Cass. com., 15 mars 1994, n° 92-10.791
COUR DE CASSATION
Arrêt
Rejet
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. Bezard
Rapporteur :
M. Gomez
Avocat général :
M. Curti
Avocat :
Me Barbey
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Lyon, 21 novembre 1991), que la société S 13, titulaire de la marque Poivre blanc, a assigné pour contrefaçon et concurrence déloyale la société Carrefour, qui avait organisé une vente promotionnelle de vêtements revêtus de la marque en les exposant avec d'autres produits sur un rayonnage surmonté d'un panneau publicitaire reproduisant les éléments graphiques et nominatif de la marque ;
Sur le premier moyen, pris en ses deux branches :
Attendu que la société S 13 fait grief à l'arrêt d'avoir rejeté la demande en usage illicite de la marque, alors, selon le pourvoi, d'une part, que constitue une atteinte illicite à la marque le fait pour un revendeur de reproduire celle-ci, sans l'autorisation de son titulaire, sur un panneau publicitaire placé au-dessus d'un rayonnage n'exposant pas exclusivement les produits se rapportant à ladite marque ; qu'en décidant le contraire, la cour d'appel a violé l'article 27 de la loi du 31 décembre 1964 ; alors, d'autre part, que le fait d'effectuer sur une marque une publicité dans un catalogue de vente, sans soumettre celle-ci à l'agrément de son titulaire, constitue une atteinte illicite à ladite marque ; qu'en en décidant autrement, la cour d'appel a derechef violé l'article 27 de la loi du 31 décembre 1964 ;
Mais attendu que la cour d'appel, après avoir relevé que la société Carrefour disposait d'un approvisionnement suffisant de produits revêtus de la marque pendant la campagne promotionnelle et que la publicité en faveur des produits revêtus de la marque litigieuse et la mise en vente de ces derniers à proximité de ceux commercialisés par la société Carrefour étaient effectuées dans des conditions commerciales normales, a déduit, à bon droit, de ces constatations et appréciations, que la reproduction de la marque sans autorisation de son titulaire ne constituait pas une atteinte illicite aux droits de propriété industrielle ; d'où il suit que le moyen n'est fondé en aucune de ses deux branches ;
Sur le second moyen, pris en ses trois branches :
Attendu que la société S13 fait grief à l'arrêt d'avoir rejeté la demande fondée sur la concurrence déloyale, alors, selon le pourvoi, d'une part, qu'en écartant toute concurrence déloyale sans rechercher, comme l'y invitaient ses conclusions, si, en reproduisant la marque et le dessin de cette société sur un panneau publicitaire placé au-dessus du rayonnage n'exposant pas exclusivement ses produits, mais également ses propres produits, la société Carrefour ne s'était pas fautivement placée dans son sillage et n'avait pas abusivement profité d'un risque de confusion sur l'origine des produits considérés, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles 1382 et 1383 du Code civil ; alors, d'autre part, que, pour les mêmes motifs, la cour d'appel a entaché sa décision de défaut de réponse à conclusions, en violation de l'article 455 du nouveau Code de procédure civile ;
alors, enfin, qu'en omettant encore de répondre à ses conclusions faisant valoir que l'utilisation illicite d'une reproduction servile de dessins à des fins en outre publicitaires et commerciales constituait en sus de la contrefaçon un acte de concurrence déloyale, la cour d'appel a violé l'article 455 du nouveau Code de procédure civile ;
Mais attendu que la cour d'appel, après avoir retenu que le prix proposé à la vente des produits de la société S 13 était attractif mais fixé à un niveau suffisamment élevé pour que l'exposition dans le même rayon de ces produits et de ceux de la société Carrefour ne constitue pas une tentative de la part de cette dernière société de profiter, dans des conditions parasitaires, des efforts de la société S 13, a pu décider, répondant en les rejetant aux conclusions prétendument délaissées, qu'il n'était pas établi que la société Carrefour ait commis une faute pouvant être qualifiée de concurrence déloyale ; d'où il suit que le moyen n'est fondé en aucune de ses trois branches ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne la société S13, envers la société Carrefour, aux dépens et aux frais d'exécution du présent arrêt ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de Cassation, Chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par M. le président en son audience publique du quinze mars mil neuf cent quatre-vingt-quatorze.