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Décisions

Cass. crim., 15 mai 1990, n° 89-85.772

COUR DE CASSATION

Arrêt

Cassation

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Berthiau

Rapporteur :

M. Dardel

Avocat général :

Mme Pradain

Avocat :

SCP Boré et Xavier

Paris, du 15 sept. 1989

15 septembre 1989

CASSATION PARTIELLE sur le pourvoi formé par :

- X... Simone, épouse Y..., partie civile,

contre l'arrêt de la cour d'appel de Paris, 11e chambre, en date du 15 septembre 1989 qui, dans les poursuites exercées à sa requête contre Jean-Pierre Y... du chef d'ouverture de correspondance, l'a, après relaxe de celui-ci, déboutée de son action civile.

LA COUR,

Vu le mémoire produit ;

Sur le moyen unique de cassation pris de la violation des articles 187, alinéa 2, du Code pénal, 388 et 593 du Code de procédure pénale, défaut de motifs et manque de base légale à :

" en ce que l'arrêt attaqué a relaxé M. Y... des fins de la poursuite et a débouté Mme Y... de ses demandes ;

" aux motifs qu'" il est établi que c'est à la demande expresse de Mme Y... que son courrier était remis par le concierge dans la boîte aux lettres de M. Y... ; qu'elle a ainsi facilité la confusion qui devait amener M. Y... à ouvrir une lettre provenant de la banque de Mme Y... ; que le prévenu n'a donc usé d'aucune manoeuvre pour se procurer le courrier qu'il recevait mêlé dans sa propre boîte aux lettres ; qu'il n'est nullement établi que M. Y... ait eu le désir de s'emparer des renseignements que contenait la lettre litigieuse ; qu'en l'absence de preuve d'une quelconque mauvaise foi, le délit n'est pas établi (arrêt attaqué page 4, alinéas 2, 3, 4) ; que l'utilisation ultérieure devant le juge conciliateur du document contenu dans la lettre ouverte par le prévenu est sans rapport avec le délit visé dans la citation de la partie civile (arrêt attaqué page 4, alinéa 5) " ;

" 1° alors qu'il appartient au juge de statuer sur tous les faits visés dans la citation ; que Mme Y... avait soutenu dans la citation directe que M. Y... avait ouvert du courrier destiné à son épouse et qu'il en avait fait état dans la procédure de divorce ; que la cour d'appel devait donc non seulement rechercher si M. Y... avait ou non ouvert par inadvertance le courrier adressé à sa femme mais aussi si l'utilisation en justice des documents ainsi détournés même par suite d'une négligence, ne caractérisait pas le délit de supression de correspondance visé à la prévention ; qu'en relaxant M. Y... des fins de la poursuite au seul motif que sa mauvaise foi lors de l'ouverture de la lettre ne serait pas établie, la cour d'appel a violé les textes susvisés ;

" 2° alors que le délit prévu par l'article 187, alinéa 2, du Code pénal sanctionne l'ouverture de mauvaise foi d'un courrier par une personne à laquelle il n'est pas destiné ; qu'il sanctionne également tous faits malveillants susceptibles de priver même momentanément le destinataire de la correspondance qui lui est adressée ; que tel a bien été le cas en l'espèce, Mme Y... ayant dénoncé dans sa citation l'usage fait par M. Y... de la lettre dans le cadre de l'instance en divorce ; qu'en énonçant dès lors que l'utilisation ultérieure devant le juge conciliateur du document contenu dans la lettre ouverte par le prévenu est sans rapport avec le délit visé à la prévention, la cour d'appel a violé les textes susvisés ;

Vu lesdits articles ;

Attendu que, d'une part, les arrêts et jugements en dernier ressort sont déclarés nuls s'ils ne contiennent pas de motifs ; que l'insuffisance ou la contradiction des motifs équivaut à leur absence ;

Attendu que, d'autre part, l'article 187, alinéa 2, du Code pénal réprime les agissements susceptibles de priver définitivement ou momentanément les destinataires des correspondances qui leur sont adressées ;

Qu'en outre la mauvaise foi résulte de la connaissance qu'a le prévenu de ce que les lettres ne lui étaient pas destinées et de ce qu'il les a volontairement conservées pour empêcher ou retarder leur transmission à leur destinataire ;

Attendu qu'il résulte de l'arrêt attaqué que Jean-Pierre Y... et son épouse Simone X... ayant décidé d'un commun accord d'utiliser la même boîte aux lettres installée dans l'immeuble où le premier était domicilié et où était fixé le siège de la société occupant la seconde, ledit Y... a été amené à prendre connaissance d'une correspondance postale adressée par une banque à son épouse ;

Mais attendu qu'après avoir relevé que Y... avait ultérieurement produit ce document dans le procès en divorce l'opposant à sa femme, les juges ne pouvaient sans se contredire déclarer qu'il n'était pas établi que le prévenu eût l'intention de s'emparer des renseignements contenus dans la lettre et qu'en l'absence de mauvaise foi de la part de ce dernier, le délit n'était pas établi ;

Attendu qu'en statuant ainsi la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision et que dès lors la cassation est encourue ;

Par ces motifs :

CASSE ET ANNULE en ses seules dispositions civiles l'arrêt de la cour d'appel de Paris du 15 septembre 1989, toutes autres dispositions étant expressément maintenues et pour qu'il soit à nouveau jugé conformément à la loi dans les limites de la cassation ainsi prononcée :

RENVOIE la cause et les parties devant la cour d'appel d'Orléans.