Cass. com., 1 mars 1994, n° 92-14.548
COUR DE CASSATION
Arrêt
Rejet
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. Bezard
Rapporteur :
M. Gomez
Avocat général :
M. de Gouttes
Avocats :
Me Barbey, Me Thomas-Raqui
Sur le moyen unique, pris en ses trois branches :
Attendu, selon les énonciations de l'arrêt attaqué (Aix-en-Provence, 11 mars 1992), que la société S 13, titulaire de la marque Poivre X..., inscrite sur la base d'un triangle en lettres majuscules, déposée le 2 avril 1984 pour désigner les produits dans les classes 25 et 35, et des droits patrimoniaux sur un dessin représentant un buste d'enfant de couleur noire coiffé d'une casquette, dans un liseré triangulaire de couleur noire sur fond vert, qui lui ont été cédés le 31 décembre 1988 par M. Claude Y..., a assigné pour contrefaçon et concurrence déloyale, la société Carrefour qui a mis en vente des vêtements de la marque Poivre X..., et a confectionné un panneau publicitaire de forme triangulaire reproduisant le dessin et l'élément nominatif de la marque ;
Attendu que la société S 13 fait grief à l'arrêt d'avoir rejeté sa demande en contrefaçon de la marque alors, selon le pourvoi, d'une part, que la confection du signe porte atteinte aux droits sur la marque, même si le signe est destiné à s'appliquer à des objets authentiques, provenant du titulaire de marque ; qu'en l'espèce, après avoir constaté que la société Carrefour avait procédé à une confection du signe en plaçant la marque Poivre X... sur un panneau figurant dans ses magasins, la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations, en violation de l'article 27 de la loi du 31 décembre 1964, en décidant que la société Carrefour n'avait pas ainsi porté atteinte à ses droits sur la marque considérée ; alors, d'autre part, que la cour d'appel ne pouvait sans violer l'article 13 de la loi du 31 décembre 1964, pour en décider autrement, se fonder sur une autorisation implicite dont bénéficierait le distributeur en vue de l'utilisation de la marque du fabricant, dès lors que toute autorisation d'utiliser une marque doit être expresse et constatée par écrit ; alors, enfin, subsidiairement, qu'en retenant que l'élément figuratif du panneau confectionné par la société Carrefour et constitué d'un buste de petit noir, inséré dans un triangle, ne contrefaisait pas le triangle parsemé de points objet de sa marque, sans rechercher d'un côté, si le triangle n'était pas un élément essentiel et distinctif de sa marque complexe et d'un autre côté, si, dans le panneau de la société Carrefour, le triangle se fondait dans un ensemble lui faisant perdre tout caractère distinctif, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision au regard de l'article 27 de la loi du 31 décembre 1964 ;
Mais attendu que la confection, par le distributeur, du signe reproduisant une marque protégée, lorsque ce dernier est destiné à désigner des produits authentiques, commercialisés dans des conditions normales, n'en constitue pas la contrefaçon et ne nécessite pas l'autorisation écrite du titulaire ; que la cour d'appel, qui a relevé que la société Carrefour avait mentionné la marque Poivre X... afin de permettre à sa clientèle de retrouver plus commodément le rayon dans lequel étaient exposés les articles de la marque et a retenu, à bon droit, que le distributeur bénéficie de l'autorisation implicite d'utiliser la marque du fabricant, dès lors que cette utilisation n'est pas faite dans des conditions de nature à préjudicier à la marque, n'avait pas à rechercher si le signe utilisé par la société Carrefour contrefaisait la marque ;
d'où il suit que le moyen n'est fondé en aucune de ses branches ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne la société S13, envers la société Carrefour France SNC, aux dépens et aux frais d'exécution du présent arrêt ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de Cassation, Chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par M. le président en son audience publique du premier mars mil neuf cent quatre-vingt-quatorze.