CA Aix-en-Provence, ch. 3-4, 19 mai 2022, n° 18/16345
AIX-EN-PROVENCE
Arrêt
Infirmation partielle
PARTIES
Demandeur :
Association de Réadaptation Sociale
Défendeur :
Espace Copieurs Impressions (SAS), BNP Paribas Lease Group (SA), Adapei Var Méditerranée (Association)
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
Mme Bourrel
Conseillers :
Mme Fillioux, Mme Alquie-Vuilloz
EXPOSE DE L'AFFAIRE
L'ASSOCIATION VAROISE DE READAPTATION SOCIALE, ayant pour objet l'accueil et la protection de l'enfance dans le Var, a commandé à plusieurs reprises à la SASU ESPACE COPIEUR IMPRESSIONS (société ECI), fournisseur de matériel bureautique et informatique, des photocopieurs et du matériel informatique.
Selon bon de commande du 20 juillet 2012 elle a commandé un photocopieur KONICA MINOLTA C 364 et 18 ordinateurs fixes et écrans, 7 ordinateurs portables, 7 pare-feux / modems / routeurs et 24 logiciels office et antivirus, le financement étant assuré par location financière moyennant le règlement de 22 loyers trimestriels de 8 490 € HT. Il était prévu une participation commerciale de ECI d'un montant de 81 326,64€ TTC.
Le même jour un contrat de maintenance était signé entre l'association AVRS et la société ECI, concernant le photocopieur, prévoyant le paiement des copies noires à 0,008€HT et couleur à 0,008€ HT, avec des forfaits trimestriels.
Pour financer ce matériel, l'association AVRS a souscrit le 31 juillet 2012 auprès de la société BNP PARIBAS LEASE GROUP un contrat de location n° U0142958 pour une durée irrévocable de 63 mois moyennant le règlement de 22 loyers trimestriels d'un montant de 8 490€ HT chacun. Le même jour, le matériel objet du contrat a été livré et réceptionné sans réserve.
Une facture a été émise par la société ECI à la société BNP PARIBAS LEASE GROUP le 30 juillet 2012 concernant le matériel susvisé pour la somme de 166 144€ HT, soit 198 708,22€ TTC.
Selon bon de commande du 10 septembre 2014 l'association AVRS a commandé 6 photocopieurs KONICA MINOLTA C284 et 2 ordinateurs portables LENOVO, le financement étant assuré par location financière moyennant le règlement de 22 loyers trimestriels de 19 080 € HT. Il était prévu à titre de participation le solde d'un précédent dossier BNP ECI n°V0198261, et par avenant du même jour il était prévu une participation financière d'un montant de 308 455,10€ TTC de la société ECI.
Le même jour deux contrats de maintenance étaient signés entre l'association AVRS et la société ECI, concernant les photocopieurs, dont l'un remplaçant le contrat de 2012 prévoyant le paiement des copies noires à 0,007€HT et couleur à 0,07€ HT, avec des forfaits trimestriels, et l'autre aux mêmes conditions mais sur les nouveaux photocopieurs.
Pour financer ce matériel, l'association AVRS a souscrit le 10 septembre 2014 auprès de la société BNP PARIBAS LEASE GROUP un contrat de location n° W0155856 pour une durée irrévocable de 63 mois moyennant le règlement de 22 loyers trimestriels d'un montant de 19 080€ HT chacun. Le 26 septembre 2014, le matériel objet du contrat a été livré et réceptionné sans réserve.
Une facture a été émise par la société ECI à la société BNP PARIBAS LEASE GROUP le 26 septembre 2014 concernant le matériel susvisé pour la somme de 373 386,05€ HT, soit 448 063,26€ TTC.
Enfin selon bon de commande du 4 mars 2015 l'association AVRS a commandé une « SOLUTION INFORMATIQUE UPGRADE » et « PRESTATIONS », le financement étant assuré par location financière moyennant le règlement de 22 loyers trimestriels de 267€ HT.
Pour financer ce matériel, l'association AVRS a souscrit le 25 mars 2015 auprès de la société BNP PARIBAS LEASE GROUP un contrat de location n° X0040593 pour une durée irrévocable de 63 mois moyennant le règlement de 22 loyers trimestriels d'un montant de 267€ HT chacun. Le 25 mars 2015, le matériel objet du contrat a été livré et réceptionné sans réserve.
Une facture a été émise par la société ECI à la société BNP PARIBAS LEASE GROUP le 25 mars 2015 concernant le matériel susvisé pour la somme de 4 981€ HT, soit 5 977,20€ TTC.
Les loyers des différents contrats ont été régulièrement réglés jusqu'en mars 2017, et à compter des mois d'avril et mai 2017 l'association a cessé de régler à la société ECI les factures correspondant aux contrats de maintenance et à la BNP les loyers.
Par acte d'huissier du 7 mars 2017 l'ASSOCIATION VAROISE DE READAPTATION SOCIALE a assigné la société ECI et la société BNP LEASE GROUP devant le tribunal de commerce de Toulon pour obtenir la résolution des contrats, subsidiairement la caducité des contrats de location financière et la restitution des sommes versées, soit la somme de 747 919,92€. A l'appui de ses demandes elle invoquait le manquement de la société ECI à son obligation précontractuelle de conseil, en ce que les contrats signés la mettait dans une situation économique difficile et qu'elle n'ignorait pas « l'état de santé particulièrement fragile de son président », à titre subsidiaire le manquement à ses obligations contractuelles en ce que la société ECI ne rapporte pas la preuve irréfutable de ce qu'elle aurait versé les participations contractuellement prévues, et enfin l'abus de dépendance économique. En ce qui concerne le bailleur financier, elle demandait de prononcer la résolution des contrats pour « manquement au devoir de mise en garde » ou « octroi de financement avec une légèreté blâmable ». Enfin elle sollicitait la nullité des contrats de maintenance pour absence de pouvoir des signataires.
La société ECI a formé des demandes reconventionnelles en paiement des factures de maintenance impayées et en paiement de l'indemnité de résiliation prévue aux contrats, ainsi qu'en dommages-intérêts pour procédure abusive. La société BNP PARIBAS LEASE GROUP s'est également opposée aux demandes formées à son encontre.
Par jugement du 17 septembre 2018, le Tribunal de Commerce de Toulon a :
- dit que les contrats querellés ont été régulièrement formés et ne sont entachés d'aucune irrégularité ;
- dit qu'il n'est pas sérieux de contester l'émission des deux chèques de participation par la SASU ESPACE COPIEUR IMPRESSIONS et leur encaissement par l'AVRS et que tout litige sur ce point ne relève manifestement pas de la compétence du tribunal de céans,
- dit que la société BNP PARIBAS LEASE GROUP a parfaitement exécuté ses obligations contractuelles et qu'elle est indiscutablement fondée à percevoir les loyers contractuellement prévus,
- dit que les conditions générales de vente, pièces 22.1 et 23.1 portées au verso des contrats de maintenance sont manifestement illisibles et rejeté la facture de résiliation des contrats émise par la SASU ESPACE COPIEUR IMPRESSIONS au titre des indemnités de résiliation,
- dit que les factures de maintenance émises par la SASU ESPACE COPIEUR IMPRESSIONS sont incontestablement dues,
- dit que les éléments constitutifs de la procédure abusive sont réunies,
En conséquence
- débouté l'AVRS de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions,
- condamné l'AVRS à payer à la SASU ESPACE COPIEUR IMPRESSIONS la somme de 1 549,91€ au titre des factures de maintenance impayées,
- condamné l'AVRS à payer à la SASU ESPACE COPIEUR IMPRESSIONS la somme de 2 000€ à titre de dommages-intérêts pour procédure abusive,
- débouté la SASU ESPACE COPIEUR IMPRESSIONS du surplus de ses demandes,
- condamné l'AVRS à payer respectivement à la SASU ESPACE COPIEUR IMPRESSIONS et la société BNP PARIBAS LEASE GROUP la somme de 3 000€ sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,
- dit qu'il n'apparaît pas nécessaire d'ordonner l'exécution provisoire
- laissé à l'AVRS la charge des dépens.
L'Association VAROISE DE READAPTATION a relevé appel de cette décision.
Par conclusions récapitulatives du 9 août 2021, l'association ADAPEI VAR MEDITERRANNE venant aux droits de L'Association VAROISE DE READAPTATION SOCIALE suite à un traité de fusion-absorption du 30 avril 2020, a demandé à la Cour de :
- Infirmer en toutes ses dispositions le jugement du 17 septembre à l'exception de ce qu'il a été jugé que les conditions générales des contrats de maintenance sont manifestement illisibles et à rejeter la facture de résiliation des contrats émise par la SASU ESPACE COPIEURS IMPRESSIONS pour lequel, sur ce point, le jugement attaqué devra être confirmé (sic) ;
Statuant à nouveau,
A titre liminaire,
- Constater qu'au regard de son âge avancé, M. Jacques V. doit être considéré comme non averti ;
A l'égard de la société ECI :
A titre principal,
- Prononcer la nullité/résolution/résiliation des contrats pour manquement au devoir d'information et de conseil ;
A titre subsidiaire,
- Prononcer la nullité/résolution/résiliation des contrats, aux torts exclusifs de la société ECI pour non-respect des engagements contractuels caractérisé par le défaut de versement des participations commerciales ;
A titre très subsidiaire,
- Prononcer la nullité/résolution/résiliation des contrats litigieux pour abus manifeste de dépendance économique ;
A l'égard de la société BNPLG :
A titre principal,
- Constater le manquement au devoir de mise en garde ;
- Prononcer la nullité/résolution/résiliation/caducité des contrats litigieux ;
A titre subsidiaire,
- Constater l'octroi de financement avec une légèreté blâmable ;
- Prononcer la nullité/résolution/résiliation/caducité des contrats litigieux ;
A titre très subsidiaire,
- Constater l'interdépendance applicable aux contrats de locations financières pour avoir été signés concomitamment sinon successivement aux contrats de maintenance de la société ECI ;
- Déclarer non écrite toutes les clauses inconciliables avec cette interdépendance ;
- Prononcer la caducité des contrats de location financière litigieux ;
En tout état de cause,
- Débouter les sociétés BNPLG et ECI de toutes leurs conclusions, fins et prétentions contraires en ce compris tout appel incident ;
- Remettre les parties dans l'état dans lequel chacune d'elles se trouvait avant la signature des contrats litigieux ;
- Condamner in solidum les intimées à restituer l'ensemble des loyers indûment prélevés par les sociétés BNPLG à l'Association Varoise de Réadaptation Sociale à concurrence de 747.919,92 euros outre les intérêts au taux légal à compter de l'assignation ;
- Ordonner la capitalisation des intérêts ;
- Condamner in solidum les intimées à la somme de 20.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;
- condamner les intimées aux dépens.
Dans ses conclusions du 24 août 2021, la société ECI a demandé de :
- dire et juger irrecevables les demandes en nullité des bons de commande et des contrats de maintenance en application des articles 910-4 et 954 du code de procédure civile
Sur l'appel principal
- confirmer en toutes ses dispositions la décision déférée sauf en ce qu'elle a :
- dit que les conditions générales de vente, pièces 22.1 et 23.1 portées au verso des contrats de maintenance sont manifestement illisibles et rejeté la facture de résiliation des contrats émise par la SASU ESPACE COPIEUR IMPRESSIONS au titre des indemnités de résiliation,
- condamné l'AVRS à payer à la SASU ESPACE COPIEUR IMPRESSIONS la somme de 1 549,91€ au titre des factures de maintenance impayées,
- condamné l'AVRS à payer à la SASU ESPACE COPIEUR IMPRESSIONS la somme de 2 000€ à titre de dommages-intérêts pour procédure abusive,
Sur l'appel incident
- la recevoir en son appel limité
Y faisant droit
Statuant à nouveau
- condamner l'association ADAPEI VAR MEDITERRANNE à payer à la société ECI :
- la somme de 1 549, 91 € outre intérêts au taux légal majoré de 5 points à compter 31 mai 2017, date de la première mise en demeure pour ladite somme et jusqu'à parfait paiement,
- la somme de 15 162,76 € correspondant aux indemnités de résiliation conformément à l'article X des conditions générales des contrats de maintenance ;
- la somme de 25.000 € à titre de dommages et intérêts pour procédure abusive,
- la somme de 24 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
- les entiers dépens.
Dans ses conclusions du 24 août 2021 La société BNP LEASE GROUP a demandé de :
A titre principal
- débouter l'association ADAPEI VAR MEDITERRANNE de l'ensemble de ses demandes
- débouter toute autre partie des demandes qu'elle formulerait le cas échéant à son encontre,
En conséquence
- confirmer le jugement du Tribunal de Commerce du 17 septembre 2018 en ce qu'il a débouté l'association AVRS de toutes ses demandes,
Subsidiairement
- Condamner l'association VAROISE DE READAPTATION SOCIALE à payer à la société BNP PARIBAS LEASE GROUP :
1 à titre de dommages et intérêts, le montant de l'intégralité des loyers prévus aux contrats :
- n° U0142958, conclu le 31 JUILLET 2012 ;
- n° W0155856, conclu le 10 SEPTEMBRE 2014 ;
- n° X0040593, conclu le 25 MARS 2015 ;
Et qui ne seront pas perçus par BNP PARIBAS LEASE GROUP ;
2 à titre de dommages et intérêts complémentaires, pour le cas où des loyers auraient été perçus par BNP PARIBAS LEASE GROUP au titre des contrats :
- n° U0142958, conclu le 31 JUILLET 2012 ;
- n° W0155856, conclu le 10 SEPTEMBRE 2014 ;
- n° X0040593, conclu le 25 MARS 2015 ;
Et devraient être reversés, un montant égal à celui du cumul desdits loyers et ordonner la compensation entre ces deux derniers montants.,
- Débouter toute partie de prétentions contraires ou plus amples à celles de la société BNP PARIBAS LEASE GROUP,
- Débouter toute partie de leurs demandes formulées à l'encontre de BPLG.
A titre infiniment subsidiaire,
Pour le cas où, par très extraordinaire, la Cour prononcerait la résolution ou la caducité des contrats de location financière, voire leur inopposabilité à l'association VAROISE DE READAPTATION SOCIALE, et condamnerait la société BNP PARIBAS LEASE GROUP au paiement d'une quelconque somme,
- prononcer la nullité des contrats de vente intervenus entre la société BNP PARIBAS LEASE GROUP et la société ESPACE COPIEURS IMPRESSIONS,
- Condamner la société ESPACE COPIEURS IMPRESSIONS à payer à la société BNP PARIBAS LEASE GROUP la somme de 652 907,08 € TTC, outre intérêts au taux légal à compter de la date d'échéance des factures émises par la société ESPACE COPIEURS IMPRESSIONS,
- pour le surplus, CONDAMNER la société ESPACE COPIEURS IMPRESSIONS à relever et garantir la société BNP PARIBAS LEASE GROUP indemne de toutes condamnations qui seraient, par très extraordinaire, prononcées à son encontre en ce qu'elles porteraient sur les sommes supérieures à celle de 652 907,08 € TTC précitée,
- Débouter toute partie de prétentions contraires ou plus amples à celles de la société BNP PARIBAS LEASE GROUP,
En tout état de cause,
Vu l'article 700 du CPC,
- Dire et juger qu'il serait inéquitable de laisser à la charge de BNP PARIBAS LEASE GROUP les frais irrépétibles qu'elle s'est vue contrainte d'engager pour assurer la défense de ses intérêts,
En conséquence,
- condamner l'association VAROISE DE READAPTATION SOCIALE à régler à la société BNP PARIBAS LEASE GROUP la somme de 25.000 € au titre de l'article 700 du Code de Procédure Civile, outre les dépens avec faculté de recouvrement au profit de la SCP C.-G.-M.-D.-G..
Par arrêt mixte et avant dire droit en date du 4 novembre 2021 auquel il convient de renvoyer pour l'exposer des motifs, la présente Cour a ainsi statué :
« Rejette l'exception d'irrecevabilité des demandes de l'association ADAPEI VAR MEDITERRANNE au titre de la nullité des bons de commande et des contrats de maintenance soulevée par la SASU ESPACE COPIEUR IMPRESSIONS,
Confirme le jugement du Tribunal de Commerce de Toulon du 17 septembre 2018 sauf :
- en ce qui concerne le montant de la condamnation prononcée envers l'association AVRS devenue ADAPEI VAR MEDITERRANNE au profit de la société ECI ESPACE COPIEUR IMPRESSIONS
- en ce qu'il a condamné l'association l' AVRS à payer à la société ECI ESPACE COPIEUR IMPRESSIONS une somme de 2 000 euros pour procédure abusive,
Statuant à nouveau des chefs infirmés,
Condamne l'association ADAPEI VAR MEDITERRANNE venant aux droits de l'AVRS à payer à la SASU ESPACE COPIEUR IMPRESSIONS la somme de 934,38€ avec intérêts au taux légal à compter 31 mai 2017,
Déboute la société ECI ESPACE COPIEUR IMPRESSIONS de sa demande de condamnation au titre de la somme de 15 162,76 €, et de sa demande de dommages et intérêts pour procédure abusive,
Y ajoutant,
Condamne l'association ADAPEI VAR MEDITERRANNE venant aux droits de l'AVRS à payer au titre de l'article 700 du code de procédure civile :
- à la société ECI ESPACE COPIEUR IMPRESSIONS la somme de 2 500 euros
- à la société BNP LEASE GROUP la somme de 2 500 euros,
Déboute les parties de leurs demandes autres ou plus amples,
Avant dire droit sur la demande de résiliation des contrats pour abus de dépendance économique,
Enjoint aux parties de conclure sur l'incompétence juridictionnelle de la cour pour statuer sur la demande de résiliation des contrats pour abus de dépendance économique, dans le délai de deux mois du présent arrêt,
Renvoie la cause et les parties à la mise en état, l'ordonnance de clôture étant révoquée,
Réserve les dépens.
L'affaire a été rappelée à l'audience du 9 mars 2022.
L'appelante a formé un pourvoi en cassation à l'encontre de cet arrêt mixte.
Par conclusions du 18 février 2022, la société ECI demande à la Cour de :
- se déclarer dessaisie par l'effet de l'arrêt confirmatif sur le débouté des demandes initiales rendu par la Cour d'Appel d'Aix-En-Provence en date du 4 novembre 2021,
- dire et juger n'y avoir lieu à statuer sur l'incompétence au profit d'une juridiction de l'ordre judiciaire, non répressive,
- condamner l'Association ADAPEI VAR MEDITERRANNEE et SOCIALE venant aux droits de l'Association VAROISE DE READAPTATION SOCIALE aux entiers dépens d'appel, dont distraction au profit de Me Olivier A. sur son affirmation de droit.
Par conclusions du 21 février 2022, la BNP PARIBAS LEASE GROUP demande à la Cour, vu les articles 76 et 481 du Code de Procédure Civile, vu l'arrêt rendu le 4 novembre 2021 par la Cour d'Appel d'Aix-En-Provence, de :
- se déclarer incompétente pour connaître de nouveau de la question de l'abus de dépendance économique soulevée par l'appelant en raison de l'autorité de la chose jugée attachée à l'arrêt prononcé le 4 novembre 2021 ayant confirmé le jugement du Tribunal de Commerce de TOULON du 17 septembre 2018 notamment en ce qu'il a débouté l'association ADAPEI VAR MEDITERRANEE, venant aux droits de l'association VAROISE DE READAPTATION SOCIALE, de sa demande de « prononcer la nullité /résolution /résiliation des contrats litigieux pour abus manifeste de dépendance économique »,
- se déclarer dessaisie de l'affaire enrôlée sous le numéro RG 18/16345 en raison de l'autorité de la chose jugée attachée à l'arrêt prononcé le 4 novembre 2021,
- se déclarer incompétente pour soulever d'office une exception d'incompétence relative à l'application de l'article L. 420-2 du Code de Commerce dès lors que cette question ne relève ni de la compétence d'une juridiction répressive, ni administrative, pas plus qu'elle n'échappe à la connaissance de la juridiction française,
- condamner l'association ADAPEI VAR MEDITERRANNEE, venant aux droits de l'association VAROISE DE READAPTATION SOCIALE, aux dépens réservés lors de l'arrêt du 4 novembre 2021, avec faculté de recouvrement au profit de la SCP C. - G. - M. - D.-G., prise en la personne de Maître Maud D.- G., Avocat au barreau d'AIX EN PROVENCE, conformément aux dispositions de l'article 699 du Code de Procédure Civile.
Par conclusions du 1er mars 2022, l'association ADAPEI VAR MEDITERRANEE demande à la Cour de :
- Infirmer en toutes ses dispositions le jugement du 17 septembre à l'exception de ce qu'il a été jugé que les conditions générales des contrats de maintenance sont manifestement illisibles et à rejeter la facture de résiliation des contrats émise par la SASU ESPACE COPIEURS IMPRESSIONS pour lequel, sur ce point, le jugement attaqué devra être confirmé (sic) ;
Statuant à nouveau,
A titre liminaire,
- Se déclarer compétent pour statuer sur le moyen tiré de l'abus de dépendance économique ;
A l'égard de la société ECI :
A titre principal,
- Prononcer la nullité/résolution/résiliation des contrats pour manquement au devoir d'information et de conseil ;
A titre subsidiaire,
- Prononcer la nullité/résolution/résiliation des contrats, aux torts exclusifs de la société ECI pour non-respect des engagements contractuels caractérisé par le défaut de versement des participations commerciales ;
A titre très subsidiaire,
- Prononcer la nullité/résolution/résiliation des contrats litigieux pour abus manifeste de dépendance économique ;
A l'égard de la société BNPLG :
A titre principal,
- Constater le manquement au devoir de mise en garde ;
- Prononcer la nullité/résolution/résiliation/caducité des contrats litigieux ;
A titre subsidiaire,
- Constater l'octroi de financement avec une légèreté blâmable ;
- Prononcer la nullité/résolution/résiliation/caducité des contrats litigieux ;
A titre très subsidiaire,
- Constater l'interdépendance applicable aux contrats de locations financières pour avoir été signés concomitamment sinon successivement aux contrats de maintenance de la société ECI ;
- Déclarer non écrite toutes les clauses inconciliables avec cette interdépendance ;
- Prononcer la caducité des contrats de location financière litigieux ;
En tout état de cause,
- Débouter les sociétés BNPLG et ECI de toutes leurs conclusions, fins et prétentions contraires en ce compris tout appel incident ;
- Remettre les parties dans l'état dans lequel chacune d'elles se trouvait avant la signature des contrats litigieux ;
- Condamner in solidum les intimées à restituer l'ensemble des loyers indûment prélevés par les sociétés BNPLG à l'Association Varoise de Réadaptation Sociale à concurrence de 747 919,92 euros outre les intérêts au taux légal à compter de l'assignation ;
- Ordonner la capitalisation des intérêts ;
- Condamner in solidum les intimées à la somme de 20 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;
- condamner les intimées aux dépens.
La clôture a été prononcée par ordonnance du 9 mars 2022.
MOTIFS DE LA DECISION
A titre liminaire il échet de constater qu'alors que la Cour a statué sur l'ensemble des demandes des parties au titre de l'appel principal, de l'appel incident et de l'article 700 du code de procédure civile, à l'exception de la demande de résiliation des contrats pour abus de dépendance économique, sur laquelle il va être revenu, l'ADAPEI n'hésite pas à reprendre dans ses dernières conclusions du 1er mars 2022 l'ensemble de ses demandes antérieures, en rajoutant uniquement une demande à titre liminaire aux fins de voir la Cour se déclarer compétente pour statuer sur la question de l'abus de dépendance économique.
Tous ces points ayant déjà été définitivement tranchés dans l'arrêt du 4 novembre 2021, il n'y a pas lieu de statuer à nouveau dessus, ces demandes étant sans objet puisque la Cour est effectivement dessaisie sur ces points.
Ensuite les intimés demandent à la Cour de « se déclarer incompétente » ou « se déclarer dessaisie » en raison de l'autorité de la chose jugée attachée à l'arrêt du 4 novembre 2021, lequel a confirmé en toutes ces dispositions le jugement attaqué, à l'exception de deux points sur lesquels elle a de nouveau tranché. Ils en concluent que la Cour ayant confirmé le jugement, elle a vidé sa saisine et ne peut plus statuer sur la question de l'abus de dépendance économique.
Il est exact que le dispositif de l'arrêt mixte susvisé prête à interprétation. La Cour peut statuer sur l'interprétation de son propre arrêt à l'occasion de la réouverture des débats et du nouvel arrêt à intervenir.
Or il convient de rappeler que l'interprétation d'une décision doit se faire au regard de la décision prise dans son ensemble, au vu du dispositif mais aussi des motifs de ladite décision.
En l'espèce il apparaît clairement dans les motifs de la décision que la cour n'a pas statué sur la demande de résolution des contrats pour abus de dépendance économique telle que sollicitée par l'appelante puisque sur cette question elle a soulevé une fin de non-recevoir tirée de son défaut de pouvoir juridictionnel et demandé aux parties de conclure sur ce point.
Il est dès lors manifeste qu'à partir du moment où elle a soulevé un défaut de pouvoir juridictionnel et a sursis à statuer, elle ne peut ni s'être dessaisie de cette question, ni avoir confirmé le jugement dont appel sur ce point.
Dès lors la Cour est bien toujours saisie de cette demande de résolution des contrats pour abus de dépendance économique.
De même la Cour a réservé les dépens, de telle sorte que le jugement n'est pas confirmé sur ce point et que cette question, sur laquelle les intimées demandent d'ailleurs de statuer, est toujours en suspend.
Par ailleurs il échet de constater que si de manière impropre la Cour a dans le dispositif de son arrêt mixte enjoint aux parties de conclure sur « l'incompétence juridictionnelle de la cour » pour statuer sur la demande de résiliation des contrats pour abus de dépendance économique, les motifs de cet arrêt qui éclairent la décision, laquelle doit être lue dans son ensemble, expliquent clairement que la Cour a soulevé non pas une exception d'incompétence mais une fin de non-recevoir tirée du défaut de pouvoir juridictionnel de la cour pour statuer sur une telle demande.
S'agissant d'une fin de non-recevoir, elle est régie par les articles 122 et suivants du code de procédure civile.
Dès lors les développements des parties relatifs au fait que la Cour ne pouvait soulever d'office une exception d'incompétence au profit d'une autre juridiction au visa des articles 76 et suivants du code de procédure civile sont parfaitement inopérants.
L'association soutient avoir fait l'objet d'un abus de dépendance économique qui justifierait la résiliation des contrats.
Cette demande est fondée sur l'article L. 420-2 alinéa 2 du code de commerce dans sa version applicable lors de la conclusions des contrats (loi 2005-882 du 2 août 2005) qui dispose :
« Est en outre prohibée, dès lors qu'elle est susceptible d'affecter le fonctionnement ou la structure de la concurrence, l'exploitation abusive par une entreprise ou un groupe d'entreprises de l'état de dépendance économique dans lequel se trouve à son égard une entreprise cliente ou fournisseur. Ces abus peuvent notamment consister en refus de vente, en ventes liées, en pratiques discriminatoires visées au I de l'article L. 442-6 ou en accords de gamme ».
Cependant l'article L. 420-7 du même code prévoit que les litiges relatifs à l'application des règles contenues dans les articles L. 420-1 à L. 420-5 et ceux dans lesquels ces dispositions sont invoquées sont attribués aux juridictions civiles ou commerciales dont le siège et le ressort sont fixés par décret en Conseil d'Etat. Ce décret détermine également le siège et le ressort de la ou des cours d'appel appelées à connaître des décisions rendues par ces juridictions.
Il ressort des articles R. 420-3 à R. 420-5 du code de commerce que pour l'application de l'article L. 420-7, le siège et le ressort des juridictions commerciales compétentes en métropole et dans les départements d'outre-mer sont fixés conformément au tableau de l'annexe 4-2 du présent livre, et que la cour d'appel compétente pour connaître des décisions rendues par ces juridictions est celle de Paris. Il en résulte que le Tribunal de Grande Instance de Marseille était compétent en première instance pour statuer sur cette demande, et que l'appel ressort de la compétence exclusive de la Cour d'Appel de Paris.
La cour de céans est donc dépourvue du pouvoir juridictionnel pour statuer sur cette demande, de même que l'était le Tribunal de Commerce de Toulon.
S'agissant d'une fin de non-recevoir, elle est sanctionnée par l'irrecevabilité de la demande.
En conséquence il convient de déclarer irrecevable la demande de résolution des contrats pour abus de dépendance économique présentée par l'ADAPEI. Le jugement est infirmé sur ce point.
Enfin la Cour a réservé les dépens de l'instance, de telle sorte qu'il convient de statuer dans le présent arrêt.
L'ADAPEI du Var ayant succombé en ses demandes, elle est condamnée aux dépens de première instance et d'appel, le jugement étant confirmé sur ce point.
PAR CES MOTIFS
La cour, statuant publiquement, contradictoirement, par arrêt mixte
Vu le jugement du Tribunal de Commerce de Toulon du 17 septembre 2018,
Vu l'arrêt mixte du 4 novembre 2021,
Vu les conclusions des parties,
Infirme le jugement du Tribunal de Commerce de Toulon du 17 septembre 2018 en ce qu'il a débouté l'association ADAPEI VAR MEDITERRANNE de sa demande de résolution des contrats pour abus de dépendance économique ;
Déclare irrecevable la demande de résolution des contrats pour abus de dépendance économique présentée par l'ADAPEI pour défaut de pouvoir juridictionnel de la Cour ;
Confirme le jugement du Tribunal de Commerce de Toulon en ce qu'il a condamné l'association ADAPEI VAR MEDITERRANNE aux dépens ;
Y ajoutant
Condamne l'association ADAPEI VAR MEDITERRANNE venant aux droits de l'AVRS aux dépens d'appel.