Cass. crim., 5 juin 2013, n° 12-84.654
COUR DE CASSATION
Arrêt
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. Louvel
Rapporteur :
Mme Nocquet
Avocat :
SCP Thouin-Palat et Boucard
Joignant les pourvois en raison de la connexité ;
Vu le mémoire produit, commun aux demandeurs ;
Sur le premier moyen de cassation, pris de la violation des articles L. 241-3, L. 654-1, L. 654-2 ,2° et 5°, du code de commerce, 314-5 du code pénal et 593 du code de procédure pénale ;
en ce que l'arrêt confirmatif attaqué a déclaré M. X coupable d'abus de biens sociaux, de banqueroute et de détournement de gage, et l'a condamné à une peine de deux ans d'emprisonnement avec sursis et mise à l'épreuve pendant deux ans ;
aux motifs qu'il est constant que Mme X n'avait aucune connaissance réelle de l'activité des sociétés EMA II et Lastloc mais elle en est la gérante de droit ayant succédé à son époux à ce poste lorsque l'intéressé a eu connaissance de la décision du 22 juillet 1998 ayant prononcé contre lui une interdiction de gérer pendant dix ans ; que M. X a reconnu à l'audience de première instance avoir eu connaissance de cette interdiction, motif unique de la désignation de sa femme comme gérante de droit ; qu'en effet, il a toujours été le seul interlocuteur des différents cabinets comptables, c'est lui qui assurait les embauches, il avait la signature sur les comptes bancaires et il disposait d'un pouvoir de représentation générale ; que le tribunal a parfaitement, au vu des éléments de fait portés à sa connaissance, caractérisé les autres fonctions retenues contre M. X et dont son épouse doit répondre en sa qualité de gérant de droit, qu'il s'agisse des abus de biens sociaux ou du détournement de gage ;
et aux motifs adoptés des premiers juges que des abus de biens sociaux ont été mis en exergue par l'enquête ; que, d'une part, la comparaison des déclarations d'impôts du couple sur 2007 à 2009 et des prélèvements effectués sur la société EMA II montre que M. et Mme X ont perçu plus qu'il n'ont déclaré ; que, pour justifier ces différences, M. X évoque à l'audience des remboursements de frais avancés par lui sans cependant être en mesure de justifier de la cause et du montant de ces versements qui sont présumés contraires à l'intérêt de la société ; que, d'autre part, la comptabilité de la SARL EMA iI fait état, pour l'exercice clos au 31 décembre 2008, de deux comptes d'attente pour l'un de 78 348,33 euros, pour l'autre appelé espèces attente de 12 040,01 euros, aucune des opérations n'étant justifiée ; que Mme X a prétendu ne rien savoir et M. X, tout en reconnaissant ne pas avoir les factures, maintient que ces écritures sont justifiées dans l'intérêt de la SARL ; qu'enfin, il apparaît dans la comptabilité d'EMA II, un compte Lastloc débiteur fin 2008 de 11 364,88 euros ; que dans la mesure où M. X évoque, une fois encore, la perte de justificatifs ou l'oubli de facturation de sa part, ce versement s'analyse en une avance de trésorerie, préjudiciable aux intérêts de la SARL EMA II mais que la prise d'intérêt du gérant de fait dans les deux sociétés explique parfaitement ; qu'il a également été établi le caractère incomplet de la comptabilité tant pour EMA II, entre le 1er janvier 2008 et le 18 novembre 2008, date à laquelle deux comptes non soldés ont fait problème à M. Z, comptable puis au Cabinet Caexis qui l'un et l'autre ont refusé d'arrêter le bilan, selon leurs déclarations en procédure que pour Lastloc qui présente un compte d'attente de 11 900 euros non causé au 31 décembre 2009 et dont la société Caexis soutient que le gérant, M. X, a refusé de lui communiquer les pièces, ce que ce dernier conteste à l'audience, indiquant que le comptable n'a pas fait son travail refusant d'enregistrer les documents qu'il lui présentait ; qu'outre que l'on ne voit pas bien l'intérêt pour le comptable de ne pas accepter les justificatifs qui lui étaient fournis puisque cette absence et donc, l'impossibilité de tenir une comptabilité sérieuse ont conduit à la rupture de leur relation de travail, il doit être relevé que M. X a été tout aussi dans l'incapacité de fournir ses justificatifs à la PJ, ce qu'il n'aurait pas manqué de faire s'il en avait eu¿ ; qu'il y a donc bien banqueroute par comptabilité irrégulière ; qu'enfin, il est constant que Maître A a effectué un inventaire des biens de Lastsloc, au nombre desquels figurait une pelle de marque Volvo, d'une valeur de 24 000 euros en mars 2010, gagée par nantissement au profit du Crédit Mutuel en mars 2008 ; que, lorsque Me B, commissaire-priseur, a voulu réaliser l'actif, M. X lui a présenté, après bien des difficultés, une facture, en date du 19 mars 2010, faisant état de la vente par Lastloc au profit de Sobatim, nouvelle société de M. X, de ladite pelle et d'un véhicule Peugeot Partner pour la somme de 3 000 euros ; qu'en perquisition, les enquêteurs retrouvaient d'ailleurs au siège de Sobatim tout le matériel disparu de chez Lastloc ; qu'en disposant du bien gagé, M. X s'est rendu coupable de détournement de gage ;
1°) alors que tout jugement ou arrêt doit être motivé à peine de nullité ; qu'en déclarant M. X coupable de banqueroute par détournement d'une partie de l'actif de la société EMA II, sans en avoir énoncé le moindre motif, la cour d'appel a violé les textes susvisés ;
2°) alors qu'en tout état de cause, le délit de banqueroute par détournement d'actif suppose, pour être constitué, l'existence d'une dissipation volontaire par le dirigeant, d'un élément du patrimoine d'un débiteur en état de cessation des paiements, de sorte que le juge répressif est tenu de préciser la date de cessation des paiements ; qu'en déclarant M. X coupable de banqueroute par détournement d'actif, sans préciser la date de cessation des paiements, la cour d'appel a privé sa décision de base légale ;
3°) alors que la qualification d'abus de biens sociaux ne peut être appliquée aux détournements commis après la date de cessation des paiements d'une société placée en redressement judiciaire ; qu'en se bornant à affirmer, pour déclarer M. X coupable d'abus de biens sociaux, qu'il aurait prélevé des fonds sur les comptes de la société EMA II à des fins personnelles, sans rechercher si ces sommes avaient été prélevées avant ou après la date de cessation des paiements, la cour d'appel a privé sa décision de base légale ;
4°) alors que, en cas d'ouverture d'une procédure de redressement judiciaire ou de liquidation judiciaire, sont coupables de banqueroute les personnes mentionnées à l'article L. 654-1 du code de commerce qui ont tenu une comptabilité manifestement incomplète ou irrégulière au regard des dispositions légales ; que le juge répressif se doit de constater que le prévenu a agi délibérément ; qu'en se bornant à affirmer, pour déclarer M. X coupable de banqueroute par la tenue d'une comptabilité incomplète ou irrégulière, que la comptabilité de la société EMA II présentait entre le 1er janvier 2008 et le 18 novembre 2008 un caractère incomplet, que selon les déclarations des comptables de la société, la société Lastloc aurait présenté un compte d'attente de 11 900 euros non causé au 31 décembre 2009, que M. X aurait refusé de leur communiquer les pièces et qu'il se serait aussi trouvé dans l'incapacité de fournir ses justificatifs aux enquêteurs, sans constater que ledit prévenu avait violé, manière délibérée, les dispositions légales en matière de comptabilité, la cour d'appel a privé sa décision de base légale ;
5°) alors que constitue un délit le fait par un débiteur, un emprunteur ou un tiers donneur de gage, de détruire ou de détourner l'objet constitué en gage ; que le détournement frauduleux ne peut résulter que d'un comportement impliquant l'intention, par le débiteur, d'affaiblir les droits de ses créanciers en entravant la réalisation de leur gage ; qu'en se bornant à affirmer, pour déclarer M. X coupable de détournement de gage, qu'il aurait détourné du matériel appartenant à la société Lastloc, sans constater qu'il avait eu conscience d'affaiblir les droits de ses créanciers en entravant la réalisation de leur gage, la cour d'appel n'a pas caractérisé l'élément intentionnel du délit de détournement de gage et a violé les textes susvisés ;
Attendu que les énonciations de l'arrêt attaqué et du jugement qu'il confirme mettent la Cour de cassation en mesure de s'assurer que la cour d'appel, après avoir retenu à juste titre la qualité de gérant de fait des sociétés Ema II et Lastloc de M. X, a, sans insuffisance ni contradiction, répondu aux chefs péremptoires des conclusions dont elle était saisie et caractérisé en tous leurs éléments, tant matériels qu'intentionnel, les délits dont elle a déclaré le prévenu coupable ;
D'où il suit que le moyen, qui se borne à remettre en question l'appréciation souveraine, par les juges du fond, des faits et circonstances de la cause, ainsi que des éléments de preuve contradictoirement débattus, ne saurait être admis ;
Sur le second moyen de cassation, pris de la violation des articles L. 241-3, L. 654-1, L. 654-2, 2° et 5°, du code de commerce, 314-5 du code pénal, et 593 du code de procédure pénale ;
en ce que l'arrêt confirmatif attaqué a déclaré Mme X coupable d'abus de biens sociaux, de banqueroute et de détournement de gage, et l'a condamnée à une peine de six mois d'emprisonnement avec sursis et à une interdiction de gérer pendant cinq ans ;
aux motifs qu'il est constant que Mme X n'avait aucune connaissance réelle de l'activité des sociétés EMA II et Lastloc mais elle en est la gérante de droit ayant succédé à son époux à ce poste lorsque l'intéressé a eu connaissance de la décision du 22 juillet 1998 ayant prononcé contre lui une interdiction de gérer pendant dix ans ; que M. X a reconnu à l'audience de première instance avoir eu connaissance de cette interdiction, motif unique de la désignation de sa femme comme gérante de droit ; qu'en effet, il a toujours été le seul interlocuteur des différents cabinets comptables, c'est lui qui assurait les embauches, il avait la signature sur les comptes bancaires et il disposait d'un pouvoir de représentation générale ; que le tribunal a parfaitement, au vu des éléments de fait portés à sa connaissance, caractérisé les autres fonctions retenues contre M. X et dont son épouse doit répondre en sa qualité de gérant de droit, qu'il s'agisse des abus de biens sociaux ou du détournement de gage ;
et aux motifs adoptés des premiers juges que des abus de biens sociaux ont été mis en exergue par l'enquête, que, d'une part, la comparaison des déclarations d'impôts du couple sur 2007 à 2009 et des prélèvements effectués sur la société EMA II montre que M. et Mme X ont perçu plus qu'il n'ont déclaré ; que, pour justifier ces différences, M. X évoque à l'audience des remboursements de frais avancés par lui sans cependant être en mesure de justifier de la cause et du montant de ces versements qui sont présumés contraires à l'intérêt de la société ; que, d'autre part, la comptabilité de la SARL EMA II fait état, pour l'exercice clos au 31 décembre 2008, de deux comptes d'attente pour l'un de 78 348,33 euros, pour l'autre appelé espèces attente de 12 040,01 euros, aucune des opérations n'étant justifiée ; que Mme X a prétendu ne rien savoir et M. X, tout en reconnaissant ne pas avoir les factures, maintient que ces écritures sont justifiées dans l'intérêt de la SARL ; qu'enfin, il apparaît dans la comptabilité d'EMA II, un compte Lastloc débiteur fin 2008 de 11 364,88 euros ; que dans la mesure où M. X évoque, une fois encore, la perte de justificatifs ou l'oubli de facturation de sa part, ce versement s'analyse en une avance de trésorerie, préjudiciable aux intérêts de la SARL EMA II mais que la prise d'intérêt du gérant de fait dans les deux sociétés explique parfaitement ; qu'il a également été établi le caractère incomplet de la comptabilité tant pour EMA II , entre le 1er janvier 2008 et le 18 novembre 2008, date à laquelle deux comptes non soldés ont fait problème à M. Z, comptable puis au Cabinet Caexis qui l'un et l'autre ont refusé d'arrêter le bilan, selon leurs déclarations en procédure que pour Lastloc qui présente un compte d'attente de 11 900 euros non causé au 31 décembre 2009 et dont la société Caexis soutient que le gérant, M. X, a refusé de lui communiquer les pièces, ce que ce dernier conteste à l'audience, indiquant que le comptable n'a pas fait son travail refusant d'enregistrer les documents qu'il lui présentait ; qu'outre que l'on ne voit pas bien l'intérêt pour le comptable de ne pas accepter les justificatifs qui lui étaient fournis puisque cette absence et donc, l'impossibilité de tenir une comptabilité sérieuse ont conduit à la rupture de leur relation de travail, il doit être relevé que M. X a été tout aussi dans l'incapacité de fournir ses justificatifs à la PJ, ce qu'il n'aurait pas manqué de faire s'il en avait eu¿ ; qu'il y a donc bien banqueroute par comptabilité irrégulière ; qu'enfin, il est constant que Maître A a effectué un inventaire des biens de Lastsloc, au nombre desquels figurait une pelle de marque Volvo, d'une valeur de 24 000 euros en mars 2010, gagée par nantissement au profit du Crédit Mutuel en mars 2008 ; que, lorsque Me B, commissaire-priseur, a voulu réaliser l'actif, M. X lui a présenté, après bien des difficultés, une facture, en date du 19 mars 2010, faisant état de la vente par Lastloc au profit de Sobatim, nouvelle société de M. X, de ladite pelle et d'un véhicule Peugeot Partner pour la somme de 3 000 euros ; qu'en perquisition, les enquêteurs retrouvaient d'ailleurs au siège de Sobatim tout le matériel disparu de chez Lastloc ; qu'en disposant du bien gagé, M. X s'est rendu coupable de détournement de gage ;
alors que la cassation qui ne manquera pas d'intervenir sur le premier moyen, en ce que l'arrêt a déclaré M. X coupable d'abus de biens sociaux, de banqueroute et de détournement de gage, entraînera par voie de conséquence la cassation de l'arrêt, en ce qu'il a déclaré Mme X coupable des mêmes infractions, en sa qualité de gérante de droit des sociétés EMA II et Lastloc, et ce, en application des textes susvisés ;
Attendu que ce moyen est devenu inopérant par suite du rejet du premier moyen ;
Et attendu que l'arrêt est régulier en la forme ;
REJETTE les pourvois.