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Décisions

CA Riom, ch. soc., 10 mai 2022, n° 19/02082

RIOM

Arrêt

Confirmation

PARTIES

Demandeur :

Cetrim Immobilier (SARL)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Ruin

Conseillers :

Mme Vicard, Mme Dalle

Avocats :

Me Duplessis, Me Mouret , Me Khanifar

CA Riom n° 19/02082

10 mai 2022

FAITS ET PROCÉDURE

Madame [E] [H], née le 14 décembre 1948, a signé le 3 février 2010 un contrat d'agent commercial pour une durée indéterminée avec la SARL CETRIM IMMOBILIER. Aux termes de ce contrat, Madame [H] a été rattachée à la zone géographique de l'agence CETRIM CHAMALIERES et devait percevoir une commission à hauteur de 50 % de la commission revenant à la société.

Le 8 septembre 2010, Madame [E] [H] a signé un nouveau contrat d'agent commercial avec la société aux fins d'annuler le précédent et le 1er janvier 2016 elle a signé un troisième contrat d'agent commercial. Enfin, le 14 novembre 2017, elle a signé un quatrième contrat d'agent commercial- négociateur, celui-ci révisant sa commission.

Par lettre recommandée avec accusé de réception en date du 2 mai 2018, Madame [H] a écrit à la société CETRIM IMMOBILIER pour l'informer de son souhait de mettre fin au contrat en date du 14 novembre 2017 du fait de manquements de la société CETRIM IMMOBILIER dans le cadre de l'exécution de ce contrat.

Le 7 septembre 2018, Madame [H] a saisi le conseil de prud'hommes de CLERMONT-FERRAND aux fins notamment de voir juger qu'elle était liée à la société CETRIM IMMOBILIER par un contrat de travail à durée indéterminée, de voir juger son licenciement sans cause réelle et sérieuse outre obtenir diverses sommes à titre indemnitaire.

L'audience devant le bureau de conciliation et d'orientation s'est tenue en date du 25 octobre 2018 (convocation notifiée au défendeur le 10 septembre 2018) et, comme suite au constat de l'absence de conciliation, l'affaire a été renvoyée devant le bureau de jugement.

Par jugement de départage rendu contradictoirement en date du 18 octobre 2019 (audience du 20 septembre 2019), le conseil de prud'hommes de CLERMONT-FERRAND a :

- Reçu l'exception d'incompétence formée par la société CETRIM IMMOBILIER ;

- S'est déclaré incompétent au profit du tribunal de Commerce de CLERMONT-FERRAND ;

- Ordonné la transmission des pièces de la procédure et d'une copie du présent jugement au greffe de la juridiction ainsi désignée, sous réserve d'exercice des voies de recours dans le délai de la loi ;

- Débouté la société CETRIM IMMOBILIER de sa demande en dommages-intérêts pour procédure abusive ;

- Dit n'y avoir lieu à application des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile ;

- Condamné Madame [H] aux dépens.

Le 25 octobre 2019, Madame [H] a interjeté appel de ce jugement qui lui a été notifié à sa personne le 22 octobre 2019.

Le 28 janvier 2020, l'avocat de la société CETRIM IMMOBILIER a notifié des conclusions d'incident afin de voir prononcer la caducité de la déclaration d'appel par le conseiller de la mise en état. Par écritures notifiées le 30 janvier 2020, l'intimée a indiqué renoncer à son incident et à sa demande de caducité de la déclaration d'appel.

L'affaire a été fixée à l'audience de la chambre sociale de la cour d'appel de Riom du 7 mars 2022.

Vu les conclusions notifiées à la cour le 27 janvier 2020 par Madame [H],

Vu les conclusions notifiées à la cour le 31 janvier 2020 par la société CETRIM IMMOBILIER,

Vu l'ordonnance de clôture rendue le 7 février 2022.

PRÉTENTIONS DES PARTIES

Dans ses dernières écritures, Madame [H] demande à la cour de :

- Prononcer la reconnaissance de l'existence d'un contrat de travail entre Madame [H] et la société CETRIM IMMOBILIER ;

A titre principal ;

- Juger que la demande en résiliation judiciaire par Madame [H] produit les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse ;

A titre subsidiaire ;

- Prononcer la rupture abusive du contrat de travail (licenciement de fait) ;

En tous les cas,

- Constater le travail dissimulé ;

- Condamner la société CETRIM IMMOBILLIER à payer à Madame [H] les sommes suivantes :

* 25.125 euros au titre de la garantie forfaitaire pour travail dissimulé ;

* 4.187,50 euros au titre de l'indemnité pour non-respect de la procédure de licenciement ;

* 9.728,96 euros à titre d'indemnités de licenciement ;

* 8.375 euros à titre d'indemnités compensatrices de préavis ;

* 837,50 euros à titre d'indemnités compensatrice de congés payés sur préavis ;

* 33.500 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ;

* 3.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

- Dire que les sommes porteront intérêts au taux légal avec capitalisation à compter de la demande pour les sommes à caractère de salaire, à compter de la décision pour les sommes à caractère indemnitaire ;

- Prononcer l'exécution provisoire pour toutes les demandes qui ne le sont pas de droit.

Madame [H] fait valoir qu'en raison de l'existence d'un contrat de travail le conseil des prud'hommes est bien compétent. Elle rappelle que font présumer l'existence d'un contrat de travail : l'exercice d'un pouvoir disciplinaire, l'existence d'un service organisé et l'activité exclusive pour un unique client.

Madame [H] affirme que la société CETRlM IMMOBILIER en lui adressant plusieurs avertissements, les 23 mai 2017, 23 octobre 2017, 31 octobre 2017 et 20 novembre 2017 a exercé sur elle son pouvoir de direction caractéristique d'un lien de subordination. Elle relève que si la rupture d'un contrat commercial peut intervenir pour faute grave, en l'espèce elle l'employeur a notifié des avertissements qui ne peuvent être assimilés une rupture de contrat commercial.

Madame [H] expose qu'elle était exclusivement liée à la société CETRIM IMMOBILIER le temps de l'exécution du contrat au même titre qu'un salarié. Elle précise que son contrat de travail contient une clause d'exclusivité et qu'elle n'a pas travaillé pour d'autres employeurs durant toute la durée de la relation contractuelle.

Madame [H] relève qu'il y a lieu de constater que la société CETRIM IMMOBILIER a mis en place un service organisé dans l'intérêt de l'entreprise et que, de ce fait, elle se trouvait à cet égard dans un lien de dépendance puisqu'elle était tenue d'assurer les permanences au sein de l'agence comme en attestent ses plannings de permanence, qu'elle ne pouvait négocier ses factures et son tarif pour chaque dossier, qu'elle ne disposait pas de matériel propre et qu'elle participait à des astreintes imposées par la société. Concernant ses permanences, elle précise que l'employeur ne démontre aucunement l'existence d'autre personnel en mesure de les assurer en cas d'absence des agents commerciaux. Elle indique avoir travaillé dans le local de l'agence, mais aussi avoir été présentée par les éléments de contact et de publicité comme une salariée de la société et avoir participé donc à des astreintes imposées par l'employeur avec horaires d'ouverture et de fermeture. Elle rappelle que l'existence d'une rémunération et d'une prestation de travail n'est pas contestée ici.

L'appelante fait valoir que cela démontre la continuité, la stabilité et la fixité dans son travail. Elle souligne qu'il s'agit d'autant d'éléments établissant qu'elle n'exerçait pas en qualité de travailleur indépendant et qu'ainsi le lien de subordination est qualifié.

Elle en conclut qu'elle est bien fondée à solliciter la reconnaissance de l'existence d'un contrat de travail la liant à la société CETRIM IMMOBILIER.

Madame [H] sollicite la garantie forfaitaire au titre du travail dissimulé puisqu'elle ne s'est vu remettre aucun bulletin de salaire et quelle n'a pas été déclarée aux organismes sociaux en qualité de salariée.

S'agissant de la rupture du contrat de travail, Madame [H] sollicite que soit prononcée la résiliation judiciaire de son contrat de travail faisant valoir que cette demande a été formulée uniquement en raison des manquements de l'employeur à ses obligations. Elle relève que la société CETRIM IMMOBILIER a commis des manquements à ses obligations empêchant la poursuite du contrat de travail, notamment du fait de l'absence de fourniture de travail et le retrait des fournitures pour satisfaire à l'exécution du contrat dans des conditions normales, et ce, depuis les mois de mai et juin 2018. Elle indique n'avoir plus accès à son lieu de travail depuis le 17 mai 2018, et ne plus recevoir de salaire, de sorte que les manquements de l'employeur sont constitués.

A titre subsidiaire, Madame [H] soutient qu'elle est fondée à se prévaloir d'un licenciement abusif, et sollicite que son licenciement de fait soit requalifié en licenciement sans cause réelle et sérieuse. Elle affirme que cette situation imposée par l'employeur ne lui permet plus d'exercer ses fonctions de sorte que l'attitude de ce dernier s'analyse en un licenciement.

Madame [H] sollicite l'indemnisation de cette rupture injustifiée par le versement d'une indemnité pour non-respect de la procédure de licenciement, d'une indemnité compensatrice de préavis et congés payés afférents et d'une indemnité de licenciement. Enfin elle sollicite des dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, faisant valoir qu'elle a été particulièrement affectée de la situation, la contraignant à rompre son contrat.

Dans ses dernières écritures, la société CETRIM IMMOBILIER demande à la cour de :

- Dire et Juger recevable mais mal fondé l'appel interjeté à l'encontre du Jugement rendu par le Conseil des Prud'hommes de CLERMONT-FERRAND en date du 18 octobre 2019 par Madame [H] ;

In Limine Litis,

- Confirmer le Jugement rendu par le Conseil de Prud'hommes de CLERMONT-FERRAND en date du 18 octobre 2019 en ce qu'il a reçu l'exception d'incompétence matérielle formée par la société CETRIM IMMOBILIER et en ce qu'il s'est déclaré incompétent au profit du Tribunal de Commerce de CLERMONT-FERRAND ;

A titre principal :

- Dire et Juger que Madame [H] n'apporte aucun élément de preuve de nature à justifier de l'existence d'un « lien de subordination » avec la société CETRIM IMMOBILIER pour voir requalifier son contrat de mandat à durée indéterminée en date du 14 novembre 2017 en contrat de travail ;

- Débouter Madame [H] de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions formulées à l'encontre de la société CETRIM IMMOBILIER ;

- Infirmer le Jugement dont appel en ce qu'il a débouté la société CETRIM IMMOBILIER de sa demande tendant à obtenir la condamnation de Madame [H] à lui payer et à lui porter une somme de 5.000 euros au titre de dommages-intérêts pour procédure abusive ;

- Infirmer le Jugement dont appel en ce qu'il a dit n'y avoir lieu à application des dispositions de l'article 700 du Code de Procédure Civile.

En conséquence,

- Condamner Madame [H] à payer et à porter à la société CETRIM IMMOBILIER une somme de 5.000 euros au titre de dommages-intérêts pour procédure abusive ;

- Condamner Madame [H] à payer et à porter à la société CETRIM IMMOBILIER une somme de 3.000 euros sur le fondement de l'article 700 du Code de Procédure Civile ;

- Condamner Madame [H] aux entiers dépens.

La société CETRIM IMMOBILIER soulève tout d'abord l'incompétence matérielle du Conseil de prud'hommes au profit du tribunal de Commerce de CLERMONT-FERRAND en l'absence d'un contrat de travail liant les parties. Elle fait valoir qu'il appartient au Conseil de Prud'hommes de caractériser l'existence d'un contrat de travail pour retenir sa compétence et que cette qualification repose essentiellement sur l'existence d'un lien de subordination juridique entre les parties.

La société CETRIM IMMOBILIER relève que le 14 novembre 2017 Madame [H] a conclu un contrat de mandat à durée indéterminée avec elle pour exercer son activité professionnelle en qualité d'agent commercial en contrepartie du versement de commissions. Elle déclare que Madame [H] ne rapporte aucun élément de preuve de nature à justifier l'existence d'un lien de subordination entre les parties. Par conséquent, elle en déduit le conseil de prud'hommes était incompétent en raison de l'absence d'un contrat de travail liant les parties.

La société CETRIM IMMOBILIER souligne que le mandataire doit informer le mandant du déroulement de sa mission et des éventuelles difficultés qu'il peut rencontrer et que l'agent commercial est tenu d'un devoir de loyauté. La société CETRIM IMMOBILIER fait valoir que si elle a été contrainte d'adresser à Madame [E] [H] un courrier le 23 mai 2017 c'était, d'une part, pour lui rappeler la nouvelle législation entrée en vigueur et, d'autre part, pour lui indiquer qu'elle avait commis différents manquements à ses devoirs de loyauté et de diligences dans l'exercice de son activité professionnelle. Elle expose que face au comportement négligent de Madame [H] lors de son activité professionnelle elle a dû lui adresser d'autres courriers le 23 octobre 2017, 31 octobre 2017 et 20 novembre 2017. Elle relève qu'elle avait parfaitement le droit, en sa qualité de mandant, de formuler à Madame [H] des instructions et observations générales sans que ces correspondances soient de nature à caractériser un lien de subordination entre les parties.

L'intimée en conclut qu'elle n'a pas exercé envers la requérante un pouvoir de contrôle et de direction. Elle souligne que les manquements de Madame [H] à ses devoirs de loyauté et de diligences dans l'exercice de son activité professionnelle ont été constatés par différents clients.

Elle expose que suite à la rupture du contrat de mandat à la propre initiative de Madame [H] elle lui a légitimement adressé une LRAR lui demandant de lui transmettre différents documents et pièces. Elle ajoute que suite à la rupture du contrat, la salariée a fait preuve d'une attitude malhonnête et déloyale en détournant de façon malicieuse la clientèle de l'agence immobilière. Dès lors, elle affirme que ces éléments sont incontestablement de nature à démontrer les manquements de Madame [H] à ses devoirs de diligences et de loyauté. De sorte que l'argumentation empreinte de mauvaise foi développée par la salariée ne saurait justifier l'existence d'un quelconque lien de subordination entre les parties.

Elle soutient que Madame [H] ne pouvait travailler au sein d'un service organisé étant donné qu'elle organisait librement son travail en fonction de ses rendez-vous et qu'elle prenait librement ses congés sans avoir à obtenir au préalable une quelconque autorisation.

La société CETRIM IMMOBILIER souligne que Madame [H] a fait preuve d'un désintérêt manifeste à l'égard de son activité professionnelle qui est constitutif d'un manquement au devoir de loyauté. Elle expose que son chiffre d'affaires sur les neuf dernières années vient le démontrer comme son refus de participer aux formations professionnelles imposées par les dispositions légales, en outre elle fait valoir que de nombreuses attestations de différents clients démontrent son manque de professionnalisme.

Elle ajoute que Madame [H] n'a pas voulu suivre les formations professionnelles alors même que celles-ci étaient obligatoires dans la mesure où elles étaient imposées par des dispositions légales. Ces formations étaient obligatoires mais l'employeur affirme n'avoir jamais rien imposé à Madame [H]. Dès lors aucun lien de subordination ne peut être caractérisé.

La société CETRIM IMMOBILIER fait valoir que Madame [H] ne lui a jamais transmis une attestation d'assurance de responsabilité civile professionnelle et des attestations rapportant la preuve qu'elle était à jour de ses cotisations RSI et URSSAF.

S'agissant des permanences invoquées par Madame [H], la société CETRIM IMMOBILIER souligne qu'il s'agit uniquement de permanences organisées sur la base du volontariat et que Madame [H] ne rapporte nullement la preuve que son mandant lui aurait imposé d'y participer. Dès lors aucun lien de subordination ne peut être caractérisé de ce chef.

Concernant des réunions organisées au sein de l'agence immobilière et invoquées par Madame [H], la société CETRIM IMMOBILIER fait valoir que celles-ci n'étaient pas obligatoires et avaient pour finalité de permettre aux agents commerciaux de l'agence immobilière de s'adapter à l'évolution législative régissant les professions immobilières afin de comprendre le fonctionnement et l'utilisation des nouveaux logiciels mis à leur disposition.

La société CETRIM IMMOBILIER conclut que Madame [H] n'apporte aux débats aucun élément pertinent de nature à démonter l'existence d'un quelconque lien de subordination, l'appelante ayant exercé en toute indépendance son activité professionnelle en tant qu'agent commercial au sein de l'agence immobilière. Par conséquent, Madame [H] sera déboutée de sa demande de requalification de son contrat de mandat et donc de l'intégralité de ses demandes.

La société CETRIM IMMOBILIER sollicite enfin la condamnation de Madame [H] à lui verser des dommages et intérêts pour procédure abusive. En souligne que l'argumentation de Madame [H] est empreinte de mauvaise foi et n'est pas fondée. Elle affirme que l'ensemble de ces éléments sont de nature à caractériser une faute dans l'exercice de son droit de se défendre en Justice.

Pour plus ample relation des faits, de la procédure, des prétentions, moyens et arguments des parties, conformément aux dispositions de l'article 455 du code de procédure civile, il y a lieu de se référer à la décision attaquée et aux dernières conclusions régulièrement notifiées et visées.

MOTIFS

- Sur l'existence d'un contrat de travail -

Selon les contrats successivement intervenus entre les parties, chacun étant expressément qualifié de « contrat d'agent commercial, négociateur immobilier », Madame [H], désignée comme "l'agent", a reçu "mandat" de la société CETRIM IMMOBILIER et s'est engagée "à la représenter dans la clientèle pour la recherche de vendeurs et bailleurs, d'acquéreurs de biens immobiliers". Les liens entre les parties étaient ainsi expressément présentés comme ceux d'un agent commercial avec son mandant. En cette qualité, Madame [H] devait s'efforcer d'obtenir de ses clients des mandats, options ou bons de commission. Elle devait présenter les affaires aux acquéreurs et locataires éventuels, susciter leurs offres, provoquer la réalisation de l'accord entre les parties et suivre l'affaire jusqu'à sa conclusion définitive. 

Madame [H] devait exercer son activité sous l'enseigne "CETRIM IMMOBILIER" et devait toujours employer le sigle "CETRIM". L'assurance de son véhicule était à sa charge de même que les frais occasionnés par la prospection. Elle devait percevoir des commissions calculées en pourcentage du chiffre d'affaires réalisé et réaliser un chiffre d'affaires annuel minimum précisément déterminé « en contrepartie de l'aide administrative et commerciale et de l'assistance juridique, technique et publicitaire apportée par le mandat qui met à la disposition de l'agent son réseau, son logiciel de transaction, son service Internet CETRIM et qui fournira à l'agent les informations et documents nécessaires à l'exercice de sa fonction ».

Il était précisé par les contrats que Madame [H] exercerait cette représentation « sans aucun lien de subordination et dans la position de l'agent commercial mandataire », qu'elle jouirait de la plus grande indépendance, prospecterait à sa convenance sa clientèle, effectuerait ses tournées comme bon lui semble et s'absenterait à son gré. Elle pourrait travailler sous quelque forme que ce soit dans toutes les régions pour tous autres établissements et pour son propre compte. Toutefois, elle ne pourrait accepter la représentation d'une entreprise concurrente exerçant l'activité d'agent immobilier ou de marchand de biens.

Le contrat était conclu pour une durée indéterminée et pouvait être dénoncé, notamment en cas de faute professionnelle de l'agent.

Alors que Madame [H] soutient avoir été, en réalité, en dépit des stipulations contractuelles, liée à la société CETRIM IMMOBILIER, par un contrat de travail, cette dernière fait valoir, à juste titre, qu'un agent commercial a l'obligation de s'inscrire au Registre Spécial des Agents commerciaux et que l'article L. 8221-6 du code du travail édicte un principe de présomption de travail indépendant et d'absence de contrat de travail lorsqu'une personne physique est régulièrement immatriculée aux différents registres et répertoires professionnels.

Comme, en l'espèce, il n'est pas contesté que Madame [H] a été régulièrement inscrite au Registre Spécial des Agents Commerciaux, la présomption de non-salariat s'applique de sorte qu'il lui incombe de renverser cette présomption et d'établir la preuve de la relation de travail qu'elle invoque.

En droit, l'existence d'un contrat de travail suppose qu'il existe entre les parties un lien de subordination caractérisé par l'exécution d'un travail sous l'autorité d'un employeur qui a le pouvoir de donner des ordres et des directives, d'en contrôler l'exécution et de sanctionner les manquements de son subordonné.

L'existence d'un lien de subordination peut se révéler par l'exercice d'un travail au sein d'un service organisé lorsque l'employeur détermine unilatéralement les conditions d'exécution du travail, par la fourniture du matériel et des outils nécessaires à l'accomplissement du travail. Elle peut aussi résulter des contraintes imposées par l'employeur quant au lieu de travail, l'horaire de travail et plus généralement de tous éléments par lesquels l'employeur manifeste son pouvoir de direction. L'existence d'une relation de travail ne dépend ni de la volonté exprimée par les parties, ni de la dénomination qu'elles ont donnée à leur convention, mais des conditions dans lesquelles est exercée l'activité de l'intéressé.

En l'espèce, à l'appui de ses prétentions, Madame [H] fait valoir :

- Qu'elle travaillait exclusivement pour la société CETRIM.

- Que celle-ci lui fournissait son matériel de travail ainsi que son bureau au sein de ses locaux.

- Que la société CETRIM lui a fourni une carte de visite ainsi que des flyers l'incluant dans la société et la présentant au public comme une salariée de la société.

- Qu'elle ne négociait pas ses factures lesquelles étaient fixées à l'avance aux conditions de la société CETRIM en fonction du chiffre d'affaires qu'elle réalisait.

- Que la société CETRIM a mis en œuvre un service organisé avec un service d'astreinte en fixant les jours et horaires.

- Que la société CETRIM a sanctionné à plusieurs reprises des manquements en ayant recours au droit du travail.

Madame [H] insiste particulièrement sur les "sanctions" que lui a infligées la société CETRIM. Elle justifie que, le 23 mai 2017, elle a reçu un courrier recommandé par lequel lui était infligé un "avertissement" en raison de "fautes graves" (non-respect des honoraires d'agence, dossiers incomplets, manque de rigueur, etc.). Le 23 octobre 2017, il lui a été reproché d'avoir "réitéré ses erreurs et fautes professionnelles" (visite d'un bien avec un client sans mandat de vente), la société CETRIM lui demandant "de se mettre en retrait le temps d'un prochain entretien". Une troisième lettre recommandée lui a été adressée le 31 octobre 2017 (3ème et dernier rappel avant cessation de notre collaboration) par laquelle la société CETRIM s'est plainte de ce que, malgré les lettres précédentes, huit erreurs « constituant pour la plupart des fautes professionnelles » avaient été constatées en une semaine (visite sans bon de visite, offre d'achat avec les honoraires à la charge de l'acquéreur en contradiction avec le mandat, etc.). Le 20 novembre 2017, une "faute professionnelle" lui a, à nouveau été reprochée pour non-respect des principes de base dans la rédaction de baux, la société CETRIM précisant qu'il s'agissait de « la dernière lettre (...) avant rupture du contrat ».

Madame [H] fait valoir qu'elle s'est ainsi vu infliger 4 avertissements, qualifiés comme tel par la société CETRIM, ainsi qu'une mise à pied conservatoire (en lui demandant de se mettre en retrait), alors qu'en matière commerciale seule aurait pu être notifiée une mise en demeure. Elle estime, en conséquence, que la société a formulé des avertissements de nature disciplinaire et fait usage de son pouvoir de direction et de subordination en tant qu'employeur.

Toutefois, s'il est vrai que le vocabulaire employé peut laisser penser à des sanctions pouvant être prononcées par un employeur à l'encontre de son salarié dans le cadre de son pouvoir disciplinaire, il ne peut néanmoins exclure une relation commerciale. Un agent commercial, étant tenu à un certain nombre d'obligations à l'égard de son mandant, peut être amené à se voir reprocher des manquements, voire une "faute grave", ainsi que le mentionne l'article L. 134-13 du code de commerce. Il peut, de même, se voir menacer d'une rupture du contrat. En l'espèce, le contrat liant les parties prévoit, certes, que la rupture du contrat ne peut intervenir que 8 jours après une mise en demeure demeurée infructueuse, mais il n'exclut pas que l'agent fasse l'objet d'avertissements en cas de manquements constatés, le prononcé d'un avertissement pouvant tout aussi bien relever du pouvoir disciplinaire d'un employeur que des prérogatives d'un mandant à l'égard d'un mandataire jugé défaillant au fautif.

La société CETRIM soutient que les courriers envoyés à Madame [H] avaient pour objet de lui indiquer, face à son comportement négligent, qu'elle avait commis certains manquements à ses devoirs de loyauté et de diligences, des erreurs de gestion. Elle estime qu'en sa qualité de mandant, elle était en droit de formuler, à l'égard de l'agent, des instructions et des observations sur les dossiers en cours. Elle se prévaut de courriers de clients se plaignant du manque de professionnalisme de Madame [H] ainsi que de "ses procédés malhonnêtes et malicieux".

Il apparaît, en effet, au regard des courriers adressés à Madame [H] et des plaintes de clients, que la société CETRIM justifie de critiques susceptibles de relever d'une exécution défectueuse du contrat de mandat. Le vocabulaire utilisé par la société CTRIM n'est certes pas dépourvu d'ambiguïté, pouvant tout aussi bien révéler une relation commerciale qu'une relation salariale, mais, en raison même de cette ambiguïté, et vu la présomption précitée, les courriers invoqués ne peuvent suffire à écarter une relation contractuelle de nature purement commerciale.

Madame [H] soutient que l'existence d'un contrat de travail se trouverait confirmée par les autres éléments qu'elle apporte. Elle souligne, notamment, qu'aux termes du contrat, elle devait consacrer son activité professionnelle exclusivement à la société CETRIM, se référant à la clause du contrat prévoyant qu'elle ne pouvait « accepter la représentation d'une entreprise concurrente exerçant l'activité d'agent immobilier ou de marchand de biens » et elle précise qu'elle n'a pas travaillé pour d'autres personnes que la société CETRIM. Toutefois, si, en principe, l'agent commercial peut avoir plusieurs mandants (l'article L. 134-3 du code de commerce l'autorise à accepter sans autorisation la représentation de plusieurs mandants), cette disposition n'est pas d'ordre public, de sorte qu'il lui est possible de renoncer à cette pluralité de mandants pour se consacrer exclusivement à la représentation d'un seul. Dès lors, le seul fait que Madame [H] ait consenti une clause d'exclusivité dans le contrat la liant à la société CETRIM ne peut non plus, en l'absence d'autres éléments, caractériser l'existence d'un lien de subordination.

Madame [H] estime que l'existence d'un lien de subordination résulte de ce qu'elle exerçait l'exercice son travail au sein d'un service organisé et, plus spécialement, de ce qu'elle devait assurer des permanences au sein de l'agence mais, si la réalité de ces permanences est attestée par les calendriers versés aux débats montrant qu'un tour de rôle était organisé entre les agents commerciaux, il reste à démontrer que ces permanences étaient imposées et n'auraient pas été accomplies "sur la base du volontariat" comme le soutient la société CETRIM. Or, Madame [H] n'apporte aucun élément de nature à démontrer qu'elle aurait été contrainte à de telles permanences alors que rien n'interdit à un agent commercial d'y participer volontairement.

Il en va de même en ce qui concerne les réunions que la société CETRIM ne conteste pas avoir organisées et qui avaient, selon elle, pour objet de permettre aux agents commerciaux de s'adapter à l'évolution législative et de comprendre le fonctionnement des logiciels mis à leur disposition. Alors que la société CETRIM soutient qu'il n'y avait "aucune obligation d'assister à ces réunions" et que, d'ailleurs, Madame [H]"n'a jamais daigné s'y rendre", cette dernière n'apporte aucun élément permettant de vérifier qu'elle aurait été contrainte d'assister à de telles réunions.

Quant aux formations, s'il ressort des pièces produites que Madame [H] a été invitée à assister à des sessions de formation et si la société CETRIM lui a reproché de refuser d'y assister, Madame [H] ne saurait utilement se prévaloir de ces éléments. Il est, en effet, justifié qu'il s'agissait de formations rendues obligatoires non pas par la société CETRIM mais par la loi pour obtenir le renouvellement de la carte professionnelle des agents commerciaux.

Madame [H] justifie que la société CETRIM avait mis à sa disposition un certain nombre de moyens matériels (bureau, ordinateur, logiciel, etc.) et que des cartes et publicités avaient été éditées à son nom avec sa photographie en la présentant comme "conseillère immobilière" sous le sigle "CETRIM" mais, contrairement à ce qu'elle soutient, elle n'a pas été présentée comme salariée, la qualité de salariée ne pouvant se déduire de l'emploi de l'expression "conseillère immobilière". S'ils ne comportent pas de précisions quant à sa qualité de professionnel indépendant et si Madame [H] est présentée comme appartenant à la structure "CETRIM", ces documents ne sont pas, en eux-mêmes, de nature à exclure sa qualité d'agent commercial indépendant et de mandataire. De même, le fait que la société CETRIM a mis à sa disposition des moyens matériels lui appartenant pour lui permettre d'exercer son activité n'est pas incompatible avec une activité exercée de façon indépendante alors que seules les conditions concrètes d'exécution de l'activité professionnelle sont susceptibles de déterminer l'existence ou non d'un lien de subordination entre les parties.

Il ne ressort pas des pièces produites que la société CETRIM aurait donné à Madame [H] des instructions ou directives sur la manière d'organiser et de gérer son activité professionnelle, lui aurait imposé des contraintes d'horaires, qu'elle aurait contrôlé l'exécution de son travail. Madame [H] ne soutient d'ailleurs pas avoir dû rendre compte de ses horaires ou de ses activités quotidiennes. La société CETRIM fait valoir, en se référant aux éléments retenus par le premier juge et sans que ces observations fassent l'objet de contestations devant la cour, que Madame [H] a admis organiser librement son travail en fonction de ses rendez-vous, qu'elle n'avait aucun horaire fixe ou imposé, qu'elle prenait librement ses congés sans avoir à recueillir une quelconque autorisation. Elle a aussi précisé que l'appelante n'avait pas à justifier du nombre de clients démarchés on de mandats apportés, qu'elle utilisait son véhicule personnel pour visiter les biens avec ses clients et qu'elle payait ses frais de carburant.

Il n'est nullement démontré que Madame [H] n'aurait pas exercé son activité ainsi que le prévoyait le contrat de mandat selon lequel elle devait prospecter "à sa convenance sa clientèle", effectuer ses tournées "comme bon lui semble" et s'absenter "à son gré".

Quant au fait que les honoraires de Madame [H] étaient calculés en pourcentage du chiffre d'affaires qu'elle réalisait, cette circonstance ne remet pas en cause l'indépendance dont elle jouissait, même si son tarif et ses factures n'étaient pas négociés pour chaque dossier. Rien ne permet de vérifier que le pourcentage fixé au contrat (50 %) aurait été imposé par CETRIM et non pas déterminé d'un commun accord.

En définitive, il ne ressort pas des pièces produites que Madame [H] aurait été soumise aux ordres et directives de la société CETRIM IMMOBILIER pour exercer son activité professionnelle. S'il apparaît qu'elle travaillait exclusivement pour cette société qui lui fournissait son matériel de travail ainsi que son bureau au sein de ses locaux et lui fournissait des documents la présentant comme appartenant à la structure, si elle était intégrée dans un service d'astreinte et si la société CETRIM a été amenée à plusieurs reprises à lui adresser des réprimandes pour des manquements à ses obligations, ni ces éléments, ni les conditions définies contractuellement, même pris globalement, ne permettent d'exclure une relation commerciale indépendante et de caractériser un lien de subordination constitutif d'un contrat de travail.

En l'absence de preuve de l'existence d'un lien de subordination et d'un contrat de travail ayant lié les parties, vu les attendus qui précèdent, le jugement sera confirmé en ce que le juge prud'homal s'est déclaré incompétent au profit du tribunal de commerce de CLERMONT-FERRAND, les demandes de Madame [H] au titre de l'existence, de l'exécution et de la rupture d'un contrat de travail ne pouvant qu'être rejetées.

- Sur la demande de dommages-intérêts pour procédure abusive -

La société CETRIM IMMOBILIER ne justifie pas d'un préjudice qui lui aurait été causé en raison de la procédure suivie par Madame [H]. Le seul fait que les prétentions de cette dernière ne soient pas accueillies ne peut suffire à caractériser un quelconque abus de son droit à ester en justice.

Le jugement sera confirmé en ce que la société CETRIM IMMOBILIER a été déboutée de sa demande de dommages-intérêts.

- Sur les dépens et frais irrépétibles -

Le jugement sera confirmé en ses dispositions sur les dépens et frais irrépétibles de première instance.

Madame [E] [H], qui succombe en son recours, sera condamnée aux entiers dépens d'appel.

En première instance comme en appel, il n'y a pas lieu à condamnation sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

La Cour, statuant publiquement, contradictoirement, après en avoir délibéré conformément à la loi,

- Confirme le jugement ;

- Condamne Madame [E] [H] aux dépens d'appel ;

- Déboute les parties de leurs demandes plus amples ou contraires.