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Décisions

Cass. com., 13 avril 2022, n° 20-22.389

COUR DE CASSATION

Arrêt

Cassation

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Rémery

Avocats :

SCP Thouvenin, Coudray et Grévy, SARL Cabinet Rousseau et Tapie

Besançon, du 8 sept. 2020

8 septembre 2020

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Besançon, 8 septembre 2020), le 26 février 2014, l' EARL Tourneret a consenti à la société coopérative agricole Interval (la société Interval) un warrant agricole et une cession de créance.

2. L' EARL Tourneret, mise en redressement judiciaire le 12 août 2014, a bénéficié d'un plan de redressement arrêté par un jugement du 8 mars 2016.

3. La société AJRS, désignée en qualité de commissaire à l'exécution de ce plan, ayant assigné la société Interval en nullité du warrant agricole et de la cession de créance, au motif qu'ils avaient été consentis après la cessation des paiements de l'EARL Tourneret, un jugement du 5 mars 2019 a fait droit à cette demande et condamné la société Interval au paiement des sommes de 82 322 et 40 000 euros.

4. En exécution de ce jugement, le commissaire à l'exécution du plan a fait signifier à la société Interval un commandement aux fins de saisie-vente le 3 juin 2019. La société Interval l'a contesté devant le juge de l'exécution en demandant la compensation entre les condamnations prononcées et sa créance connexe, admise au passif de la procédure collective pour la somme de 249 901,50 euros.

Examen des moyens

Sur le premier et le deuxième moyens, ci-après annexés

5. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ces moyens qui ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation.

Mais sur le troisième moyen

Enoncé du moyen

6. Le commissaire à l'exécution du plan fait grief à l'arrêt de constater la connexité des créances et d'admettre leur compensation, alors « que pour être connexes, les créances doivent dériver d'un même contrat ou d'un ensemble contractuel unique servant de cadre général aux relations entre les parties ; qu'il ressort des constatations de l'arrêt attaqué que la créance de la coopérative agricole Interval provenait de la livraison de semences, intrants et engrais tandis que celle de l'EARL Tourneret résultait du jugement du 5 mars 2019 et constituait donc, ainsi que le faisait valoir l'exposante, une créance indemnitaire née d'une action en nullité de la période suspecte et non pas une créance contractuelle, nonobstant la circonstance que cette créance indemnitaire avait pour origine l'annulation d'un warrant agricole et d'une cession de créance, qui ne pouvait suffire à caractériser la connexité exigée par la loi ; qu'en retenant néanmoins que la créance issue du jugement de condamnation était tout aussi indissociable de la relation d'affaire des deux parties que celle détenue par la coopérative agricole Interval pour la seule raison qu'elle résultait de l'annulation d'un warrant agricole et d'une cession de créance, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L 622-7 du code de commerce. »

Réponse de la Cour

Vu les articles 1347 du code civil, L 622-7, L 631-14, alinéa 1, L 632, I et L 626-25 du code de commerce :

7. Il résulte de la combinaison du quatrième et du cinquième de ces textes que les sommes recouvrées au titre de la restitution par le créancier des sommes qu'il a reçues au titre d'opérations annulées à la demande du commissaire à l'exécution du plan agissant dans l'intérêt collectif des créanciers en vue de reconstituer l'actif du débiteur, entrent dans le patrimoine de ce dernier et sont destinées à être réparties entre tous les créanciers. Toute compensation en vertu de l'existence d'un lien de connexité est donc exclue entre la dette de restitution consécutive à l'annulation d'une opération contractée après la date de cessation des paiements et une créance admise au passif du débiteur.

8. Pour dire que les condamnations prononcées par le jugement du 5 mars 2019 contre la société Interval au titre de l'annulation d'un warrant agricole et d'une cession de créance se compenseront avec la créance de cette coopérative au titre de ses livraisons, l'arrêt retient que la connexité entre les créances à compenser résulte de ce qu'elles procèdent, l'une comme l'autre, des liens d'affaires étroits qui unissaient les parties dans le cadre d'un ensemble contractuel prévoyant que l'EARL Tourneret écoulait sa production auprès de la seule coopérative qui, inversement lui fournissait les marchandises nécessaires à cette production, un compte-courant accueillant les flux réciproques générés par ces opérations.

9. En statuant ainsi, la cour d'appel a violé les textes susvisés.

Portée et conséquences de la cassation

10. Après avis donné aux parties, conformément à l'article 1015 du code de procédure civile, il est fait application des articles L 411-3, alinéa 2, du code de l'organisation judiciaire et 627 du code de procédure civile.

11. L'intérêt d'une bonne administration de la justice justifie, en effet, que la Cour de cassation statue au fond.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

CASSE ET ANNULE, sauf en ce qu'il rejette l'exception d'incompétence du juge de l'exécution et la fin de non-recevoir tirée de l'autorité de la chose jugée et du principe de concentration des moyens soulevées par la société AJRS, en sa qualité de commissaire à l'exécution du plan de l'EARL Tourneret, l'arrêt rendu le 8 septembre 2020, entre les parties, par la cour d'appel de Besançon ;

DIT n'y avoir lieu à renvoi ;

REJETTE les demandes de compensation et de mainlevée du commandement aux fins de saisie-vente signifié le 3 juin 2019 formées par la société coopérative agricole Interval ;

Condamne la société coopérative agricole Interval aux dépens, en ce compris ceux exposés devant le juge de l'exécution et la cour d'appel de Besançon ;

En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par la société coopérative agricole Interval et la condamne à payer à la société AJRS, ès qualités, la somme de 3 000 euros ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du treize avril deux mille vingt-deux.