Cass. crim., 21 octobre 2003, n° 02-87.156
COUR DE CASSATION
Arrêt
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. Cotte
Sur le rapport de Mme le conseiller référendaire BEAUDONNET, les observations de la société civile professionnelle BOUTET, la société civile professionnelle THOMAS-RAQUIN et BENABENT, avocats en la Cour ;
Vu la communication faite au Procureur général ;
Statuant sur le pourvoi formé par :
- X... Yolaine, épouse Y...,
contre l'arrêt de la cour d'appel d'AIX-EN-PROVENCE, 5ème chambre, en date du 16 octobre 2002, qui, pour détention et mise en vente de produits revêtus de marques contrefaites, l'a condamnée à 4 573,47 euros d'amende, a ordonné des mesures de confiscation et de publication et a prononcé sur les intérêts civils ;
Vu les mémoires produits, en demande et en défense ;
Sur le moyen unique de cassation, pris de la violation des articles L 713-3, L 716-7, L 716-9 et L 716-10 du Code de la propriété intellectuelle, 591 et 593 du Code de procédure pénale et 6- 1 de la Convention européenne des droits de l'homme, défaut de base légale et de motif, excès de pouvoir ;
" en ce que l'arrêt attaqué a condamné Yolaine Y... à une amende délictuelle de 30 000 francs, soit 4 573,47 euros, a ordonné la confiscation des objets saisis et a ordonné une mesure de publicité sans limiter le coût des insertions dans les journaux Elle et La Provence tout en prononçant une condamnation au profit de la société Christian Dior Couture ;
" aux motifs que la société Christian Dior Couture est titulaire de la marque dénominative "Dior" déposée en France le 30 septembre 1994 enregistrée sous le n° 1.316.850, et servant à désigner divers produits des classes 18, 24 et 25 de la classification internationale, soit les articles de maroquinerie ; que la société Christian Dior Couture est également titulaire de la marque figurative " cannage" déposée le 9 septembre 1991, enregistrée sous le n° 1.692.445 ; que cette marque est constituée d'un modèle figuratif apte à distinguer les produits de la société Christian Dior Couture de ceux de la concurrence ; que la société Christian Dior Couture est aussi titulaire des droits d'auteur résultant de la création en 1994 d'un modèle de sac dénommé "Lady Dior", ce modèle ayant été déposé le 17 juin 1996 à l'INPI sous le n° 96.3556 ; que les saisies contrefaçon du 4 octobre 1996 ont permis de constater la détention et l'offre à la vente de deux sacs reproduisant sur les deux côtés des sacs un motif de cannage identique à celui de la marque figurative "cannage" ; qu'il a également été constaté par l'huissier instrumentaire la présence à l'intérieur de ces sacs d'une étiquette bleue mentionnant "sac Dior, prix 2 350 F" ; qu'il a été établi que dix de ces sacs ont été acquis au prix unitaire de 780 francs ou 880 francs par Yolaine Y... auprès de la société France Cuirs, elle- même condamnée pour contrefaçons de marque et débit ; qu'il en résulte que les faits de contrefaçon de marque sont matériellement établis, directement par l'usage de la marque figurative "cannage", indirectement par l'usage d'une étiquette accompagnant le sac mis à la vente et faisant référence à la marque Dior, peu important que cette étiquette ne figure pas en annexe du procès-verbal de saisie contrefaçon, dès lors qu'elle a parfaitement été décrite par l'huissier, que Yolaine Y... ne peut sérieusement prétendre qu'elle est de bonne foi, alors qu'elle a manifestement délibérément cherché à tirer profit du prestige de la société Christian Dior Couture en faisant acquisition de sacs d'un dessin en relief identique à celui du cannage déposé par la société Christian Dior Couture et de nature à induire en erreur le consommateur ; que le caractère intentionnel du délit de contrefaçon est encore renforcé par la présence dans ces sacs d'étiquettes "sacs Dior", qui ne laissent planer aucun doute sur la connaissance qu'avait la prévenue du caractère contrefaisant de ces sacs ;
" et aux motifs éventuellement adoptés que sur la matérialité du délit, les saisies contrefaçons réalisées le 4 octobre 1996 ont permis de constater la détention et l'offre à la vente de sacs reproduisant la marque figurative "cannage" et contenant à l'intérieur une étiquette revêtue de la marque dénominative "Dior" de la société Christian Dior Couture ; que les opérations de saisie et l'instruction ultérieure ont permis d'établir que dix exemplaires de ces sacs litigieux ont été vendus par Yolaine Y... ; que l'époux de Yolaine Y... a indiqué avoir acquis les sacs comportant les marques litigieuses auprès de la société France Cuirs elle-même condamnée pour ces faits par le tribunal correctionnel de Paris et par la cour d'appel de Paris ; que les sacs comportant les marques litigieuses ont été acquis par Yolaine Y... au prix de 780 francs et 880 francs selon la taille du sac, pour être revendus au prix de 2 350 francs l'unité ; que, sur le caractère intentionnel du délit, Yolaine Y... professionnelle de la maroquinerie ne pouvait ignorer que le motif "cannage" constituait une marque appartenant à la société Christian Dior Couture, représentant un signe d'identification de la maison Dior ; que cette marque est exploitée de façon intensive par la société Christian Dior Couture, principalement comme motif apposé sur la version la plus connue de son modèle de sacs "Lady Dior" ; que ce sac connaît un succès considérable depuis 1994 ; que c'est précisément sur un sac constituant la copie servile du sac "Lady Dior" que la contrefaçon de la marque "cannage" a été apposée ; que c'est donc en toute connaissance de cause que Yolaine Y... qui déclare procéder elle-même aux achats des articles vendus dans ses magasins, a acheté puis mis en vente ces sacs d'une marque contrefaite ; que le caractère intentionnel du délit est encore démontré par la présence dans les sacs litigieux d'étiquettes bleues mentionnant "sac Dior prix 2 350 F" ; que le nom donné à ces sacs par Yolaine Y... ne laisse planer aucun doute sur la conscience qu'elle avait de leur caractère contrefaisant ; que l'usage de la dénomination Dior par Yolaine Y... constitue le délit de contrefaçon de la marque Dior appartenant à la société Christian Dior Couture ;
" alors, d'une part, que la saisie contrefaçon est frappée d'une nullité de plein droit, si le requérant n'a pas agi au fond dans un délai de quinzaine ; qu'il ressort des pièces du dossier que la saisie contrefaçon pratiquée par la société Christian Dior Couture a été autorisée et exécutée le 4 octobre 1996 et que la plainte avec constitution de partie civile n'a été déposée que le 26 novembre suivant ; qu'ainsi l'ensemble de la saisie se trouvait annulée ; qu'en fondant sa décision sur le procès-verbal de saisie contrefaçon du 4 octobre 1996, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au, regard des textes précités ;
" alors, d'autre part, que le juge ne peut décider qu'un acte contrefaisant a été commis en se fondant sur une pièce décrite au procès-verbal de saisie contrefaçon mais qui ne figure pas à ses annexes ; que l'arrêt a retenu des actes de contrefaçon à l'encontre de Yolaine Y... en visant une étiquette portant les mentions "sac Dior, prix 2 350 F" tout en relevant que ladite étiquette n'était pas au nombre des pièces annexées au procès-verbal de saisie contrefaçon ; que ce faisant la Cour a violé les droits de la défense et a méconnu les principes du procès équitable ;
" alors, encore, que le délit de contrefaçon et le délit de détention frauduleuse sont distincts ; que Yolaine Y... ne pouvait être déclarée coupable d'un délit de contrefaçon ; qu'ainsi, l'arrêt a violé les articles L 716-9 et L 716-10 du Code de la propriété intellectuelle ;
" alors, enfin, que le délit de détention frauduleuse repose sur un élément intentionnel qui est défini par la loi comme étant d'avoir "sciemment vendu, mis en vente, fourni ou offert de fournir des produits" sous une marque contrefaite ; que Yolaine Y... soutenait qu'elle avait acquis les articles litigieux auprès de la société France Cuirs, la vente effectuée dans des conditions normales avec établissement d'une facture régulière de sorte qu'elle ne pouvait avoir conscience d'acheter, et ensuite de revendre, des produits contrefaits ; qu'en décidant que l'élément intentionnel était caractérisé la cour d'appel n'a pas recherché si Yolaine Y... avait conscience de détenir des produits contrefaits" ;
Attendu qu'il résulte du jugement et de l'arrêt attaqué qu'après y avoir été autorisée, la société Christian Dior Couture a, le 4 octobre 1996, fait procéder à des saisies-contrefaçon de sacs à main dans les boutiques d'articles de maroquinerie exploitées par Yolaine Y..., puis a, le 18 octobre 1996, déposé plainte avec constitution de partie civile devant le juge d'instruction ; qu'à l'issue de l'information, Yolaine Y... a été renvoyée devant le tribunal pour avoir sciemment détenu et mis en vente des sacs revêtus de marques contrefaites ;
Attendu que, pour déclarer la prévenue coupable de ce délit prévu par le seul article L. 716.10 du Code de la propriété intellectuelle, les juges retiennent qu'elle détenait et offrait à la vente sans l'autorisation de la partie civile, titulaire des marques, et en connaissance de cause, des sacs revêtus de la marque figurant un élément de cannage et accompagnés d'une étiquette reproduisant la marque Dior ;
Attendu qu'en cet état, la cour d'appel, qui a souverainement apprécié la mauvaise foi de la prévenue, a justifié sa décision ;
D'où il suit que le moyen, qui manque en fait en sa première branche, ne saurait être accueilli ;
Et attendu que l'arrêt est régulier en la forme ;
REJETTE le pourvoi.