Livv
Décisions

Cass. crim., 26 avril 2000, n° 98-86.067

COUR DE CASSATION

Arrêt

Cassation

PARTIES

Demandeur :

Canal Plus (Sté)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Gomez

Rapporteur :

Mme Ferrari

Avocat général :

M. Géronimi

Avocats :

SCP Lyon-Caen, Fabiani et Thiriez, SCP Richard et Mandelkern

Douai, 6e ch., du 26 juin 1998

26 juin 1998

Sur le moyen unique de cassation, pris de la violation des articles L. 716-9, L. 716-10 du Code de la propriété intellectuelle, 121-3 du nouveau Code pénal, 339 de la loi d'adaptation du 16 décembre 1992, 591 et 593 du Code de procédure pénale, défaut de réponse à conclusions, défaut et contradiction de motifs, manque de base légale :

en ce que l'arrêt confirmatif attaqué a relaxé Michel Z, Claude X et Jean-Paul Y, poursuivis pour faits de contrefaçon commis au préjudice de la société Canal Plus ;

 aux motifs que l'enquête ne permet pas de connaître dans quelles conditions la société Lasonic Marco et Polo (Z) a acquis les droits de la marque alléguée de contrefaçon  ça Cartoon , Michel Z n'ayant pas été entendu ; que, dans la mesure où cette marque avait été déposée quatre ans auparavant et qu'il n'est pas démontré que Michel Z ait eu conscience que son exploitation antérieure n'était pas possible, il n'apparaît pas qu'il ait agi sciemment en l'exploitant sans s'assurer de l'enregistrement ni même qu'il ait commis une imprudence fautive ; que, certes, lorsqu'il a concédé ses droits à la société Vidéo Speed, une procédure civile était engagée à son encontre et a-t-il manqué de loyauté à l'égard de son cocontractant en taisant cette procédure dont il ne pouvait connaître le dénouement ; que, toutefois, en l'état du dossier, cet élément est insuffisant pour caractériser l'élément moral de l'infraction à son endroit, d'autant que la cession était commandée par des circonstances économiques ; que s'agissant des responsables de la société Vidéo Speed qui ont tenu leurs droits de la société Lasonic Marco et Polo, il apparaît qu'ils doivent être relaxés par voie de conséquence de la relaxe de Michel Z ;

 alors que, d'une part, le juge pénal se devant d'ordonner toute mesure complémentaire d'instruction dont il reconnaît implicitement qu'elle serait utile à la manifestation de la vérité et ne pouvant dans de telles conditions fonder une décision de relaxe sur les insuffisances de ladite instruction, la Cour, qui a écarté l'existence d'une imprudence fautive commise par Michel Z en se fondant sur l'incertitude quant aux conditions dans lesquelles la société dont il était responsable avait acquis les droits de la marque alléguée de contrefaçon, incertitude provenant de la simple absence d'audition du cédant, Georges A, et du cessionnaire, Michel Z, présent aux débats, n'a pas, en l'état de cette insuffisance de motifs caractérisée, légalement justifié sa décision ;

 que, d'autre part, la Cour, qui relève qu'au moment où Michel Z a cédé ses droits à la société Vidéo Speed, une procédure civile était engagée à son encontre par la société Canal Plus revendiquant l'antériorité de son dépôt de marque, ensemble de circonstances qui devait à tout le moins conduire Michel Z à effectuer les vérifications qui s'imposaient, ce qu'il n'a pas fait, a, par cette contradiction de motifs, privé sa décision de toute base légale ;

 qu'enfin, la Cour, qui s'est totalement abstenue de répondre aux écritures de la partie civile dénonçant l'absence de toute précaution prise par Claude X et Jean-Paul Y et les a ainsi renvoyés des fins de la poursuite sans rechercher si, à leur niveau, ils ne s'étaient pas rendus coupables d'une faute d'imprudence suffisant à justifier que soit retenue leur responsabilité pénale pour contrefaçon, n'a pas là encore légalement justifié sa décision  ;

Vu l'article L. 716-9 du Code de la propriété intellectuelle ;

Attendu que caractérise, notamment, le délit de contrefaçon prévu par ce texte, la reproduction d'une marque en violation des droits conférés par son enregistrement et des interdictions qui découlent de celui-ci ;

Attendu qu'il résulte de l'arrêt attaqué que la société Lasonic Marco et Polo a fait dupliquer par la société Vidéo Speed Duplication plusieurs milliers de vidéocassettes de dessins animés, qu'elles ont commercialisées sous jaquettes portant la marque ça Cartoon, fournies par la première ;

Que, sur la plainte de la société d'Exploitation de la quatrième chaîne, Canal Plus, titulaire de la marque ça Cartoon, les dirigeants des deux sociétés ont été poursuivis pour contrefaçon, détention et vente de produits revêtus d'une marque contrefaite ;

Attendu que, pour les relaxer, l'arrêt retient que si la société Canal plus a obtenu, le 3 mars 1987, l'enregistrement de la marque ça Cartoon pour désigner les produits et services des classes 16, 38 et 41, comprenant les vidéocassettes, la marque ça Cartoon a été déposée le 7 juin 1989 pour désigner les matériels de la classe 9, par Georges A, qui en a concédé les droits d'exploitation à la société Lasonic ; que les juges énoncent que la mauvaise foi du gérant de cette société ni même son imprudence ne sont établies et que la relaxe de celui-ci doit entraîner celle des dirigeants de la société de duplication avec lesquels il était contractuellement lié ;

Mais attendu qu'en statuant ainsi, alors que l'élément moral du délit de contrefaçon est caractérisé par l'apposition volontaire de la marque appartenant à autrui, la cour d'appel a méconnu le sens et la portée du texte susvisé ;

D'où il suit que la cassation est encourue ;

Par ces motifs :

CASSE ET ANNULE, mais en ses seules dispositions civiles, l'arrêt de la cour d'appel de Douai, en date du 16 juin 1998, et pour qu'il soit à nouveau jugé, conformément à la loi, dans la limite de la cassation ainsi prononcée, toutes autres dispositions étant expressément maintenues ;

RENVOIE la cause et les parties devant la cour d'appel d'Amiens.