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Décisions

Cass. com., 13 octobre 2021, n° 19-20.959

COUR DE CASSATION

Arrêt

Rejet

PARTIES

Demandeur :

Compagnie Méditerranéenne des cafés (SA)

Défendeur :

Cafés Richard (SA), Technopool (SARL), Facotec (SARL), Ets Unic (SA)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Mouillard

Rapporteur :

M. Mollard

Avocat général :

Mme Gueguen

Avocats :

SCP Hémery, Thomas-Raquin et Le Guerer, SCP Piwnica et Molinié

Paris, pôle 5, ch. 2, du 17 mai 2019

17 mai 2019

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Paris, 17 mai 2019), exerçant sous les noms commerciaux « Cafés Malongo » et « Malongo » une activité, notamment, de vente de machines à café à usage professionnel ou privé, la société Compagnie méditerranéenne des cafés (la société Malongo) est titulaire de la marque verbale française « XPOD », déposée le 28 février 2005 sous le numéro 3 343 632 pour désigner, en classes 7, 11 et 21, des produits relevant du domaine des machines à café.

2. Elle était également titulaire du brevet européen désignant la France, déposé le 13 décembre 1994 sous le n° EP 0 735 837 B1 et publié sous le titre « Machine automatique pour la préparation d'infusions de boissons chaudes » (le brevet EP 837), la protection conférée par ce brevet étant expirée le 13 décembre 2014.

3. La société Technopool est titulaire des marques semi-figuratives française, communautaire et internationale « Z POD », déposées en 2014 pour ses produits en classes 7, 11, 21 et 30.

4. La société Ets Unic fabrique des machines à café nommées « Pony », dont le groupe d'infusion lui est fourni par la société Facotec, filiale de la société Technopool. Elle les vend aux professionnels de la restauration, parmi lesquels la société Cafés Richard, qui les met à la disposition de ses clients.

5. Considérant que la machine à café « Pony » contrefaisait certaines des caractéristiques revendiquées dans le brevet EP 837, et ayant appris que la société Facotec s'apprêtait à commercialiser une machine à café sous les marques « Z POD », la société Malongo a, le 9 décembre 2014, assigné les sociétés Technopool, Facotec, Ets Unic et Cafés Richard, notamment, en contrefaçon du brevet EP 837, concurrence déloyale, contrefaçon de la marque « XPOD » et annulation des marques « Z POD ».

Examen des moyens

Sur le premier moyen

Enoncé du moyen

6. La société Malongo fait grief à l'arrêt de déclarer irrecevable sa demande tendant à l'infirmation du jugement entrepris en ce qu'il l'avait déboutée de sa demande en contrefaçon du brevet EP 837, alors « que la dévolution s'opère pour le tout lorsque l'appel n'est pas limité à certains chefs ; que la portée de l'appel est déterminée au regard des dernières conclusions ; qu'en retenant, pour dire irrecevable la prétention de la société Malongo tendant à l'infirmation du jugement en ce qu'il l'avait déboutée de sa demande en contrefaçon du brevet EP 837, qu'elle n'avait pas critiqué ce chef du jugement dans ses premières conclusions, limitant son appel aux chefs du jugement statuant sur le fondement de la concurrence déloyale et du droit des marques, et qu'elle devait donc être réputée y avoir acquiescé, quand la déclaration d'appel de la société Malongo ne contenait aucune limitation et qu'elle avait sollicité, dans des dernières écritures, la réformation du jugement sur ce point, la cour d'appel a violé l'article 562, alinéa 2, du code de procédure civile, dans sa rédaction antérieure au décret n° 2017-891 du 6 mai 2017 relatif aux exceptions d'incompétence et à l'appel en matière civile, applicable en la cause, ensemble l'article 954, alinéa 4, du même code. »

Réponse de la Cour

7. Dès lors que, selon l'article 954, alinéas 1 et 2, du code de procédure civile, dans les procédures avec représentation obligatoire, les conclusions d'appel doivent formuler expressément les prétentions des parties, que les prétentions sont récapitulées sous forme de dispositif et que la cour d'appel ne statue que sur les prétentions énoncées au dispositif, le fait pour un appelant de se borner à conclure à l'infirmation du jugement ne saisit pas la cour d'appel d'une prétention sur les demandes tranchées dans ce jugement.

8. Dans le dispositif de ses conclusions récapitulatives d'appel, la société Malongo se bornait à demander l'infirmation du jugement entrepris en ce qu'il l'avait déboutée de sa demande en contrefaçon de son brevet EP 837, sans réclamer la condamnation des sociétés Technopool, Facotec, Ets Unic et Cafés Richard pour contrefaçon de ce brevet. La cour d'appel, qui n'était donc saisie d'aucune demande de ce chef, n'avait pas à statuer.

9. En conséquence, le moyen est inopérant.

Et sur le second moyen

Enoncé du moyen

10. La société Malongo fait grief à l'arrêt attaqué de la débouter de sa demande en contrefaçon de la marque « XPOD », alors :

« 1°) que la demande d'enregistrement à titre de marque d'un signe similaire à une marque protégée, pour désigner des produits ou services identiques ou similaires, constitue un usage du signe dans la vie des affaires et caractérise un acte de contrefaçon dès lors qu'il existe un risque de confusion entre les signes en présence ; qu'ayant constaté l'existence d'un risque de confusion entre les marques "XPOD" et "Z POD", justifiant l'annulation de la seconde, la cour d'appel, qui a néanmoins retenu, pour écarter tout acte de contrefaçon, que la seule demande d'enregistrement n'était pas constitutive d'un acte de contrefaçon en l'absence d'usage dans la vie des affaires, a violé l'article L. 713-3 du code de la propriété intellectuelle ;

2°) que l'annulation de l'enregistrement d'une marque contrefaisante ne fait pas disparaître la contrefaçon résultant de la demande d'enregistrement ; qu'en décidant du contraire, la cour d'appel a violé l'article L. 713-3 du code de la propriété intellectuelle. »

Réponse de la Cour

11. La Cour de cassation a précédemment interprété les articles L. 713-2, L. 713-3 et L. 716-1 du code de la propriété intellectuelle, dans leur rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance n° 2019-1169 du 13 novembre 2019, en ce sens que le dépôt à titre de marque d'un signe contrefaisant constitue à lui seul un acte de contrefaçon, indépendamment de son exploitation (Com., 26 novembre 2003, pourvoi n° 01-11.784 ; Com., 10 juillet 2007, pourvoi n° 05-18.571, Bull. 2007, IV, n° 189 ; Com., 21 février 2012, pourvoi n° 11-11.752 ; Com., 24 mai 2016, pourvoi n° 14-17.533).

12. Il y a toutefois lieu de reconsidérer cette interprétation à la lumière de la jurisprudence de la Cour de justice de l'Union européenne (CJUE).

13. Cette Cour juge en effet que le titulaire d'une marque enregistrée ne peut interdire l'usage par un tiers d'un signe similaire à sa marque que si cet usage a lieu dans la vie des affaires, est fait sans le consentement du titulaire de la marque, est fait pour des produits ou des services identiques ou similaires à ceux pour lesquels la marque a été enregistrée et, en raison de l'existence d'un risque de confusion dans l'esprit du public, porte atteinte ou est susceptible de porter atteinte à la fonction essentielle de la marque qui est de garantir aux consommateurs la provenance du produit ou du service (CJUE, arrêt du 3 mars 2016, Daimler, C-179/15, points 26 et 27 et jurisprudence citée).

14. Or, la demande d'enregistrement d'un signe en tant que marque, même lorsqu'elle est accueillie, ne caractérise pas un usage pour des produits ou des services, au sens de la jurisprudence de la CJUE, en l'absence de tout début de commercialisation de produits ou services sous le signe. De même, en pareil cas, aucun risque de confusion dans l'esprit du public et, par conséquent, aucune atteinte à la fonction essentielle d'indication d'origine de la marque, ne sont susceptibles de se produire.

15. Dès lors, la demande d'enregistrement d'un signe en tant que marque ne constitue pas un acte de contrefaçon.

16. Le moyen, qui postule le contraire, n'est pas fondé.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

REJETTE le pourvoi.