Cass. com., 5 octobre 2004, n° 03-12.006
COUR DE CASSATION
Arrêt
Rejet
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. Tricot
Attendu, selon l'arrêt partiellement confirmatif attaqué (Paris, 10 janvier 2003), que, par acte sous seing privé, la société PPA Audit a, par l'intermédiaire de la société Comptoirs de transactions des cabinets comptables - CTCC (la société CTCC), acquis la totalité des actions de la société Europe expertise conseil - EEC (la société EEC), dont l'objet social est l'expertise comptable ; que la société PPA Audit, considérant qu'elle avait été abusée sur les qualités substantielles des actions cédées et sur la situation réelle de la société, a poursuivi les cédants afin d'obtenir la nullité de la vente et leur condamnation à lui payer diverses sommes, dont le remboursement de l'acompte versé sur le prix de cession, ainsi que la société CTCC en paiement de dommages-intérêts au titre de sa défaillance dans son devoir de conseil ;
Sur le premier moyen :
Attendu que la société PPA Audit fait grief à l'arrêt d'avoir rejeté sa demande tendant à voir prononcer l'annulation de la vente des actions de la société EEC en raison du dol commis par les cédants et de l'avoir en conséquence condamnée à payer à ceux-ci une somme au titre du solde du prix de cession, alors, selon le moyen :
1) que peut être constitutif d'un dol le silence d'une partie dissimulant à son cocontractant un fait qui s'il avait été connu de lui, l'aurait empêché de contracter ; qu'en l'espèce en affirmant, pour écarter le dol, que la preuve de "manoeuvres dolosives faites dans l'intention délibérée de tromper" n'était pas rapportée et qu'"aucun mensonge" n'avait été décelé par l'expert, tout en constatant que le prix de cession avait été fixé sur la base de faux bilans concernant les exercices 1997 et 1998, ce qui suffisait à caractériser l'existence d'un dol, la cour d'appel a violé l'article 1116 du Code civil ;
2) que la réticence dolosive rend toujours excusable l'erreur provoquée ; qu'en retenant cependant pour écarter le dol commis par les cédants que la société PPA Audit était une "professionnelle du chiffre", qu'elle ne "pouvait ignorer" qu'en dépit de son caractère mensonger, le bilan de 1997 fourni par les cédants devait être "retraité" pour approcher les capacités financières véritables de l'entreprise cédée et qu'elle avait manqué de prudence, constatations manifestement impropres à exonérer les auteurs du dol de leur responsabilité, la cour d'appel a statué par des motifs inopérants et a, une nouvelle fois, violé l'article 1116 du Code civil ;
Mais attendu que l'arrêt constate que l'affirmation selon laquelle les réponses apportées par l'expert sur le caractère faux des bilans de 1997 et 1998 méritaient, selon l'expert lui-même, d'être éclairées par le constat selon lequel le bilan de 1997, n'était, selon les termes même de la convention de cession, qu'un document de base auquel il était référé dans l'attente d'une situation comptable à établir ultérieurement et contradictoirement ; que l'arrêt relève aussi que si, sur le plan formel, ce bilan était faux, il devait être replacé dans la ligne des bilans et comptes de résultats antérieurs et "retraité", ce que ne pouvaient ignorer les cessionnaires en leur qualité de professionnels des comptes d'entreprises et qu'il retient encore que l'erreur sur les qualités substantielles dont serait prétendument victime la société cessionnaire n'est pas non plus démontrée ; qu'en l'état de ces constatations déduites de son appréciation souveraine des éléments de preuve qui lui étaient soumis, la cour d'appel a pu considérer que la preuve de manoeuvres mises en oeuvre dans l'intention délibérée de tromper et sans lesquelles la société PPA Audit n'aurait pas contracté n'était pas rapportée et qu'en conséquence le dol n'était pas constitué ; que le moyen n'est pas fondé ;
Et sur le second moyen :
Attendu que la société PPA Audit fait grief à l'arrêt d'avoir rejeté sa demande dirigée à l'encontre de la société CTCC au titre de sa responsabilité professionnelle d'intermédiaire-rédacteur d'acte, alors, selon le moyen, que les intermédiaires professionnels qui fournissent à autrui des prestations à caractère technique moyennant rémunération sont tenus d'une obligation de conseil envers leurs clients ; qu'en l'espèce, la société CTCC étant intervenue à la cession en tant qu'intermédiaire professionnelle spécialisée dans la cession de cabinets d'expertise comptable, était débitrice d'un devoir de conseil envers la société PPA Audit et se devait de vérifier les éléments contenus dans l'acte de cession, qu'elle avait au demeurant elle-même rédigé, en s'assurant de la véracité des renseignements comptables fournis par les cédants ; qu'en ne recherchant pas, comme l'y invitaient pourtant les conclusions de la société PPA Audit si en l'absence même de faute commise par les cédants, la société CTCC n'avait pas quant à elle engagé sa responsabilité pour manquement à son devoir de conseil, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1147 du Code civil ;
Mais attendu qu'ayant retenu, par motifs adoptés, que la société PPA Audit a donné à la société CTCC un mandat de simple présentation, lequel ne met pas à la charge du mandataire d'obligation d'investigation et que la société CTCC n'a, ainsi, pas commis de faute, la cour d'appel, devant laquelle il n'était pas prétendu que cette société avait reçu mandat de rédiger les actes, a pu statuer comme elle a fait ;
que le moyen n'est pas fondé ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne la société PPA Audit aux dépens ;
Vu l'article 700 du nouveau Code de procédure civile, condamne la société PPA Audit à payer à Mme X..., M. X..., M. Y..., la société CPEC Cabinet Piquart, M. Z..., M. A... et M. B... la somme globale de 1 800 euros ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de Cassation, Chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du cinq octobre deux mille quatre.