déclarés, aux fins de savoir si celles-ci pouvaient compenser et compenseraient effectivement l’absence d’inclusion d’un actif clé, correspondant aux 50 % détenus par Aurubis dans Schwermetall, dans l’entité à céder aux termes des troisièmes engagements proposés, cela ne suffit pas à considérer que les arguments soulevés à cet égard par la requérante, dans le cadre du présent grief, sont pleinement opérants. En effet, cette prise en compte des ressources des acquéreurs potentiels déclarés relève d’une motivation qui a été avancée à titre subsidiaire, comme cela ressort du considérant 862 de ladite décision, laquelle ne devrait être prise en compte et examinée au fond, par le Tribunal, que dans l’hypothèse où celui-ci constaterait que la motivation principale est erronée.

560 Pour ces motifs, il y a lieu de commencer par examiner si la Commission était fondée à affirmer, à titre de motivation principale, qu’elle n’avait pas à tenir compte des ressources d’acquéreurs potentiels, y compris celles des acquéreurs potentiels déclarés, dans son analyse des troisièmes engagements proposés.

561 Tout d’abord, la requérante estime que la Commission n’était pas fondée à lui reprocher, au considérant 851 de la décision attaquée, de ne pas avoir clairement identifié un acquéreur pour l’entité à céder, alors que chacun des acquéreurs potentiels déclarés lui avait soumis une lettre de déclaration d’intérêt contenant des analyses portant sur la rentabilité de l’entité à céder.

562 À cet égard et comme il ressort d’une lecture combinée des points 10 et 30 de la communication sur les mesures correctives, le principe applicable, lorsque les engagements proposés reposent sur la cession d’une activité, est que cette dernière soit viable en tant que telle, de sorte que les ressources d’un acquéreur futur ou éventuel, voire présumé, n’aient pas à être prises en considération. À titre d’exception, de telles ressources sont prises en compte lorsqu’un accord de vente et d’achat de l’activité à céder a déjà été conclu avec un acquéreur identifié au cours de la procédure administrative devant la Commission. En outre, comme cela ressort du considérant 850 de la décision attaquée, la Commission a déjà accepté, par exemple dans sa décision dans l’affaire M.7278 – General Electric/Alstom (Thermal Power – Renewable Power & Grid Business), d’étendre cette exception, par analogie, à une situation dans laquelle les parties à une opération de concentration s’étaient engagées unilatéralement à céder l’activité à un acquéreur préalablement identifié, en suspendant la réalisation de l’opération à ladite cession.

563 En l’espèce, comme l’a relevé à bon droit la Commission, au considérant 851 de la décision attaquée, la requérante n’avait ni conclu d’accord de vente et d’achat de l’entité à céder avec l’un ou l’autre des acquéreurs potentiels déclarés, ni ne s’était clairement engagée, envers l’un d’entre eux, à lui vendre cette entité. Ce constat n’est pas modifié par le fait que lesdits acquéreurs avaient soumis à la Commission une lettre de déclaration d’intérêt contenant des analyses portant sur la rentabilité de l’entité à céder. En effet, de telles déclarations n’avaient aucun effet contraignant ni pour lesdits acquéreurs, ni pour la requérante, et ne garantissaient pas à la Commission que ceux-ci s’étaient déjà juridiquement engagés, au cours de la procédure administrative, à acquérir l’entité à céder.

564 Pour autant que la requérante renvoie à d’autres décisions dans lesquelles la Commission a appliqué, par analogie, le point 30 de la communication sur les mesures correctives, en particulier à la décision dans l’affaire M.7278 – General Electric/Alstom (Thermal Power – Renewable Power & Grid Business), celle-ci n’indique pas en quoi la situation de l’espèce était comparable à celle qui était à l’origine de ces décisions et qui aurait justifié de tenir compte, dans celles-ci, des ressources d’acquéreurs potentiels déclarés.

565 Aussi, c’est à bon droit que la Commission a considéré, au considérant 851 de la décision attaquée, que la situation de l’espèce ne correspondait pas, ni même n’était analogue, à celle envisagée au point 30 de la communication sur les mesures correctives, qui impliquait de tenir compte des ressources de tout acquéreur qui aurait été clairement identifié dans un accord de vente et d’achat de l’activité à céder ou dans un engagement unilatéral des parties à l’opération de concentration de céder cette activité, en suspendant ladite opération à ladite cession, qui avait été adopté au cours de la procédure administrative.

566 Il y a donc lieu de rejeter le présent argument comme étant non fondé.

567 Ensuite, la requérante reproche à la Commission de ne pas avoir constaté, aux considérants 851, 856 et 861 de la décision attaquée, que la méthode fondée sur la clause de l’« acquéreur initial » et sur l’exigence spécifique d’assurer l’approvisionnement à long terme de l’entité à céder en bandes prélaminées, suivie dans les troisièmes engagements proposés pour justifier le caractère approprié des acquéreurs potentiels déclarés, était équivalente à celle du « règlement préalable » et impliquait donc également de tenir compte des ressources desdits acquéreurs.

568 Comme cela est indiqué au point 57 de la communication sur les mesures correctives, auquel renvoie le point 30 de cette même communication, la Commission est favorable à la méthode du « règlement préalable » lorsque l’identité de l’acquéreur est essentielle à l’efficacité des engagements proposés, notamment dans les cas où seul un nombre très restreint d’acquéreurs potentiels peuvent être jugés appropriés, eu égard notamment au fait que l’activité cédée n’est pas viable en tant que telle et ne pourra l’être que grâce à certains actifs de l’acquéreur. Cependant, la dernière phrase dudit point indique également que, dans ces situations, la solution de « l’acquéreur initial » contenant des exigences spécifiques pour l’acquéreur approprié est généralement considérée comme équivalente et acceptable.

569 Pour autant, c’est à bon droit que la Commission relève qu’il ne découle pas de la dernière phrase du point 57 de la communication sur les mesures correctives que la solution de « l’acquéreur initial » contenant des exigences spécifiques pour l’acquéreur approprié devrait systématiquement être considérée comme étant équivalente à celle du « règlement préalable » et généralement acceptable.

570 En particulier, une telle équivalence ne peut pas être reconnue lorsque l’activité à céder est structurellement inadéquate pour répondre aux effets anticoncurrentiels de l’opération de concentration, en ce sens que sa viabilité ne dépend pas de certains actifs qui pourraient éventuellement lui être apportés par des acquéreurs qui, conformément aux exigences types énoncées au point 48 de la communication sur les mesures correctives, seraient indépendants des parties à ladite opération. En effet, comme l’indique à bon droit la Commission aux considérants 857, 858 et 860 de la décision attaquée, la solution de « l’acquéreur initial » vise surtout à faire pression sur le cessionnaire pour qu’il accélère la cession, dans des situations dans lesquelles la faisabilité de la cession ou la viabilité de l’activité à céder dépend de contraintes extérieures, qu’il convient de lever rapidement, telles que l’obtention d’autorisation auprès des autorités ou l’accès à certains actifs détenus par les acquéreurs potentiels de cette activité.

571 Or, en l’espèce, la Commission avait clairement indiqué, en renvoyant, au considérant 861 de la décision attaquée, aux considérants 803 à 844 de cette même décision, les raisons pour lesquelles elle considérait que l’entité à céder était structurellement inadéquate pour répondre aux effets anticoncurrentiels de la concentration en cause, faute d’inclusion des 50 % détenus par Aurubis dans Schwermetall dans l’entité à céder.

572 Ainsi qu’il ressort du point 550 ci-dessus, la requérante n’a pas réussi à remettre en cause, dans le cadre du présent recours, l’appréciation de la Commission selon laquelle les 50 % détenus par Aurubis dans Schwermetall, non inclus dans le périmètre de l’entité à céder, constituaient un élément essentiel et crucial pour la viabilité et la compétitivité de l’usine de Stolberg et un élément important pour celles de l’usine de Zutphen, qui entraient dans ledit périmètre, en l’absence duquel elle n’avait pas de certitude suffisante quant au fait qu’un acquéreur potentiel de cette entité serait capable de concurrencer effectivement la requérante et incité à le faire, après la concentration en cause, dans la mesure où il aurait probablement été amené à maintenir les relations commerciales établies avec Schwermetall, et ce même après l’expiration du contrat d’approvisionnement et de services transitoire.

573 Dans ces conditions, c’est également à bon droit que la Commission a conclu que la méthode suivie dans les troisièmes engagements proposés n’était pas équivalente à celle du « règlement préalable » et qu’elle n’avait donc pas à tenir compte des ressources d’acquéreurs potentiels, y compris celles des acquéreurs potentiels déclarés.

574 Pour l’ensemble de ces motifs, il y a lieu de rejeter le premier grief comme étant non fondé.

575 La motivation principale retenue par la Commission dans la décision attaquée se trouve ainsi validée.

576 Selon une jurisprudence constante, les griefs dirigés contre des motifs surabondants d’une décision du Tribunal ne sauraient entraîner l’annulation de cette décision et sont donc inopérants (voir ordonnance du 9 mars 2007, Schneider Electric/Commission, C 188/06 P, non publiée, EU:C:2007:158, point 64 et jurisprudence citée).

577 Or, les deuxième et troisième griefs sont dirigés contre la motivation subsidiaire avancée par la Commission, aux considérants 866 à 920 de la décision attaquée, dans laquelle elle a tenu compte des ressources des acquéreurs potentiels déclarés dans le cadre de l’analyse concurrentielle des troisièmes engagements proposés et des réponses des acteurs de marché au questionnaire de consultation sur les troisièmes engagements proposés qui se rapportaient, en substance, à ces mêmes ressources.

578 Dans la mesure où la motivation principale retenue par la Commission dans la décision attaquée a été validée (point 575 ci-dessus), ces griefs peuvent être considérés comme étant dirigés contre des motifs surabondants de la décision attaquée et, comme tels, écartés comme étant inopérants.

579 Dès lors, la seconde sous-branche de la troisième branche du neuvième moyen se trouve être intégralement rejetée.

4. Sur la quatrième branche du neuvième moyen

580 Par la quatrième branche du neuvième moyen, la requérante reproche à la Commission d’avoir conclu de manière erronée, à la section 7.3.3.3 et, partant, aux considérants 921 à 930 de la décision attaquée, que les deuxièmes et troisièmes engagements proposés ne répondaient pas aux effets anticoncurrentiels verticaux imputables à la concentration en cause, relevés à la section 6.9 de la décision attaquée, lesquels étaient liés au contrôle exclusif, et non plus conjoint, qu’elle exercerait sur Schwermetall, après la concentration en cause.

581 La Commission réfute les arguments de la requérante et conclut au rejet de la quatrième branche du neuvième moyen comme étant non fondée.

582 Au considérant 922 de la décision attaquée, la Commission a relevé que le contrat d’approvisionnement et de services transitoire n’incluait pas les ventes de bandes prélaminées de Schwermetall à d’autres concurrentes des parties à la concentration en cause sur le marché en cause, telles que Diehl, Kemper et Messingwerk Plettenberg. Après ladite concentration, la requérante aurait eu la capacité d’augmenter le prix des bandes prélaminées que Schwermetall leur fournissait et l’incitation à le faire, augmentant ainsi leurs coûts de production et entravant leur développement sur le marché en cause. En outre, la requérante aurait eu accès, par le biais de Schwermetall, à des informations commercialement sensibles concernant lesdites concurrentes.

583 Aux considérants 924 à 929 de la décision attaquée, la Commission a répondu aux objections de la requérante, rappelées au considérant 923 de cette même décision, selon lesquelles les effets anticoncurrentiels de la concentration en cause auraient été corrigés par le fait que, dans la mesure où les usines de Stolberg et de Zutphen se seraient approvisionnées auprès d’autres concurrentes intégrées, Schwermetall aurait eu des capacités de production disponibles, ce qui l’aurait incitée à vendre davantage de bandes prélaminées sur le marché libre.

584 À cet égard, la Commission a fait valoir, premièrement, que, compte tenu de la dépendance des usines de Stolberg et de Zutphen à l’égard de Schwermetall, et comme elle l’avait relevé au considérant 822 de la décision attaquée, il était fort probable que le contrat d’approvisionnement et de services transitoire serait pleinement exécuté pendant cinq ans. Par conséquent, Schwermetall n’aurait pas eu de capacités de production disponibles et les effets anticoncurrentiels verticaux identifiés n’auraient pas été résolus, contrairement à l’objectif qui était rappelé au considérant 25 du règlement no 139/2004 et au point 14 de la communication sur les mesures correctives.

585 Deuxièmement, la Commission a observé que, après l’expiration du contrat d’approvisionnement et de services transitoire, il était probable que, comme elle l’avait relevé au considérant 868 à 920 de la décision attaquée à l’égard des acquéreurs potentiels déclarés, les relations commerciales établies entre les usines de Stolberg et de Zutphen et Schwermetall auraient été, fût-ce partiellement, maintenues.

586 Troisièmement, la Commission a précisé que l’allégation de la requérante selon laquelle, si Schwermetall avait cessé d’approvisionner les usines de Stolberg et de Zutphen en bandes prélaminées, elle aurait écoulé ces dernières sur le marché libre n’était ni étayée ni prouvée. Au point 70, sous h), du formulaire RM portant sur les troisièmes engagements proposés, la requérante aurait plutôt suggéré qu’elle utiliserait ses capacités de production disponibles pour développer ses activités sur le marché en cause, en substituant les approvisionnements de Schwermetall à ceux de son usine de Vöhringen (Allemagne) et en exploitant toutes les possibilités de réaliser des économies d’échelle.

587 Quatrièmement, la Commission a observé que, même en supposant que Schwermetall ait livré des bandes prélaminées, à des prix abordables, aux concurrentes de la requérante sur le marché en cause, cette dernière n’en aurait pas moins eu accès à des informations commercialement sensibles sur lesdites concurrentes, de sorte que l’un des effets anticoncurrentiels verticaux imputables à la concentration en cause n’aurait pas été supprimé.

588 Cinquièmement, la Commission a renvoyé aux réponses généralement négatives des acteurs du marché concernant les effets anticoncurrentiels verticaux imputables à la concentration en cause et, en particulier, aux réponses de certains d’entre eux aux questions 1.1, 2.1, 3.2, 20.1 et 21.1 du questionnaire de consultation sur les troisièmes engagements proposés, d’où il ressortait que ceux-ci s’attendaient à ce que, après la concentration en cause, la requérante utilisât le contrôle exclusif qu’elle aurait détenu sur Schwermetall pour augmenter les coûts de production de celles de ses concurrentes sur le marché en cause qui dépendaient de Schwermetall pour leurs approvisionnements en bandes prélaminées et pour exploiter, à son avantage, l’accès qu’elle aurait à des informations commercialement sensibles concernant lesdites concurrentes.

589 D’une part, la requérante conteste les appréciations formulées par la Commission aux considérants 921 à 930 de la décision attaquée, en soutenant que celle-ci aurait dû accepter les premiers engagements proposés, dans la décision d’ouverture de la procédure d’examen approfondi, et que, partant, elle n’aurait pas dû avoir à énoncer les deuxièmes et troisièmes engagements proposés, afin de tenter d’obtenir une décision d’autorisation. La requérante s’estime justifiée à demander au Tribunal, dans le cadre du recours dirigé contre la décision attaquée, de contrôler le raisonnement erroné contenu dans la décision d’ouverture de la procédure d’examen approfondi, dans la mesure où il s’agissait d’un acte qu’elle ne pouvait pas attaquer de manière autonome. Sur le fond, elle soutient que, alors que les premiers engagements proposés répondaient à l’ensemble des doutes sérieux concernant les effets anticoncurrentiels, horizontaux et verticaux, imputables à la concentration en cause que la Commission avait identifiés, cette dernière les a rejetés, au motif, exposé au paragraphe 182 de la décision d’ouverture de la procédure d’examen approfondi, que les engagements qui visaient spécifiquement à répondre aux effets anticoncurrentiels verticaux de ladite concentration étaient de nature comportementale plutôt que structurelle. Un tel motif aurait été erroné, puisque la Commission et d’autres autorités de concurrence auraient déjà constaté que des engagements de nature comportementale pouvaient permettre de répondre au risque de mise en œuvre d’une stratégie de verrouillage de l’accès aux intrants par les parties à une opération de concentration.

590 La Commission estime, en substance, que, pour pouvoir contester le rejet des premiers engagements proposés dans la décision d’ouverture de la procédure d’examen approfondi à l’occasion du présent recours, la requérante aurait dû maintenir lesdits engagements dans le cadre de la procédure administrative devant elle et non pas en proposer de nouveaux.

591 Dans la mesure où la requérante s’estime justifiée à contester des appréciations figurant dans la décision d’ouverture de la procédure d’examen approfondi dans le cadre du présent recours, dirigé contre la décision attaquée, il y a lieu de rappeler qu’une décision d’engager la procédure d’examen approfondi, adoptée sur la base de l’article 6, paragraphe 1, sous c), du règlement no 139/2004, est une mesure préparatoire dont l’illégalité peut être invoquée à l’appui d’un recours dirigé contre la décision finale (ordonnance du 27 novembre 2017, HeidelbergCement/Commission, T 902/16, non publiée, EU:T:2017:846, point 25).

592 Ainsi, si les parties à une opération de concentration estiment que la Commission a illégalement écarté, dans une décision d’engager la procédure d’examen approfondi, les engagements qu’elles avaient proposés pour tenter de dissiper les doutes sérieux exprimés par celle-ci sur les effets anticoncurrentiels de cette opération, elles peuvent s’en prévaloir à l’appui du recours dirigé contre la décision finale, et ce même si, au cours de la procédure d’examen approfondi, elles ont proposé de nouveaux engagements, afin que l’opération puisse éventuellement être autorisée par la Commission dans sa décision finale et d’éviter d’avoir à introduire un recours.

593 Il s’ensuit que, même si la requérante a choisi de soumettre à la Commission les deuxièmes et troisièmes engagements proposés, au cours de la procédure d’examen approfondi, elle n’en reste pas moins recevable à contester au fond, dans le cadre du présent recours, les motifs de rejet des premiers engagements proposés, qui figurent dans la décision d’ouverture de la procédure d’examen approfondi.

594 À cet égard, il ressort des paragraphes 181 à 183 de la décision d’ouverture de la procédure d’examen approfondi que la Commission a, d’abord, considéré que les premiers engagements proposés n’étaient pas suffisants pour lever ses doutes sur les effets anticoncurrentiels horizontaux imputables à la concentration en cause, dans la mesure où la cession des usines d’ARP de Zutphen et de Pori n’aurait pas réglé le problème du recoupement des activités des parties à ladite concentration sur le segment « haut de gamme » du marché en cause. Ensuite, elle a considéré que les engagements qui visaient spécifiquement à répondre à ses doutes sur les effets anticoncurrentiels verticaux de cette même concentration, liés à l’approvisionnement en bandes prélaminées, par Schwermetall, de concurrentes de la requérante sur le marché en cause, en particulier sur le segment « haut de gamme » de celui-ci, n’auraient pas été suffisants pour les dissiper, dans la mesure où il s’agissait d’engagements comportementaux, temporaires et qui ne concernaient que la clientèle existante de Schwermetall, lesquels n’auraient pas fourni une réponse structurelle et de long terme.

595 Ainsi, dans la décision d’ouverture de la procédure d’examen approfondi, le rejet des premiers engagements proposés n’était pas fondé sur le seul constat que ceux-ci n’auraient pas permis de lever les doutes sérieux de la Commission sur les effets anticoncurrentiels verticaux de la concentration en cause et, s’agissant de ces derniers effets, sur le fait que les engagements proposés étaient de nature comportementale. En effet, ledit rejet reposait également sur le fait que ces engagements n’étaient pas suffisants pour lever les doutes de la Commission sur les effets anticoncurrentiels horizontaux imputables à cette même concentration et, s’agissant des effets anticoncurrentiels verticaux de cette dernière, sur le fait qu’il s’agissait également d’engagements temporaires et qui ne concernaient que la clientèle existante de Schwermetall.

596 La requérante n’a donc pas établi que le rejet des premiers engagements par la Commission était exclusivement fondé sur la nature comportementale de ceux-ci.

597 Partant, il y a lieu d’écarter, comme étant non fondée, son argumentation portant sur le rejet prétendument injustifié des premiers engagements proposés.

598 D’autre part, la requérante soutient que les deuxièmes et troisièmes engagements proposés auraient répondu à l’ensemble des effets anticoncurrentiels, horizontaux et verticaux, relevés par la Commission, puisque l’approvisionnement, par Schwermetall, de l’entité à céder en bandes prélaminées aurait pu être remplacé, au moins partiellement, par un approvisionnement, en interne, par les acquéreurs potentiels déclarés, ce qui aurait incité Schwermetall à augmenter ses ventes sur le marché libre des bandes prélaminées.

599 La Commission observe que les réponses des acteurs du marché au questionnaire de consultation sur les troisièmes engagements proposés n’ont pas confirmé que les acquéreurs potentiels déclarés auraient été appropriés pour reprendre l’entité à céder. À cet égard, elle a renvoyé à ses arguments en réponse au dixième moyen du présent recours. Il aurait incombé à la requérante d’établir que les troisièmes engagements proposés résolvaient entièrement les effets anticoncurrentiels imputables à la concentration en cause qu’elle avait relevés et, au vu des réponses à l’enquête de marché de la procédure d’examen approfondi, de restructurer ces engagements pour qu’ils y répondent.

600 Il ressort de l’examen du premier grief de la deuxième sous-branche de la troisième branche du neuvième moyen que la Commission n’était pas tenue, en l’espèce, de considérer les ressources d’acquéreurs potentiels, y compris celles des acquéreurs potentiels déclarés (voir point 573 ci-dessus).

601 En outre, comme la Commission l’a relevé aux considérants 822 et 868 à 920 de la décision attaquée et ainsi que cela a déjà été exposé aux points 584 et 585 ci-dessus, il était probable que les acquéreurs potentiels déclarés poursuivent les relations commerciales établies entre les usines de Stolberg et de Zutphen, d’une part, et Schwermetall, d’autre part, pendant toute la durée d’exécution du contrat d’approvisionnement et de services transitoire et même au-delà.

602 Enfin, comme la Commission l’a relevé au considérant 927 de la décision attaquée et ainsi que cela a déjà été exposé au point 586 ci-dessus, il n’y avait aucune assurance que les capacités de production éventuellement libérées au sein de Schwermetall soient utilisées pour approvisionner le marché libre des bandes prélaminées.

603 En tout état de cause, comme la Commission l’a relevé à bon droit au considérant 928 de la décision attaquée et ainsi que cela a déjà été exposé au point 587 ci-dessus, la possibilité, pour les concurrentes de la requérante sur le marché en cause, de s’approvisionner auprès de Schwermetall en bandes prélaminées, et ce à des prix abordables, n’aurait pas affecté l’accès que la requérante aurait eu à des informations commercialement sensibles concernant lesdites concurrentes, de sorte que l’un des effets anticoncurrentiels verticaux imputables à la concentration en cause, identifié par la Commission, serait resté sans réponse.

604 Ainsi, la requérante n’a pas établi que les deuxièmes et troisièmes engagements proposés auraient permis de répondre intégralement aux effets anticoncurrentiels verticaux de la concentration en cause identifiés par la Commission.

605 Au vu de l’ensemble des appréciations qui précèdent, il convient de rejeter la quatrième branche du neuvième moyen, de sorte que ce dernier moyen se trouve être intégralement rejeté.

J. Sur le dixième moyen, tiré d’erreurs manifestes dans l’appréciation des réponses au questionnaire de consultation des acteurs du marché sur les troisièmes engagements proposés

606 Par le dixième moyen, la requérante dénonce des erreurs manifestes entachant l’appréciation portée par la Commission, à la section 7.3.2 et, partant, aux considérants 768 à 800 de la décision attaquée, sur les réponses au questionnaire de consultation des acteurs du marché sur les troisièmes engagements proposés.

607 Le dixième moyen est divisé en deux branches.

1. Sur la première branche du dixième moyen

608 Par la première branche du dixième moyen, la requérante soutient que les réponses des acteurs du marché, concurrentes et clients industriels, au questionnaire de consultation sur les troisièmes engagements proposés infirment les appréciations formulées par la Commission, dans la décision attaquée, selon lesquelles, premièrement, les troisièmes engagements proposés auraient été insuffisants pour remédier aux effets anticoncurrentiels imputables à la concentration en cause, deuxièmement, l’entité à céder n’aurait pas été viable, troisièmement, les acquéreurs potentiels déclarés n’auraient pas été appropriés et, quatrièmement, après ladite concentration, elle aurait pu entraver le développement sur le marché en cause, en particulier sur le prétendu segment des produits laminés « haut de gamme », de celles de ses concurrentes, non intégrées, qui s’approvisionnaient en bandes prélaminées auprès de Schwermetall, en augmentant leurs coûts de production, et elle aurait également pu accéder à des informations commercialement sensibles (volumes commandés, prix facturés, etc.) concernant lesdites concurrentes.

609 La Commission réfute les arguments de la requérante et conclut au rejet de la première branche du dixième moyen comme étant non fondée.

610 Dans la première branche du dixième moyen, la requérante reproche, d’une part, à la Commission d’avoir, dans le cadre de l’analyse des troisièmes engagements proposés, sous-estimé les réponses des acteurs du marché qui étaient positives et surévalué celles, de quelques clients industriels isolés, qui étaient négatives. Dans l’exercice de son pouvoir d’appréciation, elle n’aurait pas pu attribuer, de manière générale et sans justification raisonnable, davantage de poids à certains types de preuves, telles que les réponses des clients industriels, plutôt qu’à d’autres, telles que les réponses des concurrentes, comme elle l’avait fait aux considérants 773 et 793 de la décision attaquée. Cela l’aurait conduite à sous-estimer les déclarations des acteurs du marché en cause, qui, parce qu’ils intervenaient directement sur celui-ci, étaient les mieux placés pour apprécier l’effectivité des engagements proposés, et à surestimer celles d’autres acteurs, qui, comme le contenu de leurs réponses l’attestait, n’avaient pas une connaissance aussi précise dudit marché, parce qu’ils opéraient sur des marchés situés en aval de ce dernier. Au demeurant, la Commission aurait, elle-même, accordé un poids très important aux déclarations de celles de ses concurrentes qui étaient également clientes de Schwermetall lorsqu’elle a évalué les effets anticoncurrentiels verticaux imputables à la concentration en cause.

611 À titre liminaire, il importe de relever que, comme cela ressort des considérants 801 à 930 de la décision attaquée, dans le cadre de l’appréciation des troisièmes engagements proposés, la Commission a procédé à une mise en balance des différents éléments de preuve ou d’indices qu’elle avait réunis au cours de la procédure administrative, en évaluant la crédibilité relative de chacun d’entre eux, notamment celle des réponses des différents acteurs du marché, concurrentes et clients industriels, au questionnaire de consultation sur les troisièmes engagements proposés. Indépendamment du bien-fondé des conclusions qui en ont été tirées, la méthode de mise en balance des différents éléments de preuve ou d’indices en fonction de leur plus ou moins grande crédibilité, à laquelle la Commission a eu recours dans la décision attaquée, correspond à celle qui est exigée par la jurisprudence et ne peut donc qu’être approuvée.

612 En outre, la Commission ne s’est pas limitée à examiner de manière séparée les réponses des acteurs du marché à la consultation sur les troisièmes engagements proposés, mais les a mises en balance avec toutes les appréciations qu’elle avait tirées de l’ensemble des éléments et des indices qu’elle avait réunis au cours de la procédure administrative. À cet égard, il importe de rappeler que, bien que l’opinion des acteurs du marché puisse constituer une importante source d’informations sur l’effet prévisible d’une opération de concentration sur le marché, elle ne saurait lier la Commission dans son appréciation autonome dudit effet (voir, en ce sens, arrêt du 25 mars 1999, Gencor/Commission, T 102/96, EU:T:1999:65, point 291).

613 Dans ce contexte et ainsi qu’il ressort notamment des considérants 795, 796, 812, 813, 827, 829, 830 et 841 et de la note en bas de page no 634 de la décision attaquée, il y a lieu de constater que la Commission n’a pas négligé les déclarations des concurrentes.

614 En revanche, il ressort des considérants 773 et 775 de la décision attaquée qu’elle a attribué aux déclarations des concurrentes, notamment à celles qui s’étaient déclarées intéressées pour reprendre tout ou partie de l’entité à céder, un poids relatif moindre qu’à celles des clients industriels.

615 Or, c’est à bon droit que la Commission a indiqué, au considérant 793 de la décision attaquée, que, dans le cadre de l’évaluation des réponses des acteurs du marché à une consultation, elle ne peut apprécier chaque réponse de manière isolée, mais doit la pondérer en tenant compte de sa plus ou moins grande crédibilité. Au demeurant, il y a lieu d’observer que l’argumentation de la requérante repose, en l’espèce, sur cette même logique lorsqu’elle soutient que la Commission aurait dû accorder plus de poids aux déclarations des concurrentes qu’à celles des clients industriels, au motif que les concurrentes auraient été plus crédibles que les clients industriels, car elles auraient eu une connaissance plus fine que ces derniers du marché en cause.

616 C’est également à bon droit que la Commission a appliqué en l’espèce, ainsi qu’elle l’a indiqué au considérant 793 de la décision attaquée, la méthode qu’elle avait déjà explicitée au considérant 577 de cette même décision, consistant à prendre en compte les incitations qui pouvaient orienter les réponses des acteurs du marché, afin de pondérer le poids relatif des unes par rapport aux autres. Le fait que, au terme d’une telle analyse, la Commission en vienne à accorder plus de poids aux déclarations de certains acteurs du marché plutôt qu’à d’autres ne signifie pas qu’elle n’a pas tenu compte de ces dernières déclarations (voir, en ce sens, arrêt du 25 mars 1999, Gencor/Commission, T 102/96, EU:T:1999:65, point 290).

617 C’est encore à bon droit que la Commission a constaté, au considérant 577 de la décision attaquée, que, sur un marché oligopolistique, tel que le segment « haut de gamme » du marché en cause, il convenait d’accorder davantage de poids aux déclarations des clients industriels, qui auraient directement subi les effets anticoncurrentiels imputables à la concentration en cause, en particulier les hausses de prix des produits laminés qui auraient été orchestrées par la requérante, qu’aux déclarations des concurrentes, qui auraient pu en bénéficier, en cas de report de la demande en leur faveur. En outre, comme la Commission l’a indiqué à juste titre au considérant 794 de la décision attaquée, en renvoyant au paragraphe 24 des lignes directrices sur l’appréciation des concentrations horizontales, sur un marché oligopolistique, les concurrentes sont incitées à suivre, plutôt qu’à contrecarrer, les hausses de prix décidées par l’une d’entre elles.

618 Comme le rappelle la Commission, cette analyse est conforme aux constatations figurant en page 43 du document intitulé « Manuel sur les techniques d’enquête dans le cadre de l’examen des concentrations », élaboré en 2005 par le réseau international de la concurrence (ICN), selon lesquelles « [l]es clients d’une entreprise acquise ont généralement le plus à perdre d’une concentration anticoncurrentielle, dans la mesure où ils peuvent perdre leur fournisseur privilégié et leur produit préférentiel à l’issue de la concentration », et « sont souvent en mesure de fournir des témoignages importants sur la manière dont ils ont pu bénéficier de la concurrence existant entre l’entreprise acquéreuse et l’entreprise acquise et de préciser s’ils s’attendent à être lésés par la disparition de la rivalité entre deux fournisseurs importants ». En revanche, « les concurrents sont généralement incités à privilégier une concentration anticoncurrentielle et à s’opposer à une concentration favorable à la concurrence ».

619 De plus, celles des concurrentes qui s’étaient déclarées intéressées par l’acquisition de tout ou partie de l’entité à céder avaient un intérêt direct à ce que la concentration en cause, telle que modifiée par les troisièmes engagements proposés incluant la cession de cette entité, soit acceptée.

620 Contrairement à ce que soutient la requérante et comme le relève à bon droit la Commission, les clients industriels sont, de même que les concurrentes, directement actifs sur le marché en cause, en tant qu’acheteurs. De plus, sur le segment « haut de gamme » dudit marché, particulièrement affecté par la concentration en cause, ils connaissent parfaitement les produits laminés en cause, puisque, comme la requérante l’a elle-même relevé, ils soumettent ceux-ci à des essais et à des contrôles rigoureux, aux fins de leur qualification, et participent à la recherche et au développement portant sur lesdits produits (voir point 194 ci-dessus).

621 La requérante objecte que l’absence de connaissance suffisante du marché en cause par les clients industriels est attestée par le fait que ces derniers n’ont souvent pas été en mesure de répondre aux questions qui leur avaient été posées, telles que celles qui concernaient les capacités de production de bandes prélaminées des acquéreurs potentiels de l’entité à céder – 95 % des clients industriels auraient répondu par les termes « je ne sais pas » à la question 30 du questionnaire de consultation sur les troisièmes engagements proposés –, ou y ont répondu en fonction de leurs propres intérêts.

622 À cet égard, il convient de relever que, pour 28 des 39 questions du questionnaire de consultation sur les troisièmes engagements proposés, certains acteurs du marché, qu’il s’agisse de concurrentes ou de clients industriels, ont répondu de manière indécise par les termes « je ne sais pas ». Si, pour 17 de ces 28 questions, le pourcentage de réponses indécises était plus important parmi les clients industriels que parmi les concurrentes, c’était l’inverse pour les 11 autres questions et, dans certains cas, le pourcentage de réponses indécises au sein des deux groupes était très proche. Concernant la question 30 du questionnaire de consultation sur les troisièmes engagements proposés, un pourcentage moins important, mais néanmoins important (50 %), de concurrentes a également répondu de manière indécise. Le seul fait qu’une partie, même très importante, des clients industriels ait ainsi éludé certaines questions ne préjugeait pas de la crédibilité des réponses apportées par celle qui y avait répondu de manière plus précise, et ce d’autant plus que les clients industriels étaient plus nombreux et diversifiés que les concurrentes.

623 En tout état de cause et contrairement à ce que laisse entendre la requérante, les réponses des concurrentes citées par la Commission aux considérants 777, 780, 782 et 784 de la décision attaquée étaient partagées et une proportion non négligeable de celles-ci, correspondant aux concurrentes non intégrées, à l’exception de Kemper, dont la réponse n’était pas exploitable, estimait que les troisièmes engagements proposés étaient structurellement inadéquats pour éliminer les effets anticoncurrentiels, tant horizontaux que verticaux, imputables à la concentration en cause.

624 Dans ce contexte et dans le cadre de la mise en balance des différents éléments de preuve ou d’indices en présence, la Commission était fondée, sans pour autant les négliger, à accorder moins de poids aux déclarations des concurrentes, notamment celles qui s’étaient déclarées intéressées pour reprendre tout ou partie de l’entité à céder (Sofia Med, GBC et KME/MKM), qu’à d’autres éléments, tels que les déclarations des clients industriels.

625 D’autre part, la requérante soutient que, en tout état de cause, les réponses des clients industriels au questionnaire de consultation sur les troisièmes engagements proposés auraient également été positives ou neutres.

626 Ainsi que l’observe à bon droit la Commission, il est erroné de prétendre, comme le fait la requérante, que les clients industriels ont répondu de manière positive au questionnaire de consultation sur les troisièmes engagements proposés alors que, ainsi qu’il ressort des réponses citées aux considérants 776, 778, 779, 781 et 783 de la décision attaquée, une grande, voire très grande, majorité d’entre eux avait expliqué que les troisièmes engagements proposés étaient peu susceptibles de résoudre les problèmes de concurrence relevés par la Commission et exprimé des doutes sur la viabilité et la compétitivité de l’entité à céder et sur le caractère approprié des acquéreurs potentiels déclarés.

627 Pour l’ensemble des motifs qui précèdent, il y a lieu de rejeter, comme étant non fondée, la première branche du dixième moyen.

2. Sur la seconde branche du dixième moyen

628 Par la seconde branche du dixième moyen, la requérante reproche en substance à la Commission d’avoir violé les principes d’impartialité et de bonne administration, en ayant soumis aux acteurs du marché un questionnaire de consultation sur les troisièmes engagements proposés contenant des questions peu claires, trompeuses ou dénuées de pertinence et ne lui permettant donc pas de collecter des informations fiables et pertinentes. En outre, la Commission aurait surestimé les réponses des clients industriels, pourtant mal informés, notamment celle d’un client industriel isolé.

629 La Commission réfute les arguments de la requérante et conclut au rejet de la seconde branche du dixième moyen comme étant non fondée.

630 À titre liminaire, il convient de rappeler que le droit à une bonne administration implique notamment, en vertu de l’article 41, paragraphe 1, de la charte des droits fondamentaux, le droit pour toute personne de voir ses affaires traitées impartialement par les institutions, les organes et les organismes de l’Union (voir point 501 ci-dessus) (voir, en ce sens, arrêts du 20 mars 2002, ABB Asea Brown Boveri/Commission, T 31/99, EU:T:2002:77, point 99 et jurisprudence citée, et du 13 juillet 2011, Polimeri Europa/Commission, T 59/07, EU:T:2011:361, point 59 et jurisprudence citée).

631 La notion d’examen impartial recouvre, d’une part, l’impartialité subjective, en ce sens qu’aucun membre de l’institution concernée qui est chargé de l’affaire ne doit manifester de parti pris ou de préjugé personnel, et, d’autre part, l’impartialité objective, en ce sens que l’institution doit offrir des garanties suffisantes pour exclure à cet égard tout doute légitime (voir arrêt du 11 juillet 2013, Ziegler/Commission, C 439/11 P, EU:C:2013:513, point 155 et jurisprudence citée).

632 Cependant, cet examen impartial doit être compatible avec l’impératif de célérité qui caractérise l’économie générale du règlement no 139/2004 et impose à la Commission de respecter des délais stricts dans l’exercice de son pouvoir d’appréciation (voir point 504 ci-dessus).

633 Par ailleurs, la violation de l’obligation d’effectuer un examen impartial ne peut entraîner l’annulation de la décision qui est attaquée que s’il est établi que, en l’absence de cette irrégularité, ladite décision aurait eu un contenu différent (voir arrêt du 13 juillet 2011, Polimeri Europa/Commission, T 59/07, EU:T:2011:361, point 59 et jurisprudence citée). Conformément à la jurisprudence, il incombe au requérant d’apporter au moins des indices venant soutenir une telle conclusion (arrêt du 15 mars 2006, BASF/Commission, T 15/02, EU:T:2006:74, point 606).

634 En l’espèce, la consultation des acteurs du marché sur les troisièmes engagements proposés participait de la mise en œuvre, par la Commission, de son obligation d’examen impartial, conformément au principe de bonne administration, dans le cadre temporel contraint qui est celui de la procédure de contrôle des concentrations. Le questionnaire témoigne de la volonté de la Commission de consulter les acteurs du marché sur toutes les questions clés de son analyse portant sur les troisièmes engagements proposés.

635 Premièrement, la requérante soutient que la partialité de la Commission, lors de l’établissement du questionnaire de consultation sur les troisièmes engagements proposés, est démontrée par le fait qu’elle n’a pas prévu la possibilité, pour les clients industriels, de répondre en utilisant les termes « je ne sais pas » à certaines questions, ce qui aurait conduit certains d’entre eux à donner des réponses négatives, alors même que, ainsi que leurs commentaires l’attesteraient, ils n’auraient pas été en mesure de répondre auxdites questions.

636 À cet égard, il y a lieu de relever que, même s’il est exact que les questions 7, 8, 12, 14 à 16, 18, 23, 31, 34 et 38 du questionnaire de consultation sur les troisièmes engagements proposés ne prévoyaient pas la réponse correspondant aux termes « je ne sais pas », les clients industriels n’étaient pas tenus d’y répondre, s’ils ne s’estimaient pas en mesure de le faire. D’ailleurs, pour les questions en cause, le taux de réponse a varié entre 75 et 95 %, indiquant que ceux-ci ne répondaient pas systématiquement à toutes les questions posées, et ce dans des proportions variables selon les questions. La requérante n’est donc pas fondée à soutenir que, de manière générale, les clients industriels auraient été contraints de répondre à des questions alors qu’ils n’auraient pas été en mesure de le faire.

637 Il y a donc lieu de rejeter la présente argumentation comme étant non fondée.

638 Deuxièmement, la requérante soutient que la partialité de la Commission, lors de l’établissement du questionnaire de consultation sur les troisièmes engagements proposés, est démontrée par le fait que certaines questions avaient été formulées de manière très technique, complexe ou tendancieuse et exigeaient des connaissances que les acteurs du marché n’avaient pas, ce qui a abouti à des réponses stéréotypées, incorrectes ou inexactes. Elle renvoie aux réponses stéréotypées des clients industriels à la question 3.2 du questionnaire. Elle renvoie également aux questions posées dans la partie du questionnaire consacrée au profil de l’acquéreur approprié pour l’entité à céder et, en particulier, à la question 14 du questionnaire, consacrée à la question de savoir si ledit acquéreur devait disposer d’une capacité de production de bandes prélaminées suffisante pour maintenir et développer l’entité à céder de manière viable et compétitive. Cette question aurait été formulée de manière imprécise, puisqu’elle n’aurait pas indiqué si la capacité de production en cause devait être exclusivement interne ou pouvait également être externe, et tendancieuse, car elle aurait nécessairement induit une réponse positive.

639 À cet égard, il convient de rappeler que, de même que les conclusions et les moyens, les griefs invoqués à l’appui d’un recours doivent être formulés de manière suffisamment précise pour permettre à l’autre partie au recours de les comprendre et d’y répondre et au Tribunal d’effectuer son contrôle. Il n’appartient pas au Tribunal, ni d’ailleurs à l’autre partie au recours, de rechercher dans le dossier les éléments qui pourraient venir à l’appui d’un grief qui a été formulé de manière générale (voir, en ce sens, arrêt du 7 mai 2009, NVV e.a./Commission, T 151/05, EU:T:2009:144, point 61). Il s’ensuit que la formulation du présent grief n’oblige pas le Tribunal à contrôler toutes les questions du questionnaire de consultation sur les troisièmes engagements proposés afin de rechercher, en tenant compte des réponses qui y ont été apportées par les clients industriels, si ces questions ont été formulées de manière trop technique, complexe ou tendancieuse.

640 Même à supposer qu’il puisse être considéré que ce grief vise de manière suffisamment précise les questions 12 à 31 figurant sous le titre C. « Cession [de l’entité à céder] à un acquéreur approprié », du questionnaire de consultation sur les troisièmes engagements proposés, il y a lieu de constater qu’il ne ressort pas d’une simple lecture desdites questions que celles-ci auraient été formulées de manière trop technique, complexe ou tendancieuse. Le fait que, ainsi qu’il ressort de certains commentaires explicatifs accompagnant les réponses à ces questions, les acteurs du marché estimaient parfois ne pas avoir toutes les connaissances nécessaires pour pouvoir y répondre de manière pertinente résultait plutôt de ce que ces acteurs n’avaient pas toujours une connaissance suffisante de l’ensemble du marché en cause, qui était un marché fortement diversifié et segmenté, ou de certains autres opérateurs qui, tels que GBC, n’étaient pas suffisamment actifs sur ledit marché. Cela résultait également de la nature complexe, car prospective, des analyses qui leur étaient demandées. Cependant, comme l’observe à bon droit la Commission, le seul fait qu’il ne soit pas facile de répondre à certaines questions ne suffit pas à démontrer que ces questions sont, en elles-mêmes, inappropriées.

641 D’ailleurs, comme cela a déjà été relevé au point 612 ci-dessus, la Commission ne s’est pas limitée, en l’espèce, à examiner de manière séparée les réponses des acteurs du marché à la consultation sur les troisièmes engagements proposés, mais elle les a mises en balance avec toutes les autres analyses, de nature prospective, qu’elle avait effectuées à partir de l’ensemble des éléments et des indices qu’elle avait réunis au cours de la procédure administrative.

642 Concernant la question 3.2 du questionnaire, qui était complémentaire de sa question 3, celle-ci invitait les acteurs du marché, notamment les clients industriels, qui estimaient que l’entité à céder n’était pas composée de manière adéquate pour éliminer le risque que la requérante accédât, après la concentration en cause, à des informations commerciales sensibles concernant celles de ses concurrentes sur le marché en cause qui s’approvisionnaient en bandes prélaminées auprès de Schwermetall, à expliquer les mesures structurelles qui, selon eux, pourraient permettre d’éliminer un tel risque.

643 Les clients industriels qui ont répondu à cette question ont fait, notamment, référence à des mesures permettant de garantir l’indépendance fonctionnelle de Schwermetall ou assurant la confidentialité à l’égard de la requérante des informations détenues par Schwermetall ainsi qu’à la cession des 50 % détenus par Aurubis dans Schwermetall. Ces réponses identifiaient ainsi des mesures qui paraissaient logiques pour répondre aux types de problèmes qui avaient été identifiés par la Commission. La requérante ne peut prétendre remettre en cause la crédibilité de ces réponses, en se bornant à les qualifier de « stéréotypées », sans avancer aucun argument tendant à démontrer le caractère inapproprié, en l’espèce, des mesures proposées dans celles-ci.

644 Ainsi, il y a lieu de rejeter également la présente argumentation comme étant non fondée.

645 Troisièmement, la requérante soutient que la partialité de la Commission, lors de l’établissement du questionnaire de consultation sur les troisièmes engagements proposés, est démontrée par le caractère trop technique des questions posées, ce qui a conduit plus de 40 % des clients industriels à répondre par les termes « je ne sais pas » aux questions 3, 5, 6, 9 à 11, 17, 19, 21, 22, 24 à 27, 29, 30, 32, 33, 35 à 37 et 39. Pour la question 30, ils auraient même été 95 % à formuler une telle réponse.

646 Comme cela a déjà été indiqué au point 640 ci-dessus, les réponses indécises des clients industriels aux questions posées résultaient plutôt de ce que ceux-ci n’avaient pas toujours une connaissance suffisante de l’ensemble du marché en cause ou de certains opérateurs économiques sur ce marché ainsi que de la nature complexe, car prospective, des analyses qui leur étaient demandées.

647 En tout état de cause, le seul fait qu’une partie, même très importante, des clients industriels ait ainsi répondu à certaines questions ne préjugeait pas de la crédibilité des réponses de celle qui y avait répondu, et ce d’autant plus que les clients industriels étaient plus nombreux et diversifiés que les concurrentes.

648 Au demeurant, la requérante ne s’est pas formalisée de ce qu’une proportion également importante, et parfois même plus importante, de concurrentes ait répondu de manière indécise à de nombreuses questions, mais a, au contraire, recommandé de se fonder sur ces réponses, au motif qu’elles auraient été plus crédibles (voir point 610 ci-dessus).

649 Le présent grief doit donc également être écarté.

650 Quatrièmement, la requérante soutient que, sans le biais ayant consisté à ne citer que les réponses négatives des acteurs du marché à la consultation sur les troisièmes engagements proposés, aux fins de pouvoir justifier le rejet desdits engagements, la Commission aurait dû conclure à leur caractère approprié, au vu des résultats objectifs de ladite consultation, et n’aurait pas dû interdire la concentration en cause.

651 À cet égard, il suffit de constater que, ainsi qu’il ressort des appréciations qui précèdent, la conclusion à laquelle la Commission est parvenue, à la section 7.3.3 de la décision attaquée, procède d’une mise en balance adéquate des différents éléments de preuve ou d’indices qu’elle avait réunis au cours de la procédure administrative, en tenant compte de la crédibilité relative de chacun d’eux (voir points 611 et 612 ci-dessus). Dans ce contexte, il ressort des analyses qui précèdent qu’elle n’a pas négligé les réponses positives des acteurs du marché à la consultation sur les troisièmes engagements proposés, mais qu’elle les a mises en balance, en fonction de leur crédibilité relative, avec les autres éléments de preuve ou d’indices dont elle disposait.

652 Le présent grief n’est donc pas fondé.

653 Pour l’ensemble des motifs qui précèdent, il y a lieu de rejeter, comme étant non fondée, la seconde branche du dixième moyen. Partant, le dixième moyen doit être intégralement rejeté.

K. Sur le onzième moyen, tiré d’une violation, dans le cadre de la procédure administrative, d’exigences procédurales essentielles et du principe de bonne administration

654 Par le onzième moyen, la requérante fait grief à la Commission d’avoir, dans le cadre de la procédure administrative ayant conduit à l’adoption de la décision attaquée, violé des exigences procédurales essentielles et le principe de bonne administration.

655 Le onzième moyen est divisé en deux branches.

1. Sur la première branche du onzième moyen

656 Par la première branche du onzième moyen, la requérante reproche à la Commission d’avoir consulté tardivement les acteurs du marché sur les troisièmes engagements proposés et de ne pas même les avoir consultés sur les premiers et deuxièmes engagements proposés, qui n’avaient pas la même portée. Il ressortirait du considérant 17 du règlement no 802/2004 que tous les engagements proposés devraient être soumis à une consultation des acteurs du marché et du considérant 35 du règlement no 139/2004, que cette même consultation devrait être effectuée dans un délai suffisant pour permettre aux parties notifiantes d’ajuster ou d’améliorer leurs engagements.

657 Concernant les premiers engagements proposés, la requérante soutient que la Commission n’a pas expliqué, dans la décision attaquée, pourquoi elle n’avait pas consulté les acteurs du marché. Dans la décision d’ouverture de la procédure d’examen approfondi, elle aurait erronément prétendu, d’une part, que ces engagements ne répondaient pas suffisamment aux problèmes de concurrence relevés sur le prétendu segment des produits laminés « haut de gamme » et, d’autre part, que des engagements de nature comportementale n’étaient pas acceptables pour répondre à un problème de verrouillage de l’accès aux intrants. Les clients de Schwermetall n’auraient jamais pu donner leur avis sur le contrat d’approvisionnement à long terme et la cession de l’usine d’ARP de Pori, qui n’était pas approvisionnée par Schwermetall en bandes prélaminées, inclus dans les premiers engagements proposés, alors que les préoccupations de la Commission auraient, pour l’essentiel, reposé sur des commentaires négatifs émanant desdits clients.

658 Concernant les deuxièmes engagements proposés, la requérante reproche à la Commission de ne pas avoir donné de raison valable, aux considérants 50 et suivants de la décision attaquée, pour ne pas consulter les acteurs du marché. Une analyse préliminaire de ces engagements aurait été effectuée, par celle-ci, dans la communication des griefs. Or, il aurait été artificiel de prétendre que les acteurs du marché n’auraient pas pu être consultés sur des engagements qui avaient été soumis avant l’adoption de la communication des griefs, alors que les deuxièmes engagements avaient été proposés le 17 octobre 2018, soit juste avant que la communication des griefs ne soit adoptée, le 24 octobre 2018, et donc à un moment où la Commission avait finalisé son analyse.

659 Les acteurs du marché auraient été consultés à un stade très tardif de la procédure administrative, après l’extension du délai pour soumettre formellement des engagements, faisant obstacle à ce qu’elle puisse améliorer ou adapter les troisièmes engagements proposés au vu des résultats de la consultation. En outre, la Commission se serait focalisée, pour rejeter ces engagements, sur les réponses négatives isolées de certains acteurs du marché.

660 La Commission réfute les arguments de la requérante et conclut au rejet de la première branche du onzième moyen comme étant non fondée.

661 La première branche du onzième moyen repose, en substance, sur trois griefs distincts, selon les engagements proposés. D’une part, s’agissant des premiers et deuxièmes engagements proposés, la requérante reproche à la Commission, dans le cadre d’un premier grief, invoqué à titre principal, d’avoir violé des obligations qui lui incombaient en ne consultant pas les acteurs du marché sur ces engagements et, dans le cadre d’un deuxième grief, invoqué à titre subsidiaire, d’avoir violé ces mêmes obligations en ne donnant pas de raisons ou pas de raisons valables pour cette absence de consultation. D’autre part, concernant les troisièmes engagements proposés, la requérante fait grief à la Commission, dans le cadre d’un troisième grief, d’avoir violé des obligations qui lui incombaient en consultant trop tardivement les acteurs du marché sur ces engagements.

a) Sur le premier grief, invoqué à titre principal, et le deuxième grief, invoqué à titre subsidiaire

662 Dans le cadre des premier et deuxième griefs, la requérante invoque le principe de bonne administration et le considérant 17 du règlement no 802/2004 à l’appui de son argumentation selon laquelle la Commission aurait été tenue de consulter les acteurs du marché sur tous les engagements proposés.

663 À cet égard, il importe de rappeler que, conformément à la jurisprudence, le principe de bonne administration ne confère pas, par lui-même, de droits aux particuliers, sauf lorsqu’il constitue l’expression de droits spécifiques, comme le droit de voir ses affaires traitées impartialement, équitablement et dans un délai raisonnable, le droit d’être entendu, le droit d’accès au dossier ou le droit à la motivation des décisions, au sens de l’article 41 de la charte des droits fondamentaux (arrêt du 4 octobre 2006, Tillack/Commission, T 193/04, EU:T:2006:292, point 127, et ordonnance du 20 décembre 2019, Dragomir/Commission, T 297/19, non publiée, EU:T:2019:902, point 47). Ainsi, le principe de bonne administration ne conférait, en lui-même, aucun droit à la requérante qui aurait imposé à la Commission de consulter les acteurs du marché sur tous les engagements qu’elle avait proposés, en particulier sur les premiers et les deuxièmes engagements proposés.

664 Pour autant que la requérante argue qu’une telle obligation dérivait d’une application du principe de bonne administration, combinée à une obligation qui était reflétée au considérant 17 du règlement no 802/2004, il importe de souligner que, si, conformément à la jurisprudence, un considérant peut permettre d’éclairer l’interprétation qu’il convient de donner d’une règle de droit ou d’une notion juridique prévue par l’acte qui le contient, il ne constitue pas, en lui-même, une norme juridique et n’a, partant, pas de valeur juridique propre (voir, en ce sens, arrêt du 4 mars 2020, Marine Harvest/Commission, C 10/18 P, EU:C:2020:149, points 43 et 44 et jurisprudence citée).

665 Il ne peut ainsi être déduit du considérant 17 du règlement no 802/2004 une obligation pour la Commission de consulter les acteurs du marché sur tous les engagements proposés, conformément à l’article 6, paragraphe 2, et à l’article 8, paragraphe 2, du règlement no 139/2004.

666 Par ailleurs, la requérante n’a invoqué aucune autre disposition, aucun autre principe ou aucune autre jurisprudence d’où aurait pu découler l’obligation, pour la Commission, de consulter les acteurs du marché sur tous les engagements proposés ainsi que l’obligation corrélative de justifier les raisons qui l’auraient conduite, en l’espèce, à déroger à une telle obligation dans le cas des premiers et des deuxièmes engagements proposés.

667 À supposer même que la requérante ait entendu se référer aux points 80, 81 et 92 de la communication sur les mesures correctives, comme la Commission l’a supposé dans le mémoire en défense, il y a lieu de relever que, si, sur le plan formel, lesdits points avaient un effet juridique contraignant pour cette dernière (voir, en ce sens, arrêt du 3 avril 2003, BaByliss/Commission, T 114/02, EU:T:2003:100, point 143), ils ne l’obligeaient toutefois pas, sur le plan matériel, à consulter les acteurs du marché sur les premiers et les deuxièmes engagements proposés.

668 En effet, il ressort d’une lecture combinée des points 80, 81 et 92 de la communication sur les mesures correctives que la Commission n’est pas tenue de consulter les acteurs du marché sur des engagements qui ont été formellement proposés avant la communication des griefs, lorsqu’elle estime, comme en l’espèce, que ces engagements ne sont pas suffisants pour lever tous ses doutes sérieux quant à la compatibilité de la concentration concernée avec le marché intérieur et l’accord EEE.

669 Or, en l’espèce, la Commission a clairement indiqué, dans la décision d’ouverture de la procédure d’examen approfondi, concernant les premiers engagements proposés, et dans la communication des griefs, concernant les deuxièmes engagements proposés, les raisons pour lesquelles elle estimait que ces engagements n’étaient pas suffisants pour dissiper tous les doutes sérieux qu’elle avait quant à la compatibilité de la concentration en cause avec le marché intérieur et l’accord EEE.

670 Aux paragraphes 181 à 183 de la décision d’ouverture de la procédure d’examen approfondi, elle a indiqué que les premiers engagements proposés ne permettaient pas de lever tous les doutes sérieux qu’elle avait quant à la compatibilité de la concentration en cause avec le marché intérieur et l’accord EEE, car, d’une part, les engagements de nature structurelle visant à répondre aux effets anticoncurrentiels horizontaux de ladite concentration ne couvraient pas l’intégralité du recoupement des activités des parties à cette même concentration sur le marché en cause, en particulier sur les sous-segments des produits laminés en AHP et destinés au secteur de la connectique, qui relevaient, pour l’essentiel, du segment « haut de gamme » du marché en cause et sur lesquels les parties à la concentration en cause étaient en forte concurrence. D’autre part, les engagements visant à répondre aux effets anticoncurrentiels verticaux de ladite concentration n’auraient pas offert une solution structurelle à long terme, dans la mesure où il se serait agi d’engagements de nature comportementale, temporaires et qui n’auraient concerné que la clientèle existante de Schwermetall, qui, après cette même concentration, aurait dû continuer à concurrencer la requérante sur le marché en cause, tout en restant dépendante de sa filiale, Schwermetall, pour ses approvisionnements en bandes prélaminées, un intrant essentiel pour la fabrication de ses produits laminés.

671 Aux points 500 à 511 de la communication des griefs, tels que résumés au considérant 51 de la décision attaquée, la Commission a observé que les deuxièmes engagements proposés ne permettaient pas non plus de dissiper tous les doutes sérieux qu’elle avait quant à la compatibilité de la concentration en cause avec le marché intérieur et l’accord EEE, car, d’une part, ces engagements n’étaient pas complets et efficaces à tous points de vue, comme cela était prévu au point 9 de la communication sur les mesures correctives. Certes, les engagements structuraux, consistant à céder les usines d’ARP actives sur le segment des produits laminés « haut de gamme », auraient éliminé l’essentiel du recoupement des activités des parties à la concentration en cause sur le marché en cause, notamment sur ledit segment. Cependant, ils n’auraient pas garanti que les usines à céder exercent, après ladite concentration, une contrainte concurrentielle équivalente à celle qu’ARP exerçait sur la requérante, avant celle-ci, dans la mesure où la compétitivité et la viabilité à long terme de ces usines dépendaient fortement des avantages qu’elles tiraient de leur fonctionnement verticalement intégré et de leur proximité géographique avec Schwermetall. Le contrat d’approvisionnement et de services transitoire n’aurait apporté qu’une solution temporaire, qui n’aurait pas réglé sur le long terme et indépendamment des ressources d’un acquéreur futur éventuel, conformément au point 30 de la communication sur les mesures correctives, les problèmes de concurrence identifiés. D’autre part, les deuxièmes engagements proposés n’auraient pas réglé tous les effets anticoncurrentiels de la concentration en cause. Le passage d’un contrôle conjoint à exclusif de la requérante sur Schwermetall lui aurait permis, après ladite concentration, d’augmenter les coûts de production de celles de ses concurrentes sur le marché en cause qui s’approvisionnaient en bandes prélaminées auprès de Schwermetall. Le contrat d’approvisionnement et de services transitoire n’aurait pas apporté de solution à ce problème, puisqu’il n’aurait profité qu’au futur acquéreur potentiel des usines à céder et non à celles des autres concurrentes sur le marché en cause qui étaient dépendantes des approvisionnements de Schwermetall. De plus, après la concentration en cause, la requérante aurait pu accéder à des informations commercialement sensibles concernant lesdites concurrentes.

672 Par ailleurs, pour autant que, dans le cadre du présent grief, la requérante prétend que la motivation du rejet des premiers engagements proposés, retenue dans la décision d’ouverture de la procédure d’examen approfondi, était erronée, celle-ci soulève un grief de fond qui se confond avec l’un des griefs avancés dans la quatrième branche du neuvième moyen et qui a déjà été rejeté comme étant non fondé (voir point 597 ci-dessus).

673 Ainsi et en tout état de cause, il n’apparaît pas que, dans les circonstances de l’espèce, la Commission aurait contrevenu aux points 80, 81 et 92 de la communication sur les mesures correctives en ne consultant pas les acteurs du marché sur les premiers et deuxièmes engagements proposés.

674 Enfin, il y a lieu de constater que, dans les délais contraints qui étaient ceux de la procédure en matière de concentration, la Commission a dûment procédé, en l’espèce, à la consultation des acteurs du marché sur les derniers engagements valablement proposés par la requérante, à savoir les troisièmes engagements proposés, conformément à ce qui est indiqué au considérant 17 du règlement no 802/2004.

675 Au vu de l’ensemble des appréciations qui précèdent, il y a lieu de rejeter les premier et deuxième griefs.

b) Sur le troisième grief

676 La requérante invoque le principe de bonne administration et le considérant 35 du règlement no 139/2004 à l’appui de son argumentation selon laquelle la Commission aurait été tenue de consulter les acteurs du marché dans un délai suffisant pour lui permettre d’ajuster ou d’améliorer, le cas échéant, les troisièmes engagements proposés, au vu du résultat de la consultation.

677 Sur le fondement de la jurisprudence déjà citée au point 663 ci-dessus, il y a lieu de constater que le principe de bonne administration ne conférait aucun droit à la requérante qui aurait imposé à la Commission de consulter plus tôt les acteurs du marché sur les troisièmes engagements proposés.

678 Pour autant que la requérante argue qu’une telle obligation dérivait d’une application du principe de bonne administration, combinée à une obligation reflétée au considérant 35 du règlement no 139/2004, il y a lieu de rappeler que, outre le fait que ce dernier considérant ne traite pas de la question du délai qu’il faudrait éventuellement laisser aux parties notifiantes, après la consultation des acteurs du marché au sujet des engagements, pour leur permettre d’adapter ou de modifier ces derniers à la lumière des résultats de la consultation, il ressort de la jurisprudence déjà citée au point 664 ci-dessus qu’il ne peut, en tout état de cause, être déduit d’un simple considérant une obligation pesant en ce sens sur la Commission.

679 Or, la requérante n’a invoqué aucune autre règle, légalement contraignante, du droit des concentrations de l’Union d’où aurait pu découler, pour la Commission, l’obligation qu’elle allègue.

680 En tout état de cause, au vu de la jurisprudence citée au point 504 ci-dessus, le fait que la Commission ait reçu suffisamment de réponses des acteurs du marché sur les troisièmes engagements proposés implique que la consultation en question a pu se dérouler de manière satisfaisante et, donc, dans le respect des obligations qui découlent du règlement no 139/2004.

681 Au vu de l’ensemble des appréciations qui précèdent, il y a lieu de rejeter le troisième grief.

682 Partant, il convient de rejeter intégralement la première branche du onzième moyen.

2. Sur la seconde branche du onzième moyen

683 Par la seconde branche du onzième moyen, la requérante reproche à la Commission d’avoir refusé d’organiser une seconde audition après l’envoi de la première lettre d’exposé des faits. L’article 18 du règlement no 139/2004, l’article 14 du règlement no 802/2004 et le principe du respect des droits de la défense, énoncé à l’article 48, paragraphe 2, de la charte des droits fondamentaux, auraient imposé à la Commission l’organisation d’une telle audition. En effet, la première lettre d’exposé des faits aurait contenu de nouveaux griefs ou des griefs additionnels quant à la communication des griefs, au sens de la jurisprudence, dans la mesure où la Commission aurait entendu fonder ses griefs sur des preuves préexistantes – qu’elle lui avait elle-même, pour la plupart, communiquées, le 1er octobre 2018, dans sa réponse à la demande d’informations no 24 –, mais non encore invoquées. Une seconde audition lui aurait permis d’expliquer à la Commission, devant des tiers, ses erreurs d’analyse concernant les troisièmes engagements proposés, ce qui aurait pu conduire cette dernière à adopter une décision différente.

684 La Commission réfute les arguments de la requérante et conclut au rejet de la seconde branche du onzième moyen comme étant non fondée.

685 À titre liminaire, il y a lieu de rappeler que le respect des droits de la défense est un principe général du droit de l’Union européenne, énoncé dans la charte des droits fondamentaux, qui doit être garanti dans toutes les procédures, y compris les procédures devant la Commission en matière de concentrations (voir arrêt du 7 mars 2017, United Parcel Service/Commission, T 194/13, EU:T:2017:144, point 199 et jurisprudence citée).

686 Dans le cadre de ces procédures, le respect des droits de la défense exige, en particulier, que les parties notifiantes aient été mises en mesure, au cours de la procédure administrative, de faire connaître utilement leur point de vue sur la réalité et la pertinence des faits, sur les circonstances alléguées ainsi que sur les documents retenus par la Commission à l’appui de sa position [voir, en ce sens, arrêt du 5 octobre 2020, HeidelbergCement et Schwenk Zement/Commission, T 380/17, non publié, EU:T:2020:471, point 666].

687 L’article 18, paragraphe 3, première et deuxième phrases, du règlement no 139/2004 reflète ce principe en prévoyant que « [l]a Commission ne fonde ses décisions que sur les objections au sujet desquelles les intéressés ont pu faire valoir leurs observations » et que « [l]es droits de la défense des intéressés sont pleinement assurés dans le déroulement de la procédure » (voir, en ce sens, arrêt du 16 juillet 2009, Commission/Schneider Electric, C 440/07 P, EU:C:2009:459, point 162).

688 Les obligations qui incombent à la Commission de communiquer ses objections aux parties notifiantes et d’auditionner ces dernières avant de prendre une décision en vertu de l’article 6, paragraphe 3, ou de l’article 8, paragraphes 2 à 6, du règlement no 139/2004 sont reprises aux articles 13 et 14 du règlement no 802/2004.

689 La communication des objections ou, selon la formule habituelle, des griefs est ainsi conçue comme un document de caractère procédural et préparatoire qui, en vue d’assurer l’exercice efficace des droits de la défense, par écrit ou oralement, circonscrit l’objet de la procédure administrative engagée par la Commission, empêchant ainsi cette dernière de retenir d’autres griefs dans sa décision mettant fin à ladite procédure. Il est donc inhérent à la nature de cette communication d’être provisoire et susceptible de modifications, lors de l’évaluation à laquelle la Commission procède ultérieurement, sur la base des observations qui lui ont été présentées en réponse par les parties notifiantes ainsi que d’autres constatations factuelles. En effet, la Commission doit tenir compte des éléments résultant de l’intégralité de la procédure administrative soit pour abandonner des griefs qui seraient mal fondés, soit pour aménager et pour compléter, tant en fait qu’en droit, son argumentation à l’appui des griefs qu’elle retient (voir arrêt du 10 juillet 2008, Bertelsmann et Sony Corporation of America/Impala, C 413/06 P, EU:C:2008:392, point 63 et jurisprudence citée).

690 L’article 18, paragraphe 3, du règlement no 139/2004 implique que, lorsque la Commission constate au cours de la procédure d’examen approfondi, postérieurement à la communication des griefs, qu’un problème de concurrence susceptible d’aboutir à une déclaration d’incompatibilité n’a pas été ou a été insuffisamment énoncé dans cette communication, elle doit ou bien renoncer à ce grief au stade de sa décision finale ou bien mettre les parties notifiantes en mesure de formuler, avant celle-ci, toutes observations sur le fond et toutes propositions de mesures correctives utiles (arrêt du 16 juillet 2009, Commission/Schneider Electric, C 440/07 P, EU:C:2009:459, point 165).

691 En l’espèce, la requérante ne conteste pas que, avant d’adopter la décision attaquée, en vertu de l’article 8, paragraphe 3, du règlement no 139/2004, la Commission lui a adressé, le 24 octobre 2018, une communication des griefs écrite, sur laquelle elle a pu faire valoir des observations écrites le 12 novembre 2018, puis qu’elle a été entendue oralement, par la Commission, le 19 novembre 2018.

692 D’une part, la requérante constate que, le 30 novembre 2018, la Commission lui a envoyé une première lettre d’exposé des faits, l’informant de la présence d’éléments de preuve qui n’avaient pas été invoqués dans la communication des griefs, mais qui, après analyse complémentaire, pouvaient être utiles pour étayer les conclusions préliminaires qu’elle avait tirées dans ladite communication. Elle note qu’elle avait communiqué la plupart de ces éléments à la Commission, le 1er octobre 2018, dans sa réponse à la demande d’informations no 24.

693 D’autre part, elle reproche à la Commission de ne lui avoir permis que de faire des observations écrites sur le contenu de cette lettre, mais pas d’être entendue oralement sur celui-ci, dans le cadre d’une seconde audition formelle, qui aurait été organisée conformément à l’article 14, paragraphe 1, du règlement no 802/2004.

694 À cet égard, il importe, tout d’abord, de relever que le principe général du respect des droits de la défense et, en particulier, le droit d’être entendu ne signifient pas que la personne intéressée doit être mise en mesure de s’exprimer oralement. Ainsi, la mise en œuvre du droit d’être entendu n’implique pas nécessairement une audition de la personne concernée, la possibilité de présenter des observations par écrit permettant également de satisfaire audit droit [arrêt du 5 octobre 2020, HeidelbergCement et Schwenk Zement/Commission, T 380/17, EU:T:2020:471, point 634 (non publié)].

695 En outre, il ressort du texte de l’article 14, paragraphe 1, du règlement no 802/2004, lu conjointement avec l’article 13 de ce même règlement, que la Commission n’est tenue d’organiser une audition que lorsque les parties notifiantes en font la demande dans leurs observations écrites sur la communication des griefs. En revanche, l’organisation, à la demande des parties notifiantes, de nouvelles auditions, après celle portant sur la communication des griefs, n’est prévue que comme étant une simple possibilité pour la Commission.

696 La requérante ne reproche pas à la Commission de l’avoir informée de ce qu’elle entendait étayer ses conclusions provisoires, dans la communication des griefs, sur des éléments de preuve qui n’avaient pas été invoqués dans cette dernière par une simple lettre d’exposé des faits, plutôt qu’en lui adressant une nouvelle communication des griefs. Dans ces conditions, il n’y a pas lieu de s’interroger sur la question de savoir si la requérante aurait eu le droit d’obtenir, dans les circonstances de l’espèce, une nouvelle communication des griefs et une nouvelle audition en réponse à cette même communication. En tout état de cause, la requérante reconnaît elle-même, en substance, que la première lettre d’exposé des faits se bornait à faire état d’éléments de preuve additionnels à l’appui de faits, de griefs ou de circonstances qui étaient déjà contenus dans la communication des griefs.

697 En outre, elle ne conteste pas, d’une part, que la Commission lui avait indiqué son intention d’étayer ses conclusions provisoires, tirées dans la communication des griefs, sur les nouveaux éléments de preuve visés dans la première lettre d’exposé des faits et, d’autre part, qu’elle a fait valoir ses observations à leur sujet, dans le délai imparti par la Commission. À cet égard, il y a lieu de rappeler que, lorsqu’un document n’a pas été mentionné dans la communication des griefs, celui-ci peut néanmoins constituer une preuve admissible, sous réserve d’avoir été communiqué en temps utile pour que le destinataire puisse formuler ses observations avant l’adoption de la décision litigieuse [voir, en ce sens, arrêt du 5 octobre 2020, HeidelbergCement et Schwenk Zement/Commission, T 380/17, EU:T:2020:471, point 636 (non publié)]. En l’espèce, la requérante a eu l’occasion d’exprimer en temps utile, par écrit, son opinion sur la valeur probante des nouveaux éléments de preuve visés dans la première lettre d’exposé des faits. Dès lors, ses droits de la défense ont été, à cet égard, respectés, comme l’a d’ailleurs également constaté le conseiller-auditeur, lorsqu’il a été saisi à ce sujet, par la requérante, dans le cadre de la procédure administrative.

698 Ce constat n’est pas remis en cause par le fait que la plupart des nouveaux éléments de preuve invoqués par la Commission dans la première lettre d’exposé des faits préexistaient, dans son dossier, à la communication des griefs, puisqu’ils lui avaient été communiqués par la requérante, le 1er octobre 2018, en réponse à sa demande d’informations no 24. En effet, cette circonstance est dépourvue de pertinence, puisque, ainsi qu’il ressort de la jurisprudence citée au point 689 ci-dessus, la position arrêtée par la Commission, dans la communication des griefs, n’est qu’une position provisoire, que celle-ci peut faire évoluer à mesure que son analyse du dossier s’approfondit, aussi longtemps que cette évolution intervient dans le respect des droits de la défense des parties notifiantes (voir, en ce sens et par analogie, arrêt du 20 mars 2002, LR AF 1998/Commission, T 23/99, EU:T:2002:75, point 190). Or, ainsi que cela a déjà été relevé au point 697 ci-dessus, la prise en compte par la Commission, après la communication des griefs, des éléments de preuve préexistants est intervenue, en l’espèce, dans le respect des droits de la défense de la requérante.

699 De même, ce constat n’est pas remis en cause par le fait que la requérante avait demandé, dans ses observations en réponse à la première lettre d’exposé des faits, du 12 novembre 2018, l’organisation d’une nouvelle audition sur le contenu de cette lettre, dès lors que, ainsi que cela a déjà été relevé au point 695 ci-dessus, en vertu de l’article 14, paragraphe 1, du règlement no 802/2004, la Commission n’était pas tenue de faire droit à une telle demande.

700 En tout état de cause, une violation des droits de la défense ne justifie l’annulation de la décision qui est attaquée que lorsqu’il existe une possibilité que, en l’absence de cette violation, la procédure administrative menée par la Commission aurait pu aboutir à un résultat différent. Un requérant établit qu’une telle violation a eu lieu lorsqu’il démontre, à suffisance de droit, non pas que la décision de la Commission aurait pu avoir un contenu différent, mais qu’il aurait pu mieux assurer sa défense en l’absence de l’irrégularité constatée (voir arrêt du 2 octobre 2003, Thyssen Stahl/Commission, C 194/99 P, EU:C:2003:527, point 31 et jurisprudence citée).

701 Or, en l’espèce, la requérante n’a pas démontré à suffisance de droit qu’elle aurait mieux pu assurer sa défense en étant entendue oralement, plutôt que par écrit, sur les nouveaux éléments de preuve invoqués par la Commission, dans la première lettre d’exposé des faits, pour étayer les conclusions provisoires qu’elle avait tirées dans la communication des griefs.

702 Ainsi, aucune violation des droits de la défense ayant une incidence possible sur l’issue de la procédure administrative n’a été établie par la requérante du fait du refus de la Commission d’organiser une seconde audition après l’envoi de la première lettre d’exposé des faits.

703 Sur le fondement des appréciations qui précèdent, il convient de rejeter la seconde branche du onzième moyen, de sorte que ce dernier moyen se trouve être intégralement rejeté.

704 L’ensemble des moyens invoqués à l’appui du présent recours se trouvant ainsi rejetés, ce dernier doit être, lui-même, intégralement rejeté.

III. Sur les dépens

705 Aux termes de l’article 134, paragraphe 1, du règlement de procédure, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens.

706 En l’espèce, la requérante ayant succombé, il y a lieu de la condamner aux dépens, conformément aux conclusions de la Commission.

Par ces motifs,

LE TRIBUNAL (deuxième chambre)

déclare et arrête :

1) Le recours est rejeté.

2) Wieland-Werke AG est condamnée aux dépens.

Tomljenović       Schalin  Škvařilová-Pelzl

Ainsi prononcé en audience publique à Luxembourg, le 18 mai 2022.