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Décisions

CA Paris, Pôle 5 ch. 1, 22 février 2022, n° 19/18163

PARIS

Arrêt

Infirmation partielle

PARTIES

Demandeur :

LA NICOISE (Sas), NICE GOURMET (Sas), GOURMANDISES NICOISES (Sas)

Défendeur :

CAMI (Sarl)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Douillet

Conseillers :

Mme Barutel, Mme Bohée

TGI de Paris, 3e ch. 2e. sect., du 5 jui…

5 juillet 2019

EXPOSÉ DU LITIGE

M. Luc S se présente comme un chef niçois renommé ayant eu l'idée en 2012 de fabriquer des chips à base d'un produit local, la « socca ». La première commercialisation de ces chips aurait eu lieu en juin 2014 dans plusieurs points de vente du département des Alpes Maritimes, puis dans toute la France.

M. S est titulaire de deux marques semi-figuratives ' SOCCA CHIPS LA COUHINA NISSARDA PER LU MOURRE-LÉC CROUSTIHANT DE SOCA FARINA DE CÉE ' :

-   une marque de l'Union européenne n°17 075 681 (ci-après, la marque 681) déposée par la société LA NICOISE le 4 août 2017 et publiée le 28 août 2017 pour des produits des classes 29 et 30, et notamment des 'chips à base de farine de pois chiche' ;

-   une marque française n°4 234 375 (ci-après, la marque 375) déposée par M. S le 16 décembre 2015 et enregistrée également pour les mêmes produits.

Ces deux marques comportent les mêmes éléments suivants :

Les deux marques sont utilisées notamment pour commercialiser des chips à base de pois chiche.

En novembre 2014, M. S a déposé un brevet portant sur le procédé de production des chips à base de pois chiche.

En avril 2015, il a contacté la société CAMI (anciennement FAMILY CHIPS), basée à Pennes-Mirabeau, spécialisée dans la fabrication et la vente de produits alimentaires artisanaux depuis 1981, inscrite au RCS d'Aix-en-Provence sous le numéro 438 243 669, dans la perspective éventuelle de lui confier la production de ses chips, mais aucun accord n'a été trouvé.

M. S expose que ses chips sont connu un grand succès et qu'il a par la suite procédé à la constitution de différentes sociétés :

-   la société NICE GOURMET, inscrite au RCS de Nice sous le numéro 802 395 988, en charge de la commercialisation des produits,

-   la société GOURMANDISES NICOISES, inscrite au RCS de Nice sous le numéro 813 375 409, en charge de la production,

-   et la société LA NICOISE, inscrite au RCS de Nice sous le numéro 828 981 654, en charge de la gestion des droits de propriété intellectuelle.

M. S indique avoir constaté que la société CAMI avait lancé sur le marché un produit dénommé CHIPS DE SOCCA et l'avait présenté sous un 'packaging' qu'il considère comme prêtant à confusion avec celui de ses propres produits.

Par acte du 28 avril 2016, M. S et les sociétés NICE GOURMET et LES GOURMANDISES NICOISES ont assigné en référé devant le tribunal de commerce de Nice la société CAMI sur le fondement du parasitisme et de la concurrence déloyale, afin de faire cesser la fabrication et la commercialisation du produit CHIPS DE SOCCA.

Le juge des référés du tribunal de commerce de Nice, par ordonnance en date du 10 mai 2016, a fait droit à leurs demandes et ordonné le retrait du marché de l'ensemble des produits commercialisés sous l'appellation CHIPS DE SOCCA par la société CAMI.

Par la suite, M. S a fait réaliser plusieurs constats d'huissier en date des 19 et 20 mai, 6 et 7 juillet 2016, concernant la commercialisation de CHIPS DE SOCCA par la société CAMI, et a obtenu du juge de l'exécution du tribunal de grande instance de Nice une décision de liquidation de l'astreinte prononcée par le juge des référés à l'encontre de la société CAMI.

Par un arrêt du 23 mai 2017, la cour d'appel d'Aix-en-Provence a infirmé l'ordonnance de référé du 10 mai 2016. Le pourvoi formé contre cet arrêt serait devenu caduc et un recours en révision aurait été engagé devant la cour d'appel d'Aix-en-Provence.

Deux nouveaux constats d'achat ont par ailleurs été réalisés à la demande de M. S en date des 20 septembre et 2 octobre 2017 concernant la poursuite de la commercialisation par la société CAMI de produits dénommés CHIPS DE SOCCA ou CHIPS SOCCA.

M. S et les sociétés NICE GOURMET, GOURMANDISES NICOISES et LA NICOISE ont été autorisés, par ordonnance sur requête du président du tribunal de grande instance de Paris du 11 octobre 2017, à faire procéder à une saisie-contrefaçon dans les locaux de la société CAMI à Les Pennes-Mirabeau qui s'est déroulée le 9 novembre 2017.

C'est dans ce contexte que le 6 décembre 2017, M. S et les trois sociétés précitées ont fait assigner la société CAMI devant le tribunal de grande instance de Paris.

Par jugement du 5 juillet 2019, ce tribunal a :

-   débouté M. S, les sociétés NICE GOURMET, GOURMANDISES NICOISES et LA NICOISE de leurs demandes au titre de la contrefaçon de marques,

- débouté M. S, les sociétés NICE GOURMET, GOURMANDISES NICOISES et LA NICOISE de leurs demandes au titre de la concurrence déloyale,

-   dit qu'en commercialisant, postérieurement à avril 2015, un produit dénommé CHIPS DE SOCCA, CHIPS SOCCA ou CHIPS DE POIS

CHICHE, la société CAMI a commis des actes de parasitisme au préjudice des sociétés NICE GOURMET, GOURMANDISES NICOISES et LA NICOISE,

-   condamné la société CAMI à payer à la société GOURMANDISES NICOISES une somme de 50 000 euros au titre du préjudice résultant des actes de parasitisme,

-   débouté les sociétés NICE GOURMET et LA NICOISE de leurs demandes indemnitaires du fait des actes de parasitisme de la société CAMI,

-   débouté la société CAMI de ses demandes reconventionnelles pour dénigrement et procédure abusive,

-   dit n'y avoir lieu au prononcé des mesures sollicitées par les demandeurs d'interdiction, destruction, retrait des produits commercialisés par la société CAMI,

-   rejeté les demandes de publication,

-   condamné la société CAMI aux dépens, en ce compris les frais relatifs aux opérations de saisie contrefaçon, et au paiement à M. S et aux sociétés NICE GOURMET, GOURMANDISES NICOISES et LA NICOISE, ensemble, la somme totale de 10 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

-   ordonné l'exécution provisoire.

Le 25 septembre 2019, M. S, les sociétés LA NICOISE, NICE GOURMET et GOURMANDISES NICOISES ont interjeté appel de ce jugement.

Dans leurs dernières conclusions numérotées 7, transmises le 17 novembre 2021, M. S, les sociétés LA NICOISE, NICE GOURMET et GOURMANDISES NICOISES, appelants, demandent à la cour :

-   de déclarer irrecevable la demande d'irrecevabilité formulée par la société CAMI à l'encontre des demandes de M. S, NICE GOURMET et GOURMANDISES NICOISES, ladite demande d'irrecevabilité constituant une prétention nouvelle, celle-ci n'ayant pas été soulevée en première instance,

-   en tout état de cause, si par impossible la prétention nouvelle de la société CAMI était admise, de constater que l'action du licencié d'une marque est possible aux côtés du titulaire de celle-ci au visa de l'article L 716-5 du code de la propriété intellectuelle et de la jurisprudence citée,

-   de retenir recevable et bien fondé l'appel interjeté par M. S, les sociétés LA NICOISE, NICE GOURMET et GOURMANDISES

NICOISES à l'encontre du jugement ;

-   d'infirmer le Jugement en ce qu'il a :

-   débouté la société LA NICOISE de sa demande au titre de la contrefaçon de marques,

-   débouté les sociétés LA NICOISE, NICE GOURMET et GOURMANDISES NICOISES de leurs demandes au titre de la concurrence déloyale,

-   limité la condamnation de la société CAMI à payer à la société LES GOURMANDISES NICOISES une somme de 50 000 euros au titre du préjudice résultant des actes de parasitisme,

-   débouté les sociétés NICE GOURMET et LA NICOISE de leurs demandes indemnitaires du fait des actes de parasitisme de la société CAMI,

-   dit n'y avoir lieu au prononcé des mesures sollicitées par les sociétés NICE GOURMET, LES GOURMANDISES NICOISES et LA NICOISE

d'interdiction, destruction, retrait des produits commercialisés par la société CAMI,

-   rejeté les demandes de publication,

-   en conséquence :

-   Sur les actes de contrefaçon :

-   de retenir que la société CAMI a commis des actes de contrefaçon par imitation de la marque française n° 15/4234375 et de la marque de l'union européenne n°17075681,

-   à titre principal :

-   de condamner la société CAMI à verser à la société LA NICOISE la somme 38 733,24 euros au titre de son préjudice financier (redevance) lié à l'utilisation non autorisée de sa marque,

-   de condamner la société CAMI à verser à M. S la somme de 12 662,79 € au titre de son préjudice financier (redevance) lié à l'utilisation non autorisée de sa marque,

-   de condamner la société CAMI à verser à la société LA NICOISE la somme 50 000 euros au titre de son préjudice d'atteinte à l'image de sa marque,

-   de condamner la société CAMI à verser à la société 'LA NICOISE la Monsieur S la somme 10 000 euros au titre de son préjudice moral,

-   de condamner la société CAMI à verser aux sociétés NICE GOURMET et GOURMANDISES NICOISES, la somme de

345 000 euros en réparation du préjudice causé par l'imitation du signe et des produits « SOCCA CHIPS » pour la période débutant du mois d'avril 2016 au mois de janvier 2022 ainsi qu'à une somme de 5 000 euros par mois jusqu'au prononcé de la décision à intervenir,

-   à titre subsidiaire, si les Sociétés NICE GOURMET et GOURMANDISES NICOISES étaient déclarées irrecevables en leurs demandes indemnitaires au titre de la contrefaçon :

-   de condamner la société CAMI à verser à la société LA NICOISE la somme de 345 000 € en réparation du préjudice causé par l'imitation du signe et des produits « SOCCA CHIPS» pour la période débutant du mois d'avril 2016 au mois de janvier 2022 ainsi qu'à une somme de 5 000 euros par mois jusqu'au prononcé de la décision à intervenir,

-   à titre infiniment subsidiaire concernant les préjudices, si la cour ne s'estimait pas suffisamment éclairée, d'allouer les sommes précitées à titre provisionnel, dans l'attente de la détermination par un expert qu'il plaira à la cour de designer à l'effet de se faire communiquer tous les comptes de la société CAMI concernant la production et vente de chips de pois chiche et/ou socca et pouvoir ainsi fixer de manière définitive les préjudices des appelants, le manque à gagner se

définissant par rapport aux bénéfices réalisés par le contrefacteur en vendant les produits contrefaisants,

-   Sur les actes de concurrence déloyale et parasitaire :

-   de retenir que la société CAMI a commis des actes de concurrence déloyale en copiant servilement les produits SOCCA CHIPS,

-   de retenir que la société CAMI a commis des actes de parasitisme en se plaçant dans le sillage des sociétés LA NICOISE, NICE GOURMET et GOURMANDISES NICOISES,

-   de retenir que l'imitation des signes « socca chips » constitue des actes de concurrence déloyale et parasitaire,

-   de condamner la société CAMI à verser 'aux sociétés GOURMANDISES NICOISES', la somme de 500 000 euros en réparation du préjudice causé par les actes de concurrence déloyale et parasitaire,

-   de condamner la société CAMI à verser la société NICE GOURMET, la somme de 300 000 euros en réparation du préjudice causé par les actes de concurrence déloyale et parasitaire,

-   de condamner la société CAMI à verser à la société LA NICOISE, la somme de 200 000 euros en réparation du préjudice causé par les actes de concurrence déloyale et parasitaire,

-   à titre subsidiaire concernant les préjudices, d'allouer les sommes précitées à titre provisionnel, dans l'attente de la détermination par un expert qu'il plaira à la cour de designer à l'effet de se faire communiquer tous les comptes de la société CAMI concernant la production et vente de chips de pois chiche et/ou socca et pouvoir ainsi fixer de manière définitives les préjudices des appelants le manque à gagner se définissant par rapport aux bénéfices réalisés par le contrefacteur en vendant les produits contrefaisants,

-   en tout état de cause,

-   de débouter la société CAMI de l'intégralité de ses demandes,

-   d'interdire, sous astreinte de 100 euros par jour de retard par infraction constatée, toute reproduction, imitation ou usage quelconque du signe « socca chips » à la société CAMI sur quelque support que ce soit,

-   d'ordonner, sous astreinte de 100 euros par jour de retard et par produit, le retrait de tous les produits distribués par la société CAMI portant le signe « socca chips » ou toute dénomination similaire déjà divulguées,

-   d'ordonner la confiscation et la destruction à la diligence et aux frais de la société CAMI, dans les 15 jours de la signification du jugement à intervenir, de tout produit revêtu du signe « socca chips » ou d'une dénomination similaire, le tout sous astreinte de 100 € par jour de retard et par produit,

-   d'ordonner à la société CAMI, à compter de huit jours après la signification de la décision à intervenir et pendant une période ininterrompue de 6 mois, l'affichage sur la page d'accueil de son site internet, ou de tout site qu'elle serait amenée à créer ou exploiter, de l'avertissement suivant, de manière visible, sans action des internautes, et en caractère gras de taille au moins aussi importante que celle des plus gros caractères utilisés sur cette page, et au minimum en police 14, et ce sous astreinte provisoire de 150 € par jour de retard ou d'affichage non-conforme : « Avertissement important : Par décision de la Cour d'appel de Paris la société CAMI a été condamnée à cesser toute utilisation du signe « socca chips » ou toute dénomination similaire appartenant à Luc S et la société LA NICOISE et à publier en ligne le présent avertissement »,

-   de condamner la société CAMI à verser 25 000 euros à chacun des concluants au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

-   de condamner la société CAMI aux entiers dépens de l'instance, en ceux compris ceux de la saisie, des constats et sommations.

Dans ses dernières conclusions transmises le 19 novembre 2021 la société CAMI, intimée et appelante incidente, demande à la cour :

-   de confirmer le jugement en ce qu'il a :

-   débouté M. S, les sociétés NICE GOURMET, LES GOURMANDISES NICOISES et LA NICOISE de leurs demandes au titre de la contrefaçon de marques,

-   débouté M. S, les sociétés NICE GOURMET, LES GOURMANDISES NICOISES et LA NICOISE de leurs demandes au titre de la concurrence déloyale,

-   débouté les sociétés NICE GOURMET et LA NICOISE de leurs demandes indemnitaires du fait des actes de parasitisme de la société CAMI,

-   dit n'y avoir lieu au prononcé des mesures sollicitées par M. S, les sociétés NICE GOURMET, LES GOURMANDISES NICOISES et LA NICOISE d'interdiction, destruction, retrait des produits commercialisés par la société CAMI,

-   rejeté les demandes de publication,

-   d'infirmer le jugement en ce qu'il a :

-   dit qu'en commercialisant postérieurement à avril 2015 un produit dénommé « Chips de Socca », «Chips Socca » ou « Chips de pois chiche », la société CAMI a commis des actes de parasitisme au préjudice des sociétés NICE GOURMET, LES GOURMANDISES NICOISES et LA NICOISE,

-   condamné la société CAMI à payer à la société LES GOURMANDISES NICOISES une somme de 50 000 euros au titre du préjudice résultant des actes de parasitisme de la société CAMI,

-   débouté la société CAMI de ses demandes reconventionnelles en dénigrement et procédure abusive,

-   condamné la société CAMI à payer à M. S, les sociétés NICE GOURMET, LES GOURMANDISES NICOISES et LA NICOISE

ensemble la somme de 10 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

-   statuant à nouveau :

-   sur la prétendue contrefaçon des marques :

- de juger que M. S et les sociétés NICE GOURMET et GOURMANDISES NICOISES sont irrecevables à agir en contrefaçon de marque,

-   de débouter M. S et les sociétés LA NICOISE, NICE GOURMET et GOURMANDISES NICOISES de leurs demandes en contrefaçon de la marque semi- figurative française « SOCCA CHIPS » n°4234375, déposée le 16 décembre 2015, en classes 29 et 30 et de la marque semi-figurative européenne « SOCCA CHIPS » n°17075681, déposée le 4 août 2017, en classes 29 et 30 ;

-   de confirmer le jugement en ce qu'il a jugé que les termes « Socca Chips » sont descriptifs des produits visés par les marques opposées et ne sont pas distinctifs pour désigner des « chips à base de farine de Pois Chiche » et « chips et croustillant de socca, préparés à base de farine de pois chiche »,

-   de juger que les termes « Socca Chips » ne peuvent constituer les éléments distinctifs dominants des marques française et européenne SOCCA CHIPS déposées par M. S et la société LA NICOISE,

-   de confirmer le jugement en ce qu'il a jugé qu'il ne peut résulter de la comparaison des marques française et européenne déposées par

M. S et la société LA NICOISE et des termes « Chips de Socca »

exploités par la société CAMI aucun risque de confusion et que la seule reprise par la société CAMI des termes « Chips de Socca », termes du langage courant, ne peut constituer un acte de contrefaçon par imitation des marques française et européenne déposées par M. SALDEDO et la société LA NICOISE,

-   de débouter en conséquence M. S et la société LA NICOISE de l'ensemble de leurs prétentions sur le fondement de la contrefaçon de marque,

-   de juger irrecevables à agir en contrefaçon de marque les sociétés GOURMANDISES NICOISES et NICE GOURMET,

-   de confirmer le jugement en ce qu'il a débouté M. S, les sociétés LA NICOISE, GOURMANDISES NICOISES et NICE GOURMET de leurs

demandes en contrefaçon de marque,

-   sur la prétendue concurrence déloyale et parasitaire :

-   de juger que M. S, les sociétés NICE GOURMET et GOURMANDISES NICOISES ne rapportent la preuve d'aucun droit privatif ni monopole sur le produit « Chips de Socca » ou « Socca Chips », simple idée, ni d'aucun investissement humain ou financier concernant ce produit, son nom ou son emballage,

-   de confirmer le jugement en ce qu'il a jugé que la reprise des termes

« Chips de Socca », termes du langage courant, descriptifs du produit, par la société CAMI ne saurait être fautive,

-   de confirmer le jugement en ce qu'il n'a retenu aucune faute ni aucun acte de concurrence déloyale dont la société CAMI se serait rendue coupable en commercialisant des chips de socca

et qu'il a jugé qu'aucun préjudice n'est justifié à ce titre par M. S, les sociétés NICE GOURMET et GOURMANDISES NICOISES,

-   d'infirmer le jugement en ce qu'il a retenu des actes de parasitisme et condamné la société CAMI à verser la somme de 50 000 euros à la société GOURMANDISES NICOISES,

-   de débouter en conséquence M. S, les sociétés LA NICOISE, NICE GOURMET et GOURMANDISES NICOISES de l'intégralité de leurs prétentions indemnitaires et de leurs demandes complémentaires sur le fondement du parasitisme ou de la concurrence parasitaire,

-   à titre reconventionnel :

-   de condamner M. S, les sociétés LA NICOISE, NICE GOURMET et GOURMANDISES NICOISES à verser à la société CAMI :

-   la somme de 250 000 euros en réparation du préjudice subi du fait des actions répétées et dénigrantes menées contre la société CAMI,

-   la somme de 30 000 euros pour procédure abusive,

-   la somme de 15 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

L'ordonnance de clôture a été rendue le 23 novembre 2021.

MOTIFS DE L'ARRET

En application des dispositions de l'article 455 du code de procédure civile, il est expressément renvoyé, pour un exposé exhaustif des prétentions et moyens des parties, aux conclusions écrites qu'elles ont transmises, telles que susvisées.

Sur les demandes en contrefaçon des marques française 375 et de l'Union européenne 681 déposées respectivement par M. S et par la société LA NICOISE.

Sur la recevabilité à agir de M. S et des sociétés NICE GOURMET et GOURMANDISES NICOISES.

La société CAMI soutient que les marques qui lui sont opposées sont détenues par la seule société LA NICOISE, en qualité de déposante ou de cessionnaire, alors que l'indemnisation au titre d'une prétendue contrefaçon de marques est sollicitée par l'intégralité des appelants, de sorte que de telles demandes sont irrecevables puisqu'il n'est pas démontré que les appelants auraient tous des droits sur les marques et qu'ils subiraient individuellement un préjudice à ce titre. Elle fait valoir que les sociétés GOURMANDISES NICOISES et NICE GOURMET, qui ne sont pas licenciées exclusives des marques, ne peuvent donc prétendre à aucun préjudice du fait de l'atteinte alléguée aux marques, et que M. S et LA NICOISE sont également irrecevables dans la mesure où ils ne démontrent pas un préjudice individualisé. Elle soutient que sa demande d'irrecevabilité ne constitue pas une prétention nouvelle dès lors qu'une fin de non-recevoir peut être présentée en tout état de cause et ne constitue pas une demande nouvelle en appel.

Les appelants répondent que la société CAMI n'a jamais soulevé en première instance une quelconque irrecevabilité des demandes en contrefaçon présentées par les sociétés LES GOURMANDISES NICOISES et NICE GOURMET et qu'il s'agit donc d'une prétention nouvelle, irrecevable en cause d'appel. Ils soutiennent qu'en tout état de cause, M. S a intérêt et qualité à agir en contrefaçon, étant le déposant des marques qui ont ensuite été cédées à la société LA NICOISE à compter du 20 septembre 2017, de sorte qu'il a subi un préjudice personnel entre mai 2016 et le 20 septembre 2017, date de la cession, que la société LES GOURMANDISES NICOISES a intérêt et qualité pour agir puisqu'elle produit les Socca chips et subi ainsi un préjudice direct du fait de la contrefaçon à laquelle se livre la société CAMI et qu'il en est de même de la société NICE GOURMET qui a en charge la distribution des produits.

Sur la recevabilité de la fin de non-recevoir.

Selon l'article 123 du code de procédure civile, les fins de non- recevoir, qui tendent à faire déclarer l'adversaire irrecevable en sa demande, sans examen au fond, pour défaut de droit d'agir, tel le défaut de qualité ou le défaut d'intérêt, peuvent être proposées en tout état de cause, à moins qu'il en soit disposé autrement et sauf la possibilité pour le juge de condamner à des dommages-intérêts ceux qui se seraient abstenus, dans une intention dilatoire, de les soulever plus tôt.

La fin de non-recevoir soulevée en appel par la société CAMI est donc recevable.

Sur le bien fondé.

Les certificats d'enregistrement des marques en cause font apparaître que la marque française 375 a été déposée par M. S et la marque de l'UE 681 par la société LA NICOISE.

Il est justifié que la marque française 375 a fait l'objet d'une cession au   bénéfice   de   la    société    LA    NICOISE,    selon    acte    du 20 septembre 2017.

M. S a donc qualité et intérêt à agir en contrefaçon de la marque 375 pour la période comprise entre le dépôt du 16 décembre 2015 et la cession du 20 septembre 2017, et la société LA NICOISE, cessionnaire de la marque, pour la période postérieure à cette cession.

La société LA NICOISE a en outre qualité et intérêt à agir en contrefaçon de la marque de l'UE qu'elle a déposée le 4 août 2017.

Les sociétés GOURMANDISES NICOISES et NICE GOURMET ont par ailleurs qualité et intérêt à agir en contrefaçon des deux marques, aux côtés de leurs titulaires respectifs, en leur qualité, respectivement, de productrice et de distributrice des produits commercialisés sous les marques, pour obtenir réparation de leurs préjudices propres découlant des actes prétendus de contrefaçon de marques, l'existence et l'étendue de ces préjudices devant être, le cas échéant, examinées ci-après lors de l'examen au fond.

Les appelants, dans les limites qui viennent d'être indiquées, étant recevables à agir en contrefaçon des deux marques 'SOCCA CHIPS', la fin de non-recevoir de la société CAMI sera par conséquent rejetée.

Sur la matérialité de la contrefaçon des marques

Les appelants soutiennent que la société CAMI reproduit sans autorisation les termes de leurs marques 'SOCCA CHIPS' pour des chips à base de farine de pois chiche, au travers de trois packagings différents. Ils font valoir que les signes sont quasi-identiques, dès lors que, contrairement à ce que le tribunal a retenu, les marques invoquées sont 'SOCCA CHIPS', les termes LA COUHINA NISSARDA PER LU MOURRE-LÉC CROUSTIHANT DE SOCA FARINA DE CÉE

n'ayant été ajoutés que 'pour répondre à une demande de formalisme administratif', n'apparaissant pas sur le dépôt de la marque de l'UE et étant par ailleurs illisibles et insignifiants aux yeux des personnes interrogées lors d'un sondage IFOP, que les signes présentent une structure phonétique et visuelle identique et renvoient pareillement à des chips, que les éléments verbaux SOCCA CHIPS ne sont nullement descriptifs mais distinctifs, que le risque de confusion doit être apprécié globalement au regard des éléments figuratifs et verbaux des marques, parmi lesquels l'élément dominant est SOCCA CHIPS, que le caractère distinctif de la marque est avéré, que le risque de confusion est attesté par l'étude IFOP et les nombreuses attestations produites, les consommateurs comme les distributeurs confondant les produits.

La société CAMI répond que le tribunal a justement conclu à l'absence de confusion de contrefaçon par imitation, la reprise prétendument fautive ne portant que sur des éléments non distinctifs non susceptibles d'appropriation. Elle soutient que les termes SOCCA CHIPS sont descriptifs du produit en cause et n'ont donc pas à être pris en considération dans la comparaison globale et objective des signes, que les marques opposées ne sont pas des marques notoires ou ayant acquis un caractère distinctif par l'usage, qu'il n'y a pas de risque de confusion entre les marques opposées et l'usage qu'elle fait des termes CHIPS DE SOCCA, en l'absence de toute similitude visuelle, phonétique ou intellectuelle, qu'en tout état de cause, même en tenant compte des termes SOCCA CHIPS des marques opposées, le risque de confusion est inexistant en raison des dissemblances entre les éléments figuratifs et verbaux en présence, l'étude IFOP produite par les appelants, réalisée sur les produits et nullement sur les marques, ne concluant pas à un risque de confusion.

Ceci étant exposé, aux termes de l'article L 713-3 du code de la propriété intellectuelle, dans sa version applicable à l'espèce : Sont interdits, sauf autorisation du propriétaire, s'il peut en résulter un risque de confusion dans l'esprit du public :

a) La reproduction, l'usage ou l'apposition d'une marque, ainsi que l'usage d'une marque reproduite, pour des produits ou services similaires à ceux désignés dans l'enregistrement ;

b) L'imitation d'une marque et l'usage d'une marque imitée, pour des produits ou services identiques ou similaires à ceux désignés dans l'enregistrement'.

Par ailleurs, l'article 9 §1 a) du Règlement (CE) n° 207/2009 du 26 février 2009 dispose que 'La marque communautaire confère à son titulaire un droit exclusif. Le titulaire est habilité à interdire à tout tiers, en l'absence de son consentement, de faire usage dans la vie des affaires:

a) d'un signe identique à la marque communautaire pour des produits ou des services identiques à ceux pour lesquels celle-ci est enregistrée ;

b) d'un signe pour lequel, en raison de son identité ou de sa similitude avec la marque communautaire et en raison de l'identité ou de la similitude des produits ou des services couverts par la marque communautaire et le signe, il existe un risque de confusion dans l'esprit du public; le risque de confusion comprend le risque d'association entre le signe et la marque (...).

L'appréciation de la contrefaçon implique de rechercher si au regard des degrés de similitude entre les signes et entre les produits et/ou services désignés, il existe un risque de confusion comprenant un risque d'association dans l'esprit du public concerné, lequel doit être apprécié en tenant compte de tous les facteurs pertinents du cas d'espèce.

Sur la comparaison des produits.

Il n'est pas contesté que les produits sont identiques puisque les marques ont été déposées pour désigner, notamment, en classe 29, des 'chips à base de farine de pois chiche' et que la société CAMI commercialise des chips à base de farine de pois chiche.

Sur la comparaison des signes.

Les deux marques invoquées par les appelantes sont relatives au signe semi-figuratif suivant :

Les visuels litigieux exploités par la société CAMI sont les suivants (le cercle rouge sur le 3ème visuel, extrait des conclusions des appelants, a été rajouté par eux pour les besoins de leur défense) :

La cour rappelle que le risque de confusion doit s'apprécier par référence à l'enregistrement de la marque, indépendamment des conditions d'exploitation de celle-ci par son titulaire, et que seules doivent être prises en compte les conditions d'exploitation des signes litigieux et de commercialisation des produits argués de contrefaçon à l'égard desquels la perception du public pertinent sera examinée par référence au signe et aux produits visés au dépôt.

Le risque de confusion doit être analysé globalement au regard de tous les facteurs pertinents, dont la notoriété de la marque et l'importance de sa distinctivité, l'appréciation globale de la similitude de la marque et du signe litigieux devant être fondée sur l'impression d'ensemble qu'ils produisent au regard de leurs éléments distinctifs et dominants.

La cour constate, comme le tribunal, que les éléments visuels utilisés par la société CAMI sont très différents de ceux du signe semi-figuratif des marques invoquées, s'agissant d'un tas de pois chiche sortant d'un sac, de vendeurs ambulants en front de mer et d'un immeuble évoquant un palace de la ville de Nice, alors que les marques présentent un élément ovale traversé en son centre par un bandeaux rouge foncé et cerclé d'un pourtour également rouge foncé, dont la partie supérieure est occupée par un personnage féminin habillé en costume traditionnel niçois et la partie inférieure de lignes en éventail de couleur jaune évoquant un champ cultivé.

Les signes en litige ont en revanche en commun les termes CHIPS et SOCCA sur lesquels est spécialement fondée la contrefaçon alléguée.

S'agissant de ces éléments verbaux, c'est à juste raison que le tribunal a relevé que ceux des marques opposées ne sont pas seulement SOCCA CHIPS mais bien SOCCA CHIPS LA COUHINA NISSARDA PER LU MOURRE-LÉC CROUSTIHANT DE SOCA FARINA DE CÉE.

Contrairement à ce que soutiennent les appelants, les certificats d'enregistrement, y compris ceux fournis par les appelants (leurs pièces 1-1 et 1-2) font clairement apparaître tous ces termes comme éléments verbaux des marques. Pour autant, il n'est pas contestable que les mots LA COUHINA NISSARDA PER LU MOURRE-LÉC CROUSTIHANT DE SOCA FARINA DE CÉE, inscrits dans le pourtour de l'élément figuratif ovale, sont très peu visibles et n'appelleront pas immédiatement l'attention du consommateur moyen de la catégorie des produits locaux en cause, d'attention plutôt faible dès lors que les produits en cause sont des produits d'alimentation peu onéreux, et que les deux éléments verbaux dominants des marques invoquées sont SOCCA CHIPS, inscrits en blanc dans le bandeau rouge foncé central.

Visuellement, ces deux éléments verbaux se retrouvent intégralement dans les visuels litigieux, où ils sont également dominants, mais pas dans le même ordre puisque ces derniers portent les mentions CHIPS DE SOCCA, CHIPS SOCCA et CHIPS DE SOCCA.

Phonétiquement, les signes en présence ont des sonorités communes, liées à la présence des mêmes termes SOCCA et CHIPS.

Conceptuellement, les signes en présence évoquent pareillement des chips à base de pois chiche.

Cependant, force est de constater que les termes SOCCA CHIPS ou CHIPS SOCCA sont extrêmement descriptifs des produits couverts, à savoir des 'chips à base de farine de pois chiche', pour le consommateur d'attention moyenne des produits en cause qui est un consommateur de produits locaux du sud de la France, soit un niçois ou un habitant du sud-est de la France qui n'ignorera pas la composition de la socca, ainsi qu'il ressort de l'étude de notoriété IFOP produite par les appelants, ou un touriste ou plus généralement un consommateur attiré par le caractère régional de ce produit qui, l'un comme l'autre, se renseigneront sur la composition de la spécialité locale qu'ils découvrent.

Comme le relève la société CAMI, le terme CHIPS désigne une mince rondelle de légume, de fruit ou de préparation qui a été frite, et SOCCA une spécialité culinaire à base de farine de pois chiche consommée notamment à Nice, consistant en une fine galette cuite (fiche WIKIPEDIA, recettes MARMITON, odelices.com, socca-des-vallées.fr et cote.azur.fr, Chez Pippo - histoire de la socca, article 'La socca fait son entrée dans le dictionnaire' sur le site francetvinfo.fr. - sa pièce 8), le terme SOCCA figurant dans le dictionnaire LAROUSSE, défini de la façon suivante : 'Dans le sud-est de la France, grande galette à base de farine de pois chiche, cuite à l'huile d'olive (spécialité niçoise)' (extrait du site www.larousse.fr - pièce 20 intimée). Les appelants ont, du reste, fait figurer la composition de leurs chips par la mention 'Chips de socca - Farine de pois chiche' en bas d'un nouvel emballage (pièce 13 de l'intimée).

Le terme CHIPS est incontestablement descriptif de tout produit consistant en une chips et le terme SOCCA est la désignation d'un produit correspondant à une recette précise à base de pois chiche. Si SOCCA désigne une galette et non des chips, comme le plaident les appelants, les termes SOCCA CHIPS sont néanmoins très faiblement distinctifs pour les produits visés qui sont des chips à base de farine de pois chiche, pouvant servir à désigner deux caractéristiques de ces produits, à savoir leur nature (des chips) et leur composition (à base de farine de pois chiche comme la socca). L'inversion des termes dans la combinaison SOCCA CHIPS (au lieu de CHIPS DE SOCCA) qui renvoie à une construction grammaticale anglaise ne suffit pas à conférer à cette combinaison une distinctivité particulière, le consommateur français étant habitué à ce type de construction.

Les éléments verbaux des signes en comparaison étant très faiblement distinctifs, les différences au plan visuel des signes pris dans leur ensemble, les marques invoquées étant donc considérées dans leur globalité avec leurs éléments figuratifs, sont telles qu'elles excluent un risque de confusion entre les produits. Contrairement à ce qui est soutenu, l'étude IFOP précitée ne démontre pas le risque de confusion allégué entre les signes, le fait que 49 % des 1 000 personnes interrogées 's'attendent à retrouver le même produit dans les deux paquets', comme l'indique l'étude, ne permet pas de conclure que ces personnes confondent les signes utilisés par la société CAMI avec la marque des appelants mais seulement qu'elles pensent que les produits aperçus à travers les deux paquets pareillement transparents qui leur sont présentés et portant les termes génériques SOCCA CHIPS pour l'un et CHIPS DE SOCCA pour l'autre, sont les mêmes, à savoir des chips de socca.

La connaissance de la marque opposée sur le marché est un facteur pertinent de l'appréciation du risque de confusion en ce qu'elle confère à cette marque un caractère distinctif élevé et lui ouvre une protection renforcée. Cependant les appelants échouent à démontrer cette notoriété qui ne peut résulter de quelques articles de presse, ni de la participation comme sponsor du Tour de France en 2020, le signe utilisé à cette occasion, au vu des documents versés aux débats (pièces 45, 55, 56), étant différent de la marque invoquée, s'agissant d'un rond rouge foncé, dans lequel sont entrelacées les lettres S et C, la mention SOCCA SHIPS étant inscrite au-dessous, ni de la présence sur des foires ou salons professionnels ou encore de la réalisation de chiffres d'affaires importants réalisés par la société NICE GOURNMET au cours des années 2018 et 2019 (2 518 000 € et 2 785 241 €). L'étude de notoriété IFOP précitée ne donne pas d'indication sur la notoriété de la marque telle que déposée, mais sur la reconnaissance par le panel interrogé des termes SOCCA CHIPS au sein des éléments verbaux de la marque, supérieure à celle des termes LA COUHINA NISSARDA PER LU MOURRE-LÉC CROUSTIHANT DE SOCA FARINA DE CÉE.

Malgré l'identité des produits en cause, les différences existant entre les signes en litige permettent d'écarter tout risque de confusion, le public pertinent n'étant pas enclin à attribuer une origine commune aux produits commercialisés par les parties.

Le jugement sera par conséquent confirmé en ce qu'il a débouté M. S, les sociétés NICE GOURMET, GOURMANDISES NICOISES et LA NICOISE de leurs demandes au titre de la contrefaçon de marques.

Sur les demandes en concurrence déloyale et parasitaire

La cour rappelle que la concurrence déloyale et le parasitisme sont pareillement fondés sur l'article 1240 du code civil mais sont caractérisés par application de critères distincts, la concurrence déloyale l'étant au regard du risque de confusion, considération étrangère au parasitisme qui requiert la circonstance selon laquelle, à titre lucratif et de façon injustifiée, une personne morale ou physique

copie une valeur économique d'autrui, individualisée et procurant un avantage concurrentiel, fruit d'un savoir-faire, d'un travail intellectuel et d'investissements.

Ces deux notions doivent être appréciées au regard du principe de la liberté du commerce et de l'industrie qui implique qu'un produit qui ne fait pas l'objet d'un droit de propriété intellectuelle, puisse être librement reproduit, sous certaines conditions tenant à l'absence de faute par la création d'un risque de confusion dans l'esprit de la clientèle sur l'origine du produit ou par l'existence d'une captation parasitaire, circonstances attentatoires à l'exercice paisible et loyal du commerce.

L'appréciation de la faute au regard du risque de confusion doit résulter d'une approche concrète et circonstanciée des faits de la cause prenant en compte notamment le caractère plus ou moins servile, systématique ou répétitif de la reproduction ou de l'imitation, l'ancienneté d'usage, l'originalité, la notoriété de la prestation copiée.

Sur les demandes formées à titre subsidiaire

A titre subsidiaire, les appelants font valoir que la reproduction quasi- identique du signe 'SOCCA CHIPS' pour des produits identiques constitue un acte de concurrence déloyale et parasitaire, créant un risque manifeste de confusion entre deux des principaux acteurs du marché des chips à base de farine de pois chiche, amplement démontré par l'étude IFOP versée aux débat, et permettant à la société CAMI de tirer profit sans bourse délier de la notoriété de la marque 'SOCCA CHIPS', fruit de lourds investissements.

La société CAMI répond qu'une telle reprise est nécessairement libre, ces termes étant purement descriptifs des produits en cause, et n'est donc pas fautive. Elle argue que l'attestation comptable fournie par les appelants ne précise ni l'objet ni la destination des investissements allégués. Elle estime en outre que les appelants affirment être à l'origine d'un produit inédit, mais ne définissent jamais les caractéristiques lui conférant une valeur ajoutée protégeable qui serait plus qu'une simple idée et qu'ils sont irrecevables à revendiquer un monopole sur une dénomination générique SOCCA CHIPS constituant la seule description d'un produit pour lequel ils ne justifient d'aucun investissement ou effort intellectuel.

Ceci étant exposé, en l'absence d'imitation des marques invoquées, aucune faute de concurrence déloyale ou de parasitisme ne peut résulter de la commercialisation par la société CAMI de chips confectionnées avec de la farine de pois chiche, ce qui relève d'une idée non appropriable, sous les appellations génériques CHIPS DE SOCCA, CHIPS SOCCA et CHIPS DE SOCCA, alors au surplus que cette société justifie qu'elle fabrique des chips depuis 1981 (sa pièce 1) et qu'implantée dans le sud de la France, à Pennes-Mirabeau, elle est particulièrement légitime à développer des recettes à base de produits traditionnellement utilisés dans cette région comme la farine de pois chiche.

Sur les demandes formées à titre principal

Sur les actes distincts de concurrence déloyale.

Les appelants reprochent à la société CAMI d'avoir délibérément choisi de réaliser des chips de forme triangulaire comme les leurs et de conditionner ses produits selon un "packaging" à l'ancienne, tantôt opaque tantôt transparent, 'dont le système d'ouverture (...) s'effectue par le haut (...) et selon les mêmes modalités', en utilisant une gamme de couleurs tournant autour du rouge et jaune et en utilisant des photographies, et spécialement une photographie ancienne en noir et blanc de deux vendeurs de socca sur la promenade des anglais à Nice qui est précisément celle utilisée sur leurs paquets de chips de socca et dans leur communication, toutes ces reprises, qui ne sont pas le fruit du hasard, créant un risque de confusion entre les produits dont ont témoigné plusieurs clients. Ils ajoutent que la société CAMI, qui n'avait jamais commercialisé de chips à base de farine de pois chiche avant 2016, a attendu que la socca chips de M. S ait rencontré une certaine notoriété dans la région PACA pour fabriquer et commercialiser ses produits sur le même territoire et qu'elle a été condamnée, ainsi que son dirigeant, par le tribunal correctionnel de Nice puis par la cour d'appel d'Aix en Provence pour escroquerie au jugement dans la procédure de référé.

La société CAMI répond que le concept de socca chips, l'appellation socca chips et le packaging transparent avec une photographie en noir et blanc ne sont pas appropriables, que les chips de socca sont un produit répandu, que le 'packaging' revendiqué est d'une grande banalité, les appelants ne justifiant pas de droits privatifs sur un sachet transparent, sur les composantes du produit ou l'apparence du packaging, ni d'investissements substantiels sur les éléments revendiqués. Elle souligne que M. S ne commercialise plus ses chips dans des sachets transparents. Elle prétend que la photographie ancienne en noir et blanc est une photographie historique pour laquelle elle a obtenu l'accord du fond iconographique du Mucem et qu'elle était donc en droit de l'exploiter et ajoute que les appelants n'établissent pas la date à laquelle ils ont commencé à exploiter cette photographie. Elle conteste tout risque de confusion, qui ne saurait être établi par l'étude IFOP produite par les appelants.

Ceci étant exposé, le seul fait de commercialiser des produits identiques ou similaires à ceux, qui ne font pas l'objet de droits de propriété intellectuelle, distribués par un concurrent relève de la liberté du commerce et n'est pas fautif, dès lors que cela n'est pas accompagné de manœuvres déloyales constitutives d'une faute telle que la création d'un risque de confusion dans l'esprit de la clientèle sur l'origine du produit, circonstance attentatoire à l'exercice paisible et loyal du commerce.

En l'espèce, alors que l'idée de réaliser des chips avec de la farine de pois chiche est de libre parcours et que la reprise de cette idée par un concurrent ne peut être en soi fautive, la forme triangulaire de produits 'chips' est banale, comme le conditionnement dans des sachets ouvrables par le haut, transparents ou opaques, ou l'utilisation de couleurs rouge et jaune pour des produits alimentaires ou encore le recours à des photographies pour illustrer des étiquettes recouvrant ces conditionnements. La société CAMI justifie avoir obtenu l'autorisation du Mucem de reproduire la photographie en noir et blanc montrant deux vendeurs de socca à Nice devant la mer et que cette même photographie est aussi utilisée par un restaurateur niçois CHEZ PIPO pour sa communication, ce dont on retiendra qu'il s'agit d'un visuel reflétant le caractère traditionnel de la socca à Nice. Il est encore relevé que cette photographie est utilisée par l'intimée sur le devant de ses paquets de chips de socca dans une forme rectangulaire et non pas sur le côté des paquets et dans une forme ronde comportant l'insertion d'une autre image comme chez les appelants :

Le risque de confusion ne peut être démontré par des messages de consommateurs postés sur des réseaux sociaux ou des courriels de clients et, comme il a été dit, ne peut résulter de l'étude IFOP précitée, les 49 % des personnes interrogées qui 's'attendent à retrouver le même produit dans les deux paquets' transparents contenant des chips de socca et portant les termes génériques SOCCA CHIPS pour l'un et CHIPS DE SOCCA pour l'autre, étant seulement enclins à penser que les produits contenus dans les deux paquets sont les mêmes, à savoir des chips de socca, et pas nécessairement à croire que ces produits ont la même origine commerciale.

Sur le parasitisme.

Les appelants exposent avoir réalisé de très importants investissements humains et financiers pour le lancement et la reconnaissance de la socca chips, au travers notamment de la constitution de quatre sociétés, du dépôt de titres de propriété industrielle, du recrutement d'une équipe de plus de 20 salariés. Ils font valoir que la société LES GOURMANDISES NICOISES, chargée de la production, a engagé plus 1 823 436 € TTC d'investissement en machines industrielles et aménagement de locaux pour la fabrication des produits, que la société NICE GOURMET a effectué, au 20 novembre 2019, 404 555 € TTC de dépenses de publicité et de commercialisation de la marque 'SOCCA CHIPS', que la société LA NICOISE a pour sa part dépensé, à la même date, 274 888 € TTC pour le dépôt et la défense de la marque. Ils font valoir qu'en s'appropriant ces investissements, la société CAMI n'a pas craint de copier quasiment à l'identique le packaging de la SOCCA CHIPS en employant un même papier transparent, un emballage identique et aussi la même photographie qui pourtant n'avait jamais été utilisée auparavant sur les chips de la société CAMI.

La société CAMI soutient que la reprise d'une idée ne peut être sanctionnée sans constater que celle-ci s'accompagne de la reprise d'efforts, d'investissements ou d'un savoir-faire, insuffisamment justifiés en l'espèce. Elle estime qu'il ne suffit pas de constater que les appelants ont été les premiers à commercialiser des chips de socca pour juger que la reprise de cette idée serait fautive. En outre, elle fait valoir que le tribunal n'a pu sans contradiction retenir que l'usage de la photographie en noir et blanc des marchands de socca est fautif alors qu'il a par ailleurs retenu qu'il n'existait aucun risque de confusion entre les produits et leurs emballages.

Pour les raisons qui viennent d'être exposées, le caractère fautif de l'utilisation par la société CAMI de la photographie en noir et blanc représentant deux vendeurs de socca à Nice n'est pas démontré, pas plus que celui de l'usage de paquets transparents ou opaques s'ouvrant par le haut pour commercialiser des chips de socca. Dès lors, la reprise par la société CAMI, fût-ce à l'issue d'une réunion en avril 2015 au cours de laquelle M. S avait présenté son projet de chips de socca en vue d'une collaboration avec la société CAMI, de l'idée de fabriquer et de commercialiser elle-même des chips de socca n'apparaît pas fautive mais relever de l'exercice, certes offensif, de la liberté du commerce et de l'industrie, l'intimée justifiant au demeurant, par la production d'un procès-verbal de constat d'huissier établi le 10 mars 2020, que de nombreux concurrents commercialisent désormais le même type de produits.

Le jugement sera donc infirmé en ce qu'il a dit que la société CAMI a commis des actes de parasitisme au préjudice des sociétés NICE GOURMET, GOURMANDISES NICOISES et LA NICOISE et l'a

condamnée à indemniser à ce titre la société GOURMANDISES NICOISES.

Les appelants seront déboutés de l'ensemble de leurs demandes en concurrence déloyale et parasitisme.

Sur les demandes de la société CAMI pour dénigrement et procédure abusive

La société CAMI reproche aux appelants la multiplication de procédures s'apparentant à un déni de la libre concurrence, source pour elle d'un préjudice économique considérable dans la mesure où à la suite de l'ordonnance de référé rendue en 2016, elle a dû mettre un terme à toute vente de chips de socca qui n'a pu être reprise qu'à la suite de l'arrêt infirmatif rendu par la cour d'appel d'Aix en Provence le 23 mai 2017 et dans la mesure où un constat d'huissier effectué auprès de trois enseignes, dont la société VINESSEN et l'enseigne GRAND FRAIS à Nice, lui a fait perdre ce client. Elle ajoute que les appelants ont diffusé plusieurs communiqués et articles de presse dans lesquels ils affirmaient avoir un monopole sur le produit chips de socca, l'avoir fait condamner pour plagiat par une décision de justice définitive en passant sous silence l'appel interjeté.

Les appelants contestent tout abus, soutenant que la société CAMI n'a en réalité jamais cessé la production et la commercialisation des chips de socca, ce qui a été constaté par huissier de justice, que sa mauvaise foi et celle de son dirigeant a été sanctionnée pénalement par la cour d'appel d'Aix en Provence, pour des faits de faux, usage de faux et escroquerie au jugement, qu'il ne peut leur être reproché de chercher de défendre son projet qui a été entièrement pillé.

Les faits dénoncés par la société CAMI relatifs à l'arrêt de sa production et à la parution en juillet 2016 d'un article sur le site internet de Nice Matin 'Plagié par un concurrent marseillais, le créateur des Socca Chips attaque en justice' sont liés à la procédure de référé suivie devant le tribunal de commerce de Nice puis la cour d'appel d'Aix en Provence qui, par un arrêt du 23 mai 2017, a infirmé l'ordonnance de référé du 10 mai 2016 ayant ordonné le retrait du marché des produits commercialisés sous l'appellation CHIPS DE SOCCA par la société CAMI. Ils ne sont pas liés à la présente procédure. En outre, les   appelants   justifient   que   fin mai et début juillet 2016, des chips de socca étaient commercialisés dans plusieurs magasins de Nice (procès-verbaux de constat – leurs pièces 8 et 9) malgré le retrait ordonné par le juge des référés. La société CAMI ne produit par ailleurs aucun élément concernant les conditions dans lesquelles elle aurait perdu ses clients GRAND FRAIS et VINESSEN et le contenu de l'article paru sur le site de Nice Matin ne peut être imputé avec certitude à M. S qui n'en a pas maîtrisé la rédaction.

Il est rappelé que l'exercice d'une action en justice constitue, en principe, un droit et ne dégénère en abus pouvant donner naissance à une dette de dommages et intérêts que dans le cas de malice, de mauvaise foi ou d'absence manifeste de tout fondement à l'action intentée.

En l'espèce, le rejet en appel des prétentions de M. S, les sociétés LA NICOISE, NICE GOURMET et GOURMANDISES NICOISES, dont les

demandes avaient partiellement prospéré en première instance, ne permet pas de caractériser une faute ayant fait dégénérer en abus leur droit d'agir en justice, les intéressés ayant pu légitimement se méprendre sur l'étendue de leurs droits.

Les demandes seront donc rejetées et le jugement confirmé de ces chefs.

Sur les dépens et les frais irrépétibles

M. S, les sociétés LA NICOISE, NICE GOURMET et GOURMANDISES NICOISES, parties perdantes, seront condamnées aux dépens de première instance et d'appel et garderont à leur charge les frais non compris dans les dépens qu'ils ont exposés à l'occasion de la présente instance, les dispositions prises sur frais irrépétibles de première instance étant infirmées.

Compte tenu des circonstances de l'espèce, il ne paraît pas inéquitable de laisser à la société CAMI la charge des frais non compris dans les dépens qu'elle a exposés. Elle verra donc sa demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile rejetée.

PAR CES MOTIFS,

LA COUR,

Dit recevable mais mal fondée la fin de non-recevoir soulevée par la société CAMI,

Infirme le jugement déféré en ce qu'il a :

-   dit qu'en commercialisant, postérieurement à avril 2015, un produit dénommé CHIPS DE SOCCA, CHIPS SOCCA ou CHIPS DE POIS

CHICHE, la société CAMI a commis des actes de parasitisme au préjudice des sociétés NICE GOURMET, GOURMANDISES NICOISES et LA NICOISE,

-   condamné la société CAMI à payer à la société GOURMANDISES NICOISES une somme de 50 000 euros au titre du préjudice résultant des actes de parasitisme,

-   condamné la société CAMI aux dépens, en ce compris les frais relatifs aux opérations de saisie contrefaçon, et au paiement à M. S et aux sociétés NICE GOURMET, GOURMANDISES NICOISES et LA

NICOISE, ensemble, de la somme de 10 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

Statuant à nouveau,

Déboute M. S, les sociétés LA NICOISE, NICE GOURMET et GOURMANDISES NICOISES de l'ensemble de leurs demandes en concurrence déloyale et parasitaire,

Confirme le jugement pour le surplus, Y ajoutant,

Condamne M. S, les sociétés LA NICOISE, NICE GOURMET et GOURMANDISES NICOISES aux dépens de première instance et d'appel,

Déboute la société CAMI de sa demande formée au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

LA GREFFIÈRE LA PRÉSIDENTE