Cass. com., 18 mai 2022, n° 20-22.768
COUR DE CASSATION
Arrêt
Cassation
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. Remery
Faits et procédure
1. Selon l'arrêt attaqué (Lyon, 15 octobre 2020), M. [K], coiffeur, a été mis en redressement puis liquidation judiciaires les 23 juin 2016 et 23 juin 2017. M. [W], auquel a succédé la société [Y], a été désigné en qualité de liquidateur.
2. Par une ordonnance du 9 juillet 2019, le juge-commissaire a autorisé le liquidateur à procéder à la vente aux enchères publiques d'un bien immobilier appartenant au débiteur et à son épouse, Mme [X], dont cette dernière avait la jouissance exclusive depuis une ordonnance de non-conciliation du 19 juillet 2010 rendue au cours de la procédure de divorce des deux époux. Mme [X] a fait appel de l'ordonnance du juge-commissaire.
Examen du moyen
Sur le moyen, pris en sa seconde branche
Enoncé du moyen
3. Le liquidateur fait grief à l'arrêt de le déclarer irrecevable en sa demande d'autorisation de faire procéder à la réalisation de la propriété de M. [K] et de Mme [X], son épouse, alors « qu'au cours de l'instance en divorce, les époux peuvent avoir des résidences séparées et que le logement familial dont la jouissance exclusive a été attribuée, par l'ordonnance de non-conciliation, à un époux, n'est plus la résidence principale de l'autre époux qui a été contraint de la quitter ; qu'en jugeant que la maison située [Adresse 2], qui avait été la résidence familiale depuis son acquisition par les époux en 2005, était la résidence principale de M. [K] au jour de l'ouverture de la procédure collective de ce dernier le 23 juin 2016 comme au jour où elle statuait sur l'autorisation de la vendre, alors qu'elle constatait qu'à la suite du dépôt par Mme [X] d'une requête en divorce, la jouissance exclusive de cette maison avait été attribuée à Mme [X] par ordonnance de non-conciliation du 19 juillet 2010 qui avait statué sur la résidence séparée des époux et que M. [K] avait été contraint de la quitter en exécution de cette décision, de sorte que, depuis le 19 juillet 2010, la maison de [Adresse 5] ne constituait plus la résidence principale de M. [K] mais exclusivement celle de Mme [X], la cour d'appel a violé l'article L. 526-1 du code de commerce, ensemble les articles 180-1 (lire 108-1) et 255 du code civil. »
Réponse de la Cour
Vu les articles L 526-1 du code de commerce et 255, 3° et 4°, du code civil :
4. Il résulte de la combinaison de ces textes que, lorsque, au cours de la procédure de divorce de deux époux dont l'un exerce une activité indépendante, le juge aux affaires familiales a ordonné leur résidence séparée et attribué au conjoint de l'entrepreneur la jouissance du logement familial, la résidence principale de l'entrepreneur, à l'égard duquel a été ouverte postérieurement une procédure collective, n'est plus située dans l'immeuble appartenant aux deux époux dans lequel se trouvait le logement du ménage. Les droits qu'il détient sur ce bien ne sont donc plus de droit insaisissables par les créanciers dont les droits naissent à l'occasion de son activité professionnelle.
5. Pour déclarer la demande du liquidateur tendant à la réalisation de l'immeuble au titre des opérations de liquidation irrecevable, l'arrêt retient que la décision judiciaire attribuant la jouissance exclusive de la résidence de la famille à Mme [X] est sans effet sur les droits de M. [K] sur le bien et sur son insaisissabilité légale.
6. En statuant ainsi, la cour d'appel a violé les textes susvisés.
PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur le premier grief, la Cour :
CASSE ET ANNULE, sauf en ce qu'il déboute M. [K] de sa demande de dommages-intérêts, l'arrêt rendu le 15 octobre 2020, entre les parties, par la cour d'appel de Lyon ;
Remet l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Lyon, autrement composée ;
Condamne Mme [X] aux dépens ;
En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par la SCP Rocheteau, Uzan-Sarano et Goulet ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du dix-huit mai deux mille vingt-deux.