TUE, 8e ch., 19 mai 2022, n° T-593/20
TRIBUNAL DE L'UNION EUROPÉENNE
Arrêt
Rejet
PARTIES
Demandeur :
Tirrenia di navigazione SpA
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
J. Svenningsen
Juges :
R. Barents (rapporteur), T. Pynnä
LE TRIBUNAL (huitième chambre),
Arrêt
1 Par son recours fondé sur l’article 263 TFUE, Tirrenia di navigazione SpA (ci-après la « requérante » ou « Tirrenia ») demande l’annulation de la décision (UE) 2020/1412 de la Commission, du 2 mars 2020, concernant les mesures d’aide SA.32014, SA.32015, SA.32016 (11/C) (ex 11/NN) mises à exécution par l’Italie en faveur de Tirrenia di Navigazione et de son acquéreur Compagnia Italiana di Navigazione (JO 2020, L 332, p. 45, ci-après la « décision attaquée »).
Antécédents du litige
Conventions initiales
2 Il ressort de la décision attaquée que l’ancien groupe Tirrenia SpA, qui a longtemps appartenu à la République italienne par l’intermédiaire de Fintecna – Finanziaria per i Settori Industriale e dei Servizi SpA, comprenait initialement six sociétés, à savoir Tirrenia, Adriatica di Navigazione SpA (ci-après « Adriatica »), Caremar – Campania Regionale Marittima SpA (ci-après « Caremar »), Saremar – Sardegna Regionale Marittima SpA (ci-après « Saremar »), Siremar – Sicilia Regionale Marittima SpA (ci-après « Siremar ») et Toremar – Toscana Regionale Marittima SpA (ci-après « Toremar »). Ces sociétés assuraient des services de transport maritime sur la base de contrats de service public conclus en 1991 avec la République italienne et qui sont restés en vigueur durant 20 ans, du mois de janvier 1989 au mois de décembre 2008 (ci-après les « conventions initiales »). Par ces conventions initiales, qui avaient pour objet de garantir la régularité et la fiabilité des services maritimes de transport, la République italienne a accordé un soutien financier sous la forme de subventions versées directement à chacune des compagnies du groupe Tirrenia. En 2004, Tirrenia a fusionné avec Adriatica, qui exploitait de nombreuses lignes maritimes entre, d’une part, l’Italie et, d’autre part, l’Albanie, la Croatie, la Grèce et le Monténégro.
3 Tirrenia, quant à elle, fournit des services de transport maritime sur diverses lignes de transport mixte (passagers, automobiles et autocars) ainsi que sur certaines lignes de marchandises, principalement entre l’Italie continentale et les îles italiennes de Sardaigne, de Sicile et de Tremiti ainsi qu’entre la Sardaigne et la Sicile.
4 Le 6 août 1999, la Commission des Communautés européennes a ouvert la procédure prévue à l’article 108, paragraphe 2, TFUE concernant l’aide versée sur le fondement des conventions initiales aux six sociétés mentionnées au point 2 ci-dessus et qui formaient à l’époque le groupe Tirrenia.
5 Au cours de la procédure d’examen, les autorités italiennes ont demandé que l’affaire relative au groupe Tirrenia soit scindée afin de donner la priorité à l’obtention d’une décision finale concernant Tirrenia. Cette demande était motivée par la volonté des autorités italiennes de procéder à la privatisation du groupe, en commençant précisément par Tirrenia, et par le souci d’accélérer le processus relatif à cette entreprise.
6 La Commission a fait droit à cette demande et, par la décision 2001/851/CE, du 21 juin 2001, concernant les aides d’État versées par l’Italie à la compagnie maritime Tirrenia di Navigazione (JO 2001, L 318, p. 9), a clos la procédure ouverte concernant les aides versées à Tirrenia, en les déclarant compatibles, sous réserve du respect de certains engagements pris par les autorités italiennes.
7 Par la décision 2005/163/CE, du 16 mars 2004, concernant les aides d’État versées par l’Italie aux compagnies maritimes Adriatica, Caremar, Siremar, Saremar et Toremar (Gruppo Tirrenia) (JO 2005, L 53, p. 29), la Commission a déclaré que la compensation accordée par la République italienne aux sociétés du groupe Tirrenia autres que Tirrenia elle-même était, pour une part, compatible avec le marché intérieur, sous réserve du respect d’engagements pris par les autorités italiennes, et, pour une autre part, incompatible avec le marché intérieur.
8 Par l’arrêt du 4 mars 2009, Tirrenia di Navigazione e.a./Commission, (T 265/04, T 292/04 et T 504/04, non publié, EU:T:2009:48), le Tribunal a annulé la décision 2005/163 en raison d’une insuffisance de motivation.
Reconduction des conventions initiales
9 Les conventions initiales, qui devaient arriver à expiration le 31 décembre 2008, ont été prolongées d’une année. En vue de la privatisation des sociétés du groupe Tirrenia, la cession de la participation des sociétés régionales (à l’exception de Siremar) a été effectuée par la société mère Tirrenia, sans versement d’une contrepartie. Caremar devait être cédée à la Regione Campania (région de Campanie, Italie), qui devait ensuite la céder à la Regione Lazio (région du Latium, Italie), Saremar devait être cédée à la Regione Autonoma della Sardegna (région autonome de Sardaigne, Italie) et Toremar à la Regione de Toscana (région de la Toscane, Italie).
10 La legge no 14, Conversione in legge, con modificazioni, del decreto-legge 30 dicembre 2008, n. 207, recante proroga di termini previsti da disposizioni legislative e disposizioni finanziarie urgenti (loi no 14 portant conversion, avec modifications, du décret-loi no 207, du 30 décembre 2008, prorogeant les délais prévus par des dispositions législatives et financières urgentes), du 27 février 2009 (GURI no 49, du 28 février 2009), prévoyait que de nouvelles conventions devaient être conclues pour le 31 décembre 2009 au plus tard entre, d’une part, la République italienne et, d’autre part, Tirrenia et Siremar. De même, les services régionaux devaient être établis dans le cadre de « contrats de service public » qui devaient être conclus par Saremar, Toremar et Caremar avec les autorités régionales pour, respectivement, le 31 décembre 2009 (avec la région autonome de Sardaigne et la région de Toscane) et le 28 février 2010 (avec la région de Campanie et la région du Latium) au plus tard. Le projet de nouvelles conventions de service public devait ensuite faire l’objet d’une procédure d’appel d’offres avec les sociétés elles-mêmes, puis devait être signé avec les acquéreurs à la date de finalisation de la privatisation de chacune des sociétés. À cette fin, les conventions initiales, qui avaient déjà été prolongées jusqu’au 30 septembre 2010, l’ont été à nouveau du 1er octobre 2010 jusqu’à l’achèvement des processus de privatisation de Tirrenia et de Siremar.
Privatisation de Tirrenia et conclusion de la nouvelle convention
11 En septembre 2010, une procédure d’appel d’offres a été lancée afin de trouver un acquéreur pour la branche d’entreprise Tirrenia liée à la nouvelle convention relative à la fourniture de services maritimes pendant une période de huit ans, en échange de compensations de service public. La procédure d’appel d’offres concernait uniquement les actifs et les contrats nécessaires à l’exécution des obligations de service public énoncées dans la nouvelle convention devant être conclue avec l’acquéreur. Il était prévu que les autres actifs de Tirrenia utilisés à d’autres fins (tels que les navires, les biens immobiliers et les œuvres d’art) seraient vendus dans le cadre de procédures distinctes. En outre, la procédure d’appel d’offres ne concernait pas le passif de Tirrenia, en sorte qu’aucune des dettes contractées par l’entreprise jusqu’à la date de la vente n’a été transférée à l’acquéreur. Il s’ensuit que, selon la décision attaquée, Tirrenia, sous administration extraordinaire, continuait à exister bien que sous la forme d’une entité distincte, dans le but premier d’être liquidée lorsque tous ses créanciers auraient été remboursés.
12 Eu égard à la sélection de son offre à l’issue de la procédure d’appel d’offres, Compagnia Italiana di Navigazione SpA (ci-après « CIN ») a signé, le 25 juillet 2011, le contrat d’acquisition de la branche d’entreprise Tirrenia. La nouvelle convention entre la République italienne et CIN a été signée le 18 juillet 2012. En vertu de cette convention, la République italienne a transféré la propriété de la branche d’entreprise Tirrenia à CIN.
Procédure administrative
13 À la suite de nombreuses plaintes reçues par la Commission, cette dernière a, le 5 octobre 2011, ouvert une procédure formelle d’examen, conformément à l’article 108, paragraphe 2, TFUE, à l’égard de plusieurs mesures adoptées par la République italienne en faveur de plusieurs compagnies de l’ancien groupe Tirrenia, à savoir Tirrenia, Adriatica, Caremar, Saremar, Siremar et Toremar (ci-après la « décision de 2011 »). L’enquête diligentée par la Commission a porté, notamment, sur les compensations accordées à Tirrenia en raison de l’exploitation de plusieurs lignes maritimes à partir du 1er janvier 2009 et sur le processus de privatisation qui avait conduit à l’acquisition de la branche d’entreprise Tirrenia par CIN. La Commission a invité les parties intéressées à présenter leurs observations sur les mesures faisant l’objet de la procédure d’examen.
14 De nombreuses observations ont été déposées par plusieurs sociétés. Elles ont été transmises aux autorités italiennes, qui n’ont présenté aucune observation en retour.
15 Le 10 janvier 2012, les autorités italiennes ont notifié le projet de contrat de service public que le futur acquéreur de Tirrenia et Siremar serait tenu de signer et sur la base duquel il recevrait une compensation. La Commission a, par lettres des 24 janvier, 4 février et 3 juillet 2012, demandé aux autorités italiennes de lui fournir des renseignements complémentaires. Lesdites autorités ont répondu par lettres des 9 février, 11 mai et 19 juillet 2012. Dans cette dernière lettre, la Commission a été informée que la nouvelle convention entre la République italienne et CIN avait été signée la veille.
16 Le 7 novembre 2012, la Commission a étendu la procédure d’examen, notamment en ce qui concernait la prolongation illégale de l’aide au sauvetage en faveur de Tirrenia et la compensation de service public accordée à CIN, en vertu de la nouvelle convention conclue avec la République italienne. Une version modifiée de cette décision a été adoptée le 19 décembre 2012 (ci-après la « décision de 2012 »).
17 À la suite de la publication de la décision de 2012, la Commission a invité les parties intéressées à lui présenter leurs observations sur les mesures faisant l’objet de la procédure d’examen.
18 Le 5 octobre 2012, la Commission a demandé à Ecorys Netherlands BV de lui fournir une estimation de la valeur de marché des actifs de Tirrenia mis en vente. Ecorys Netherlands a présenté son rapport final le 4 septembre 2013. Ce rapport a été transmis aux autorités italiennes le 27 septembre suivant et, par lettre du 17 décembre 2013, ces dernières ont présenté leurs observations sur ce rapport en les accompagnant d’une contre-évaluation établie par leur propre expert.
19 Par la décision (UE) 2018/261, du 22 janvier 2014, concernant les mesures d’aide SA.32014 (2011/C), SA.32015 (2011/C), SA.32016 (2011/C) mises à exécution par la Regione Sardegna en faveur de Saremar (JO 2018, L 49, p. 22), la Commission a clos la procédure formelle d’examen en ce qui concernait diverses mesures adoptées par la région autonome de Sardaigne en faveur de Saremar, dans le cadre de laquelle elle a, notamment, qualifié d’aides d’État une mesure de compensation de service public et une augmentation de capital, a déclaré ces mesures incompatibles avec le marché intérieur et en a ordonné le recouvrement. Le recours formé par Saremar et par la région autonome de Sardaigne a été rejeté par le Tribunal par arrêts du 6 avril 2017, Regione autonoma della Sardegna/Commission (T 219/14, EU:T:2017:266), et du 6 avril 2017, Saremar/Commission (T 220/14, EU:T:2017:267).
20 Les 12 février 2016, 29 mai, 18 septembre, 10 octobre et 22 novembre 2018, Grimaldi Euromed SpA a présenté ses observations à la Commission et une rencontre entre le représentant légal de cette dernière et les services de la Commission s’est tenue le 17 juillet 2018, à la demande de cette société.
21 Les 25 janvier, 29 mars et 31 août 2018, la Commission a demandé aux autorités italiennes des renseignements complémentaires, que ces dernières lui ont transmis les 26 avril, 31 mai, 2 novembre et 11 décembre 2018. Une réunion s’est déroulée les 23 et 24 janvier 2019 entre les services de la Commission et les autorités italiennes. Au cours des mois qui ont suivi, les autorités italiennes ont présenté les renseignements complémentaires demandés au cours de cette réunion.
22 Plusieurs mesures ont été appréciées par la Commission dans le cadre de la procédure formelle d’examen lancée par la décision de 2011 et par celle de 2012, à savoir : premièrement, la compensation versée pour la prestation de services d’intérêt économique général (SIEG) dans le cadre de la reconduction des conventions initiales (mesure 1) ; deuxièmement, la prolongation illégale de l’aide au sauvetage en faveur de Tirrenia et de Siremar (mesure 2) ; troisièmement, la privatisation des sociétés de l’ancien groupe Tirrenia (mesure 3) ; quatrièmement, la compensation versée pour la prestation de SIEG dans le cadre des futures conventions de service public (mesure 4) ; cinquièmement, la priorité d’accostage (mesure 5) ; sixièmement, les mesures visées par la legge no 163, Conversione in legge, con modificazioni, del decreto legge 125/2010, recante misure urgenti per il settore dei trasporti e disposizioni in materia finanziaria (loi no 163 portant conversion, avec modifications, du décret-loi no 125/2010 sur les mesures urgentes pour le secteur des transports et les dispositions financières), du 1er octobre 2010 (GURI no 233, du 5 octobre 2010, p. 1) (mesure 6), et, septièmement, les mesures supplémentaires adoptées par la région autonome de Sardaigne en faveur de Saremar (mesure 7).
23 Le 2 mars 2020, la Commission a adopté la décision attaquée, clôturant de ce fait la procédure formelle d’examen. Il ressort de la décision attaquée qu’elle concerne uniquement certaines mesures d’aide accordées en faveur de Tirrenia et de CIN, à savoir les mesures 1 à 6 décrites au point 22 ci-dessus. Toutes les autres mesures mentionnées dans les décisions de 2011 et de 2012 ont fait l’objet d’enquêtes distinctes, lesquelles ne font pas l’objet de la décision attaquée et concernent d’autres sociétés de l’ancien groupe Tirrenia.
24 L’article 2 de la décision attaquée est libellé ainsi :
« 1. La prolongation de l’aide au sauvetage du 11 juillet 2011 au 18 septembre 2012 constitue une aide d’État en faveur de Tirrenia, au sens de l’article 107, paragraphe 1, TFUE. L’aide d’État a été mise à exécution illégalement par l’Italie, en violation de l’article 108, paragraphe 3, TFUE.
2. L’aide visée au paragraphe 1 du présent article, qui s’élève à 25 203 063, 89 [euros], est incompatible avec le marché intérieur. »
25 L’article 3 de la décision attaquée dispose ce qui suit :
« 1. L’exonération des impôts indirects sur les transferts de Caremar, Saremar et Toremar aux régions de la Campanie, de la Sardaigne et de la Toscane, et sur le transfert de la branche d’entreprise Tirrenia à CIN constitue une aide d’État au sens de l’article 107, paragraphe 1, TFUE. L’aide d’État a été mise à exécution illégalement par l’Italie, en violation de l’article 108, paragraphe 3, TFUE.
2. L’exonération de l’impôt sur le revenu des sociétés relatif au produit de la vente de la branche d’entreprise Tirrenia à CIN constitue une aide d’État en faveur de Tirrenia, au sens de l’article 107, paragraphe 1, TFUE. L’aide d’État a été mise à exécution illégalement par l’Italie, en violation de l’article 108, paragraphe 3, TFUE.
3. L’aide visée aux paragraphes 1 et 2 du présent article est incompatible avec le marché intérieur.
4. À la date d’adoption de la présente décision, l’Italie n’a pas encore versé l’aide visée au paragraphe 2 du présent article. »
26 L’article 4 de la décision attaquée est rédigé ainsi :
« 1. L’utilisation, à des fins de liquidité, de fonds destinés à la modernisation des navires constitue une aide d’État en faveur de Tirrenia au sens de l’article 107, paragraphe 1, TFUE. L’aide d’État a été mise à exécution illégalement par l’Italie, en violation de l’article 108, paragraphe 3, TFUE.
2. L’aide visée au paragraphe 1 du présent article, d’un montant de 11 421 300 [euros], est incompatible avec le marché intérieur. »
27 Selon l’article 6 de la décision attaquée :
« 1. L’Italie récupèrera les aides incompatibles visées aux articles 2, 3 et 4 auprès des bénéficiaires, dans la mesure où elles ont été octroyées.
2. Les sommes à récupérer produisent des intérêts à partir de la date à laquelle elles ont été mises à la disposition des bénéficiaires, jusqu’à leur récupération effective.
3. Les intérêts sont calculés sur une base composée, conformément au chapitre V du règlement (CE) no 794/2004 de la Commission et du règlement (CE) no 271/2008 de la Commission.
4. Sur la base des informations dont elle dispose, la Commission reconnaît que le bénéficiaire a déjà remboursé le capital de l’aide visée à l’article 2.
5. L’Italie annule tous les paiements en suspens de l’aide visée à l’article 3, paragraphe 2, à compter de la date d’adoption de la présente décision. »
28 L’article 7 de la décision attaquée dispose ce qui suit :
« 1. La récupération de l’aide visée à l’article 6 est immédiate et effective.
2. L’Italie veille à ce que la présente décision soit exécutée dans les quatre mois suivant la date de la notification. »
Conclusions des parties
29 La requérante conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :
– annuler la décision attaquée, et plus précisément ses articles 2 à 4 ;
– à titre subsidiaire, annuler les articles 6 et 7 de la décision attaquée ordonnant la récupération des aides supposées et que ladite récupération soit immédiate et effective ;
– condamner la Commission aux dépens.
30 La Commission conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :
– rejeter le recours ;
– condamner la requérante aux dépens.
En droit
31 À l’appui de son recours, la requérante invoque trois moyens. Le premier moyen est tiré de la violation de l’article 107 et de l’article 108, paragraphe 2, TFUE ainsi que des lignes directrices communautaires concernant les aides d’État au sauvetage et à la restructuration d’entreprises en difficulté (JO 2004, C 244, p. 2, ci après les « lignes directrices »), en raison de l’absence d’informations concernant la procédure de restructuration ou de liquidation de Tirrenia. Le deuxième moyen est tiré de la violation de l’article 107, paragraphe 1, TFUE en ce qui concerne les exonérations de certains impôts. Le troisième moyen est tiré de la violation des principes de sécurité juridique et de bonne administration ainsi que du principe de protection de la confiance légitime en ce qui concerne la durée de la procédure.
Sur le premier moyen, tiré de la violation de l’article 107 et de l’article 108, paragraphe 2, TFUE ainsi que des lignes directrices en ce qui concerne l’aide au sauvetage
32 Dans le cadre du premier moyen, la requérante met en cause la décision attaquée en ce que, aux considérants 487 à 491 de cette dernière, la Commission a considéré que, en l’absence d’informations concernant la procédure de restructuration ou de liquidation de Tirrenia, l’aide au sauvetage devait être considérée comme illégale et incompatible avec les règles du traité FUE.
33 Selon la requérante, il ressort expressément de la décision attaquée que la Commission a reconnu que tous les éléments pertinents d’information quant au déroulement ultérieur du processus de privatisation, qui, en l’espèce, constitue l’essence même du plan de restructuration au sens des lignes directrices, lui avaient été constamment et régulièrement transmis dans le cadre de la procédure.
34 La requérante fait valoir que, à l’expiration de la période de six mois prévue au point 25, sous c), des lignes directrices, les autorités italiennes ont communiqué à la Commission le fait que la première tranche du prêt garanti avait été versée le 28 février 2011 et l’ont informée qu’il était possible, eu égard à l’état d’avancement de la procédure de liquidation des actifs commerciaux de Tirrenia et de Siremar, que les sociétés bénéficiaires aient intégralement restitué le prêt à l’expiration du délai prévu pour le 28 août 2011. Cette information était, en outre, disponible sur le site Internet de l’administration de ces deux sociétés. Par ailleurs, chacun des éléments d’information pertinents quant au déroulement ultérieur de la procédure de privatisation aurait été constamment et régulièrement transmis à la Commission dans le cadre de la procédure parallèle en matière de concentration COMP/M.6362 CIN/Tirrenia Business Branch, conformément au règlement (CE) no 139/2004 du Conseil, du 20 janvier 2004, relatif au contrôle des concentrations entre entreprises (JO 2004, L 24, p. 1).
35 À cet égard, la requérante rappelle que, le 21 novembre 2011, CIN et ses associés ont formellement notifié à la Commission l’acquisition du contrôle conjoint de la branche d’entreprise Tirrenia assurant la prestation du SIEG consistant à assurer la continuité territoriale avec les principales zones insulaires de la péninsule italienne et ont soumis, le 19 décembre 2011, une proposition d’engagements afin de remédier aux problèmes de concurrence identifiés par la Commission, engagements qui ont toutefois été considérés comme étant inadéquats. Le 18 janvier 2012, la Commission a, à l’expiration du délai prévu pour le déroulement de la phase I de la procédure, prévue par le règlement no 139/2004, adopté une décision d’ouverture d’une enquête approfondie, laquelle a été close en raison de l’abandon de l’opération de concentration envisagée. Toutefois, les éléments recueillis par la Commission dans le cadre de cette opération lui auraient permis d’avoir connaissance du projet de liquidation de Tirrenia et de les apprécier de manière appropriée en fonction de la procédure.
36 Ainsi, conformément à la jurisprudence, la Commission aurait dû tenir compte, dans le cadre de la compatibilité des aides accordées, des conséquences d’une opération de concentration qu’elle-même était en train d’apprécier dans le cadre d’une procédure distincte.
37 La Commission conteste les arguments de la requérante.
38 À cet égard, il ressort des considérants 486 à 491 de la décision attaquée ce qui suit :
« (486) Alors que la garantie a été activée le 11 juillet 2011, Tirrenia n’a remboursé l’intégralité du montant dû à l’État que le 18 septembre 2012 […] Par conséquent, les autorités italiennes n’ont pas pu démontrer que le prêt avait été intégralement remboursé et/ou qu’il avait été mis fin à la garantie dans le délai de six mois expiré le 28 août 2011.
(487) Selon les informations fournies par les autorités italiennes […] au cours de la procédure formelle d’examen, un plan de liquidation relatif à Tirrenia était disponible sur le site de Tirrenia sous administration extraordinaire, avant la date d’expiration du délai de six mois prévu par les lignes directrices […] En outre, les autorités italiennes soutiennent qu’elles ont toujours tenu la Commission informée de l’évolution du processus de privatisation de la branche d’entreprise Tirrenia.
(488) Les informations figurant dans le dossier de la Commission confirment que les autorités italiennes ont, de fait, transmis régulièrement des informations actualisées à la Commission concernant la privatisation en cours de la branche d’entreprise Tirrenia. Les autorités italiennes ont également confirmé l’intention de Tirrenia de rembourser l’aide au sauvetage avant l’expiration du délai de six mois, en utilisant le produit de la privatisation. Cependant, les autorités italiennes n’ont pas officiellement présenté à la Commission un plan de restructuration ou de liquidation. À l’époque, la Commission n’avait pas connaissance du fait que le plan de liquidation avait été publié sur le site nternet de Tirrenia sous administration extraordinaire. Qui plus est, le fait d’informer la Commission sur le processus de privatisation de la branche d’entreprise Tirrenia ne peut remplacer l’obligation de présenter officiellement un plan de liquidation. Plus précisément, il convient de donner à la Commission la possibilité d’apprécier si ce plan de liquidation respecte les lignes directrices […] Les autorités italiennes auraient donc dû présenter ce plan officiellement.
(489) La Commission souligne de surcroît que, le 5 octobre 2011, elle avait envoyé aux autorités italiennes une lettre dans laquelle elle leur demandait de confirmer qu’elles avaient satisfait aux exigences des lignes directrices […] ainsi qu’à celles visées à la décision de 2010. Le 28 novembre 2011, la Commission a envoyé une lettre de rappel auxdites autorités et a reçu une réponse de ces dernières le 12 décembre 2011. En ce qui concerne la Commission, les autorités italiennes n’avaient donc présenté jusqu’à cette dernière date (et, partant, après l’expiration du délai de six mois) ni i) la preuve que le prêt avait été intégralement remboursé et/ou qu’il avait été mis fin à la garantie, ni ii) le moindre plan de restructuration (ou de liquidation).
(490) Dans leur réponse à la lettre de la Commission du 5 octobre 2011, les autorités italiennes ont confirmé que l’intention initiale était de rembourser le montant avant le 28 août 2011 mais que le processus de privatisation avait été retardé en raison de la nécessité d’obtenir l’approbation de la Commission concernant la concentration. Étant donné que le produit de la privatisation était nécessaire pour rembourser l’État, il n’était pas possible de procéder à ce remboursement avant la date d’expiration du délai imparti, à savoir le 28 août 2011. La Commission souligne que, dans la lettre du 12 décembre 2011, les autorités italiennes n’ont aucunement fait référence au plan de liquidation de Tirrenia qui, selon les observations présentées ultérieurement par lesdites autorités, aurait déjà été mis à la disposition du public avant le 28 août 2011. Au contraire, les autorités italiennes se sont limitées à expliquer pourquoi le remboursement n’avait pas pu être effectué avant l’expiration du délai de six mois. Or, si les autorités italiennes avaient présenté à la Commission un plan de restructuration ou de liquidation avant le 28 août 2011, elles n’auraient pas dû fournir ces explications. La Commission considère cette circonstance comme une preuve supplémentaire du fait que les autorités italiennes n’ont pas présenté un plan de restructuration ou de liquidation dans le délai prévu de six mois.
(491) Eu égard à ce qui précède et compte tenu du fait qu’elle avait connaissance du processus de privatisation mais non d’un plan de liquidation détaillé, la Commission estime que les autorités italiennes n’ont pas respecté l’engagement visé à la décision de 2010, qui consiste à transmettre à la Commission un plan de restructuration (ou de liquidation) dans un délai de six mois à compter de l’autorisation de l’aide au sauvetage. Il s’ensuit que l’aide au sauvetage doit être considérée comme illégale et incompatible à compter de la date d’expiration du délai de six mois, c’est-à-dire à partir du 28 août 2011. De l’avis de la Commission, d’autres motifs justifient également de ne pas considérer comme compatible l’aide au sauvetage illégalement prorogée, à savoir le fait qu’elle ne satisfait ni aux conditions pertinentes des lignes directrices […] ni à celles de l’encadrement SIEG de 2011 […] »
39 À titre liminaire, il convient de rappeler que les points 25 et 26 des lignes directrices sont rédigés ainsi :
« 25. Pour être autorisées par la Commission, les aides au sauvetage, telles qu’elles sont définies au point 15, doivent :
a) consister en des aides de trésorerie sous forme de garanties de crédits ou de crédits ; dans les deux cas de figure, le crédit doit être soumis à un taux au moins comparable aux taux observés pour des prêts à des entreprises saines, et notamment au taux de référence adoptés par la Commission ; tout prêt doit être remboursé et toute garantie doit prendre fin dans un délai de six mois au maximum à compter du versement de la première tranche à l’entreprise ;
[…]
26. Lorsque l’État membre a soumis un plan de restructuration dans un délai de six mois à compter de la date d’autorisation ou, dans le cas d’une aide non notifiée, de la mise en œuvre de la mesure, le délai dans lequel le prêt doit être remboursé ou dans lequel il doit être mis fin à la garantie est prolongé jusqu’à ce que la Commission arrête sa décision concernant le plan, à moins qu’elle ne décide que cette prolongation ne se justifie pas. »
40 Le point 15 des lignes directrices, auquel renvoie le point 25 de celles ci, définit les aides au sauvetage en ces termes :
« Les aides au sauvetage sont, de par leur nature, une assistance de caractère temporaire et réversible. Elles ont pour principal objectif de permettre le maintien à flot de l’entreprise en difficulté pendant le temps nécessaire à l’élaboration d’un plan de restructuration ou de liquidation. Le principe général est que les aides au sauvetage doivent permettre de soutenir temporairement une société confrontée à une détérioration importante de sa situation financière, qui se traduit par une crise de trésorerie grave ou une insolvabilité technique. Ce soutien temporaire doit donner le temps nécessaire pour analyser les circonstances qui ont donné lieu aux difficultés et pour élaborer un plan permettant d’y remédier. En outre, l’aide au sauvetage doit être limitée au minimum nécessaire. En d’autres termes, une aide au sauvetage donne à l’entreprise en difficulté un répit de courte durée, d’au maximum six mois. L’aide doit consister en un soutien financier réversible sous la forme de garanties de prêts ou de prêts, avec un taux d’intérêt au moins comparable à ceux observés pour les prêts consentis à des entreprises saines, et en particulier aux taux de référence adoptés par la Commission. Des mesures structurelles ne nécessitant pas une intervention immédiate, comme la participation irrémédiable et automatique de l’État dans les fonds propres de l’entreprise, ne peuvent être financés par une aide au sauvetage. »
41 À cet égard, tout d’abord, il convient de constater que, formellement du moins, aucune des conditions alternatives figurant au point 25, sous c), des lignes directrices n’a été respectée. En effet, d’une part, il est constant entre les parties que, à la date du 28 août 2011, à savoir six mois après le versement de la première tranche du prêt garanti le 28 février 2011, l’aide n’avait pas été remboursée. Cette aide a, selon la requérante, été remboursée le 18 septembre 2012.
42 D’autre part, à la date du 28 août 2011, aucun plan de restructuration ou de liquidation n’avait officiellement été présenté par les autorités italiennes à la Commission, ainsi qu’il est constaté au considérant 488 de la décision attaquée.
43 Or, ces constats ne sont pas remis en cause par les arguments avancés par la requérante. Premièrement, la requérante n’a pas démontré que, contrairement à ce qui figure au considérant 488 de la décision attaquée, la Commission aurait eu connaissance de l’existence du plan de restructuration ou de liquidation publié sur son site Internet, à supposer même que ce plan y était publié à cette époque et qu’une telle publication, portée à la connaissance de la Commission, puisse suffire en vue de respecter les conditions figurant au point 25, sous c), des lignes directrices. Dans le même sens, il convient de relever que, dans leur lettre du 12 décembre 2011, en réponse aux demandes de renseignements de la Commission, les autorités italiennes n’ont aucunement fait référence à l’existence d’un plan de restructuration ou de liquidation qui aurait pu être disponible à la date du 28 août 2011.
44 Deuxièmement, nonobstant le fait que la Commission ait pu disposer d’éléments d’information quant au processus de privatisation en cours, cette circonstance, à supposer que ces éléments impliquent la connaissance d’une liquidation de Tirrenia, ne saurait équivaloir à la présentation formelle d’un plan de restructuration ou de liquidation sur lequel la Commission aurait été en mesure de prendre position.
45 Troisièmement, en ce qui concerne la prétendue disponibilité d’informations pertinentes transmises à la Commission dans le cadre de son examen afférent à la procédure de concentration COMP/M.6362-CIN/Tirrenia Business Branch, il suffit de noter que, selon la requérante elle-même, la notification de la concentration en cause s’est faite le 21 novembre 2011, à savoir plusieurs mois après l’expiration, le 28 août 2011, du délai de six mois prévu par le point 25, sous c), des lignes directrices. Par ailleurs, la transmission à la Commission, dans le cadre de l’examen de cette procédure de concentration, des éléments d’information relatifs au déroulement de la procédure de privatisation de Tirrenia ne saurait, non plus, équivaloir à la présentation formelle par la République italienne d’un plan de restructuration ou de liquidation au sens des lignes directrices.
46 Il résulte des considérations qui précèdent que le premier moyen doit être rejeté.
Sur le deuxième moyen, tiré de la violation de l’article 107, paragraphe 1, TFUE en ce qui concerne les exonérations de certains impôts
47 Dans le cadre du deuxième moyen, la requérante conteste la décision attaquée, en particulier les considérants 420 et suivants, en ce qu’il lui est reproché d’avoir bénéficié d’exonérations de droits d’enregistrement, de taxes d’inscription au registre foncier et d’hypothèques (ci-après les « impôts indirects ») ainsi que d’une exonération de l’impôt sur les bénéfices issus du transfert de la branche d’entreprise de Tirrenia à CIN (ci-après l’« impôt sur le revenu »). Sur la question de l’exonération de l’impôt sur le revenu, la requérante fait grief à la décision attaquée de considérer que ladite exonération comporte un avantage économique sélectif, dès lors que les bénéfices d’une vente de biens ou d’une activité sont normalement pris en considération dans le calcul de l’impôt sur le revenu.
48 Or, selon la requérante, le revenu imposable d’une entreprise ne peut être déterminé qu’à la clôture de la procédure collective d’insolvabilité et est constitué de la différence entre les actifs de l’entreprise au début de la procédure et les actifs résiduels à la fin de celle-ci.
49 Dans la mesure où, ainsi que le reconnaîtrait la décision attaquée, il serait impossible, à ce stade, d’établir si Tirrenia pourrait bénéficier d’une exonération de l’impôt sur le revenu, dès lors qu’il n’apparaîtrait pas encore clairement si les impôts sur le revenu seraient ou non dus au moment de la liquidation de Tirrenia, aucune aide d’État ne pourrait être considérée comme ayant été accordée. Par ailleurs, s’agissant de la compatibilité d’une aide ainsi définie, la Commission a estimé, dans la décision attaquée, que, à la suite du transfert de la branche d’entreprise à CIN, Tirrenia n’assurerait plus aucun SIEG.
50 Ainsi, il n’existerait aucune aide d’État au sens de l’article 107, paragraphe 1, TFUE, puisque, selon la jurisprudence, l’aide devrait être considérée comme accordée au moment où elle est effectivement perçue par le bénéficiaire.
51 La requérante conclut de ces constatations qu’aucune aide d’État n’a pu lui être accordée, dès lors que l’exonération de l’impôt sur le revenu serait radicalement conditionnée à la réalisation d’événements futurs et incertains qui auraient empêché, à ce jour, la consolidation de quelque avantage que ce soit à son égard et qui rendraient éventuel, comme le reconnaîtrait la décision attaquée, le fait qu’un tel avantage puisse se produire dans le futur.
52 En outre, deux des conditions énoncées à l’article 107, paragraphe 1, TFUE feraient défaut, à savoir la condition relative à l’affectation des échanges au sein de l’Union européenne, dans la mesure où Tirrenia ne participerait plus aux échanges, et la condition relative au fait de fausser ou de menacer de fausser la concurrence, puisque Tirrenia ne détiendrait plus la moindre position sur le marché national qui puisse être maintenue ou consolidée, entraînant une diminution des possibilités pour les entreprises ayant leur siège dans d’autres États membres de pénétrer le marché italien.
53 Ainsi, si l’avantage constitué par l’exonération fiscale en cause, soumise à conditions, devait se concrétiser dans le futur, cela se ferait au profit d’une entité étrangère à toute activité économique et sur le point de cesser d’exister en tant que sujet de droit.
54 La Commission conteste les arguments de la requérante.
55 À titre liminaire, il convient d’examiner la fin de non-recevoir soulevée par la Commission dans son mémoire en défense à l’égard de la prétendue absence de contestation par la requérante de la décision attaquée s’agissant des exonérations accordées en matière d’impôts indirects, en ce qu’aucun grief n’aurait été soulevé à cet égard.
56 À cet égard, il convient de rappeler que, en vertu de l’article 21 du statut de la Cour de justice de l’Union européenne et de l’article 76, premier alinéa, sous d), du règlement de procédure du Tribunal, toute requête doit contenir l’exposé sommaire des moyens invoqués et cette indication doit être suffisamment claire et précise pour permettre à la partie défenderesse de préparer sa défense et au Tribunal de statuer sur le recours. Il doit en aller de même pour toute conclusion, qui doit être assortie de moyens et d’arguments permettant, tant à la partie défenderesse qu’au juge, d’en apprécier le bien-fondé (arrêt du 7 juillet 1994, Dunlop Slazenger/Commission, T 43/92, EU:T:1994:79, point 183 ; voir également, en ce sens, arrêt du 19 janvier 2017, Commission/Frieberger et Vallin, T 232/16 P, non publié, EU:T:2017:15, point 34).
57 Afin de garantir la sécurité juridique et une bonne administration de la justice, il faut, pour qu’un recours soit recevable, que les éléments essentiels de fait et de droit sur lesquels celui-ci se fonde ressortent, à tout le moins sommairement, mais d’une façon cohérente et compréhensible, du texte de la requête elle-même (ordonnance du 29 novembre 1993, Koelman/Commission, T 56/92, EU:T:1993:105, point 21, et arrêt du 18 septembre 1996, Asia Motor France e.a./Commission, T 387/94, EU:T:1996:120, point 106).
58 Or, force est de constater que, dans la présente affaire, la requête ne satisfait pas aux conditions de l’article 21 du statut de la Cour de justice de l’Union européenne, applicable à la procédure devant le Tribunal en vertu de l’article 53, premier alinéa, dudit statut, et de l’article 76, premier alinéa, sous d), du règlement de procédure, la requérante n’ayant invoqué, ainsi que l’a à juste titre souligné la Commission, aucun grief à l’encontre de la décision attaquée s’agissant des exonérations accordées en matière d’impôts indirects.
59 En effet, même si la requérante maintient, dans sa réplique, qu’elle conteste également la qualification, dans la décision attaquée, des exonérations accordées en matière d’impôts indirects, elle se contente de faire cette affirmation sans développer aucune argumentation au soutien de sa demande en annulation de la décision attaquée à cet égard.
60 Il résulte de ce qui précède qu’il y a lieu d’accueillir la fin de non-recevoir soulevée par la Commission en raison de l’absence de tout grief invoqué par la requérante s’agissant des exonérations accordées en matière d’impôts indirects.
61 Il y a lieu, dès lors, d’examiner l’argumentation de la requérante dirigée contre la décision attaquée en ce que la Commission aurait considéré que les éventuelles exonérations de l’impôt sur le revenu en ce qui concernait les recettes engendrées par le transfert de la branche d’entreprise Tirrenia à CIN étaient illégales et incompatibles avec les règles du traité FUE.
62 Le considérant 111, sous b), de la décision attaquée est rédigé ainsi :
« L’article 1er de la loi de 2010 prévoit, en outre, ce qui suit :
[…]
b) l’article 19 ter du décret-loi no 135/2009, converti, après modifications, en loi de 2009, est modifié par l’introduction du paragraphe 24 bis, en vertu duquel toutes les opérations et tous les actes officiels relevant de la mise en application des dispositions des paragraphes 1 à 15 de la loi de 2009 bénéficient de l’exonération fiscale. Ces paragraphes concernent la libéralisation du secteur du cabotage maritime par la privatisation du groupe Tirrenia, y compris la phase préparatoire, c’est-à-dire le transfert des entreprises régionales à leurs régions respectives. »
63 Les considérants 420 à 426 de la décision attaquée sont libellés ainsi :
« (420) Eu égard à ce qui précède, la Commission se limitera, par conséquent, à examiner si Tirrenia (placée sous administration extraordinaire) a bénéficié d’éventuelles exonérations des droits d’enregistrement, des droits d’inscription hypothécaire et d’inscription au registre foncier ainsi que des droits de timbre (ci-après les “impôts indirects”) pour les deux séries de transferts, ainsi que d’éventuelles exonérations de l’impôt sur le revenu des sociétés en ce qui concerne les recettes générées par le transfert de la branche d’entreprise Tirrenia à CIN.
(421) Ressources d’État : une exonération fiscale entraîne, par définition, une renonciation à des recettes d’État. De plus, étant donné qu’elles ont été accordées en vertu de la loi de 2010 […], ces exonérations sont également imputables à l’État.
(422) Sélectivité : dans la mesure où elles ont été accordées uniquement pour les opérations et les actes relatifs à la privatisation de l’ancien groupe Tirrenia, les exonérations fiscales sont sélectives. Les autorités italiennes n’ont ni soutenu, ni démontré que les exonérations fiscales ne sont pas sélectives.
(423) Avantage économique : en ce qui concerne les impôts indirects, Tirrenia a été exonérée du paiement de ces impôts pour les opérations et actes concernant les deux séries de transferts visés au considérant 416 (transferts aux régions et à CIN) et a donc bénéficié d’un avantage économique correspondant aux impôts normalement dus, en vertu du droit national, pour ces types d’opérations et d’actes.
(424) Pour ce qui est, en outre, du transfert de la branche d’entreprise Tirrenia à CIN, la Commission relève que ce transfert a été effectué en échange d’une contrepartie (380 100 000 [euros]) versée à CIN. Les recettes résultant de cette opération devraient, en principe, être soumises à l’impôt sur le revenu des sociétés. Le fait qu’elle soient exonérées de cet impôt constitue un avantage économique, étant donné que les recettes générées par la vente de biens ou d’un actif sont normalement pris en considération dans le calcul de l’impôt sur le revenu des sociétés. La Commission souligne que cette conclusion n’est pas remise en cause par le fait qu’il est encore impossible, à ce stade, d’établir si Tirrenia bénéficiera, en pratique, de l’exonération de l’impôt sur le revenu, dans la mesure où il n’apparaît pas encore clairement si les impôts sur le revenu seront dus au moment de la liquidation intégrale de Tirrenia.
(425) Effet sur les échanges : pour les motifs décrits aux considérants 310 et 311, la Commission estime que l’exonération de certains impôts accordée à Tirrenia est susceptible d’avoir une incidence sur les échanges au sein de l’Union et de fausser la concurrence sur le marché intérieur.
(426) Conclusions : les exonérations i) des impôts indirects pour les opérations et actes relatifs aux transferts de Caremar, Saremar et Toremar ainsi que de la branche d’entreprise Tirrenia aux acquéreurs respectifs, et ii) de l’impôt sur le revenu des sociétés relatif aux recettes générées par le transfert de la branche d’entreprise Tirrenia à CIN, qui ont été accordées par la loi de 2010, constituent des aides d’État en faveur de Tirrenia. »
64 À titre liminaire, il y a lieu de constater que, ainsi d’ailleurs que l’a relevé à juste titre la Commission, la requérante invoque deux griefs distincts, à savoir, d’une part, l’absence d’avantage au motif que l’exonération fiscale serait conditionnée à la réalisation d’événements futurs et incertains et, d’autre part, l’absence d’avantage en raison du fait que ce dernier ne serait pas de nature à porter atteinte aux échanges au sein de l’Union et à fausser le jeu de la concurrence.
65 S’agissant du premier grief, il convient de rappeler que, selon une jurisprudence constante, il incombe à la Commission d’apporter la preuve de l’existence d’une « aide d’État », au sens de l’article 107, paragraphe 1, TFUE, et, partant, également la preuve que la condition d’octroi d’un avantage aux bénéficiaires est remplie. En particulier, la Commission est tenue de conduire la procédure d’examen des mesures concernées de manière diligente et impartiale, afin qu’elle dispose, lors de l’adoption d’une décision finale établissant l’existence et, le cas échéant, l’incompatibilité ou l’illégalité de l’aide, des éléments les plus complets et fiables possibles pour ce faire (voir arrêt du 4 mars 2021, Commission/Fútbol Club Barcelona, C 362/19 P, EU:C:2021:169, point 62 et jurisprudence citée).
66 Il convient néanmoins de rappeler que la notion d’aide comprend non seulement des prestations positives, mais également les interventions qui, sous des formes diverses, allègent les charges qui normalement grèvent le budget d’une entreprise et qui, par-là, sans être des subventions au sens strict du mot, sont de même nature et ont des effets identiques. Sont ainsi considérées comme des aides toutes les interventions d’État qui, sous quelque forme que ce soit, sont susceptibles de favoriser directement ou indirectement des entreprises ou qui sont à considérer comme un avantage économique que l’entreprise bénéficiaire n’aurait pas obtenu dans des conditions normales de marché (voir arrêt du 3 avril 2014, France/Commission, C 559/12 P, EU:C:2014:217, point 94 et jurisprudence citée).
67 Il s’ensuit que des mesures nationales conférant un avantage fiscal qui, bien que ne comportant pas un transfert de ressources d’État, placent les bénéficiaires dans une situation financière plus favorable que les autres contribuables sont susceptibles de procurer un avantage sélectif aux bénéficiaires et constituent, partant, des aides d’État, au sens de l’article 107, paragraphe 1, TFUE (voir arrêt du 4 mars 2021, Commission/Fútbol Club Barcelona, C 362/19 P, EU:C:2021:169, point 60 et jurisprudence citée).
68 En outre, il convient de rappeler que, selon la jurisprudence, un régime fiscal spécial doit être considéré comme octroyant un avantage à ses bénéficiaires lorsqu’il peut conduire, au moment de son adoption, à une imposition inférieure de ceux-ci, même lorsque la matérialisation effective de cet avantage dépend de circonstances externes, telles que la réalisation d’un bénéfice (voir, en ce sens, arrêts du 8 décembre 2011, France Télécom/Commission, C 81/10 P, EU:C:2011:811, points 19 à 22, et du 4 mars 2021, Commission/Fútbol Club Barcelona, C 362/19 P, EU:C:2021:169, points 104 et 115).
69 En l’espèce, s’agissant de l’exonération de l’impôt sur le revenu relatif au transfert de la branche d’entreprise Tirrenia à CIN, la Commission a établi l’existence d’un avantage économique, au considérant 424 de la décision attaquée, rappelé au point 63 ci-dessus. Or, contrairement à ce que fait valoir la requérante, ce raisonnement n’est entaché d’aucune erreur de droit.
70 En effet, le critère pour déterminer le moment de l’octroi d’une aide est celui de l’acte juridiquement contraignant par lequel l’autorité nationale compétente s’engage à accorder l’aide à son bénéficiaire par une promesse inconditionnelle et légalement contraignante (voir arrêt du 25 janvier 2018, BSCA/Commission, T 818/14, EU:T:2018:33, point 72 et jurisprudence citée). De même, à partir du moment où le droit de recevoir une assistance, fournie au moyen de ressources d’État, est conféré au bénéficiaire en vertu de la législation nationale applicable, l’aide doit être considérée comme étant accordée de telle sorte que le transfert effectif des ressources en cause n’est pas décisif (arrêt du 19 décembre 2019, Arriva Italia e.a., C 385/18, EU:C:2019:1121, point 36). Or, la requérante ne conteste pas que, en vertu de la loi no 163 du 1er octobre 2010 examinée dans la décision attaquée, les recettes relatives au produit de la vente de la branche d’entreprise Tirrenia à CIN sont exonérées de l’impôt sur le revenu, qui normalement serait dû pour une telle opération. Dès lors, ainsi qu’il découle de la jurisprudence citée au point 68 ci-dessus, la circonstance qu’une telle aide ne se matérialisera effectivement que lors de la réalisation d’événements futurs et incertains, tels que, en l’occurrence, l’existence d’une différence positive entre, d’une part, l’actif de l’entreprise au début de la procédure d’administration extraordinaire et, d’autre part, l’actif résiduel à la fin de cette procédure, ne saurait conduire à constater l’existence d’une erreur de droit en ce qui concerne la condition relative à l’existence d’un avantage en l’espèce.
71 En outre, il convient encore de rappeler que la Cour a déjà jugé qu’aucune disposition du droit de l’Union n’exigeait que la Commission, lorsqu’elle ordonnait la restitution d’une aide déclarée incompatible avec le marché intérieur, fixe le montant exact de l’aide à restituer. Il suffit que la décision de la Commission comporte des indications permettant à son destinataire de déterminer lui-même, sans difficultés excessives, ce montant (arrêts du 12 octobre 2000, Espagne/Commission, C 480/98, EU:C:2000:559, point 25 ; du 12 mai 2005, Commission/Grèce, C 415/03, EU:C:2005:287, point 39, et du 18 octobre 2007, Commission/France, C 441/06, EU:C:2007:616, point 29).
72 Il ressort également de la jurisprudence de la Cour qu’un État membre qui, lors de l’exécution d’une décision de la Commission en matière d’aides d’État, rencontre des difficultés imprévues et imprévisibles, qu’elles soient de nature politique, juridique ou pratique, ou prend conscience de conséquences non envisagées par la Commission doit soumettre ces problèmes à l’appréciation de cette dernière, en proposant des modifications appropriées de la décision en cause. Dans un tel cas, la Commission et l’État membre concerné doivent collaborer de bonne foi en vue de surmonter les difficultés dans le plein respect des dispositions du traité FUE et, notamment, de celles relatives aux aides (arrêts du 22 mars 2001, Commission/France, C 261/99, EU:C:2001:179, point 24 ; du 3 juillet 2001, Commission/Belgique, C 378/98, EU:C:2001:370, point 31 ; du 2 juillet 2002, Commission/Espagne, C 499/99, EU:C:2002:408, point 24, et du 18 octobre 2007, Commission/France, C 441/06, EU:C:2007:616, point 28).
73 Il suffit donc, selon la jurisprudence, que la Commission fournisse une méthode de calcul suffisamment fiable pour déterminer le montant de l’aide à restituer (voir, en ce sens, arrêt du 18 octobre 2007, Commission/France, C 441/06, EU:C:2007:616, points 40 et 41).
74 Il y a donc lieu d’examiner si la Commission a, dans la décision attaquée, fourni les éléments permettant à la République italienne de déterminer le montant de l’aide à restituer. Il n’incombait, en revanche, nullement à la Commission, ainsi que semble le prétendre la requérante, de fixer ledit montant de l’aide dans la décision déclarant l’aide illégale et incompatible avec les règles du traité FUE.
75 Or, force est de constater que la décision attaquée comporte les indications appropriées permettant à la République italienne de déterminer elle-même, sans difficultés excessives, le montant définitif de l’aide à récupérer.
76 En effet, le montant de l’exonération fiscale accordée à la requérante est constitué du montant de l’imposition calculé sur la différence entre les actifs de l’entreprise au début de la procédure collective et les actifs résiduels à la fin de celle-ci. Ainsi, lorsque, à l’issue des opérations de liquidation d’une société, un bénéfice ressort de cette différence, le montant de l’aide est constitué du montant de l’imposition qui aurait dû être appliqué sur ce bénéfice et qui ne l’a pas été en raison de l’exonération fiscale accordée.
77 C’est précisément dans cette perspective que l’article 3, paragraphe 4, de la décision attaquée précise que l’aide consistant en l’exonération de l’impôt sur le revenu relatif au produit de la vente de la branche d’entreprise Tirrenia à CIN n’avait pas encore été versée et que l’article 6, paragraphe 1, de ladite décision reconnaît expressément que la République italienne récupèrera les aides incompatibles auprès des bénéficiaires, dans la mesure où elles ont été octroyées.
78 Ainsi, il résulte des constatations effectuées aux points 75 à 77 ci-dessus que, en l’absence de tout bénéfice résultant des opérations de liquidation de Tirrenia, aucune récupération ne serait envisageable, dès lors qu’aucune exonération ne pourrait être appliquée et qu’aucune aide ne saurait être considérée comme ayant été versée.
79 Toutefois, à la date à laquelle la Commission a adopté la décision attaquée, le principe de l’aide était acquis, puisqu’une mesure dérogatoire du droit commun, donc sélective, avait été adoptée par les autorités italiennes à cette date, afin d’exonérer la requérante de tout impôt sur le revenu résultant du produit de la vente, qu’il se révèle ou non effectif.
80 S’agissant du second grief, il convient de rappeler que la requérante précise que deux des conditions énoncées à l’article 107, paragraphe 1, TFUE ne seraient pas réunies, à savoir la condition relative à l’affectation des échanges au sein de l’Union, dans la mesure où elle ne participerait plus auxdits échanges, et la condition relative au fait de fausser ou de menacer de fausser la concurrence, puisqu’elle ne détiendrait pas la moindre position sur le marché national qui puisse être maintenue ou consolidée, entraînant une diminution des possibilités pour les entreprises ayant leur siège dans d’autres États membres de pénétrer le marché italien.
81 En premier lieu, s’agissant de la condition relative à l’affectation des échanges au sein de l’Union, il convient d’abord de rappeler que, selon une jurisprudence constante, la question de savoir si une aide est une aide d’État au sens du traité FUE doit être résolue sur la base d’éléments objectifs qui s’apprécient à la date à laquelle la Commission prend sa décision. Partant, c’est sur l’appréciation de la situation opérée par la Commission à cette date que porte le contrôle du juge de l’Union (voir arrêt du 11 décembre 2008, Commission/Freistaat Sachsen, C 334/07 P, EU:C:2008:709, point 50 et jurisprudence citée).
82 Ensuite, il ressort de la jurisprudence que, aux fins de la qualification d’une mesure nationale d’« aide d’État », il y a lieu non pas d’établir une incidence réelle de l’aide en cause sur les échanges entre les États membres et une distorsion effective de la concurrence, mais seulement d’examiner si cette aide est susceptible d’affecter ces échanges et de fausser la concurrence (voir arrêt du 19 décembre 2019, Arriva Italia e.a., C 385/18, EU:C:2019:1121, point 42 et jurisprudence citée).
83 Par ailleurs, il n’est pas nécessaire que les entreprises bénéficiaires participent elles-mêmes aux échanges entre États membres. En effet, lorsqu’un État membre octroie une aide à des entreprises, l’activité intérieure peut s’en trouver maintenue ou augmentée, avec cette conséquence que les chances des entreprises établies dans d’autres États membres de pénétrer le marché de cet État membre en sont diminuées (voir arrêt du 19 décembre 2019, Arriva Italia e.a., C 385/18, EU:C:2019:1121, point 43 et jurisprudence citée).
84 Enfin, il ressort de la jurisprudence que la condition selon laquelle l’aide doit être de nature à affecter les échanges entre les États membres ne dépend pas de la nature locale ou régionale des services de transport fournis ou de l’importance du domaine d’activité concerné (voir arrêt du 19 décembre 2019, Arriva Italia e.a., C 385/18, EU:C:2019:1121, point 44 et jurisprudence citée).
85 Eu égard à cette jurisprudence, il convient de relever que, au moment de l’adoption de la décision d’exonération de tout impôt sur le revenu au profit de la requérante, cette dernière fournissait des services de transport maritime de passagers ou de marchandises de manière extrêmement intense et régulière entre des régions d’Italie et que cette exonération affectait nécessairement les échanges au sein de l’Union, auxquels participait la requérante, en pouvant dissuader des entreprises établies dans d’autres États membres de pénétrer le marché italien.
86 En second lieu, s’agissant de la question relative à la condition selon laquelle l’aide doit fausser ou menacer de fausser la concurrence, il convient de rappeler que, selon la jurisprudence, il y a lieu non pas d’établir une distorsion effective de la concurrence, mais seulement d’examiner si cette aide est susceptible de fausser la concurrence. Il ressort de cette même jurisprudence que les aides qui visent à libérer une entreprise des coûts qu’elle aurait normalement dû supporter dans le cadre de sa gestion courante ou de ses activités normales faussent, en principe, les conditions de concurrence (voir arrêt du 19 décembre 2019, Arriva Italia e.a., C 385/18, EU:C:2019:1121, point 52 et jurisprudence citée).
87 Par ailleurs, lorsqu’une aide accordée par un État ou au moyen de ressources d’État renforce la position d’une entreprise par rapport à d’autres entreprises concurrentes dans les échanges au sein de l’Union, ces derniers doivent être considérés comme influencés par l’aide (voir arrêt du 14 janvier 2004, Fleuren Compost/Commission, T 109/01, EU:T:2004:4, point 57 et jurisprudence citée).
88 Tel est le cas en l’espèce. En effet, toute exonération du paiement de certaines taxes permettant à une entreprise se trouvant dans de graves difficultés financières de continuer à être présente sur le marché et participant à des échanges au sein de l’Union est nécessairement susceptible de fausser les conditions de concurrence sur le marché.
89 Il résulte de l’ensemble de ce qui précède que le deuxième moyen doit être rejeté.
Sur le troisième moyen, tiré de la violation des principes de sécurité juridique et de bonne administration en ce qui concerne la durée de la procédure ainsi que du principe de protection de la confiance légitime
90 La requérante fait valoir que la procédure d’enquête a eu une durée excessive, en violation des principes de sécurité juridique et de bonne administration, et rappelle que le respect d’un délai raisonnable dans le déroulement d’une procédure administrative constitue un principe général du droit de l’Union. Ce principe est d’ailleurs qualifié de droit par l’article 41 de la charte des droits fondamentaux de l’Union européenne.
91 Nonobstant le fait qu’aucun délai n’est prévu pour la clôture de la procédure, la requérante considère que cette absence de délai ne fait pas obstacle à ce que le juge de l’Union vérifie si la Commission n’a pas observé un délai raisonnable ou a agi de manière excessivement tardive. Une phase d’examen préliminaire ayant duré quatre années aurait, notamment, été considérée comme excessive.
92 La requérante relève que les aides au fonctionnement, telles que celles en cause en l’espèce, ne nécessitent pas d’appréciations complexes, en sorte qu’il n’existerait aucune circonstance qui, en l’espèce, aurait pu justifier un délai de neuf années pour conclure la procédure formelle d’examen, dont la durée excessive est uniquement le fruit de défaillances de la Commission dans la gestion de celle-ci et d’une violation manifeste du devoir de vigilance qui doit caractériser l’activité de cette institution.
93 Ainsi, les phases d’enquête préliminaire et d’examen formel auraient eu une durée excessive qui, en plus de faire naître à l’égard de la requérante une confiance légitime dans la compatibilité des mesures qui la visaient, serait contraire aux principes de sécurité juridique et de bonne administration.
94 Une telle violation causerait, à la requérante, un préjudice économique illicite extrêmement grave et circonstancié, dans la mesure où, du fait de cette durée injustifiée de la procédure, le montant des sommes à récupérer aurait pratiquement doublé en raison de l’application des intérêts sur le montant de l’aide accordée illégalement pour une période décennale correspondant à la durée anormale de la procédure, ce qui aurait, en l’espèce, pour effet de lui infliger une sanction.
95 En outre, la durée déraisonnable de la procédure aurait fait naître, à l’égard de la requérante, une confiance légitime qui impliquerait, à supposer même que la décision attaquée ne soit pas annulée, la disparition de l’obligation de récupération de l’aide déclarée illégale et incompatible. La Commission aurait même dû d’office, conformément à la jurisprudence, ne pas exiger la récupération de l’aide pour ne pas violer le principe de protection de la confiance légitime.
96 La Commission conteste les arguments de la requérante.
97 À titre liminaire, en ce que la requérante ajoute, dans la réplique, que la Commission a commis une violation du principe de proportionnalité, il suffit de constater que ce moyen ne figure nullement dans la requête et qu’aucun argument n’est, au demeurant, développé quant à l’éventuelle violation du principe de proportionnalité.
98 Le simple fait que la requérante a mentionné, dans la requête, que « la récupération ne [pouvait] donner lieu à une mesure disproportionnée » ou que les « conséquences [de la récupération étaient] tout à fait disproportionnées », extraits qui figurent, au demeurant, dans des citations jurisprudentielles, ne saurait être considéré comme l’invocation, par la requérante, de la violation du principe de proportionnalité.
99 Eu égard à la jurisprudence mentionnée aux points 56 et 57 ci-dessus, il convient, en l’absence d’argumentation de la requérante relative à une prétendue violation du principe de proportionnalité, d’accueillir la fin de non-recevoir soulevée par la Commission à cet égard.
100 S’agissant du moyen tel qu’invoqué par la requérante, tout d’abord, il convient de rappeler que le principe de protection de la confiance légitime, principe fondamental du droit de l’Union, permet à tout opérateur économique à l’égard duquel une institution a fait naître des espérances fondées de s’en prévaloir. Toutefois, lorsqu’un opérateur économique prudent et avisé est en mesure de prévoir l’adoption par les institutions d’un acte de nature à affecter ses intérêts, il ne peut invoquer le bénéfice de ce principe, lorsque cette mesure est adoptée. Le droit de se prévaloir de la confiance légitime suppose la réunion de trois conditions cumulatives. Premièrement, des assurances précises, inconditionnelles et concordantes, émanant de sources autorisées et fiables, doivent avoir été fournies à l’intéressé par l’administration. Deuxièmement, ces assurances doivent être de nature à faire naître une attente légitime dans l’esprit de celui auquel elles s’adressent. Troisièmement, les assurances données doivent être conformes aux normes applicables (voir arrêt du 22 avril 2016, Italie et Eurallumina/Commission, T 60/06 RENV II et T 62/06 RENV II, EU:T:2016:233, point 178 et jurisprudence citée).
101 Ensuite, il convient de rappeler, s’agissant plus particulièrement de l’applicabilité du principe de protection de la confiance légitime en matière d’aides d’État, qu’un État membre, dont les autorités ont accordé une aide en violation des règles de procédure prévues à l’article 108 TFUE, peut invoquer la confiance légitime de l’entreprise bénéficiaire pour contester devant le juge de l’Union la validité d’une décision de la Commission lui ordonnant de récupérer l’aide, mais non pour se soustraire à l’obligation de prendre les mesures nécessaires en vue de son exécution. Il ressort, en outre, de la jurisprudence que, compte tenu du rôle fondamental joué par l’obligation de notification pour permettre l’effectivité du contrôle des aides d’État par la Commission, lequel revêt un caractère impératif, les bénéficiaires d’une aide ne sauraient avoir, en principe, une confiance légitime dans la régularité de ladite aide que si celle-ci a été accordée dans le respect de la procédure prévue à l’article 108 TFUE et un opérateur économique diligent doit normalement être en mesure de s’assurer que ladite procédure a été respectée. En particulier, lorsqu’une aide est mise à exécution sans notification préalable à la Commission, en sorte qu’elle est illégale conformément à l’article 108, paragraphe 3, TFUE, le bénéficiaire de l’aide ne peut avoir, à ce moment, une confiance légitime dans la régularité de l’octroi de celle-ci, sauf existence de circonstances exceptionnelles (voir arrêt du 22 avril 2016, Italie et Eurallumina/Commission, T 60/06 RENV II et T 62/06 RENV II, EU:T:2016:233, point 179 et jurisprudence citée).
102 Par ailleurs, ainsi qu’il ressort de l’article 14, paragraphe 1, deuxième phrase, du règlement (CE) no 659/1999 du Conseil, du 22 mars 1999, portant modalités d’application de l’article [108 TFUE] (JO 1999, L 83, p. 1), « [l]a Commission n’exige pas la récupération de l’aide si, ce faisant, elle allait à l’encontre d’un principe général de droit [de l’Union] », tel que le principe de protection de la confiance légitime.
103 Il convient encore de rappeler que l’observation d’un délai raisonnable dans la conduite d’une procédure administrative constitue un principe général du droit de l’Union. En outre, l’exigence fondamentale de sécurité juridique, qui s’oppose à ce que la Commission puisse retarder indéfiniment l’exercice de ses pouvoirs, conduit le juge à examiner si le déroulement de la procédure administrative révèle l’existence d’une action excessivement tardive de la part de cette institution (voir arrêts du 15 juin 2005, Regione autonoma della Sardegna/Commission, T 171/02, EU:T:2005:219, point 53 et jurisprudence citée, et du 22 avril 2016, Italie et Eurallumina/Commission, T 60/06 RENV II et T 62/06 RENV II, EU:T:2016:233, point 180 et jurisprudence citée).
104 Il y a lieu d’ajouter que le caractère raisonnable du délai de la procédure doit être apprécié en fonction des circonstances propres à chaque affaire, telles que la complexité de celle-ci et le comportement des parties (voir arrêts du 25 janvier 2007, Sumitomo Metal Industries et Nippon Steel/Commission, C 403/04 P et C 405/04 P, EU:C:2007:52, point 116 et jurisprudence citée, et du 13 juin 2013, HGA e.a./Commission, C 630/11 P à C 633/11 P, EU:C:2013:387, point 82 et jurisprudence citée).
105 Le retard pris par la Commission pour décider qu’une aide est illégale et qu’elle doit être supprimée et récupérée par un État membre peut, dans certaines circonstances, fonder chez les bénéficiaires de ladite aide une confiance légitime de nature à empêcher la Commission d’enjoindre audit État membre d’ordonner la restitution de cette aide. En présence d’aides d’État non notifiées, un tel retard ne peut, toutefois, être imputé à la Commission qu’à partir du moment où elle a pris connaissance de l’existence des aides incompatibles avec le marché intérieur (voir arrêt du 22 avril 2016, Italie et Eurallumina/Commission, T 60/06 RENV II et T 62/06 RENV II, EU:T:2016:233, point 181 et jurisprudence citée).
106 Enfin, conformément à l’article 13, paragraphe 2, du règlement no 659/1999, dans le cas d’une éventuelle aide illégale, la Commission n’est pas liée par les délais applicables en matière d’aides notifiées.
107 C’est à la lumière des règles rappelées aux points 100 à 106 ci-dessus qu’il y a lieu d’apprécier les arguments de la requérante.
108 En premier lieu, s’agissant de la prétendue violation des principes de sécurité juridique et de bonne administration, il convient de faire les constatations suivantes.
109 Il est, certes, exact que la procédure administrative a duré huit ans et demi (d’octobre 2011 à mars 2020), ce qui pourrait paraître a priori excessif.
110 Toutefois, il convient de rappeler que, conformément à la jurisprudence mentionnée au point 104 ci-dessus, le caractère raisonnable du délai de la procédure doit être apprécié en fonction des circonstances propres à chaque affaire.
111 Tout d’abord, à titre liminaire, il convient de relever que le fait de prétendre, ainsi que le fait la requérante, qu’« il n’existe aucune circonstance qui puisse justifier l’écoulement d’un délai de près de neuf ans pour la conclusion de la phase d’examen formel, dont la durée excessive, est uniquement le fruit de défaillances de la Commission dans la gestion de la procédure et d’une violation manifeste du devoir de vigilance » n’est qu’une affirmation si elle n’est pas corroborée par des éléments factuels qu’il appartient à la requérante de porter à la connaissance du Tribunal.
112 Ainsi, et bien que la requérante ne précise nullement et concrètement les circonstances qui, selon elle, révéleraient, dans la présente affaire, une violation des principes de sécurité juridique et de bonne administration, à l’exception de son affirmation selon laquelle la procédure a été trop longue, il y a lieu d’ores et déjà de relever que les aides en cause se caractérisent par un contexte particulier, dans la mesure où l’octroi de ces dernières au groupe Tirrenia a fait l’objet de plusieurs décisions de la Commission, en particulier de la décision (UE) 2020/1411 de la Commission, du 2 mars 2020, concernant l’aide d’État C 64/99 (ex NN 68/99) mise à exécution par l’Italie en faveur des compagnies maritimes Adriatica, Caremar, Siremar Saremar et Toremar (groupe Tirrenia) (JO 2020, L 332, p. 1).
113 La décision attaquée ainsi que la décision 2020/1411 comportent de nombreux considérants concernant un grand nombre de mesures mises en œuvre par les autorités italiennes. La longueur de ces décisions et la diversité des mesures mettent en exergue la complexité factuelle et juridique des aides accordées au groupe Tirrenia par la République italienne, que la décision attaquée reproduit.
114 Ensuite, il ressort du déroulement de la procédure d’examen, telle que résumée aux considérants 1 à 12 de la décision attaquée et rappelée aux points 13 à 21 ci-dessus, que la Commission a conclu une procédure relative à six mesures différentes d’aide et que, à cet égard, ne saurait être constatée une période d’inactivité de sa part quant à l’instruction de cette affaire, qui a nécessité de nombreuses demandes de renseignements et de clarification faites auprès des autorités italiennes. La requérante n’invoque, au demeurant, aucune période d’inactivité particulière ni aucun retard qui serait imputable à la Commission.
115 Par ailleurs, en cours de procédure, la Commission a dû étendre la procédure d’examen à de nouvelles mesures et une nouvelle décision invitant les parties intéressées à présenter leurs observations a été adoptée (voir considérants 5 et 6 de la décision attaquée).
116 En outre, un rapport a dû être commandé par la Commission afin de déterminer la valeur de marché des actifs de la requérante, rapport qui a fait l’objet d’une contre-évaluation établie par les experts des autorités italiennes (voir considérant 8 de la décision attaquée).
117 Il ressort du considérant 9 de la décision attaquée que la Commission a clos la procédure formelle d’examen en ce qui concernait certaines autres mesures adoptées par la région autonome de Sardaigne, lesquelles ont été contestées devant le Tribunal, qui a rejeté le recours par arrêt du 6 avril 2017, Regione autonoma della Sardegna/Commission (T 219/14, EU:T:2017:266).
118 Enfin, à la suite du dépôt du rapport mentionné au point 116 ci-dessus et de la contre-évaluation effectuée par les autorités italiennes, Grimaldi Euromed a, les 12 février 2016, 29 mai, 18 septembre, 10 octobre et 22 novembre 2018, présenté des observations à la Commission et une réunion s’est déroulé le 17 juillet 2018, à la demande de cette société, entre elle et la Commission. Les 25 janvier, 29 mars et 31 août 2018, la Commission a demandé des renseignements complémentaires aux autorités italiennes, lesquelles ont répondu les 26 avril, 31 mai, 2 novembre et 11 décembre 2018. Les 23 et 24 janvier 2019, les services de la Commission ont tenu une réunion avec les autorités italiennes à Rome (Italie), à la suite de laquelle ces dernières ont présenté des renseignements complémentaires qui avaient été demandés par la Commission lors de cette réunion (considérants 10 et 11 de la décision attaquée).
119 Il ne ressort nullement de la chronologie des événements que la Commission aurait retardé indéfiniment l’exercice de ses pouvoirs. En particulier, aucune période d’inactivité de la Commission qui serait susceptible d’être préjudiciable aux intérêts de la requérante ne relève de cette chronologie, en sorte qu’il y a lieu de considérer que le déroulement de la procédure administrative n’a pas révélé l’existence d’une action excessivement tardive de la part de celle-ci au sens de la jurisprudence.
120 Au contraire, ainsi que l’a, notamment, indiqué la Commission, l’information concernant les aides à la modernisation de la flotte, pour lesquelles un montant de 12 051 900 euros pouvait être engagé alors que seule la somme de 630 600 euros avait été affectée à cette modernisation, ne lui avait été fournie qu’en novembre 2018. La requérante n’a fait état d’aucun élément tendant à démontrer l’inexactitude de cette constatation. En outre, s’agissant des fonds restants, à savoir la somme de 11 421 300 euros, ce n’est qu’en janvier 2019 que la Commission a été informée que cette somme n’avait été ni utilisée pour payer les travaux de modernisation, ni remboursée à la République italienne, ce que la requérante n’a pas non plus contesté.
121 Or, si de telles informations avaient été portées à la connaissance de la Commission plus tôt, celle-ci aurait pu conclure la procédure administrative dans un délai plus bref, l’allongement du délai étant ainsi imputable aux seules autorités italiennes.
122 Compte tenu de ces échanges de documents, du contexte dans lequel cette affaire s’inscrit parmi d’autres affaires similaires ainsi que de la complexité de l’affaire en cause, il ne saurait être conclu que la clôture de la procédure par l’adoption de la décision attaquée puisse être considérée comme étant excessivement tardive, en sorte qu’il y a lieu de conclure que la Commission n’a nullement porté atteinte aux principes de bonne administration et de sécurité juridique.
123 En second lieu, s’agissant de la prétendue violation du principe de protection de la confiance légitime, il convient de rappeler que, ainsi qu’il ressort du point 101 ci-dessus, lorsqu’une aide a été mise à exécution sans notification préalable, le bénéficiaire de l’aide ne peut avoir, à ce moment, une confiance légitime dans la régularité de l’octroi de celle-ci, sauf circonstances exceptionnelles.
124 En l’espèce, ainsi d’ailleurs que le reconnaît elle-même la requérante, les mesures en cause n’ont pas été notifiées à la Commission, en sorte que l’aide a été octroyée en violation de l’article 108, paragraphe 3, TFUE, ce qui suffit en soi pour exclure l’existence d’une quelconque confiance légitime de la part de la requérante dans la régularité des aides en cause. Toutefois, il est constant que la jurisprudence n’exclut pas la possibilité pour les bénéficiaires d’une aide illégale, car non notifiée, d’invoquer des circonstances exceptionnelles, qui ont légitimement pu fonder leur confiance dans le caractère régulier de cette aide, pour s’opposer à son remboursement (voir arrêt du 9 septembre 2009, Diputación Foral de Álava e.a./Commission, T 30/01 à T 32/01 et T 86/02 à T 88/02, EU:T:2009:314, point 282 et jurisprudence citée).
125 En l’occurrence, il ne saurait, toutefois, être considéré que le simple rappel de la jurisprudence puisse être interprété comme étant l’invocation par la requérante de circonstances exceptionnelles propres à l’affaire soumise en l’espèce au Tribunal. À cet égard, il convient de relever qu’une partie de cette jurisprudence n’est pas pertinente, dès lors qu’elle se rapporte soit à des procédures d’examen préliminaire qui n’ont pas été suivies d’une procédure formelle d’examen, soit à des aides notifiées.
126 En effet, il ne saurait appartenir au Tribunal de rechercher, parmi les éléments factuels de l’affaire qui lui est soumise, les circonstances exceptionnelles permettant de conclure à l’existence d’une confiance légitime de la part de la requérante lui ouvrant la possibilité d’obtenir une sanction de la violation du principe du délai raisonnable. En effet, la violation du principe de protection de la confiance légitime doit être corrélée à des arguments qu’il appartient à la requérante de soulever et au Tribunal d’examiner afin de déterminer l’éventuelle violation de ce principe (voir, en ce sens, arrêt du 15 juin 2005, Regione autonoma della Sardegna/Commission, T 171/02, EU:T:2005:219, point 66).
127 À cet égard, la requérante semble ne se prévaloir que de deux circonstances, qu’il y a lieu d’examiner au titre des prétendues « circonstances exceptionnelles ».
128 En premier lieu, en ce que la requérante fait valoir que, en particulier, une aide au fonctionnement, telle que celle en cause dans la décision attaquée, qui se caractériserait par une « extrême linéarité » et une « conséquente simplicité », ne saurait justifier une procédure formelle d’examen aussi longue, il convient, d’emblée, de constater que cette mesure d’aide n’est que l’une des mesures parmi celles qui ont été examinées par la Commission dans la décision attaquée, en sorte qu’elle n’est pas isolée, puisque cette décision concerne une grande diversité de mesures d’aide, ainsi d’ailleurs qu’il ressort clairement du considérant 29 de ladite décision, et ces mesures font l’objet d’un développement exhaustif aux considérants 151 à 290 de cette dernière. En tout état de cause, une telle circonstance ne saurait être considérée comme étant une « circonstance exceptionnelle » permettant de conclure à l’existence d’une confiance légitime de la part de la requérante.
129 En second lieu, en ce que la requérante se réfère à la décision (UE) 2019/422 de la Commission, du 20 septembre 2018, concernant l’aide d’État SA 36112 (2016/C) (ex 2015/NN) mise à exécution par l’Italie en faveur de l’autorité portuaire de Naples et de Cantieri del Mediterraneo SpA (JO 2019, L 78, p. 63), il convient de relever que la Commission elle-même avait reconnu dans ladite décision qu’elle ne pouvait réclamer la restitution de l’aide octroyée, en raison de la durée de la procédure trop longue, ce que la requérante ne conteste d’ailleurs pas.
130 Or, en l’occurrence, la Commission conteste, de manière circonstanciée, que la procédure ait été trop longue, dans la mesure où la situation de la présente affaire se distingue de celle qui a été à l’origine de la décision 2019/422. La Commission conteste, dès lors, que la restitution de l’aide ne s’impose pas en l’espèce.
131 Enfin, s’agissant de l’arrêt du 24 novembre 1987, RSV/Commission (223/85, EU:C:1987:502), dont se prévaut la requérante, il est certes exact que la Cour a estimé que le délai de 26 mois pris par la Commission pour adopter sa décision avait pu faire naître, dans l’esprit de la partie requérante, bénéficiaire de l’aide, une confiance légitime de nature à empêcher l’institution d’enjoindre aux autorités nationales concernées d’ordonner la restitution de cette aide.
132 Toutefois, les circonstances de l’affaire ayant donné lieu à l’arrêt du 24 novembre 1987, RSV/Commission (223/85, EU:C:1987:502), ont joué un rôle décisif dans l’orientation suivie par la Cour dans cet arrêt, en sorte que celle-ci ne saurait nécessairement être transposée au cas d’espèce. En particulier, l’aide à l’origine de l’affaire ayant donné lieu à l’arrêt du 24 novembre 1987, RSV/Commission (223/85, EU:C:1987:502), avait fait l’objet, quoiqu’après son versement, d’une notification formelle à la Commission. Par ailleurs, elle se rattachait à des coûts supplémentaires liés à des aides autorisées par la Commission et concernait un secteur qui, depuis 1977, avait bénéficié d’aides autorisées par la Commission. Enfin, l’examen de la compatibilité de l’aide n’exigeait pas une recherche approfondie [voir arrêt du 13 décembre 2018, Comune di Milano/Commission, T 167/13, EU:T:2018:940, point 158 (non publié) et jurisprudence citée].
133 Or, ces circonstances se distinguent clairement des circonstances à l’origine de la présente affaire, même si les aides s’inscrivent dans un secteur qui avait bénéficié, dans le passé, d’aides examinées par la Commission. En particulier, dans la présente affaire, les aides litigieuses n’ont jamais été notifiées à la Commission. Par suite, au vu des différences fondamentales entre le cas d’espèce dans l’arrêt du 24 novembre 1987, RSV/Commission (223/85, EU:C:1987:502), et celui faisant l’objet du présent recours, la requérante ne peut utilement se prévaloir de cet arrêt [voir, en ce sens, arrêt du 13 décembre 2018, Comune di Milano/Commission, T 167/13, EU:T:2018:940, point 159 (non publié)].
134 Par ailleurs, la requérante ne soutient pas non plus que la Commission lui a fourni des assurances précises de nature à lui donner des espérances fondées quant à la régularité de l’aide (voir, en ce sens, arrêts du 31 mars 1998, Preussag Stahl/Commission, T 129/96, EU:T:1998:69, point 78 ; du 5 juin 2001, ESF Elbe-Stahlwerke Feralpi/Commission, T 6/99, EU:T:2001:145, point 185, et du 14 janvier 2004, Fleuren Compost/Commission, T 109/01, EU:T:2004:4, point 142).
135 Il résulte de l’ensemble de ce qui précède que le troisième moyen doit être rejeté ainsi que le recours dans son ensemble.
Sur les dépens
136 Aux termes de l’article 134, paragraphe 1, du règlement de procédure, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens. La requérante ayant succombé, il y a lieu de la condamner aux dépens, conformément aux conclusions de la Commission.
Par ces motifs,
LE TRIBUNAL (huitième chambre)
déclare et arrête :
1) Le recours est rejeté.
2) Tirrenia di navigazione SpA est condamnée aux dépens.