CA Paris, Pôle 5 ch. 4, 18 mai 2022, n° 20/15947
PARIS
Arrêt
PARTIES
Demandeur :
Cabinet Maîtrise d'Œuvre (SAS)
Défendeur :
Edeis (SAS)
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
Mme Dallery
Conseillers :
Mme Depelley, Mme Lignières
Avocats :
Me Fertier, Me Cohen, Me Boccon Gibod, Me Beau
FAITS ET PROCÉDURE:
La société Cabinet Maitrise d’oeuvre (ci-après « CMO ») est une société dont M. [L] [X] est l'unique associé, dirigeant et salarié et dont l'activité est le consulting en bâtiment et en infrastructures, la coordination et le pilotage des chantiers.
Le groupe de sociétés Lavalin, dont la société mère de droit canadien est la SNC Lavalin Inc, est un leader mondial dans le secteur des activités de maîtrise d'oeuvre en matière d'ingénierie et de construction, ayant notamment comme filiales jusqu'en 2016 les sociétés Lavalin Ile de France (devenue SNC Lavalin SAS), la SNC Lavalin International (ci-après « SLI ») et la SNC Lavalin Europe.
Le 10 octobre 2005, M. [L] [X] (en son nom personnel puis comme dirigeant de CMO qui s'y est substituée) a conclu avec la SNC Lavalin Ile de France un contrat d'un an avec tacite reconduction, pour une mission de développement, de prospection de nouveaux marchés, de relations publiques ou de coordination technique TCE sur l'ensemble du territoire français, Plusieurs missions s'en sont suivies jusqu'en 2012.
A partir de 2011, CMO a conclu des contrats avec la société SNC Lavalin International (SLI). Par courrier en date du 23 décembre 2013, la société SNC Lavalin International a mis fin à cette relation et par courrier en date du 10 janvier 2014 a accordé à CMO un préavis jusqu'à fin mars 2014.
Deux procédures parallèles au présent litige ont été initiées par CMO, une première devant le tribunal de commerce de Créteil par acte du 27 juin 2014 tendant au paiement de factures à l'encontre de la SNC Lavalin SAS, et une deuxième pour rupture brutale devant le tribunal de commerce de Paris par acte du 18 juin 2014 à l'encontre des trois sociétés SNC Lavalin SAS, SLI et Lavalin Europe, laquelle a fait l'objet d'une exception d'incompétence au profit d'une instance arbitrale concernant le litige avec SLI (arrêt Cour de cassation du 1er mars 2017 confirmant l'incompétence du tribunal de commerce de Paris).
Le 30 décembre 2016, la société EDEIS a repris l'intégralité des actifs de la société SNC Lavalin SAS.
Par acte du 12 décembre 2018, CMO a assigné la société SNC Lavalin SAS devant le tribunal de commerce de Paris en indemnisation de rupture brutale.
Par jugement du 21 septembre 2020, le tribunal de commerce de Paris a :
Débouté la SASU EDEIS anciennement dénommée SNC Lavalin SAS de sa demande faite à la SAS C.M.O. de communiquer l'accord transactionnel conclu avec la société SNC Lavalin International,
Dit que la relation entre la SAS C.M.O. et la SASU EDEIS anciennement dénommée SNC Lavalin SAS n'est pas établie et que le principe d'une rupture brutale au sens de l'article L.442, 6, I, 5° du code de commerce n'est pas fondé,
Débouté la SAS C.M.O. de sa demande de la somme de 345.109 euros au titre de la rupture brutale des relations commerciales établie ;
Débouté la SAS C.M.O. de sa demande de la somme de 100.000 euros au titre de son préjudice moral et de notoriété ;
Débouté la SASU EDEIS anciennement dénommée SNC Lavalin SAS de sa demande de la somme de 5.000 euros de dommages-intérêts,
Condamné la SAS C.M.O. à verser à la SASU EDEIS anciennement dénommée SNC Lavalin SAS la somme de 15.000 euros au titre des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile,
Débouté les parties de leurs demandes autres, plus amples ou contraires,
Ordonné l'exécution provisoire du présent jugement,
Condamné la SAS C.M.O. aux dépens, dont ceux à recouvrer par le greffe, liquidés à la somme de 74,50 € dont 12,20 € de TVA. »
Le 10 novembre 2020, la société CMO a interjeté appel du jugement.
Vu les dernières conclusions de la société CMO, appelante, déposées et notifiées le 27 juillet 2021 par lesquelles il est demandé à la Cour de :
Vu les articles 1104, 1153-1, 1240 et 2274 du Code civil,
Vu les articles L.123-23, L.442-6-1, 5° du Code de commerce, devenu l'article L.442-2 I du Code de commerce,
Vu les articles 32-1, 138, 139, 455 et 480 du code de procédure civile,
Sur le fond
RECEVOIR la société CMO en appel et ses présentes demandes, l'en déclarer bien fondée et, y faisant droit ;
INFIRMER le jugement entrepris en ce qu'il a
- dit que la relation entre la SAS CABINET MAITRISE D'OEUVRE CMO et la SASU EDEIS anciennement dénommée SNC LAVALIN n'était pas établie et que le principe d'une rupture brutale au sens de l'article L 442-6, I, 5° du Code de commerce n'est pas fondé,
- débouté la SAS CABINET MAITRISE D'OEUVRE CMO de sa demande d'indemnisation de 345.109 euros au titre de la rupture brutale des relations commerciales établies,
- débouté la SAS CABINET MAITRISE D'OEUVRE CMO de sa demande d'indemnisation de 100.000 euros au titre de son préjudice moral et de notoriété,
- condamné la SAS CABINET MAITRISE D'OEUVRE CMO à verser à la SASU EDEIS anciennement dénommée SNC LAVALIN SAS la somme de 15.000 euros au titre des dispositions de l'article 700 du CPC,
- débouté la SAS CABINET MAITRISE D'OEUVRE CMO de ses autres demandes,
- condamné la SAS CABINET MAITRISE D'OEUVRE CMO aux dépens.
Et, statuant de nouveau,
DIRE ET JUGER que la société EDEIS (anciennement SNC LAVALIN SAS) a mis fin brutalement aux relations commerciales établies qu'elle entretenait avec la société CMO depuis octobre 2005 ;
CONDAMNER la société EDEIS à payer à la société CMO une indemnisation d'un montant de 345.109 euros HT au titre de son préjudice résultant de la rupture brutale des relations commerciales établies et correspondant à 24 mois de marge brute pour la société CMO ; ou tout autre montant qu'il plaira à la cour ;
CONDAMNER la société EDEIS à payer à la société CMO, la somme de 100.000 euros au titre de son préjudice moral et de notoriété ; ou tout autre montant qu'il plaira à la cour;
DIRE ET JUGER que ces sommes produiront intérêts capitalisés au taux légal à compter de la date de l'assignation devant le tribunal de commerce
CONDAMNER la société EDEIS à payer à la société CMO une somme de 20.000 euros au titre de l'article 700 du Code de Procédure Civile, ainsi qu'aux entiers dépens, dont distraction au profit de Maître [V] [F] sur son affirmation de droit.
Vu les dernières conclusions de la société EDEIS, intimée, déposées et notifiées le 27 janvier 2022 par lesquelles il est demandé à la Cour de :
Vu l'article L.442-6, I, 5°du Code de commerce (devenu L. 442-I, II du Code de commerce), Vu les articles 10, 1104 et 1153-1 du Code civil,
Vu les articles 11, 32-1, 138, 139, 142, 444 et 559 alinéa 1er du Code de procédure civile,
A titre principal :
Confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a :
Dit que la relation commerciale entre les sociétés Cabinet Maîtrise d’oeuvre C.M.O. et EDEIS n'est pas établie,
Dit que le principe d'une rupture brutale au sens des dispositions de l'article L. 442- 6, I, 5° du Code de commerce n'est pas fondé,
Débouté la société Cabinet Maîtrise d’oeuvre C.M.O. de sa demande de la somme de 345.109 euros au titre de la rupture brutale des relations commerciales établies;
Débouté la société Cabinet Maîtrise d’oeuvre C.M.O. de sa demande de la somme de 100.000 euros au titre de son préjudice moral et de notoriété ;
Débouté les parties de leurs demandes autres, plus amples ou contraires mais seulement en ce qu'il a débouté la société Cabinet Maîtrise d'Oeuvre C.M.O. de l'ensemble de ses demandes ;
Condamné la société Cabinet Maîtrise d'Oeuvre C.M.O. à verser à la société EDEIS la somme de 15.000 euros au titre des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile et aux dépens ;
Infirmer le jugement entrepris en ce qu'il a débouté les parties de leurs demandes autres, plus amples ou contraires mais seulement en ce qu'il a débouté la société EDEIS de sa demande reconventionnelle,
Statuant à nouveau :
Dire et juger que l'action exercée par la société Cabinet Maîtrise d'Oeuvre C.M.O. à l'encontre de la société EDEIS est manifestement abusive,
en conséquence,
Condamner la société Cabinet Maîtrise d'Oeuvre C.M.O. à verser à la société EDEIS la somme de 5.000 euros de dommages-intérêts en réparation des préjudices matériel et d'image que lui cause cette action,
A titre subsidiaire et si par impossible la Cour devait retenir que les dispositions de l'article L. 442,6, I, 5°du Code de commerce sont applicables au présent litige :
Infirmer le jugement entrepris en ce qu'il a débouté la société EDEIS de sa demande de communication de l'accord transactionnel conclu entre la société Cabinet Maîtrise d'Oeuvre C.M.O. et la société SNC Lavalin International le 6 décembre 2019 ;
Statuant à nouveau :
Avant-dire droit:
- Faire injonction à la société Cabinet Maîtrise d'Oeuvre C.M.O. de communiquer l'accord transactionnel conclu avec la société SNC Lavalin International le 6 décembre 2019 ;
A défaut et sur le fond
- Dire et juger mal fondées les demandes formées par la société Cabinet Maîtrise d'Oeuvre C.M.O. à l'encontre de la société EDEIS,
- Débouter la société Cabinet Maîtrise d'Oeuvre C.M.O de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions,
En tout état de cause et y ajoutant,
Condamner la société Cabinet Maîtrise d'Oeuvre C.M.O. à verser à la société EDEIS la somme de 30.000 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile, outre les entiers dépens, cette somme s'ajoutant à celle de 15.000 euros déjà allouée à ce titre par le jugement entrepris,
Débouter la société Cabinet Maîtrise d'Oeuvre C.M.O. de sa demande formée au titre des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile.
La clôture a été prononcée en date du 22 février 2022.
SUR CE, LA COUR,
Sur la rupture de la relation commerciale établie
L'article L.442-6, I, 5° du code de commerce dans sa version antérieure à l'ordonnance n°2019-359 du 24 avril 2019 applicable au litige, dispose qu'engage la responsabilité de son auteur et l'oblige à réparer le préjudice causé le fait, par tout producteur, commerçant, industriel ou personne immatriculée au répertoire des métiers, de rompre brutalement, même partiellement, une relation commerciale établie, sans préavis écrit tenant compte de la durée de la relation commerciale et respectant la durée minimale de préavis déterminée, en référence aux usages du commerce, par des accords interprofessionnels.
*Sur le caractère établi de la relation
La société CMO affirme que la relation commerciale avec SLI allant de 2011 à fin 2013 est dans la continuité de la relation commerciale avec SNC Lavalin SAS (ex Lavalin Ile de France) allant de 2005 à 2012 et ainsi ne forme qu'une seule relation commerciale avec le groupe Lavalin.
L'appelante relève à cet effet que même si le contrat de 2005 n'était pas considéré comme un contrat-cadre, ce dernier n'a jamais été résilié, qu'il comportait une clause d'exclusivité et elle en déduit que la relation commerciale résultant du flux d'affaires constant et soutenu depuis le mois d'octobre 2005 jusqu'au mois de décembre 2013 est caractérisée.
La société CMO soutient également que sa relation commerciale avec les sociétés du groupe Lavalin doit être appréhendée dans sa globalité et non séparément selon chaque contrat signé, qu'il importe peu que la durée de chaque contrat correspondait à la durée d'un chantier dans la mesure où il a existé une succession ininterrompue de chantiers, de missions et de paiements, cette relation économique ne présentant aucun facteur de précarité.
En s'appuyant sur ses comptes clients concernant les sociétés du groupe Lavalin, CMO fait valoir un chiffre d'affaires significatif de plus de deux millions d'euros sur 8 années, ce qui, selon elle, démontre la durée, l'intensité du flux d'affaires et son caractère stable et suivi. L'appelante reproche au tribunal de commerce d'avoir jugé qu'il s'agissait de missions distinctes et hétérogènes alors qu'il s'agissait d'une succession ininterrompue de prestations similaires.
En réplique, l'intimée demande la confirmation du jugement en ce qu'il a été considéré que la preuve de l'existence d'une relation établie avec la société SNC Lavalin devenue EDEIS n'était pas rapportée et qu'une rupture brutale qui lui serait imputable n'est pas caractérisée.
Sur ce ;
Celui qui se prétend victime d'une rupture doit établir le caractère suffisamment prolongé, régulier, significatif et stable du courant d'affaires ayant existé entre elle et l'auteur de la rupture, qui pouvait lui laisser augurer que cette relation avait vocation à perdurer.
En l'espèce, il a existé un flux d'affaires entre CMO (qui a repris sans contestation l'activité de M. [X]) et la société Lavalin Ile de France (devenue Lavalin SAS et pour laquelle la société EDEIS vient aux droits) à compter de 2005 et jusqu'à la dernière mission confiée par cette dernière à CMO en janvier 2012 concernant le projet Hôtel Pullman à Roissy.
Contrairement à ce que soutient l'intimée, le fait qu'il se soit agi d'une succession de missions distinctes avec des contrats autonomes ne suffit pas à écarter le caractère stable et continu du flux d'affaires entre les parties, ces missions s'étant enchaînées sur la période de 2005 à début 2012 : avec divers projets tels que Archereau, Zac Fiat, [Localité 8], [Localité 9], [Localité 3], ZAC Eiffel et jusqu'à la dernière mission confiée par SAS Lavalin à CMO « Hôtel Pullman à [Localité 6] » en janvier 2012. (pièces 7 à 10-2 de CMO et pièces 16 à 18 de Edeis)
Peu importe que le contrat signé en 2005 (pièce 5 CMO ou pièce 10 Edeis) entre les parties soit qualifié ou non de contrat-cadre, la Cour relève l'existence d'un flux d'affaires constant de 2005 à 2011 et donc l'existence entre les parties d'une relation commerciale établie entre 2005 et 2011 avec une chute du courant d'affaires en 2012 et une cessation en 2013, au vu des chiffres d'affaires tirés de l'activité de CMO avec Lavalin SAS (pièce 12 et 55 de CMO : attestations expert comptable) :
- 172k en 2005/2006,
- 177k en 2007,
- 299k en 2008,
- 428k en 2009,
- 237k en 2010,
- 200k en 2011,
- 80k en 2012,
- 48k en 2013.
Il est constant que la société Lavalin SAS n'a pas confié d'autres nouvelles missions à CMO après janvier 2012.
Cependant, la cessation d'une relation continue et stable ne suffit pas à caractériser l'existence d'une rupture brutale dont aurait été victime CMO et imputable à la société Lavalin SAS.
*sur le caractère brutal de la rupture
Dans le présent litige, l'assignation en rupture brutale de CMO à l'encontre de la société Lavalin SAS (devenue EDEIS) est intervenue non pas en 2012/2013 mais à la suite de la fin du préavis accordé à CMO par la société SLI.
Le flux d'affaires avec la société Lavalin SAS s'est tari à partir de 2012 sans que CMO n'élève aucune contestation, cette dernière s'étant tournée vers un autre client, la société SLI, qui bien que filiale du groupe mondial Lavalin, n'en est pas moins une entité autonome de l'intimée (EDEIS ne venant aux droits que de Lavalin SAS et non de SLI).
Le flux d'affaires entre CMO et la société SLI est reflété par les chiffre d'affaires suivants (pièce 12 de CMO, attestation expert comptable) :
- 243k en 2011,
- 398 k en 2012,
- 137k en 2013.
Ces chiffres confirment que la relation entre CMO et la société Lavalin SAS diminuait fortement en 2012 pour cesser fin 2013, alors que se développait la relation d'affaires de CMO avec la société SLI. Les premiers juges en ont déduit justement que : « le flux d'affaires s'est fortement ralenti, et ce de manière consentie, une nouvelle relation se mettant en place dans le même temps avec la société parente SLI ».
CMO a donc accepté de changer d'interlocuteur pour se consacrer à des missions confiées par la société SLI à compter de mars 2011. Or, la société SLI est une entité juridique distincte de la société Lavalin SAS. Même si les deux sociétés appartiennent au même groupe mondial Lavalin, il n'est cependant pas démontré une volonté commune de poursuivre avec la société SLI la même relation d'affaires établie avec la société Lavalin SAS. D'ailleurs, les missions confiées à CMO à partir de 2011/2012 par la société SLI l'ont été pour des projets situés sur un territoire autre que celui visé par le contrat initial de 2005 signé avec Lavalin Ile de France (devenue Lavalin SAS) qui ne visait que la France. En effet, tous les projets signés avec la société SLI concernent des projets situés au Maroc (mission du 3 mars 2011 pour le projet de la Marina de [Localité 5] ; mission du 1er novembre 2011 pour le projet du [Adresse 4] ; mission du 1er novembre 2012 pour le projet de la [Adresse 7]).
En outre, CMO ne peut légitimement invoquer une continuité de la relation commerciale de 2005 jusqu'à 2014 (correspondant à la résiliation initiée par SLI) alors que le litige sur les conditions de la résiliation décidée par la société SLI a fait l'objet d'une procédure arbitrale parallèle. (pièce 56 de CMO)
Ainsi, la Cour de cassation dans un arrêt sur la compétence relatif à la procédure engagée par CMO à l'encontre de la société SLI a relevé que l'autonomie de cette dernière a été admise par CMO à l'occasion d'un litige arbitral relatif à un paiement de factures, excluant la confusion entre les sociétés du groupe Lavalin, « que de ces constations et appréciations la cour d'appel a pu déduire que la rupture en cause ne portait que sur la relation commerciale entre ces sociétés résultant des seuls contrats conclus entre 2011 et 2012 ». (Ch. Com. 1er mars 2017 : pièce 19 EDEIS)
Au vu de ces éléments, contrairement à ce que soutient l'appelante, il n'a pas existé une même relation commerciale qui aurait continué, quelle que soit la filiale cocontractante du groupe Lavalin, de 2005 à fin 2014.
Il en résulte que la cessation de la relation avec la société Lavalin SAS débutée en 2005 est intervenue partiellement à partir de 2012 puis totalement fin 2013, et qu'au vu des circonstances de cette cessation telles qu'analysées par la Cour, CMO échoue à démontrer le caractère brutal de la cessation de la relation établie entre les parties qui serait imputable à la société Lavalin SAS.
L'appelante sera donc déboutée de ses demandes en indemnisation subséquentes.
Le jugement entrepris sera confirmé en ce qu'il a débouté CMO de ces chefs de demande envers la société Lavalin SAS fondée sur la rupture brutale.
Sur la demande reconventionnelle en procédure abusive
L'exercice d'une action en justice constitue par principe un droit et ne dégénère en abus pouvant donner naissance à une dette de dommages et intérêts que dans le cas de malice, de mauvaise foi ou d'erreur équipollente au dol.
La société Lavalin SAS sera déboutée de sa demande à ce titre faute pour elle de rapporter la preuve d'une intention de nuire ou légèreté blâmable de la part de l'appelante qui a pu légitimement se méprendre sur l'étendue de ses droits et d'établir l'existence d'un préjudice autre que celui subi du fait des frais exposés pour sa défense.
Sur les frais et dépens
Le jugement du tribunal de commerce sera confirmé en ce qu'il a condamné CMO aux dépens et aux frais irrépétibles de la première instance.
En cause d'appel, CMO succombant totalement, supportera les entiers dépens de l'appel.
L'appelante participera en outre à hauteur de 8000 euros aux frais irrépétibles complémentaires que la société EDEIS a dû engager pour se défendre en appel.
PAR CES MOTIFS
Statuant publiquement, contradictoirement,
Confirme le jugement entrepris dans toutes ses dispositions,
Y ajoutant,
Rejette la demande de procédure abusive,
Condamne CMO à payer à la société EDEIS la somme de 8000 euros, en application de l'article 700 du code de procédure civile ;
Condamne CMO aux entiers dépens de l'appel.