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Décisions

CA Lyon, 1re ch. civ. A, 19 mai 2022, n° 21/07666

LYON

Arrêt

PARTIES

Demandeur :

Itrema Temporaire (SAS)

Défendeur :

Carrel Formation Continue (Sasu)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Wyon

Conseillers :

Mme Clement, Mme Isola

Avocats :

Selarl Link Associes, Selarl Bk Avocats

CA Lyon, du 5 oct. 2021

5 octobre 2021

La société Itrema temporaire (la société Itrema), société de travail temporaire, est amenée à faire suivre aux salariés qu'elle embauche des sessions de formation, leur financement étant assuré par des organismes paritaires, en l'espèce le Fonds d'assurance formation du travail temporaire (le FAFTT).  

Le 1er septembre 2013, la société Itrema a conclu une convention de partenariat de formation avec la société Carrel formation continue (la société Carrel), organisme formateur spécialisé, pour un programme pédagogique défini.  

La formation a été dispensée par la société Carrel durant les années 2013-2014, 2014-2015 et 2015-2016.  

A la suite d'un contrôle de la Direccte auprès de la société Carrel concernant l'année 2013-2014, cette dernière n'a pu justifier la réalisation que d'une partie des heures du programme de formation.  

La société Carrel a remboursé à la société Itrema la somme de 37 380 euros, au titre des heures facturées non justifiées.  

Le FAFTT, informé par la Direccte des conclusions du contrôle, a demandé à la société Itrema le remboursement des heures de formation payées et non exécutées soit 80 100 euros.  

Le 17 juin 2016, la société Itrema et la société Carrel ont signé un avenant modifiant le volume et le taux horaire pour la saison 2015-2016.  

Le 5 juin 2019, le tribunal de commerce de Lyon, saisi par la société Itrema, a rendu la décision suivante :  

« Déboute la société Itrema temporaire de sa demande de se voir rembourser par la société Carrel formation continue la somme de 80 100€ au titre de l'année 2013 - 2014 pour les heures de formation considérées comme non réalisées tel qu'iI en résulte du rapport de la DIRRECTE,  

Déboute la société Itrema temporaire de sa demande de nullité de l'avenant n°2 de la convention signée entre les parties le 17 Juin 2016,  

Déboute la société Itrema temporaire de sa demande de se voir rembourser par la société Carrel formation continue la somme de 9 029,67 € au titre de trop versé pour la période de formation 2015/2016.  

Déboute la société Itrema temporaire de sa demande de dommages et intérêts d'un montant de 3 000 € au titre de sa désorganisation.  

Déboute la société Itrema temporaire de sa demande de dommages et intérêts liée à l'immobilisation de 44 990 € au titre du retard de paiement des autres formations.  

Déboute la société Itrema temporaire de sa demande de dommages et intérêts d'un montant de 5 000 € au titre du préjudice d'image.  

Condamne la société Itrema temporaire à payer à la société Carrel formation continue la somme de 37 868,64 € TTC.  

Rejette la demande de la société Carrel formation continue de voir condamner la société Itrema temporaire à lui payer la somme de 10 000 € au titre du préjudice d'image.  

Rejette la demande de la société Carrel formation continue de dommages et intérêts due à la perte de marge brute au titre des formations RH non exécutées par la société Carrel formation continue.  

Dit les parties mal fondées quant au surplus de leurs demandes, fins et conclusions et les en déboute respectivement.  

Condamne la société Itrema temporaire à payer la somme de 2 000 € à la société Carrel formation continue au titre de l'article 700 du Code de procédure civile.  

Condamne la société Itrema temporaire aux dépens de l'instance.  

Ordonne l'exécution provisoire du jugement ».  

La société Itrema a relevé appel de ce jugement le 24 juillet 2019.  

Par ordonnance du 5 octobre 2021, le conseiller de la mise en état, statuant sur un moyen relevé d'office qui avait été soumis à la discussion des parties, a déclaré irrecevable l'appel formé par la société Itrema, en considérant que le litige relevait de la compétence de la cour d'appel de Paris pour faire application des dispositions de l'article L. 420-2 du code de commerce.  

La société Itrema a déféré cette décision à la cour le 18 octobre 2021.  

Aux termes de sa requête en déféré, elle demande, en substance, à la cour d'infirmer l'ordonnance du conseiller de la mise en état et de déclarer son appel recevable.  

Elle fait essentiellement valoir qu'elle se fonde exclusivement sur les dispositions du code civil pour solliciter l'annulation de l'avenant en raison d'un vice du consentement et ne demande pas le prononcé de sanctions afférentes à des pratiques anticoncurrentielles.  

Aux termes de ses conclusions déposées le 2 mars 2022, la société Carrel demande, en substance, à la cour de confirmer l'ordonnance déférée et de condamner la société Itrema à lui payer la somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux dépens.  

Elle fait principalement valoir qu'à la lecture de l'assignation délivrée par la société Itrema, il ne fait aucun doute qu'elle a tenté de démontrer un abus de dépendance économique pour solliciter la nullité de l'avenant n° 2 conclu entre les parties.  

Il convient de se référer aux écritures des parties pour plus ample exposé de leurs prétentions et moyens.  

MOTIFS DE LA DECISION  

Il ressort des dispositions des articles L. 420-2, L. 420-7 et R. 420-5 du code de commerce, dans leur rédaction applicable au litige, que relèvent de la compétence de la cour d'appel de Paris les litiges relatifs aux pratiques anticoncurrentielles.  

Dans la présente affaire, la société Itrema, demanderesse puis appelante, sollicite des juridictions, au visa des articles 1109, 1112, 1134 et 1147 du code civil, l'annulation de l'avenant du 17 juin 2016 pour vice du consentement, la restitution d'un trop versé et le paiement de dommages-intérêts en réparation des préjudices qu'elle allègue avoir subis.  

Il ressort de ses écritures que le vice du consentement invoqué résulte de la violence dont elle aurait fait l'objet de la part de son cocontractant.  

La demande en nullité d'un acte pour vice du consentement, fût-il constitué d'une violence économique, ne se confond pas avec une action relative à des pratiques anticoncurrentielles et la violence économique alléguée ne saurait en elle-même faire entrer le litige dans le champ d'application de l'article L. 420-2 du code de commerce.  

Par ailleurs, le fait que la société intimée se réfère à cet article pour définir la dépendance économique ne peut pas plus modifier l'objet du litige, qui consiste en une action en nullité pour vice du consentement ainsi que cela ressort du dispositif des écritures de l'appelante, l'intimée sollicitant le rejet de cette demande de nullité.  

L'examen des demandes des parties n'implique nullement la mise en oeuvre des dispositions spécifiques relatives aux pratiques anticoncurrentielles, la société Carrel s'étant bornée à citer l'article L. 420-2 du code de commerce pour opérer une comparaison entre la violence pour état de dépendance économique et le droit de la concurrence.  

Il résulte de ce qui précède que la cour d'appel de Lyon est compétente pour statuer sur l'appel formé par la société Itrema à l'encontre du jugement rendu par le tribunal de commerce de Lyon, de sorte qu'en l'absence de toute fin de non-recevoir tirée des articles L. 420-2, L. 420-7 et R. 420-5 du code de commerce, son appel est recevable et l'ordonnance du conseiller de la mise en état sera en conséquence modifiée en ce sens.  

La demande de la société Carrel au titre de l'article 700 du code de procédure civile sera rejetée.  

PAR CES MOTIFS :  

La cour, statuant publiquement, contradictoirement et en dernier ressort,  

Reçoit la requête en déféré de la société Itrema temporaire ;  

Y faisant droit,  

Modifie l'ordonnance du conseiller de la mise en état du 5 octobre 2021 et déclare recevable l'appel formé le 24 juillet 2019 par la société Itrema temporaire à l'encontre du jugement du tribunal de commerce de Lyon du 5 juin 2019 ;  

Rejette la demande de la société Carrel formation continue au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;  

Condamne la société Carrel formation continue aux dépens de l'incident.